Généralités

Dr Bernard Auriol

 



 

Le Yoga tel que nous venons de le décrire dans sa forme traditionnelle n 'est pas une méthode à visée thérapeutique, même si comme nous l 'avons vu des " fruits " thérapeutiques étaient la conséquence nécessaire de sa pratique correcte.

N 'utiliser le yoga que pour ces " fruits " impose une adaptation qui doit être d 'autant plus soigneuse et prudente qu 'il s 'agit de malades mentaux graves, comme la plupart des sujets qui ont participé à notre expérience.

Le yoga dans sa forme classique hatha-yoga donne à lui seul des résultats remarquables* s 'il s 'agit de symptômes discrets, n 'ayant pas toujours imposé le recours au spécialiste. On sait que nombre de psychiatres ou de psychanalystes conseillent à certains de leurs malades ces pratiques.

Il convient de définir avec précision la yogathérapie qui est une branche issue du yoga mais est loin de résumer tout ce qu 'on peut attendre des techniques indiennes.

Tableau des observations (non reproduit ici):

 

La Yogathérapie n'est pas une mystique

Dans l 'esprit du malade comme dans une large couche du public, le yoga est très lié au fakirisme et au " parapsychologique ".

OBSERVATION N0 18

Le deuxième cours est perturbé par le refus de Monsieur Thierry de s 'incorporer au groupe. Les autres participants cherchent à l 'encourager sans succès et tout en restant à leur place puis se taisent faisant implicitement appel à la monitrice dont on attend la réaction : en effet les malades sont venus pour lui faire plaisir, ou faire plaisir au médecin, tandis que le personnel infirmier rit ouvertement de cette " gymnastique " chez des sujets souples comme une barre de bois.

La monitrice sans contraindre le malade récalcitrant à participer à la séance, lui demande de rester " pour regarder " assis par exemple dans un fauteuil.. Il s 'assied alors sans rien dire. Au cours de la verbalisation qui suit toujours la séance dans cette expérience, Monsieur Thierry prend la parole pour demander si la télépathie n 'est pas une chose réelle " car il entend des voix constamment, et cela l 'empêche de faire ce qu 'il veut, ce qui est terrible "....

Sans nous prononcer sur les postulats métaphysiques, philosophiques ou religieux des yogins indiens, nous avons évité soigneusement de considérer ou de faire croire aux malades traités que le yoga tel que nous le pratiquons implique un lien nécessaire avec une quelconque doctrine de cet ordre. Il a moins à voir encore avec l 'occultisme, la magie ou le fakirisme qui en constituent essentiellement une exploitation plus ou moins acrobatique et mystificatrice.

La yogathérapie est une rééducation.

L 'esprit qui imprègne chacune des séances, chaque parcelle de temps d 'une séance esprit créé par l 'équipe de moniteurs, est plus important à notre avis, pour l 'amélioration des comportements névrotiques ou pour la restructuration de la personnalité psychotique, que les exercices eux-mêmes pratiqués en cours de séance.

La pratique des Asanas amène le sujet à assimiler au niveau du vécu et en dehors de toute transmission verbalisée cette évidence que la peur et les défenses qu 'elle entraîne sont généralement plus nocives que le danger auquel elles sont censées faire face : une posture douloureuse ne l 'est plus et procure même un certain bien être, à partir du moment ou au lieu de la produire avec initiative, le sujet accepte seulement, et dans la passivité idéomusculaire qu 'elle se produise. Il se rend progressivement compte que lorsqu 'il " force ", qu 'il se tend, qu 'il lutte contre lui-même, la réussite est médiocre sinon impossible.

Il s 'agit sur le plan psychomoteur d 'une application de ce que réalise le mélange de Laborit par rapport à l 'exagération des défenses physiopathologiques consécutives à une exagération des stress.(97).

L 'attention détournée de la posture sur la respiration permet ce désintéressement de l 'effort volontaire tendu: pendant le temps de réalisation et sans discours, le sujet apprend qu 'on souffre d 'autant moins qu 'on oublie mieux de se défendre contre la douleur qui bien entendu reste toujours très en deçà de l 'insupportable. (on pourrait facilement rapprocher cette rééducation des méthodes du " conditionnement opérant "(140)

Cette non-violence à l 'égard de soi rejaillit sur la relation à autrui nous ne sommes pas loin, au point de vue psychomoteur, des freudiens, s 'il est vrai comme le dit M. C. BOONS (25)que " la cure psychanalytique est l 'apprentissage d 'une non-violence, dans la mesure où elle peut déterminer la reconnaissance de ce qu 'autrui n 'est pas moi, bien qu 'il soit comme moi "
 

La séance et son déroulement

Le rythme des séances est à peu près quotidien Chaque séance est placée sous la responsabilité d 'un ou deux moniteurs qui s 'attachent à faire acquérir aux malades les dix postures que nous avions choisies en raison de leurs compensations réciproques et de la mise en jeu de l 'ensemble des possibilités corporelles. Nous insistions fréquemment sur la nécessité de n 'entrer en compétition ni avec soi même, ni avec les autres, soit par nos paroles adaptées à la compréhension des moins évolués d 'entre les membres, soit par notre propre comportement somatique, soit par des remarques circonstancielles individuelles.

Nous insistons également sur la nécessité d 'être attentif à ses propres possibilités, de les mener jusqu 'au bout sans jamais chercher à les dépasser par un effort tendu, nous demandions également d 'être très attentif aux différentes parties du corps en tension et à celles qui devaient au contraire être comme abandonnées, relâchées.

