Du vide est sortie la Voix qui sest faite Verbe en se coupant. Lêtre serait ainsi entré dans le monde relatif, celui des relations. Dans ce tourbillon nous pouvons isoler certaines zones que la tradition indienne appelle chakras et la Kabbale " sephiroths ". La voix et le corps forment un seul tissu. Tissé dun seul fil !
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Laxe vertical
On a fait de la station verticale un des signes cardinaux de lhominisation. Il nest pas surprenant que cet axe prenne une valeur particulière, plaçant vers le haut les représentations les plus humanisées et abstraites, vers le bas les données les plus charnelles et concrètes. A cela nous invite, indépendamment de notre culture, le réel lui-même qui place notre tête, siège nodal de la pensée, au sommet de lédifice corporel, alors que les organes dexcrétion, procréation, nutrition sont distribués au-dessous.
Cette valence de laxe vertical concerne aussi le monde inanimé qui, encore aujourdhui place le vent, le soleil et les astres au-dessus de la terre et des sources. La biologie apporte également son concours à cette connivence symbolique : le petit dhomme vit sens dessus dessous dans la caverne utérine pour découvrir à sa naissance, à la fois, lair, la lumière puis, au cours des mois, le " bon sens " de la station debout.
Ainsi se fonde un symbolisme universel de la verticalité qui, pour constituer son archétype, ne nécessite aucune hypothèse autre que les constatations précédentes.
L'espace, dans lequel évolue le sujet par son regard et ses gestes, semble universellement structuré en forme de corps humain : avec un haut et un bas, une droite et une gauche, un avant et un arrière, dont les significations, rejoignent celles quon attribue à la tête et aux pieds, aux côtés droit et gauche, etc.
Les yogis tout spécialement, mais, de manière plus rustique, la plupart des traditions spirituelles et mystiques, se sont référés à laxe vertical et lont complexifié : ils ne se bornent pas à une grossière opposition du haut et du bas ; ils ajoutent un étage moyen puis dautres échelons. Le nombre de niveaux est souvent de 3, 5 ou 7.
Plusieurs auteurs se sont posé la question dune correspondance entre ces niveaux considérés selon différents champs détude :
Lapproche psychométrique projective et réfractive (tests de larbre, du village, AT9, graphologie, etc.) utilise depuis des décennies un " symbolisme de lespace " qui attribue une signification psychologique à ce qui est dessiné, écrit ou placé en haut, au milieu ou en bas de la feuille de papier ou même dune seule lettre comme le f minuscule.
Dans le rêve éveillé " lidée de mouvement provoque une association dimages qui se fait spontanément avec la constance dune loi :
La Kabbale hébraïque nous offre dans les dix sephiroths - dont certains disposés par paire sur un même niveau - sept étages allant de la tête aux pieds.
La mystique chrétienne d'Orient (St Jean Climaque) ou d'Occident (Ste Thérèse d'Avila) décrit également des échelles, des degrés, des demeures.
Le Yoga décrit des roues dénergie, les Chakras. Ces " roues " sont représentées par des " lotus ", reliés entre eux par des canaux " subtils " dénergie.
Nous assimilons ces centres à la " tranche de corps " respective qu'ils régissent. Ils constituent un système hiérarchisé complexe en rapport avec les stades supposés de l'évolution spirituelle et pulsionnelle. Ils intègrent une topologie anatomique dans laquelle le haut est valorisé par rapport au bas (qui lui est plus ou moins subordonné d'une façon tout à fait comparable aux modèles de Jackson, Janet, Ey, etc. ) et un point de vue ontogénétique pour lequel le début est en bas et l'objectif final en haut.
Un tel système dépasse largement l'anatomie, la physiologie et la psychologie, même s'il intègre ces disciplines. Il se réfère en effet, à une conception globalisante dans laquelle les frontières entre physique et métaphysique s'évanouissent. Ce point de vue permet alors de nouvelles distinctions, ésotériques pour notre culture : l'opposition simple entre l'âme et le corps cède le pas à l'articulation de multiples entités de statut ontologique intermédiaire.
I ) Le Sahasrara
Il concerne lUnité Transcendante, l'Absolu et n'a pas de traduction phénoménale immédiate, de ce fait, je n'en dirai rien, sinon qu'on le symbolisme par un lotus à mille pétales situé au-dessus du sommet du crâne.
I I ) Le Muladhara
Il signifie " racine " et se situe à la base du corps et porte l'énergie fondamentale "kundalini" dont on peut rapprocher, sans les identifier, la Libido.
C'est là (et dans le chakra suivant) que se situeraient les centres exécutifs de l'évacuation urinaire, anale et séminale.
Le matérialisme, l'enracinement, la suggestibilité, les élans fusionnels, le besoin de sécurité, l'attachement aux lieux, à l'habitat sont des traits de personnalité bien reliés à ce centre "de base".
La Kabbale l'appelle "Malkouth", le Royaume. Au niveau psychanalytique, il s'agit des premières relations du nourrisson à sa mère qu'il reconnaît à l'odeur. Il se fait porter, manipuler, soigner par elle (" Holding " et " Nursing ").
III ) Le Swadisthana
Cest là ou se situe notre centre de gravité (" hara " des japonais). Il se situe un peu plus haut que le précédent et correspond aux pulsions orales, à l'envie de mordre et la peur d'être englouti, à la soif physique et spirituelle. Par extension, il est lié à toutes sortes davidités orientées vers un objet externe (alimentation, copulation), à l'hyperactivité non canalisée, à la pure spontanéité, etc...
La Kabbale l'appelle " Iesod ": le " fondement ". Pour Thérèse d'Avila (1577) la deuxième demeure comporte le risque de lhédonisme....
L'organe d'action est la main, avec le goût comme voie perceptive.
I V ) Le Manipura
Cette " maison de lorgueil " est vouée à la jalousie, la bouderie, la susceptibilité, le culte des apparences, laffirmation de soi... Ce centre gère la région du " plexus solaire ". C'est la zone métabolique par excellence avec la régulation de l'absorption (estomac, foie, pancréas) et de lutilisation finale des aliments (pancréas endocrine, foie) ...
Au point de vue psychologique il s'agit de la manifestation de soi par rapport à l'environnement intégré comme tel : affirmer sa propriété, produire, se produire, se donner en spectacle... C'est la conquête, la domination, l'affirmation compétitive, la colère, la peur, la stupéfaction ou l'orgueil.. Le voyeurisme ou lexhibitionnisme... (pulsions anales et scopiques).
Pour la Kabbale, il y a ici deux sephiroths : Hod (" honneur ") et Nizah (" victoire "). La troisième demeure du château intérieur de Thérèse dAvila, comporte la tentation de se faire admirer, de mal supporter le mépris d'autrui, d'être susceptible.
V ) L ' A n a h a t a
Cest le centre de la synthèse du haut et du bas, " non frappé, non battu, non conflictuel ", le lieu du frottement, du contact. Il est au niveau du thorax, des vertèbres dorsales et commande au coeur, aux poumons et au Thymus. Il joue un rôle privilégié dans la lutte, aussi bien vis à vis des animaux que des microbes. Sur le plan affectif, nous trouvons l'espérance, l'anxiété, le remords, l'excitation, le courage, le tact, ...
Pour la Kabbale nous trouvons ici la " Beauté " (Tipheroth). La quatrième demeure de Thérèse d'Avila permet de découvrir " la différence qu'il y a entre l'entendement et l'imagination " (découverte du Symbolique). L'organe de perception est le toucher, l'action étant dévolue au phallus, quel que soit le sexe : nouvel exemple de la prodigieuse sagacité des yogis, capables d'entrevoir ainsi ce qui deviendra avec S. Freud le " stade phallique " et la " castration symbolique ". Lieu d'affirmation de soi, de l'identité propre du moi, structuration dipienne, etc.
V I ) Le Vishudda
Ce terme signifie " tout blanc ", très pur, disculpé, acquitté, justifié, achevé, bien déterminé, " ceci et pas cela " ! Le centre dénergie se rapporte au cou, à la partie inférieure du visage et descend jusqu'aux épaules. On trouve là, la thyroïde et les parathyroïdes, aptes à régler la température du corps, à activer ou atténuer l'ensemble des combustions, à moduler les quantités de calcium circulant, etc...
