La Dialectique posturale

Dr Bernard Auriol

Il nous parait important que soit préservé l' équilibre d' une séance dans laquelle posture et contreposture doivent se succéder harmonieusement.

Par exemple la posture du grand renversement ("Supta Vajrasana", fig. 7) doit être suivie d' une posture du type de la feuille pliée (fig. 8).

On retrouve là le thème respiratoire, ou systolodiastolique, chaque muscle, chaque articulation étant sollicité dans un sens puis dans l' autre.

A cette occasion, remarquons que certaines postures sont adoptées spontanément ou réussies facilement dans certaine conditions psychophysiologique alors que leur contre posture s' avère pénible, éprouvante.

OBSERVATION N° 37

Monsieur Samson entré dans le service après une tentative de suicide est un névrosé dont la dépression au niveau postural est traduite de la manière suivante par la monitrice de yoga : " Sujet très souple qui ressemble pendant les postures à une grande plante privée d' eau, dont la corolle (la tête) tombe jusqu' à terre ". Le yoga tonifiera progressivement les muscles périrachidiens et entraînera une modification spectaculaire de sa présentation. On note également qu' au départ, les postures d' équilibre lui sont totalement inaccessibles ( arbre ) et qu' elles ne deviennent possibles et normalement tenus qu' après deux mois de yoga thérapie. On remarque également qu' il

n' accepte de respirer dans les premiers temps que par la bouche.

Après certaines activités contraignantes et monotones, il est inutile de s' adonner aux postures similaires, sinon à titre de confirmation préalable et il convient de ne pas s' y attarder. La contreposture au contraire est souhaitable, elle est éprouvée comme une détente et presque une nécessité par l' organisme....

L' étirement spontané souvent accompagné de bâillement est codifié, harmonieusement mené à terme par certains exercices.

Il est remarquable que certains malades affectionnent certaines postures et sont réticents par rapport à certaines autres pas nécessairement plus pénibles en soi, et d' ailleurs opposées d' un malade à l' autre.

Nous avons constaté pour les Schizophrènes en particulier qu' il était bon d' autoriser des durées assez longues en postures régressives (" feuille pliée "), et même de commencer par elles, bien qu' elles semblent aller dans le sens de leur symptomatologie, pour n' aborder qu' ensuite et progressivement les postures antagonistes.

De même pour les postures en extension par rapport aux hystériques .

Notons l' intérêt du yoga de groupe dans ces deux indications qui profitent peu, à notre avis des techniques verbales : le schizophrène par excès d' introversion et difficulté de communication, l' hystérique par excès d' extraversion et superficialité des échanges.

On pourrait craindre que la yogathérapie favorise la recrudescence des symptômes contre lesquels elle prétend lutter, même au niveau corporel, dans la mesure ou nous préconisons de laisser au malade tout le temps qu' il désire pour rester dans les postures qui lui plaisent.

Nous pensons que le dosage rigoureux des postures et l' exercice du yoga en groupe éliminent cette difficulté.

Quand nous parlons d' un dosage rigoureux des postures, il ne s' agit pas de prolonger autoritairement les " asanas " qui ne sont pas spontanément agréables au malade ou qui lui sont peu accessibles, mais plutôt, de respecter l' équilibre classique posture-contreposture au point de vue du déroulement temporel de la séance ou d' un ensemble de séances Ceci afin que les postures prennent de moins en moins de temps, par effet de satiété d' une part, par la pression d' uniformité de groupe d' autre part. Sans doute intervient également un conditionnement opérant due à la pression involontaire mais difficile à éliminer de l' animateur, pourtant silencieux à ce sujet, ne serait-ce que par ses attitudes corporelles personnelles, par les discrètes modifications de sa mimique ou tout simplement par ses actes manqués. (55) - (140).

Nous pensons de toute façon, qu' il doit systématiquement encourager par l' aide physique, l' expression d' une satisfaction sincère, au besoin verbalement, les postures " mal aimées " du sujet. Cet encouragement ne doit être évident et insistant qu' au niveau de la mise en place de 1' "asana" La durée de celui-ci devant toujours rester à l' initiative du sujet. De fait ce dernier au bout d' un certain temps est moins réticent et finit par accepter avec plaisir et garder aussi longtemps que la moyenne du groupe des postures auxquelles il s' était d' abord refusé (il faudrait citer la quasi totalité de nos observations). On peut penser que la durée qu' accorde chaque participant à telle ou telle posture constitue un thermomètre assez fidèle de son évolution vers l' amélioration ou une plus grande détérioration. Nous pensons poursuivre les recherches en ce sens en essayant de dégager les corrélations statistique qui permettraient de confirmer nos remarques.

Nous citerons pour l' instant deux observations typiques :

OBSERVATION N0 47

Madame Brigitte Professeur de lettres s' inscrit a un cours de yoga, apparemment plus par curiosité que par réel besoin. Pendant 6 mois, ces exercices lui plaisent énormément, la détendent ; on enregistre de grands progrès au niveau des postures. Survient un événement très frustrant qui entraîne brutalement l' apparition de traits dépressifs et de symptômes névrotiques. Elle entreprend alors une psychothérapie sans interrompre son entraînement au yoga qui lui devient pourtant presque insupportable : elle présente une insomnie les soirs qui suivent la séance, elle se plaint de nausées et ne supporte plus les rétentions de souffle même très brèves. Il lui devient impossible de fermer les yeux et de se concentrer pendant les cours. Elle affirme que le yoga ne lui convient plus et aggrave même son état. Simultanément, malgré la régularité de son entraînement et ses progrès antérieurs, elle devient incapable de prendre certaines postures telles que le lotus et la charrue qu' elle réalisait auparavant sans difficultés.

OBSERVATION N0 30

Mlle Christine., déséquilibrée, ne vient d' abord au cours de yoga que sur prescription du médecin-chef du service. Elle remarque que le yoga la détend et la calme et décide pour son propre compte de continuer. Certaines postures sont difficiles a acquérir, la respiration plus encore.

Avant d' entreprendre le yoga, la distribution tonique était assez particulière, le dos et les épaules étaient crispés et on remarquait un abaissement de l' épaule droite. Mimique tendue.

Au bout d' un mois la dissymétrie a disparue, seule subsiste une certaine tension de la face et des mains ; le dos s' est assoupli ainsi que les articulations des membres. Toutes les postures deviennent accessibles. Elle prend part a la conversation qui suit la séance et on note une meilleure adaptation dans le service. Une interruption de dix jours amène le retour de la dissymétrie d' attitude, de la crispation mimique et de l' hypertonie paravertébrale. Simultanément, on constate une moins bonne adaptation dans le pavillon..

On trouvera une très belle réalisation des postures sur le site de G. Radhakrishnan, champion du monde d'asanas et homme d'une très grande simplicité et amitié.

page suivante => Le silence intérieur

page précédente => Le contrôle respiratoire

 



Google
  Web auriol.free.fr   


Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

© Copyright Bernard AURIOL (email : )

17 Août 2003