Vittoz a proposé une méthode d'entraînement du controle conscient proche de certains aspects de la yogathérapie (thèse Bernard Auriol)

Cet auteur dont les recherches sont trop mal connues apporte un certain nombre de constatations empiriques et de " recettes " pratiques d 'une très haute valeur thérapeutique. En marge du grand courant de la psychothérapie analytique son oeuvre met en évidence l 'importance du cerveau " conscient " dans le rétablissement des névroses.

Il invite, dans le silence et étant exclue toute agitation à prendre conscience des perceptions sensorielles et sensitives extéro ou proprioceptives, il demande un contrôle respiratoire et la coïncidence de l 'attention avec chacune des parties du corps. Dans tous ces exercices qui rejoignent notre propre méthode il insiste sur la nécessité de sentir, de percevoir au lieu de conceptualiser.

A - LA RECEPTIVITE SENSORIELLE que nous cultivons nous même en début de séances est le premier point visé par ses exercices. Il explique que plus la sensation parvient pure et simple, dépouillée d ' " idée ", plus elle sera intégrable par le système nerveux et nourrissante pour lui. Il faut toucher, écouter, voir, sentir, goûter, il s 'agit de susciter un état de conscience et non un état de connaissance : " un exercice imparfait n 'est jamais repris ", on passe au suivant car le passé ne compte plus. Il ne s 'agit jamais que de l 'instant présent.

Ce mode d 'insertion au réel est à la base de la mystique de plusieurs maîtres catholiques ainsi Thérèse de l 'enfant - Jésus, François de Salle, François d 'Assise. Quand " vivre l 'instant présent "sort du pur intellect pour devenir un aliment spirituel ou psychologique, on est en présence d 'un puissant moyen de lutte contre l 'anxiété, la fébrilité, la nervosité; la culpabilité aussi bien que les modes névrotiques de surcompensation imaginaire L 'instant présent est bien, en effet, le seul temps tout à fait réel. On n 'a aucune prise sur le passé et des visées purement aléatoires par rapport au futur. Seul 1 ' " ici et maintenant " a une valeur objective quant à l 'action.

Cette simple remarque a une portée incalculable si on la rend toujours présente à l 'esprit du malade, qui est peu ou prou, un anxieux.

" consciemment " les sensations provenant de notre corps en vue d 'assurer son unification. Il s 'agit d " accueillir " la sensation à l 'occasion d 'actes banaux tels que : avaler, respirer, marcher. Nous pratiquons ces exercices en yogathérapie, soit en début, soit en fin de séance, soit même en cours (respiration).

Cet auteur fait remarquer la valeur de la marche consciente dans les petits signes névrotiques (vertiges, agoraphobie). Il remarque la très faible amplitude de la respiration spontanée chez les névrosés. Non seulement notre expérience confirme ce point de vue mais l 'étend, comme on pouvait s 'y attendre, aux psychotiques ... Chez ces derniers, nous l 'avons dit, la simple prise de conscience de la respiration est difficile, surtout en phase " productive " de la psychose, et le contrôle respiratoire par instauration d 'un rythme imposé s 'avère très long à obtenir.

Vittoz à partir de sa remarque, propose aux névropathes une respiration à 4 temps, tout à fait semblable à celle que nous avons tiré du Yoga. Il préconise également le grand souffle de détente avec prise de conscience du corps. Cet exercice termine plusieurs de nos postures et s 'exerce en fin de séance, dans un de nos groupes, avant de réaliser un étirement-bâillement auquel nous attachons une grande vertu de remise à l 'action après la relaxation yogique.

Il préconise comme nous des exercices de concentration visant telle ou telle partie du corps. il écrit " La concentration bien faite donnera au bout de peu de jours une sensation particulière que le malade pourra aisément reconnaître. C 'est parfois un picotement, parfois un léger choc, ou l 'impression que le sang se dirige vers l 'endroit désigné. Cet investissement aurait le pouvoir de supprimer certaines algies : nous rejoignons peut-être là un des mécanismes d 'efficacité de l 'acupuncture, de l 'application de moxas, de l 'imposition des mains, il n 'est pas improbable par exemple que le guérisseur qui promène ses mains à la surface du corps d 'un patient, dirige, sous l 'effet puissant de suggestion que lui donne son prestige, l 'attention du malade sur la surface cutanée en rapport avec ses mains. Dès lors, lorsque la concentration atteint un point algique le phénomène décrit par Vittoz se produirait. On sait que les guérisseurs, souvent sans connaître de quoi souffre leur client, déclarent " vous sentirez quelque chose au lieu de votre mal et ce sera fini " - Deltheil (45) lorsqu 'il rapporte les succès thérapeutiques d 'Alalouf estime que " leur multiplicité et leur diversité s 'opposent à en expliquer l 'événement par le jeu réussi de circonstances fortuites " et que " dès lors, la probité scientifique commande d 'accepter 1 ' existence contrôlée de ces faits, et légitime un travail de critique positive sur le comment et la valeur de leur réalisation ". " L 'observation de ces expériences pose (...) le problème du mécanisme par lequel " l 'influx " parait se communiquer à savoir l 'imposition des mains ". Nous partageons cet avis mais ne suivront pas l 'auteur dans ses spéculations sur une hypothétique " télékinésie ". Il ne suffit pas, non plus, de dire : " c 'est la suggestion ". Mot magique, mis comme masque à tous les phénomènes interhumain dont nous hésitons à élucider le mécanisme. Nous proposerons une hypothèse plus nuancée.