Il est lié à l'affection, la tristesse, le respect, la dévotion, le contentement, la résignation, les mutations (métanoïa), les choix dans le style de vie, le rapport à l'existence, etc.
La Kabbale décrit ici deux sephiroths : Pechad (la " crainte ") et Chesed (la " miséricorde "). L'aspect de métanoïa est souligné dans le "Château Intérieur" (Thérèse, 1577) par la métaphore du ver à soie " laid et difforme qui est appelé à mourir pour se convertir en papillon blanc et très agréable "
L'organe de perception est l'ouïe, l'organe d'action le larynx et tout ce qui contribue à la phonation...
V I I ) L ' Ajna
Ce mot signifie " entendre dire, ordonner, exprimer lautorité ". Localisé dans la région du " troisième il ", il est en rapport avec l'encéphale, les sinus, le nez, le crâne et l'hypophyse. Il est le lieu de la relation au guru, et à toutes formes d'autorité. Il réunit les instances interdictrices et d'idéalisation (Surmoi, idéal du moi).
Pour les Kabbalistes nous trouvons ici l'intelligence (Binah) et la sagesse (Chochmah). Thérèse (1577) y va d'images jupitériennes où " Dieu appelle comme par un coup de tonnerre " usant de paroles qui " portent avec elles un pouvoir et une autorité à quoi rien ne résiste ". Les organes de perception et d'action seraient d'ordre parapsychologique (télépathie, influence).
Tableau 1
chakras |
sanskrit (Tantrisme) |
sephiroths (Kabbale) |
pulsion (Freud) |
topique |
II |
Muladhara |
Malkouth |
fusionnelle |
lautomate |
III |
Swadisthana |
Iesod |
orale |
ça |
IV |
Manipura |
Hod / Nizah |
anale / scopique |
persona |
V |
Anahata |
Tipheroth |
phallique |
moi |
VI |
Vishuda |
Pechad / Chesed |
invocante |
ombre |
VII |
Ajna |
Binah / Chochmah |
épistémique |
surmoi |
I |
Sahasrara |
Kether |
mystique |
soi |
Depuis la Gitalamkara jusqu'à nos jours, bien des auteurs ont tenté de mettre en relation les sons entendus et les étages dont nous venons de parler ! Il savère que pour chacun dentre eux, les sons aigus auraient un lien avec le haut et les graves avec le bas ! Le haut et le bas se réfèrent ici, aussi bien à lespace environnant, vécu symboliquement, quau corps et à sa représentation. Ces correspondances affirmées par Marie Louise Aucher et Alfred Tomatis ont trouvé quelques confirmations statistiques.
Dautres auteurs ont été conduits à se demander si le même symbolisme pourrait toucher lexpression sonore, cest à dire la voix ! Nous allons tenter de faire le point à ce sujet !
Il y a, au moins, trois composantes dans la voix :
La voix permettra alors, pour le sujet qui sy entend, dutiliser des mots établis par contrat entre les êtres parlant pour dépasser le simple affrontement des images et accéder à un univers symbolique. Elle permettra aussi lharmonieuse expression des émotions collectives qui font chanter les fêtes, sonner la charge et pleurer les morts.
La Voix
La recherche expérimentale (Scoto Di Carlo) montre que
Il faut cependant ajouter que laffirmation nest pas réversible : le registre dit plus que lhumeur du protagoniste ! Les aigus sont plus jeunes et plus féminins que les graves : ils parlent de petitesse, de faiblesse, damoindrissement ; mais ils sont aussi plus directionnels et par là plus informationnels. Lagresseur marque sa présence intrusive et le fuyard son besoin précis de secours par des jappements et des cris perçants !
Ceci aura une incidence sur la reconnaissance auditive des émotions dans les registres extrêmes du chant lyrique ou dans le jeu vocal de lacteur.
La hauteur du cri
" Correspondant à la tête et à la gorge, le premier niveau est celui du souffle créateur (...) Cest un vide, une attente, une pure potentialité de souffle.(...) De ce vide central jaillit le son primordial (symbolisé comme un coup de tonnerre,(...) imité par le grondement du rhombe). "
La Menace du dominant (II, III, VII)
La plupart des vivants (oiseaux, mammifères) échangent, non seulement entre congénères mais aussi entre individus appartenant à des espèces très éloignées, des piaillements, grognements, aboiements, rugissements et autres tons dintimidation qui remplacent ou précèdent un véritable conflit aux dents, bec et ongles.
Ladulte qui gronde ne sy prend pas autrement. Il parle grave mais den haut ! Le maître des lieux menace lintrus de son grognement sourd qui couvre son territoire (II). Cest la fulmination proférée par le père de la horde primitive que chacun entendra comme celui du tonnerre (VII) auquel répond le shofar !
Lintimation est cette injonction si particulière qui ne permet en aucune façon de vaciller quant à lobéissance : la voix de lautorité retentit du dehors mais trouve un allié dans la place, un allié intime à lautre et qui pourtant le domine, " surmoi " comme dit Freud !
On a pu montrer que le " creak " fait de sons très graves indique une attaque possible plus quimminente, lêtre ne se sent pas en danger. Il est en position de force et cest lui qui menace. Au niveau paralinguistique, le " creak " est employé pour suggérer au deuxième degré ce surplomb puissant : le mépris, le dégoût et lironie ! La foule qui nen veut pas joue au loup et répète " hou " à lorateur...
Limploration, la supplication, sont les manifestations sonores du petit vers le plus grand, voire du très humble au Très Haut ! Lattitude est symétrique de celle de lordre courroucé, de la menace; le ton part de haut pour dégringoler lamentablement afin de fléchir le puissant... " Les cris dun lutteur blessé se changent peu à peu en gémissements. Le gémissement est leffort de la faiblesse " !
Le Cri qui tue (II, VII)
Le fameux Kiaï japonais est un bruit vocal puissant, sauvage, très fort, très soudain, très bref et très concentré. Sa construction technicise, hors langage, le hurlement de la bête. Il est porté à un moment adéquat d'interaction entre les protagonistes. Il est basé sur l'observation précise de la respiration de l'adversaire. Ce "cri qui tue" n'a jamais tué personne, au moins directement ! Il crée, par sa soudaineté, sa puissance, son assertitude, un effet de sidération. Son auteur peut en tirer profit, porter un coup fatal. Il tire son efficace, non d'une structure sonore précise et sophistiquée, mais plutôt de la brusquerie, quasiment impulsionnelle (au sens de l'acoustique) de sa profération et de la force qu'on y met ; et sans la moindre hésitation qui trahirait, par un infime tremblement, lexistence dun deuxième front, à lintime champ.
Le cri perçant du plus petit
On a bâti une divination sur les cris, " lologymancie ". Il vaudrait mieux la dénommer " ololugymancie " car ce mot vient du grec " o l o l u g h ". Sa traduction en dit long sur le sens de laigu par rapport au grave dans le ton de la voix : " cri aigu, voix divines, cris de femmes implorant les dieux, cri de douleur, lamentation ".
En passant du grave à laigu, le chien qui hurle à la lune suggère le désespoir et la mort ; tout comme la chouette, elle aussi annonciatrice de mort ou...de féminité et de naissance !
La voix caressante de la tendresse et de lamour (V)
Les vocalisations tendres sont douces et sonores à la fois : les cordes vocales vibrent dans la détente, sans être pressées lune contre lautre, la glotte reste perméable ! Lorsque sajoute une note dintimité, de secret (de répression) les ventricules de Morgagni se rétrécissent, seffacent !
Le cri et son lieu
Le Cri des tripes (II, III)
Dès sa naissance, le vivant peut rendre sonore son expiration. Non seulement la Grande, lors du dernier soupir, mais aussi les cris, les ris et les chants, en des occasions plus communes. Les sons ainsi émis, peuvent lêtre par nécessité physique, au décours de leffort par exemple. Mais quils soient entendus permet de redoubler leur rôle : le cri se fait signe ! Et pour peu que lémetteur y prenne garde et le produise pour son effet, il devient signal ...
