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E. Fromm (64) en définissant l 'attitude productive indique qu 'elle consiste " à se donner naissance à soi-même ". Ce travail n 'est jamais achevé, " dans les conditions les meilleures,1 'homme meurt toujours avant que d 'être totalement né ". L 'attitude productive n 'entraîne pas nécessairement des résultats tangibles évidents comme le fait l 'attitude " dominatrice " elle concerne le caractère de l 'homme et pas son succès. Mais, cette aptitude à user de ses pouvoirs et à réaliser ses potentialités ne peut se développer que pour autant que s 'atténue l 'attitude autoritaire-dépendante, puisqu 'aussi bien autorité et dépendance sont liées au même degré que sadisme et masochisme. De même le " réalisme " qui semble à l 'opposé de 1 ' " aliénation"et de la psychose n 'en est, en fait, que le complément ou le symétrique ... Le réaliste est l 'objet humain que façonne le monde tandis que le monde est envahi, pour le psychotique par son propre chaos.
La non compétition permet à l 'individu de s 'écouter et de se construire et Mac Luhan (107) écrivait avant Mai 68 que dans le futur " une vie non standardisée ne pourra plus susciter ces étroites références qui rendaient la compétition possible. Les écoles trouveront sans doute inutile et même impossible de faire passer des examens collectifs et d 'octroyer des diplômes ( ... ) La motivation prendra sa source dans l 'accomplissement en soi de la tâche ". Sans partager cet optimisme, nous pensons qu 'une société adoptant le principe de non-compétition connaîtrait beaucoup moins les troubles d 'adaptation que la nôtre.
OBSERVATION N0 1
· - Marina, 37 ans Etat Névrotique
COMPORTEMENT EN FEVRIER 69 (AVANT LE YOGA):
Plaintes hypochondriaques, gémissements incessants, gastralgies, idées d 'incurabilité, instabilité
psychomotrice avec anxiété permanente, asthénie, anorexie, insomnie.
Le traitement chimiothérapie associe la Propériciazine et le Méfexamide.
Comportement au cours des séances :
Au début ne vient qu 'à contrecSur, faisant " traîner " les préparatifs, gémissante. Cependant participe avec un intérêt toujours accru, réalise très correctement les postures après quelques séances et contrôle mieux sa respiration.
APRES TROIS MOIS DE YOGA:
Plus coopérative, elle accepte les médicaments qu 'elle critiquait constamment au début, dort mieux, demande sa sortie définitive. Souriante, elle ne fait plus entendre de gémissements et on peut considérer son comportement comme normalisé.
SON OPINION:
Elle vient sans se faire prier, est à l 'heure ; elle considère que le Yoga est une " gymnastique " qu 'elle veut continuer car elle en ressent les bienfaits. Elle considère que cela ne doit en aucune façon devenir un " sport ", montrant par là qu 'elle a bien assimilé le principe de " non-compétition ".
Une série de chocs humides pratiqués sans possibilité d 'un nursing suffisant a semblé plus anxiogène que thérapeutique à la malade.
L 'insistance que nous mettons à inciter les malades au respect du principe de Non Compétition à l 'égard des autres, mais aussi de soi-même (96)-(1) aboutit à une meilleure acceptation de soi. Nous précisons fréquemment qu 'il n 'est pas question de faire des exploits, de dépasser en souplesse la performance du voisin, nous montrons par notre exemple qu 'une posture n 'est pas nécessairement réussie tous les jours correctement, même pour quelqu 'un d 'entraîné. De même, suivant en cela les conseils de Déchanet, nous nous interdisons ainsi qu 'à nos patients, de recommencer une posture mal réussie une première fois. C 'est à la séance suivante qu 'elle sera reproduite...
En effet les patients sont très sensibles à la difficulté des postures et l 'expriment souvent (au moins dans les débuts), obs. N° 19 Monsieur Frédéric déclare : " C 'est difficile, on ne peut pas faire complètement tous les mouvements ".