Lorsque les postures avaient été comprises et suffisamment essayées, nous recommandions de se centrer sur la respiration, de la suivre pour ainsi dire " à la trace ", puis de la maîtriser, en la ralentissant, l 'amplifiant, la régularisant:

Nous devons avouer que les malades nous ont assez mal suivi sur ce terrain, et cela d 'autant qu 'ils étaient plus psychotiques.

Nous adaptons le rythme collectif à celui du plus lent d 'entre les membres, c 'est-à-dire que chacun peut rester autant qu 'il veut dans une posture qui lui plaît, le groupe en attendant se détend, chacun dans sa position favorite.

Nos malades étaient pour la plupart des chroniques, dont l 'espoir de sortie proche était pratiquement nul; nous comptions ainsi mener une observation de plusieurs mois. Nous n 'avons fait aucun choix quant au diagnostic, dans l 'attente que se fassent jour des indications privilégiées qui auraient pu être différentes de nos prévisions.

Plusieurs de nos malades étaient parfois réticents, soit que la pratique leur paraisse trop ardue soit que certain scepticisme ambiant ne les détourne de cette thérapeutique.

En début de séance, les participants, disposés en cercle dans une grande salle convenablement aérée, s 'allongent sur le sol mousse (bulgomme par exemple) ou sur un tapis individuel. Revêtus d 'un survêtement ou d 'une tenue dégageant bien les membres, déchaussés, ils pratiquent tout d 'abord quelques exercices respiratoires ou s 'appliquent à percevoir les différentes parties de leur corps, successivement. Nous les invitions parfois à contracter au maximum tous les muscles puis à les relâcher complètement en partant des pieds pour aboutir au visage. Parfois, également nous les rendions attentifs à un bruit extérieur, considéré par nous comme parasite puis nous leur demandions d 'abandonner ce bruit pour entendre les sons intérieurs à la salle, et nous répétions cet exercice plusieurs fois afin d 'établir une sorte de respiration perceptive tendant à annuler le caractère parasite de l 'agitation extérieure en l 'intégrant consciemment.

Nous placions ensuite une série de schémas décrivant les différentes postures que nous avons retenues : (fig. 2 à 13).

Ce choix n 'est pas arbitraire mais vise à condenser, a résumer l 'ensemble des asanas, si nombreux dans leur variantes du Hatha-Yoga traditionnel. Nous nous sommes laissés guidés par l 'expérience de Déchanet. Bien sûr on peut imaginer une série autre, des modifications ou des additions en fonction de groupes de malades monodiagnostiques, par exemple ou en raison de préférencesou d 'expériences personnelles.

Dans la troisième partie de la séance dont la durée ne dépassait pas une heure, nous utilisions des exercices d 'expression corporelle, de perception consciente, d 'exploration de l 'espace et surtout des activités de communication non verbale, inspirées de la " Sémantique Générale " de Korzibsky (29-94).

Par exemple, les participants se tiennent en cercle, au coude à coude et chacun d 'eux tour à tour, à moins qu 'il ne refuse, se place au centre, les yeux fermés, les bras le long du corps. Il doit être droit sans raideur et laisser ses pieds au même point du sol, tandis que les autres se le renvoient de l 'un à l 'autre, comme s 'il s 'agissait d 'une escarpolette. (fig. 19).

Dans un autre exercice, tous les participants se placent de façon à enfermer à l 'intérieur du cercle, le plus d 'espace possible, ils sont donc collés aux murs de la pièce. Au bout d 'un certain temps ils se rapprochent d 'un point central fictif auquel le groupe doit s 'identifier au maximum, de telle sorte que les participants s 'entassent, ne laissant aucun interstice entre eux (fig. 20). Lorsque cette " concentration spatiale " leur devient trop gênante ils s écartent à nouveau lentement, reprenant la position de départ. Et ainsi de suite. On réalise donc une sorte de respiration du groupe par rapport à la distance interpersonnelle et à l 'occupation des lieux.

Un troisième exercice consiste à s 'adresser de l 'un à l 'autre des applaudissements après s 'être regardés, où à faire entendre un son, aussi personnel et spontané que possible, chacun à son tour puis, si l 'envie existe, tous ensemble.

Les membres se séparent alors.   

Les échanges verbaux pourraient être placés à ce moment de la séance si on décidait de les utiliser.

Le protocole que nous venons de présenter est celui que nous préconisons car nous l 'avons pratiqué avec de bons résultats au Quartier Psychiatrique de Montauban, que ce soit chez Monsieur OULES ou chez Monsieur SOUBRIER.

Un protocole différent a été mis en place par une infirmière, très entraînée au yoga qu 'elle pratique assidûment depuis plusieurs années.

Nous croyons à la valeur de cette expérience malgré l 'opposition qu 'elle a rencontrée dans le personnel infirmier, pour des raisons qu 'il serait déplacé d 'analyser ici.

Madame POINSON, Service de Madame le Docteur DEFFUANT prenait donc deux séries d 'une dizaine de malades chaque jour pendant une heure. Les 45 premières minutes étaient consacrées à des postures, exercices respiratoires rythmés par un gong et détente-relaxation pendant 5 minutes. Ensuite la monitrice essayait de susciter des échanges verbaux et répondait aux questions, concernant ou non le yoga, qu 'on lui posait.

Pendant chaque posture, elle indiquait la valeur physiologique de la posture et à quel niveau elle est censée agir.

Ses cours d 'abord unisexués (hommes) devinrent bientôt mixtes malgré les nouvelles critiques que suscita cette décision.

Nous pensons que l 'opposition très manifeste de la part de l 'institution a été ici un frein, non seulement à la participation régulière des malades, mais aussi à la qualité de leurs motivations.
 
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Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

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29 Mai 2001