Signe qui prend du sens en fonction du contexte et de lexpérience passée à mesure que le vivant se complexifie ! Par exemple le chimpanzé évalue comme agressif le cri perçant dun congénère à moins que ce dernier ne soit sous la menace dun autre : dans ce cas il le protège. Ceci sinscrit au niveau de lanatomie microscopique du cerveau. Ainsi, certaines cellules corticales, peu nombreuses, sont spécifiquement sensibles au cri de détresse dun congénère, et à peu près indifférentes aux autres stimulations !
Le cri devient signal à condition quil soit entendu : sa force, sa direction, ses composantes fréquentielles, la place de lauditeur, son intérêt pour le message, en décideront !
Avant den arriver là, le cri tire sa signification involontaire et réelle du lieu corporel dont il surgit ! Lenracinement abdominal (II, III) de la respiration et des sons qui en surgissent correspond au champ de la psyché primitive symbolisée par le serpent, lové en spirale à la racine de la colonne vertébrale. Ce souffle explose parfois en " cri primal " incontrôlé, dune incroyable puissance (hurlement deffroi, sursaut de rage, cri dhorreur, etc.). Souffle des entrailles, il correspond aux pulsions les plus puissantes, les plus indifférenciées, les plus archaïques et, par là, les plus vitales. Laspect énergie déborde et submerge alors complètement laspect information.
De la grenouille au boeuf (IV)
Lemphase donne un poids particulier à certains éléments de la phrase ou à tout le discours. Il y faut " de lestomac " et une bonne respiration diaphragmatique. Plusieurs procédés linguistiques peuvent y contribuer dont lun est proprement vocal : la vélarisation emphatique de Troubetzkoy (renflement de la racine de la langue) qui permet cette éloquence sans micro si gratifiante pour le locuteur !
Le Cri du cur (V)
A un degré dénergie moindre, à un degré plus grand de formelle signifiance, à un égal degré de soudaineté, répond lexclamation. Nous quittons le hurlement de ventre pour le cri du cur, nous quittons la solitaire déflagration pour linterjection, lacclamation ou la clameur. Rôle volontiers dévolu par les anciens au groupe anonyme de choristes pour manifester le chagrin, la joie ou la surprise de toute lassemblée réunie.
Le lieu doù part le cri se marque lorsquil sagit de sadresser à qui nen a cure : le crieur va sépoumoner. Sil se désespère davoir à faire aux pires sourds, il ségosillera.
linvective (VI)
" Dans léclat de colère, les poumons chassent violemment lair quils possèdent pour très vite le récupérer. Ceci tend à une meilleure oxygénation et surtout une concentration minimale en gaz carbonique ! Le protagoniste stimule ainsi la partie la plus primitive de son cerveau au détriment du manteau cortical ! Il libère les forces incontrôlées de Hulk !
Lemportement du locuteur sefforce à une agression vocale ce qui se traduit par une forte contraction de la glotte. Mais le son perd plutôt quil ne gagne en puissance car les cordes vocales sont trop peu rapprochées pour vibrer. Le crieur " peste ", " tempête " mais sa colère est peu sûre de soi !
Dautant moins sûre si le conflit entre le haut et le bas se met de la partie. Nous sommes alors face à une colère " rentrée " qui étrangle la voix : les cordes vocales sont trop serrées pour vibrer normalement ! On assiste au combat des muscles expiratoires contre la résistance dune glotte trop contractée. Comme le suggère FÙ nagy, il sagit dun fantasme de meurtre couplé à son interdit surmoïque. Tout se passe dans un en deçà du langage qui touche la gorge (pharynx, larynx) plus en rapport avec lanimalité, les chakras du bas, les positions régressives que les mots dont nous verrons quils se créent dans une partie plus élevée du tractus phonatoire !
Le soupir (VII à II)
Du point de vue physiologique, il sagit dune élimination carbonique produite par un relâchement assez rapide des tensions inspiratoires : ceci avec un son très caractéristique qui passe de laigu au grave... Il y a là une forme de renoncement à laction entreprise ou projetée.
Le soupir est un autre nom du désir timide ou soumis-. Lhomme qui aime - fusse au delà de lespoir ! - est un soupirant. Lêtre qui a aimé ce quil ne peut plus aimer, nostalgique ou mourant, pousse aussi des soupirs jusquau dernier... Celui qui tombe dans le silence noir.
Lamour produit aussi de primitifs soupirs, des gémissements extatiques, y compris celui du masochiste frustré de sa douleur sinon de son humiliation !
Les tessitures
Laxe vertical impose au fondamental de la voix sa bivalence et conduit le compositeur à attribuer certains rôles à certaines tessitures (et réciproquement !) en fonction de leur caractère.
Tableau 2
tessiture |
caractère |
chakra (?) |
basse noble |
Lautorité |
VII |
Baryton |
Valorisent le conflit envers lautorité, Traîtres à la révolte coupable ( vizir Iznogoud ! ) |
VI |
ténor |
Amoureux passionnés, héros au cur ardent |
V |
alto |
Traîtresses |
VI |
soprano lyrique |
Amour jusquau sacrifice de soi. Elle représentent les forces du cur. |
V |
Soprano |
Elle cultive la séduction du paraître ! Volontiers moqueuse, spirituelle, gaie, optimiste. |
IV |
schématiquement, la voix fondamentale prend un sens dramatique selon laxe vertical :
Harmoniques et partiels
Depuis des temps immémoriaux et dans toutes les cultures, le haut, la lumière et laigu sont en correspondance, ainsi que le bas, le sombre et le grave. Ceci pour les sons fondamentaux comme pour leurs harmoniques.
Des remarques similaires devraient sappliquer aux partiels présents dans la voix qui chante et celle qui parle...
La Parole
La Psychanalyse et la Magie des Mots
Freud, évoquant la "magie des mots" affirme qu'elle "découle d'une foi en la toute puissance de la pensée" comme en découlerait aussi la "conviction du pouvoir lié à la connaissance et à l'énonciation de quelque nom". On se trouve la dans le cadre du " narcissisme primaire " premier état de la vie qui est le mieux représenté par la vie foetale. A cette époque de lexistence, tous les besoins sont comblés sans nécessiter aucune action particulière. Le début de pensée et de conscience qui leur est contemporain semble efficace pour en produire la satisfaction ! La magie découle sans question dun tel monde où lextérieur et lintérieur se répondent jusqu'à la confusion.
A propos du mythe de la horde primitive et de lhomme qui en était membre, Freud insiste sur une idée voisine " le langage était pour lui enchantement, ses pensées lui paraissaient toutes-puissantes ".
A côté de cet aspect du langage qui refait surface de manière faible dans la superstition et de manière forte dans lhallucination, Freud remarque le rôle particulier des mots et des " restes de mots " qui " sont essentiellement les descendants de perceptions acoustiques " et donnent " une origine sensorielle particulière pour le système préconscient ". " Le mot est à proprement parler le reste mnésique du mot entendu ". Il constitue le principal canal daccès des représentations inconscientes vers le préconscient et dès lors vers le conscient !
Certaines structures phonologiques, apparemment dépourvues de sens, surgissent au cours de la psychanalyse, comme noyau dur à quoi ramènent la plupart des signifiants : cette convergence leur confère une valeur éminente et leur simple énoncé peut, dans certains cas, avoir un effet analytique majeur.
Lacan et la Pulsion Invocante
" l'écoute favorise l'accueil alors que le regard favorise l'évasion de soi " Maître Eckhart La Voix est vecteur essentiel du Surmoi. Nulle part le sujet nest plus intéressé à lAutre que par lobjet voix.
La pulsion invocante a pour objet la voix. Elle est
Lindicible habite la voix : " sil y a quelque chose par quoi la parole vient se combiner à une fonction vocale absolument a-signifiante et qui contient pourtant tous les signifiants possibles, cest bien ce qui nous fait frissonner dans le hurlement du chien devant la lune ". Ou la scène primitive. Cette scène, à sétendre sur les planches, ne perd rien de son éveil à la curiosité. Elle y prend un second souffle qui noublie pas la morale sous peine de réalistes censures. Mais ce nest pas le plus drôle !
