le yoga et la parole en thérapie (thèse de Bernard Auriol)

Le yoga en tant que thérapie non verbale diffère dans sa méthodologie de toutes les formes de psychothérapie verbale. Quant à ses mécanismes d 'action, elle nous parait s 'apparenter de manière analogique à la psychothérapie non-directive de Rogers (143-144). Elle a une dimension originale par rapport à la psychanalyse en ce sens qu 'après une mise en évidence des troubles et des énergies en cause (prise de conscience), après leur décharge cathartique (exercices de sémantique générale et d 'expression corporelle en fin de séance), elle a une visée et une action constructive : elle ne se contente pas de tendre à mettre en évidence et à démolir les structures pathologiques, elle aboutit de plus à mettre en place une structure harmonieuse des énergies présentes. Ceci non au terme de la cure, mais au fur et à mesure.

Sans attitude moralisatrice, elle incite l 'individu à prendre en main sa propre thérapeutique (12) et exige pour donner sa pleine mesure que l 'ensemble de l 'institution ou l 'ensemble de l 'équipe soignante comprenne l 'intérêt et la valeur du dialogue au sujet des moyens de toute nature mis en Suvre pour aider la malade : chimiothérapie, ergothérapie, sociothérapie, psychothérapie verbale et non verbale.

D 'autre part, l 'harmonisation et la régulation biologique neuro-endocrinienne produite par les postures et le contrôle respiratoire, non seulement débarrassent le sujet des troubles neuro-végétatifs et fonctionnels (conséquence ou prétexte de ses plaintes ou de son délire) mais encore normalisent la physiologie et par là indirectement favorisent l 'investissement pragmatique de 1 ' énergie utilisable.

Dépressive, elle pleure fréquemment, demande Si sa mère ne vas pas ressusciter " comme on l 'a dit a la télévision ", anorexique.

Insomnies, nausées, sentiment d 'abandon, de solitude, crises de larmes. Choquée par la visite de son 2^ème père (clochard qu 'elle ne connaissait pas).

Mimique triste au début, puis prend confiance progressivement, très attentive à ce qu 'elle fait. Dirige parfois le groupe de yoga.

Demande souvent des explications pour essayer de progresser davantage, pratique la respiration contrôlée sans aucune difficulté.

Exprime le désir de partir et de travailler pour " être comme tout le monde ". Aide les infirmières, participe activement à l 'ergothérapie.

Nous sommes d 'accord avec H. Flamm (60 bis) pour dire que " la Pratique du Yoga donne des résultats essentiellement différents de ceux que l 'on obtient par les méthodes psychanalytiques "mais nous sommes bien moins certains que lui du peu de valeur thérapeutique de la psychanalyse.

Au contraire avec Sivadon, nous pensons que la maladie mentale étant sous la dépendance de multiples déterminismes, il est souhaitable de lui opposer une thérapeutique comportant plusieurs niveaux. Si c 'était pratiquement réalisable, nous suggérerions l 'association dans la quasi totalité des cas de la psychothérapie verbale et de la yogathérapie.

Une observation concernant une névrotique grave, nous permettra d 'illustrer l 'intérêt de cette association :

Une nuit, alors que l 'infirmière avait un malaise, elle a pris l 'initiative de téléphoner dans un autre service pour demander de l 'aide.

La modification du score au Wechsler Bellevue est peu importante mais nous parait liée à un meilleur contrôle de l 'affectivité.

Madame Rose, employée de préfecture a été hospitalisée pour paroxysmes anxieux, phobies, hypochondrie. En psychothérapie depuis sa sortie de clinique, il y a un an, les symptômes gênants ont été quelque peu réduits sans céder franchement. Son psychothérapeute lui conseille de pratiquer le yoga.

Après son premier cours, elle est tellement détendue, ensommeillée même qu 'elle se couche sans dîner et dort sans difficulté plus de dix heures.

Le lendemain, grâce à la " respiration consciente " qu 'elle a assimilé, dès le premier cours, elle décide de monter en ascenseur.

La réalisation n 'offre alors aucune difficulté alors qu 'elle présentait jusque là une phobie invincible vis à vis de cet appareil. Depuis prendre un ascenseur ne présente aucune difficulté.

Par contre la persistance de préoccupations hypochondriaques lui interdit une pratique régulière du yoga : elle craint de s 'abîmer les vertèbres...

Nous pensons que seule une pratique régulière est efficace (et donc que le yoga, seul, est tout à fait insuffisant pour permettre un épanouissement de la personnalité de Madame Rose.

Par ailleurs, il est évident que sa participation en lui montrant la possibilité d 'une détente musculaire et mentale qu 'elle croyait lui être inaccessible, en lui permettant de vaincre les dernières craintes qui la séparaient de la " montée en ascenseur " a été très bénéfique.

Peut on dire que la Yogathérapie à une action sur les causes des symptômes névrotiques ?

Cet exemple et bien d 'autres montre que ses visées sont plus modestes et que seules les psychothérapies en profondeur peuvent avoir cet ambition. La yogathérapie cherche seulement à utiliser les énergies existantes, à les rendre disponibles pour prendre du recul par rapport aux conflits intra ou inter personnels, de façon à ne leur accorder que la place qu 'ils prennent lorsque se " refroidit " le regard qu 'on leur accorde....

29 Mai 2003

YOGATHERAPIE ET PSYCHOTHERAPIE VERBALE

Dr Bernard Auriol


	Web auriol.free.fr