Obs. N° 20 Monsieur Arsène, " Je ne savais pas comme c 'était difficile ".
Nous leur indiquons que réussir la posture parfaitement, c 'est approcher sans nervosité ou effort exagéré, dans la mesure des possibilités d 'aujourd 'hui, ou plutôt de maintenant, qui ne sont pas forcément aussi grandes que celles d 'hier, d 'approcher, et non pas d 'atteindre nécessairement la posture représentée par les schémas ou le moniteur.
Par exemple la posture du lotus peut être préparée par toute une série de poses valables en elles-mêmes et orientées vers l 'obtention ultérieure du lotus parfait. Si une séance de yoga laisse le sujet fatigué physiquement ou tendu nerveusement, nous lui indiquons qu 'il a voulu pousser les choses trop loin et que la séance eut été plus valable s 'il n 'avait pas lutté contre lui-même.
OBSERVATION N°12
Mlle Madeleine estime qu 'elle est plus " détendue ", plus " à l 'aise " et qu 'elle a un meilleur appétit depuis qu 'elle pratique ce " traitement ". Débile et caractérielle elle affirme, et l 'observation confirme, qu 'elle se maîtrise mieux. Ainsi malgré son Q.I. à 50 et sans discours de la part des moniteurs, une pratique de trois mois de yogathérapie lui a fait assimiler sa valeur de " thérapeutique ". Cette jeune fille n 'appelle pas traitement la partie de volley ball a laquelle elle participe parfois. C 'est qu 'elle a vécu une profonde différence entre sport et yoga, au point de rapprocher ce dernier des médicaments, électrochocs et autres cures très médicales.
Certains malades restent perplexes sur le sens de la yogathérapie et n 'en percevant pas le caractère directement thérapeutique, marquent cependant leur sentiment que ce n 'est pas une gymnastique comme une autre.
OBSERVATION N° 26
Monsieur Jacques demande : " Ca prépare au sport votre truc ? ".
L 'acquisition de la non-compétition au niveau vécu est très longue à obtenir dans la plupart des cas. Voici une forme de résistance à ce principe :
OBSERVATION N°44
Monsieur Joachim cherche à se valoriser par des exploits sportifs des fugues spectaculaires en mettant simultanément en évidence certaines malformations corporelles mineures et en camouflant des malformations génitales (cryptorchidie) plus cruelles pour lui..
Ses premiers essais de yoga sont un échec car le moniteur insiste auprès de lui sur le principe de non compétition qu 'il tend constamment a transgresser. Il ne participe qu 'a une seule séance et refuse de continuer.
Une monitrice, étrangère au service, étant venue l 'année suivante il accepte de refaire un essai, cherche, visiblement pour lui faire plaisir à adopter un comportement non compétitif quant à la perfection des postures. De fait, un épisode singulier au premier abord montre que son attitude de surcompensation névrotique se perpétue d 'une autre manière à l 'occasion de la " feuille pliée ", il reste dans cette posture un temps suffisamment long pour que le groupe, discrètement, manifeste son impatience. Il se relève enfin en déclarant à la monitrice qu 'il était resté si longtemps en cette posture parce qu 'il s 'était complètement abstrait du monde environnant. Il n 'en était évidemment rien puisqu 'il avait senti l 'impatience du groupe et s 'expliquait à ce sujet. En fait comprenant que plusieurs des techniques employées tendaient à permettre une éviction des " distractions externes " et cela sans qu 'on en ait parlé, il offrait à l 'admiration de la monitrice ce qui devait être regardé par elle comme une réussite rapide, devançant les autres membres du groupe.
La pratique en groupe d 'exercices dans un esprit non compétitif entraîne une prise de distance par rapport à la réussite formelle gymnique, et à la différence des pratiques sportives apprend au sujet la valeur d 'un effort en souplesse dans une direction donnée, indépendamment de la réussite formelle consécutive à cette dépense d 'énergie.
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