Les incantations et les enchantements
Ces faits rendent compte pour une bonne part de tout ce quon range sous le terme de " magie " : quil sagisse de celle du sorcier ou de celle du poète !
Les trois formes principales de cette magie de la parole sont :
Le lien entre le mot et la psyché:
Le mantra :
structure phonologique
Il sagit dune formule magique, dun charme, dune incantation! Depuis lépoque védique ces formules sacrées à usage magique, rituel, liturgique ou spirituel, jouent un rôle essentiel dans la tradition religieuse de lextrême orient. Ils reposent sur la croyance en lénergie de la parole.
Chaque mantra est un ensemble de phonèmes, plus en tant quils sont prononcés quen tant quils sont entendus. Ils seraient lincarnation la plus haute et la plus puissante, de divinités ou dentités naturelles ou surnaturelles.
répétez dit le maître !
Lactivité vocale, plus que toute autre, jouit de sa répétition ! Ce qui permet lentrée dans le langage, cest un circuit de la répétition (ladulte répète lenfant ou inversement, et lenfant sauto-imite). Cette activité dimitation et de répétition sera finalement utile mais ne peut sinstaurer quau plaisir du jeu ! Au delà du plaisir puisquil sagit du rythme des bercements primordiaux que le psychotique, en se frappant le crâne, renouvelle sans cesse dans la douleur.
Répéter, cest " en redemander " comme on le voit dans le jeu de la bobine. La connivence de la répétition et de la demande est manifeste, y compris dans la prière.
Dans lhindouisme les techniques de répétition se nomment " japa ". Le japa se décompte sur les phalanges des doigts ou sur un rosaire. Il se fait
Comptines, ritournelles, cantillation ...
Il n'est pas possible de cantonner notre étude aux formules saintes ; les enfants et les clowns, usent aussi de répétitions personnelles ou collectives en vue, sans doute, de limiter l'angoisse, comme S. Freud l'a expliqué. Peut être aussi par jeu pur et simple; attitudes ludiques partagées avec nos frères oiseaux (pas seulement les perroquets gris) ou mammifères.
Je citerai quelques exemples connus en France : "am stram gram, piké piké kolégram, bouré bouré rataplam, am stram gram" / "ra, peti, peta, petit pas, petit bus, si té fatigué ta ka prend, l'autobus" / "aux esclaux, pingui pinglo, barka chouya, ridé ridé ridé, répéti péta", etc...
Les phonèmes de la publicité, des slogans politiques ou syndicaux, les sobriquets, certains jeux de mots pourraient sans doute être explorés à la lumière de nos observations. De même les allitérations ou certains passages littéraires et théâtraux.
La technique et les effets
Selon la tradition, le mantra doit être dit exactement, en respectant un certain nombre de règles. Il n'a tous ses effets, notamment dans l'ordre spirituel, que s'il est intérieurement médité, exactement prononcé sans arriver pourtant aux lèvres : les schèmes centraux de prononciation des phonèmes sont requis - et eux seuls - jusqu'à leur dépassement dans la conscience de la conscience prononçante ; alors même que tout mouvement intérieur tend à se stabiliser comme en témoigne la diminution spectaculaire du métabolisme de base, la régularisation des battements cardiaques, larrêt complet ou partiel de la respiration.
Cependant, je pense quon doit distinguer :
Chakras et Mantras
La logique phonétique de la Guirlande des mantras
La représentation traditionnelle des chakras porte sur chacune de ses pétales les différentes lettres de l'alphabet sanskrit. Elles sont ordonnées, les unes par rapport aux autres, non pas tellement en fonction de leur qualité sonore que d'après les mouvements articulatoires qui permettent au locuteur de les produire. On remarque ainsi qu'on a de haut en bas:
chakra |
phonèmes |
sphincter |
cavités séparées |
VI |
voyelles |
glotte |
trachée / bouche |
V |
vélaires |
voile |
nez / bouche |
V |
palatales |
langue |
avant / arrière |
IV |
dentales |
dents |
avant / arrière |
III |
labiales, semi-voyelles |
lèvres, langue |
intérieur / extérieur |
II |
sifflantes |
lèvres |
bouche / extérieur |
Les textes classiques détaillent la guirlande des mantras en la répartissant sur les pétales des lotus symbolisant les chakras principaux. En voici le détail :
Ddiagram
from Oscar Marcel Hinze, Tantra Vidya,
Motilal Banarsidass, Delhi, Varanasi, Patna, 1979
Les philosophes indiens ont émis l'affirmation d'une étape interne de la prononciation, étape en laquelle les procès articulatoires sont présents à l'état de pure représentation mentale sans mise en action des organes eux mêmes.
Pour eux plus on prononce en arrière, plus on sélève dans laxe corporel. On peut ajouter que plus lamplitude des mouvements du larynx est grande et plus la pression intra-orale est élevée, dautant on sélève dans cet axe vertical imaginaire.
Cependant l'aspect proprement sonore (auditif) des mantras ne peut être complètement négligé. Les chakras extrêmes (II, III, VI, VII) sont porteurs de phonèmes à fréquence propre élevée alors que les chakras médians (IV, V) sont porteurs de lettres à fréquence propre basse. Ainsi est-il remarquable que les chakras extrêmes (ajna, vishuda, muladhara, swadisthana) correspondent à un minimum d'obstacles sur le trajet de l'air entre l'intérieur et l'extérieur ; ce sont des chakras dont la signification métaphysique et psychologique implique un certain type de non différenciation à l'égard des énergies externes instinctives ou spirituelles, maternelles ou paternelles.
Par contre les chakras médians comportent des lettres de type occlusif qui marquent la limite entre l'intérieur et l'extérieur, le moi et le cosmos.
Conclusion
Nous proposons dadmettre, à titre dhypothèse de travail, que la production phonique et son écoute, jouent avec un répondant psychophysiologique (chakras) lié aux zones pulsionnelles telles que la psychanalyse les a découvertes. Ce lien serait fondé dans le réel, limaginaire et le symbolique. Cette hypothèse me paraît apte à générer des applications en termes de sciences du théâtre et des moyens multimédia.