On peut penser qu 'un point algique "fonctionnel" est la concrétisation neurophysiologique de l 'évitement psychoaffectif ou symbolique d 'une donnée particulière, liée à l 'histoire individuelle, refoulée et inconsciente. L 'attention centrée délibérément sur ce point, à un niveau, certes très éloigné du traumatisme causal, amènerait alors la réintégration sinon au niveau psychoaffectif symbolique, au moins au niveau neurophysiologique de l 'élément artificiellement isolé de l 'organisme conscient et qui exige, par la douleur, sa réintégration. Cette réintégration serait donc la raison de la disparition du trouble.

Pour appuyer notre interprétation qui prétend expliquer à la fois l ' " émissivité " de Vittoz et la " télékinésie " de Deltheil nous citerons A. Soulairac et R. Kourilsky.( 159) :

" Nous percevons l 'affectivité comme une réalité permanente et mouvante de la conscience, mais elle est répercutée par les voies nerveuses dans l 'organisme entier. Notre personnalité affective est en perpétuel mouvement et en expression incessante - gestuelle et viscérale - même si cette dernière n 'est pas perçue. La moindre impression sensorielle la sollicite et se teinte d 'affectivité. L 'afflux des ébranlement affectifs conscients ou inconscients est énorme. Leur intégration incessante nécessite une régulation à laquelle participe notre être tout entier ... On parle, sans qu 'on puisse le mesurer, de quantum d 'affectivité entre des circuits psychologiques qui permettent l 'intégration sans dommage, en utilisant par exemple la dérivation ou le transfert.

La libération des " affects " s 'effectue dans l 'acte et conditionne le comportement. Leur blocage a pour conséquence leur incorporation viscérale et le désordre momentané ou durable de l 'homéostasie ".

Nous avons tenté, nous-mêmes (avec succès), d 'utiliser ce phénomène à la stupéfaction des infirmières présentes, chez José P., épileptique, qui souffrait de céphalées atroces: céphalées qui la mettaient en larmes une grande partie de la journée, et qui (la comitialité étant convenablement équilibrée par une chimiothérapie adéquate) restaient la seule raison de son séjour à l 'hôpital. Les médications antalgiques habituelles présentées pourtant avec conviction, de notre part, n 'étant pas venu à bout de ses maux de tête, nous décidâmes de lui imposer les mains en l 'avertissant qu 'elle sentirait probablement " quelque chose " dans sa tête, et que dès lors ses céphalées n 'existeraient plus. Il en fut comme nous l 'avions dit et la malade put rentrer chez elle, délivrée de ses douleurs et de ses larmes. Revue un an après il n 'y avait pas de récidive.

Nous ne pensons pas qu 'on puisse expliquer ce phénomène par la simple suggestion, à l 'occasion d 'un transfert positif de cette malade. La simple suggestion et le phénomène de transfert la sous-tendant existait également par rapport aux médications antalgiques prescrites et qui auraient dû, dans ces conditions, être efficaces, Le mécanisme que nous invoquons est confirmé à nos yeux par cet exemple et par la pratique quotidienne de milliers de guérisseurs ... Nous ne voyons pas pourquoi de tels procédés devraient rester hors du champ de la médecine officielle qui n 'aurait qu 'à s 'enrichir en les expliquant et les utilisant.

Vittoz invite également ses clients à des exercices très proches, sinon identiques, à ceux que nous avons cités dans notre étude de la " centration-décentration " : il n 'essaie pas d 'attaquer intellectuellement ou d 'une autre manière les images spontanées du sujet, images qui s 'imposent souvent à lui par leur force obsédante.

Il propose des exercices de concentration mentale sur des symboles simples (signe de l 'infini, spirale, triangle, clé de sol, chiffre 1 afin d 'amener le sujet à une unification symbolique de son organisme. Il l 'entraîne également à effacer de sa conscience successivement, tous les objets d 'une série préalablement perçue ou imaginée jusqu 'au vide imaginaire et conceptuel.

Tous ces exercices on le voit aboutissent, tout comme notre méthode, qui en utilise d 'ailleurs la plupart, à un rassemblement de tout l 'être dans l 'unité et convergent vers la maîtrise de soi.

Cette méthode est classiquement utilisable dans la psychasthénie, l 'anxiété mineure, les dépressions réactionnelles, l 'instabilité caractérielle, les scrupules certaines phobies, les insomnie névrotiques. Elle peut également donner de bons résultats sur les névroses obsessionnelles et les Psychoses en dehors des phases aiguës productives.

Les indications sont donc les mêmes que celles du yoga et l 'efficacité doit se rapprocher de ce que nous constatons en yogathérapie, à ceci près que notre méthode nous parait mettre en jeu, outre les phénomènes utilisés par Vittoz des exercices et mécanismes spécifiques (par l 'emploi des asanas et par l 'utilisation des exercices de communication non-verbale).

Nous ne nous attarderons pas à étudier très précisément les points d 'accord ou de divergence entre la yogathérapie et 1 ' " expression corporelle " telle qu 'elle est pratiquée dans les stages C.E.M.E.A. par exemple, non plus que sur ses rapport avec les diverses pratiques de la rééducation psychomotrice. Nous préconisons en effet l 'association de tous ces procédés et techniques qui ont de nombreux point communs, mais aussi certains aspects spécifiques qu 'il serait dommageable de négliger.

" l 'Institute of General Semantics " nous parait très utile en fin de séance comme nous l 'avons dit, surtout dans la mesure où on s 'adresse à des schizophrènes, mais s 'appesantir sur l 'intérêt de ce déconditionnement de la communication verbale, sur la valeur de cette déconceptualisation dynamique de la conscience en complément de la déconceptualisation individuelle et statique du yoga dépasserait les limites de ce travail (29-94).

29 Mai 2001

LA METHODE VITTOZ

Dr Bernard Auriol


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