|
P h o n è m e s |
V o i x |
||||
Chakras |
phonèmes |
fréquence propre |
lieu darticulation |
amplitude des mouvements du larynx et pression intra-orale de prononciation |
homme |
femme |
VII |
complexes |
grave à aigu |
arrière à avant |
forte à faible |
Basse noble |
- |
VI |
les voyelles |
aigu |
arrière |
faible |
|
Alto |
|
diphtongues |
- |
- |
- |
Baryton |
|
V |
vélaires |
~ |
1/2 |
~ |
|
soprano |
|
palatales |
grave |
1/2 |
forte |
Ténor |
lyrique |
IV |
dentales |
- |
1/2 |
- |
|
soprano |
III |
labiales |
~ |
1/2 |
1/2 |
|
|
|
semi-consonnes |
aigu |
1/2 ~ |
1/2 ~ |
? |
? |
II |
sifflantes |
très aigu |
avant |
faible |
|
|
Tableau 4 |
chakras |
phonèmes |
voix |
||||
N° |
Nom Sanskrit |
signification générale tirée de létymologie |
fréquence propre des phonèmes correspondant |
lieu darticulation |
amplitude des mouvements du larynx et pression intra-orale de prononciation |
tessiture |
|
VII |
Ajna |
élevée |
arrière® avant |
forte® faible |
basses |
||
VI |
Vishudda |
pureté |
assez élevée |
arrière |
forte |
- |
|
V |
Anahata |
musique sans action |
basse |
- |
- |
~ |
|
IV |
Manipura |
brillant joyau |
basse |
1/2 |
1/2 |
élevées |
|
III |
svadhisthana (ou svadisthana ou svadistana) |
demeure bien située |
assez élevée |
~ |
~ |
? |
|
II |
Muladhara |
base |
élevée |
avant |
faible |
? |
Bibliographie
Jai utilisé sans toujours les citer expressément :
Annexes
ANNEXE 1
Tableau 3
Voix |
personnage |
caractère |
chakra |
titre de loeuvre |
compositeur |
basse noble |
Chefs |
Symbole dAutorité : caractère majestueux |
VII |
- |
- |
basse noble |
Sarastro |
sage, noble, vérité, lumière |
VII |
Flûte Enchantée |
Mozart |
basse noble |
Commandeur |
effigie du Surmoi |
VII |
Don Juan |
Mozart |
basse noble |
Philippe II |
roi dEspagne |
VII |
Don Carlos |
Verdi |
basse noble |
|
Grand Inquisiteur |
VII |
Don Carlos |
Verdi |
basse noble |
Boris |
" jai atteint la plus grande puissance ! " |
VII |
Boris Godounov |
Moussorgski |
basse-baryton |
|
|
IV |
|
|
basse-baryton |
Escamillo, le torero |
vainqueur des taureaux brutaux et de Carmen, la passionnée rebelle ! |
IV |
Carmen |
Bizet |
basse-baryton |
Méphisto |
le diable de rouge vêtu, hypocritement suave, ironique, démoniaque : il offre richesse et puissance |
IV |
Faust |
Gounod |
Baryton |
le méchant vizir Iznogoud |
Symbole de culpabilité : agressif, tueur sans merci, traître. Il sagit dans tous les cas de trahir, livrer, abandonner, renoncer : toutes les façons de décliner le verbe " tradere « donner au delà " (de lacceptable)... Le baryton se révolte, trahit ou se résigne. |
VI |
|
|
Baryton |
Iago |
cherche à dominer tout être qui paraît supérieur, sans crainte dutiliser la dissimulation, |
VI |
Otello |
Verdi |
Baryton |
Ourrias, le gardien de taureaux |
assassine son rival puis fuit au Val dEnfer, dévoré par le remords ! |
VI |
Mireille |
Gounod |
Baryton |
Lord Henry Ashton de Lammermoor |
complote contre le roi, puis apprenant lidylle de sa sur avec un homme quil hait, il emploie tous les moyens - y compris les plus vils - pour les séparer et aboutir à leur mort. |
VI |
Lucie de Lammermoor |
Donizetti |
baryton dramatique |
Rigoletto |
bossu, bouffon à lesprit caustique, homme sans scrupule, traître à soi-même et à son maître quil veut faire assassiner ! |
VI |
Rigoletto |
Verdi |
baryton dramatique |
Amonasro |
traître, persuade sa fille de trahir celui quelle aime! |
VI |
Aïda |
Verdi |
baryton dramatique |
Scarpia |
chef de la police, impérieux, cruel, sinistre et vindicatif, utilise le mensonge, le chantage, et la torture. Il mérite dêtre interpellé par Cavaradossi " boucher hypocrite ! " |
IV |
La Tosca |
Puccini |
baryton dramatique |
Wotan |
Petit " chef des dieux " avide de puissance, hésitant entre égoïsme et amour, il est le symbole des contradictions du devenir. Pour construire son autorité il doit faire appel à laide des forces obscures, les Géants ; il se trouve soumis à la fatalité attachée à la puissance et à lor (source de désordres et de tragédies sans fin). Il est en proie à une intense culpabilité et pour obtenir la libération de la tyrannie de lor, il doit cultiver la violence et devra sacrifier ses propres enfants ! |
IV |
La Tétralogie |
Wagner |
baryton brillant |
Figaro |
Homme à tout faire de la ville, intrigant, opportuniste. Frondeur, il est ironique envers laristocratie. |
IV |
Les Noces de Figaro |
Mozart |
baryton brillant |
Figaro |
idem |
VI |
Le Barbier de Séville |
Rossini |
baryton brillant |
Papageno |
à mi-chemin entre les forces de labîme et les purs héros. Joyeux symbole de la terre maternelle à la sensualité robuste, aux instincts élémentaires faciles à satisfaire. |
III IV |
La Flûte enchantée |
Mozart |
baryton lyrique |
Wolfram |
semble faire exception : il retient Tannhaüser sur le chemin du mal. |
VII VI |
Tannhaüser |
Wagner |
baryton lyrique |
Gunther |
Contradictoire. Prince faible, peu scrupuleux, tricheur. |
VI |
Crépuscule des dieux |
Wagner |
baryton lyrique |
Germonte |
Il utilise un infâme stratagème pour obtenir que Violetta renonce à lamour dAlfredo ; elle en mourra ! |
VI |
La Traviata |
Verdi |
ténor |
|
amoureux passionné, jeune et beau, cur ardent |
V |
|
|
ténor léger |
don Ferrando |
bouillant, impulsif, sentimental. Cest un cur ardent. |
V |
Cosi fan tutte |
Mozart |
ténor léger |
Almaviva |
personnage bien vivant, spirituel, tenté dabuser de son pouvoir |
V |
Le Barbier de Séville |
Rossini |
ténor léger |
Nadir |
amoureux fidèle, ardent et protecteur, il transgresse linterdit sous leffet de sa passion |
V |
Les Pêcheurs de perles |
Bizet |
ténor lyrique |
Tamino |
chevalier errant parti à la recherche de son idéal Tamina. Prisonnier de lillusion puis initié |
V |
La Flûte enchantée |
Mozart |
ténor lyrique |
Alfredo |
amoureux fou de la femme " perdue " |
V |
La Traviata |
Verdi |
ténor lyrique |
Faust |
Avide de savoir, il aboutit à léchec et au désespoir ; il conclut un pacte avec le diable : son âme éternelle contre le bonheur ici-bas. Epris de Marguerite, puis dHélène il finit par comprendre que le bonheur est dans laction du moment ; ayant pratiquement atteint son but, il meurt mais sera sauvé de lenfer. Culte dune vie pleine, sans frein, sans limites et sans lois (III) à (V) |
V |
Faust |
Gounod |
ténor lyrique |
Rodolfo |
Il vit dans la passion, ses délices et ses tourments; il est sensible, tendre, doux, ardent de sentiments et manifeste une légèreté juvénile, et une inconstance sans méchanceté. |
V |
La Bohème |
Puccini |
ténor de demi-caractère |
Florestan |
noble prisonnier, résolution virile, stoïque résignation, conquête de la joie finale sur la douleur de son incarcération. |
V |
Fidelio |
Beethoven |
ténor de demi-caractère |
Don José |
aime Micaela.. Nommé gardien de Carmen, il se laisse ensorceler et la libère, puis déserte pour elle, quitte à perdre la vie ; finalement il la tue.. Il symbolise la passion sans limite ! |
V |
Carmen |
Bizet |
ténor de demi-caractère |
Lohengrin |
Chevalier du Graal, incarnation de la foi, protecteur des faibles et des justes ; ses actes sont toujours conformes à sa mission, marqués dun souverain désintéressement. |
V |
Lohengrin |
Wagner |
fort ténor |
Manrico |
Sauvé de la mort par la folie de Azucena qui lélève, trouvère, guerrier, généreux, clément. |
V |
Le Trouvère |
Verdi |
fort ténor |
Arthur |
fidèle à ses amitiés et ses amours jusqu'à perdre la liberté et risquer sa vie ! |
V |
Les Puritains |
Bellini |
ténor robusto |
Radamès |
brave général à lâme simple, rêvant de guerre et de gloire ; sentimental aveuglé par lamour, loyauté foncière. |
V |
Aïda |
Verdi |
ténor robusto |
Otello |
homme daction doué dautorité, maturité impétueuse, chevaleresque, intrépide lion à la colère sans limite quand il est jaloux, il tue sa femme et se suicide ensuite ! |
V |
Otello |
Verdi |
ténor robusto |
Tristan |
joue de la harpe et des armes, cest un chevalier, passionné, romantique |
V |
Tristan et Isolde |
Wagner |
ténor robusto |
Tannhaüser |
déçu, tourmenté par le remords, déchiré comme Faust par la tragique dualité de la nature humaine, attiré par lamour érotique envers Vénus et lamour spirituel envers Ste Elisabeth ; il veut tout connaître, tout éprouver |
V |
Tannhäuser |
Wagner |
ténor robusto |
Siegfried |
Elevé par un forgeron, il a la peau dure et insensible sauf en un point fragile. Il représente le monde des énergies élémentaires, de linnocence et de la joie primitive, de lhéroïque insouciance, de livresse printanière de la vie ; il ignore le péché et doit mourir. Il représente lhumanité appelée à prendre la place des dieux ! Linstinct chez lui sépanouit librement, il exprime sa joie dun rire clair et viril. Héros primesautier, espiègle, sa vitalité épuise le moment présent ; il est le " bon sauvage ", le Prométhée.... |
V |
Siegfried |
Wagner |
Voix féminines |
|||||
alto |
|||||
contralto dramatique |
Erda |
Aînée des dieux, prophétesse des choses éternelles, personnification de lesprit de la terre, celle qui choisit à lorigine de tout (II). Elle vit dans le sommeil primordial et porte le rêve éternel du monde. Mère de lAbîme, elle apprendra à Wotan lorigine et la fin de toutes choses. |
II |
La Tétralogie |
Wagner |
alto |
Eboli |
Traîtresse, jalouse, elle se découvre une rivale auprès de Don Carlos dont elle se croit aimée ; elle fait en sorte de le perdre auprès du roi dont elle devient la maîtresse... |
VI |
Don Carlos |
Verdi |
alto |
Amneris |
amour malheureux et jalousie, amour humilié. |
VI |
Aïda |
Verdi |
alto |
Brangaene |
Tendre sur dYseult, elle substitue au philtre de mort pour Tristan un philtre damour. Elle symbolise un destin dans lequel lamour est inséparable de la mort. |
VI |
Tristan et Yseult |
Wagner |
alto dramatique ou mezzo soprano |
Azucena |
assiste à la mort de sa mère brûlée vive pour " sorcellerie ", elle veut la venger ; au lieu de brûler le fils du comte cest le sien quelle jette au feu... (elle se venge mais est punie par le " destin "). |
VI |
Le Trouvère |
Verdi |
alto dramatique ou mezzo soprano |
Dalila |
énergique, perfide, traîtresse. |
VI |
Samson et Dalila |
Saint-Saëns |
alto |
Geneviève |
porte parole de Golaud pour le roi, son grand père. |
VI |
Pelléas et Mélisande |
Debussy |
Mezzo |
|||||
Mezzo |
Carmen |
femme fatale : gitane passionnée mais volage, aimant impulsivement mais se lassant tout aussi vite, femme sans loi, elle représente le fatalisme qui joue avec la mort. Elle veut avant tout être libre ! |
VI |
Carmen |
Bizet |
Mezzo |
Mignon |
Tour à tour jalouse et en colère (V), sauvée du feu, heureuse, " lair menivre ", à la recherche de ses racines, de son identité (II). |
VI |
Mignon |
|
Soprano coloratur |
|||||
soprano coloratur |
Reine de la Nuit + |
La nuit avec son mystère, ses cauchemars, ses sortilèges (VI) ; mère des forces instinctives, destructives ; vengeance dun personnage farouchement passionné et aveuglé (le mal, la mort). |
VI ou III |
La Flûte enchantée |
Mozart |
soprano dramatique |
|||||
soprano dramatique |
Amina + |
orpheline (-VII), une lampe à la main, somnambule en chemise blanche, prise pour un fantôme, elle dit la vérité en dormant (VI). Elle tombe sa lampe dans le torrent (III). |
VI et III |
La Somnambule |
Bellini |
soprano dramatique |
Lucie + |
mariée contre son gré et grâce à la calomnie, elle devient folle et assassine son mari puis meurt de douleur. |
VI |
Lucie de Lammermoor |
Donizetti |
soprano dramatique |
Constance + |
Fidèle à son fiancé, chante lamour, exprime son chagrin. |
V |
LEnlèvement au sérail |
Mozart |
Sopranos lirico |
|||||
soprano lirico |
Violetta + |
Courtisane, (" femme perdu " « " traviata "), tuberculeuse, amoureuse dAlfredo, toujours libre, de plaisir en plaisir, amour jusquau sacrifice de soi. Trahit son amour pour son amour ! |
IV et V |
La Traviata |
Verdi |
soprano lirico |
Manon + |
Nature double : pleine dun amour pur et courtisane cupide, traîtresse. |
IV et V |
Manon |
Massenet |
soprano lirico |
Gilda + |
Fille du bossu (Rigoletto), amoureuse du roi, elle trahit son père en donnant sa vie pour son amant. |
IV et V |
Rigoletto |
Verdi |
soprano lirico |
Micaela + |
paysanne messagère de la mère dont elle apporte largent à José et à qui elle annonce quelle est mourante. |
IV et V |
Carmen |
Bizet |
soprano lirico |
Marguerite + |
fileuse, pieuse, pudique, compatissante, tentée, séduite, abandonnée, culpabilisée, infanticide, condamnée à mort... |
IV et V |
Faust |
Gounod |
sopranos " lyriques " (terminologie française) |
|||||
soprano lyrique |
Pamina |
chaste jeune fille à lâme ardente et pudique : elle représente les forces du cur. |
V |
La Flûte enchantée |
Mozart |
soprano lyrique |
Madame Butterfly |
pleine dun élan un peu brutal, dune chaleur instinctive, elle sera la victime dun odieux séducteur, et elle se poignarde. |
V |
Madame Butterfly |
Puccini |
soprano lyrique |
Mimi |
Transitoirement infidèle par pauvreté, aimant jusquau sacrifice, purifiée par la souffrance. |
V |
La Bohème |
Puccini |
Le soprano " soubrette " coloratur |
|||||
Le soprano " soubrette " coloratur |
Blondchen |
très spirituelle, gaie, optimiste. |
IV |
LEnlèvement au sérail |
Mozart |
Le soprano " soubrette " coloratur |
Adèle |
excitation joyeuse, fait semblant de pleurer, moqueuse envers son employeur. |
IV |
La Chauve-Souris |
Johann Strauss |
soprano " soubrette " ordinaire |
|||||
soprano " soubrette " ordinaire |
Papagena |
vieille commère qui menace Papageno des pires sévices sil ne lui jure pas fidélité : sur quoi elle devient jeune et jolie. |
IV |
La Flûte enchantée |
Mozart |
soprano " soubrette " ordinaire |
Suzanne |
amoureuse, fine, ingénieuse, adroite, spirituelle, rieuse ; Elle aime Figaro de tout son cur ; dapparence légère, elle est foncièrement honnête ; esprit délicat, bon cur, compatissante, sens des réalités : elle dupe son maître puissant par plaisir |
IV et V |
Les Noces de Figaro |
Mozart |
soprano " soubrette " ordinaire |
Marcelline |
Amoureuse dune femme travestie en homme. |
IV |
Fidelio |
Beethoven |
soprano lirico spinto (poussée, extrême) |
|||||
soprano lirico spinto (poussée, extrême) |
Elsa |
Elle doit accepter dignorer qui est Lohengrin son sauveur, son amour ! Mais elle finit par exiger de savoir : Lohengrin parle et sen va. Elle est désespérée. Elle na pas douté par manque damour mais elle exigeait de cet amour sans cesse plus et ne pouvait se contenter des sentiments, il lui fallait aussi connaître son amour. Désir infini qui préfère tout perdre que de ne pas tout savoir. |
VII |
Lohengrin |
|
soprano lirico spinto |
Elisabeth |
femme rédemptrice qui sacrifie sa vie pour celui quelle aime, renoncement total. |
VII |
Tannhäuser |
|
soprano lirico spinto |
Senta |
Senta éprouve une instinctive sympathie de fille de la mer pour le " héros maudit ". Une vocation mystique la pousse à la résolution dêtre pour le Hollandais Volant lépouse prédestinée au salut dans la mort. Elle est déchirée entre deux amours, prise entre deux mondes : celui de lamour divin jusquau sacrifice de sa vie et celui de lamour humain. |
VII |
Le Vaisseau fantôme |
Wagner |
soprano lirico spinto |
Desdémone |
Culpabilisée par lautre, innocente en son âme. |
VII |
Otello |
Verdi |
soprano lirico spinto |
Tosca |
passion véhémente exacerbée (V), éclats instinctifs et primitifs (II, III), douleurs extrêmes, irascible (V), tendre amante (V), meurtrière vengeresse (IV, V). |
V |
La Tosca |
Puccini |
soprano dramatique |
|||||
soprano lirico spinto ou soprano dramatique |
Aïda |
" Jamais sur terre il ny eut de cur plus cruellement déchiré. Ces mots sacrés, père, amant : ni lun ni lautre je ne peux les prononcer. Pour lun pour lautre, je pleurerai et je prierai ! ": agitation intérieure, amour passionné, sublimation mystique. |
VII |
Aïda |
Verdi |
soprano dramatique |
Leonora (Fidelio) |
fidèle au mépris du danger, se travestit, objet damour homosexuel, confiante en la Providence. |
VI |
Fidelio |
Beethoven |
soprano dramatique |
Norma |
Conflit (VI) entre lamour (V) et le devoir (VII) qui ne trouve dissue que dans la mort (VI). Grande prêtresse druidique vouée à la virginité, amoureuse du chef ennemi, capable de renoncement (VI) puis de vengeance guerrière (V) et enfin de total sacrifice sur le bûcher (IV). |
VII |
La Norma |
Bellini |
soprano dramatique |
Salomé |
Comme prix du désir quelle a su éveiller (V) elle reçoit la promesse " demande moi ce que tu voudras et je te le donnerai ! ". Instrument (IV) de sa mère (Hérodiade = VI) elle se fait donner, sur un plat - comme pour un repas (III) - la tête du prophète culpabilisateur (VII). Pour Oscar Wilde et Richard Strauss, elle est folle de désir pour lhomme quelle fait décapiter ! |
III+ et VII- |
Salomé |
Richard Strauss |
soprano dramatique |
Elektra |
Implacable, car son père fut tué par sa mère (+ Egiste, son amant) et elle veut se venger, capable de guérir les cauchemars ; elle devient tendre quand elle a retrouvé son frère qui sera linstrument de la vengeance ! |
V |
Elektra |
Richard Strauss |
soprano dramatique |
Yseult |
au delà du conflit entre le devoir de fidélité au fiancé assassiné et lamour fou pour son assassin ; coup de foudre et après être entrée dans la voie du mensonge et de la tromperie, cest lunité de lextase et dissolution dans lamour, la nuit et la mort avec Tristan |
VI |
Tristan et Yseult |
Wagner |
soprano dramatique |
Brunehilde |
mystérieuse vierge endormie (II, III), Somnambule avec des songes prémonitoires, prisonnière dun rideau de feu infranchissable (IV), amenée par Siegfried, guerrier lumineux (V), au roi (VII), elle exige pour son honneur (IV) que Siegfried soit tué puis le regrette (VI) et se jette elle même dans le brasier (IV). Elle permet le passage du divin à lhumain et la récapitulation finale du monde dans le divin (Kundalini ?). |
VII |
La Tétralogie |
Wagner |
ANNEXE 2
on décrit plusieurs voix de basse :
Baryton (VI)
lhomme agressif, tueur sans merci ou traître, sera joué par un baryton :
Ordinairement, dans le répertoire lyrique, on distingue quatre types de barytons.
ténor (V)
femme fatale (Carmen) ou (VI ?)
femme de devoir (Charlotte) (VII ?)
femme passionnée et jalouse : mignon! (IV ?)
Soprano (IV)
La soprano se verra proposer les rôles dingénue, de jeune fille pure, ou de grande coquette totalement évaporée !
1o le soprano coloratur, la plus haute de toutes les voix, qui chante jusquau fa , avec un timbre pur, léger et cristallin ; cest le soprano de la Reine de la Nuit (La Flûte enchantée de Mozart), de Zerbinetta (Ariane à Naxos de Richard Strauss).
2o Proche de celui-là, le soprano " dramatique ", lui aussi très brillant et capable de vocalises impressionnantes (Lucia di Lammermoor de Donizetti, Constance de LEnlèvement au sérail de Mozart, La Somnambule de Bellini) ; son registre est légèrement inférieur au précédent, le timbre en est peut-être plus nuancé.
3o Le soprano lirico est une voix de coloratur plus limitée quant à ses possibilités lyriques (La Traviata de Verdi, Mathilde dans Guillaume Tell de Rossini, Manon de Massenet, Gilda dans Rigoletto de Verdi, Micaela dans Carmen de Bizet, Marguerite dans Faust de Gounod).
4o Le soprano " soubrette " coloratur possède un timbre léger et apte ordinairement à lemploi de rôles dramatiques (Blondchen dans LEnlèvement au sérail de Mozart, Adèle dans La Chauve-Souris de Johann Strauss).
5o Au soprano " soubrette " ordinaire correspondraient des rôles tels que Papagena (La Flûte enchantée ), Suzanne (Les Noces de Figaro de Mozart), Marcelline (Fidelio de Beethoven).
6o Le soprano lyrique (en terminologie française) conjugue les qualités de plusieurs types de voix féminines ; il est puissant, brillant, mais non dramatique et non coloratur, il ne vocalise pas, il est dit aussi soprano wagnérien ; cest le soprano de Pamina (La Flûte enchantée ), de Madame Butterfly et de Mimi (La Bohème , Puccini).
7o Le soprano lirico spinto est proche du soprano léger dramatique (Elsa dans Lohengrin , Elisabeth dans Tannhäuser , Senta dans Le Vaisseau fantôme , de Wagner ; Desdémone dans Otello de Verdi ; rôles principaux dans Aïda de Verdi et dans La Tosca de Puccini).
8o Le soprano dramatique possède un timbre plus sombre et plus grave (Fidelio , La Norma , Salomé , Elektra ; cest Isolde de Tristan und Isolde et Brünnhilde de LAnneau du Nibelung ).
9o Le soprano léger demi-caractère, par son timbre gracieux et agréable, de puissance moyenne, et possédant une heureuse souplesse dans un registre peu étendu, convient parfaitement à loratorio, à la cantate et surtout aux lieds.
ANNEXE 3
orient
On peut citer les mantras
Les mantras sont de formes très diverses, allant de longues phrases à des monosyllabes. Les groupes monosyllabiques nont souvent pas de sens littéral. Très nombreux la tradition dit quil y en a des millions ! , les mantras sont strictement codifiés. Un mantra ne simprovise pas : révélé par un grand voyant (rishi) il est transmis par tradition initiatique et confié en secret par un maître à son disciple.
Dans les mantras du védisme et de lhindouisme, la forme est lessentiel. La valeur symbolique de certains phonèmes est proclamée. On les décrit aussi comme présents dans le corps humain au niveau des centres (chakras) du corps subtil.
Les textes tantriques (IVe siècle) soulignent le caractère dénergie surnaturelle des mantras, dû à ce quils sont des formes parfois même la forme la plus haute de lénergie divine, qui est Parole.
Mais les mantras ne sont pas liés par les " conventions " gouvernant la langue et associant les mots aux choses. Leur usage, loin de tendre à favoriser la pensée discursive, tourne, au contraire, le " prononceur " vers son être profond et silencieux. Comme le montre lexpérience, le méditant découvre en lui une zone de silence et de paix ineffable.
2. Le bouddhisme
Lésotérisme syllabique, avec les bija (nommés ici dharani , " porteuses "), y a également une place marquante.
Monothéismes
Christianisme
Catholicisme
Près de nous, les " oraisons jaculatoires ", les litanies, la récitation de l' " Ave Maria " qui se répète 150 fois dans la pratique du rosaire, etc...
Les chrétiens orthodoxes
font usage de la "prière du coeur", répétitions mentales accompagnées de respirations particulières et autres techniques corporelles (hésychasme).
À la fin du XIIIe siècle, après une phase de décadence, saint Grégoire le Sinaïte ranime la tradition hésychaste de la " prière de Jésus " au Mont-Athos, invocation intériorisée à laide des rythmes du souffle et du cur dans une certaine posture, selon la formule alors fixée : " Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur. ".
Dans le monde islamique,
sans parler des pratiques soufis de psalmodie fascinante réunissant les adeptes en cercle dansant " dhikr ", l'usage du chapelet avec répétition insatiable de noms divins ou de formules sacrées est fort répandu et attesté dans toute l'aire mahométane : récitation de litanies généralement accompagnées de chants et de musique destinés à favoriser lextase.
Le Judaïsme
est loin d'ignorer de telles pratiques et Hruby (1965, p.214) peut écrire (avec quelque abus) : " L'une des conceptions (...) de la Cabale est sans doute celle de la force créatrice des sons articulés dont le fondement, conformément à l'ancienne doctrine du Logos, est le Verbe primitif ".
Litanies
Terme générique et moderne qui désigne, dans le culte chrétien, plusieurs espèces de prières dintercession. Celles-ci ont en commun une forme musicale caractérisée par sa simplicité formelle : alternance dun soliste (ou dun groupe de solistes), qui chante des invocations, des demandes ou des acclamations, et de lassemblée, dont la réponse est brève et uniforme, tant mélodiquement que rythmiquement. Une telle structure est universelle et compte parmi les formes fondamentales de tous les cultes et de tous les temps.
Contentons-nous de citer ici les cultes babyloniens ou juifs (E. Werner, The Sacred Bridge , 1959) et ceux de la Rome païenne (Lactance, De mortibus persecutorum ). Parmi les prières chrétiennes dintercession, on évoquera : les proclamations (karozuta ) syriaques (kerygma en grec, praedicatio en latin) ; les ectenie (prière intense ou étendue), synapti (collecte), litie (supplication) de la liturgie byzantine ; les preces , orationes , etc., des rites latins.
Quant aux termes litaniae , letaniae , ils sont associés ordinairement à une procession de pénitence (processions des Rogations). " Linsistance dans linvocation donne lieu à la répétition, et la répétition dune invocation donne lieu à la litanie " (Gino Stefani, LAcclamation de tout un peuple , 1967).
À lorigine, dans léglise orientale, le Kyrie eleison a été la réponse de lassemblée à une invocation du diacre, multiple, de longueur inégale, et plus ou moins proche de la cantillation, doù son nom de litanie diaconale. Le passage en Occident du Kyrie est très ancien : messe gallicane, milanaise, hispanique, puis romaine (avec, ici, introduction du Christe eleison , au temps de Grégoire le Grand). Depuis lors, le Kyrie a perdu ses caractères litanique et invocatoire (malgré un essai de retour à ceux-ci après les réformes de Vatican II), pour devenir une acclamation festive proche du jubilus alléluiatique (Kyrieleis des Kirchenlieder allemands). Dans la litanie chrétienne, on peut distinguer :
1. la litanie sacerdotale (oraisons solennelles du vendredi saint, aux formes complexes. a ) célébrant : Oremus pro ... [indication de lintention] Oremus. b ) diacre : Flectamus genua [silence] Levate [monition et prière silencieuse]. c ) célébrant : Omnipotens sempiterne Deus [demande]. d ) tout le peuple : Amen ).
2. la litanie diaconale, qui oriente la prière en Orient.
la litanie chorale, dirigée par les chantres (litanie des saints). La réponse de la foule est toujours une brève invocation, ainsi : Amen , Kyrie eleison (non mélismatique), Te rogamus, audi nos ; Libera nos Domine ; Ora pro nobis... (ou leurs équivalents français de la liturgie contemporaine).
À la fin du Moyen Age, du XIIe au XIVe siècle, se répandit en Occident la litanie dorigine non liturgique, laquelle naquit vraisemblablement en Irlande (VIIIe siècle) et qui fleurit notamment dans les livres dheures. Bède le Vénérable (672-735) écrivit des litanies en forme de séquences. Trouvères et troubadours chantaient souvent dans lesprit musical de la litanie : phrases répétées, avec ritournelles instrumentales en forme dinterlude élémentaire. À lexemple de la chanson de geste, la pastourelle (chanson avec refrain), la laisse strophique et le rotrouenge (qui naît au milieu du XIIe siècle) dérivent de la forme litanique. Dans les motets des XIIe et XIIIe siècles, la teneur peut ne pas être une phrase continue ; elle donne parfois lieu à un long développement et adopte la forme de la litanie : il sagit alors dun fragment mélodique, dune courte phrase, qui se répète plusieurs fois, selon le principe qui sera en vigueur, quelques siècles plus tard, dans la chaconne et la passacaille. Après lapparition de lécriture polyphonique, de nombreux compositeurs sinspirèrent de la litanie, notamment des litanies de la Vierge. Les Litanies de Lorette (Litaniae lauretanae ) tiennent une place primordiale parmi ces dernières. Ces litanies furent officiellement approuvées par le pape Sixte V en 1587.
Les uvres se multiplient en Italie après les dix Litanies de la Vierge (1593) à quatre, cinq, six et huit voix, de Palestrina, composées pour la confraternité du Saint-Rosaire ; il y a celles de Lassus, de Monteverdi, de Geronimo Giacobi (1567-1630), de Costanzo Festa (env. 1485-1545), dont les Litanies de la Vierge à double chur huit voix témoignent dune écriture fort rare dans lItalie du XVe siècle ; des Anglais Peter Philips (env. 1560-1628, litanies de quatre à neuf voix), William Byrd, Thomas Tallis (Litany , 1541). On remarquera que, dans lEglise anglicane du XVIe siècle, les litanies sur des textes anglais prennent la forme de faux-bourdons.
Celles de Mozart retiennent plus encore lattention. Outre des Fragments de litanies de la bienheureuse Vierge Marie pour quatre voix et orgue (K. 324, 325, 240) que le jeune Mozart a peut-être copiés pour son propre compte à partir duvres danciens maîtres, il a composé des Litanies de Lorette , en si bémol et en ré , et les Litanies du Saint-Sacrement , en si bémol et en mi bémol.
ANNEXE 4
La nomination
Leffet de nomination interrompt la contemplation de son image propre par le jeune enfant : sil est appelé, cest quun autre est là ! Si cet appel est nominal, sil est vocatif, cest que cet autre sappuie dans son appel sur lAutre qui lui garantit sa relation à lUniversel. Lappel nominal fait une brèche dans la fascination de limage qui le noierait. La nomination a valeur " dintimation que fait lAutre par son discours au sujet " . LAutre nest pas dans limage, mais là doù ça parle.
Lexpression lacanienne de " Nom du Père " est le support de la fonction symbolique et équivaut au nom de la Loi. " La place du père, écrit Ortigues, est marquée dans la vie par ce qui est dun autre ordre que la vie, à savoir des gages de reconnaissance, par des noms. Ces noms supposent une tradition, un chemin qui, par des circuits plus ou moins compliqués, va des morts aux vivants. Lautorité gardienne de la coutume et des noms subsiste dans la mort comme dans la vie... ".
Chant et Chakras
Quil soit plaisir pur, quil ait vocation cultuelle, esthétique ou cathartique, quil se réclame de traditions millénaires ou des formes policées de lart classique, le chant est à la fois sonorité pure et véhicule de pensée, encore que le mot, onomatopée domestiquée, soit lui-même pensée et sonorité pure, ainsi que lexprime Marcel Beaufils dans Musique du son, musique du verbe . Mêlant donc lincantation à la récitation, la magie à la raison, le dionysiaque à lapollinien, quil soit savant ou intuitif, le chant est fonction de la langue parlée. Lenvoûtement produit par le chant sur le public évoque parfois les transes collectives de maints rituels.
Aux débuts de la chrétienté
Nous retrouverons ces différences à tous les échelons du chant classique,
Enfin, pour mieux traduire les élans libertaires des héros de lopéra historique et politique, les chanteurs renonceront à la magie de la vocalise pour lui substituer leffet non moins envoûtant de la puissance de la voix, et surtout des notes aiguës : le fameux " ut de poitrine " émis en 1831 par le ténor français Gilbert Duprez dans Guillaume Tell , de Rossini, aura de profondes répercussions sur lart du chant et sur son nouveau public. (tiré de lEncyclopaedia Universalis)
Publié dans Théâtre/Public, publié par le Théâtre de Gennevilliers, 41 Avenue des Grésillons, 92230 - Gennevilliers; Juillet-Octobre 1998, 90 Fr
Les Chemins de la Voix, 142-143 ; pp.34-45, (ISSN0335-2927 )