L'Eutonie

(et la Régulation Active du Tonus Musculaire)

Introduction aux Méthodes de Relaxation

Dr Bernard Auriol

CHAPITRE VII

 

 

1.       L'EUTONIE[1]

a.       Données essentielles de la méthode

Gerda Alexander, plutôt que de rechercher une diminution du tonus musculaire pendant un court instant, veut nous apprendre à  découvrir, dans chacun de nos mouvements et de nos actes, le «juste degré de tension » nécessaire. Il ne s'agit donc plus d'isoler le corps de tout contexte, de produire une « privation sensorielle », mais bien plutôt[2] de nourrir le sujet de ses propres sensations, comme si les mouvements valaient ce que valent les sensations dont ils viennent ou qu'ils suscitent. Une étude basée sur de la très sophistiquée technique d ' « idéographie cérébrale[3] » semble donner une base physiologique à cette hypothèse. En effet, on a montré que lors du mouvement d'un membre la zone du cerveau la plus active métaboliquement n'était pas la zone de commande de ce mouvement mais la zone réceptrice des sensations y correspondant.

La zone de commande des membres est la circonvolution frontale ascendante, la zone réceptrice est la zone pariétale ascendante. On trouvera le schéma de ces zones en cliquant ici.

Pour enseigner ou corriger une attitude ou un mouvement, G. Alexander ne se sert pas d'une attitude ou d'un mouvement. Elle laisse le sujet avec son maintien habituel et essaye de lui en faire prendre conscience, afin que de lui-même il se rende compte peu à peu de ce qui se passe dans son corps[4] », notamment de tout le passé qui s'y est inscrit de différentes façons : dans telle attitude, dans telle contraction ou dans tel relâchement. Le sujet perçoit alors qu'il utilise son corps (qu'il s'utilise soi-même) d'une manière parfois incommode, nuisible à son bien-être au lieu d'être agréable ; et aussi de manière fatigante, pénible. La constatation faite, à propos de tel détail ou de la posture d'ensemble, réagit sur ce détail ou sur l'ensemble et permet à l'élève, peu à peu, de se libérer de ces inadaptations, de ces chaînes venues d'un passé souvent lointain. Pour caricaturer, on peut se rappeler le phénomène de la camptocormie. Il s'agit de l'attitude cassée en deux que l'on prend brusquement et involontairement lors d'une peur extraordinaire et qui peut se fixer de telle sorte que le reste de sa vie le sujet reste courbé, plié en deux, après l'explosion qui l'a traumatisé. Les dystonies que G. Alexander aide à faire disparaître résultent similairement de tout petits traumatismes qui se sont inscrits un jour dans notre façon de nous tenir ou de nous mouvoir. Ces tensions n'échappent pas à l'oeil du moniteur exercé ; elles peuvent se faire remarquer à d'autres niveaux également. Par exemple, on peut les découvrir au toucher, à l'audition (le bruit des pas de quelqu'un est très caractéristique, sa façon d'arrêter une automobile), etc.


La démarche de Gerda n'est pas analytique. Son expérience lui interdit de morceler le corps dont les tensions sont comparables à une pelote de laine emmêlée. Il ne suffit pas de tirer un fil ici, un brin là. Si on le fait, on s'aperçoit que toute la pelote réagit. Il en va ainsi du corps. La modification d'un lieu entraîne, peu ou prou, celle de tous les autres. Cela est particulièrement notable dans la parole, le plaisir ou la respiration. Normalement tout le corps respire et les zones qui ne le font pas sont des zones « à travailler » parce qu'elles sont trop tendues ou trop molles. Le travail de prise de conscience du corps et la libération progressive des tensions aboutit à une plus grande stabilité de la sensation d'unité de soi.

b.      Données techniques

Nous allons décrire ici quelques-uns des exercices utilisés par l ' eutoniste, mais n'oublions pas que ces pratiques perdent beaucoup de leur intérêt hors de leur contexte unitaire, globaliste et intuitif.

La représentation d'un être humain sous forme de dessins ou de modelage.

« Certains font un tronc, d'autres un corps en morceaux, d'autres une tête, s'excusant de ne pas avoir eu assez de pâte à modeler, ou de ne pas être arrivés à raccorder les morceaux ». Même des personnes ayant appris l'anatomie produisent des disproportions étonnantes entre les différentes parties du corps représenté. Tout ceci est, bien sûr, extrêmement révélateur, non seulement pour le témoin, mais aussi et surtout pour le sujet lui-même. (Cf. Reproductions dans l'op. cit. de G. Alexander).

L'inventaire

Cette technique consiste à prendre une simple conscience des sensations provenant de telle ou telle partie du corps sans prévenir le sujet de manière suggestive comme on le ferait en sophrologie ou dans d'autres formes de relaxation. La personne dirigeant son attention vers le bras droit, par exemple, constate qu'elle le sent lourd ou léger ou qu'elle n'en perçoit pas le poids, remarque la longueur qu'il a ou qu'il lui paraît bizarrement raccourci. Elle distingue ses différentes zones ou mêle tout dans une perception indifférenciée. Elle le ressent comme froid, tiède, chaud ou brûlant, etc. On peut demander au client de ressentir les contacts de son corps avec le sol, avec les vêtements, avec l'air. On propose aussi de prendre conscience de l'intérieur du corps, des os, etc. Toujours on ramène, après un inventaire morceau par morceau, à l'unité globale du perçu de l'ensemble.

Au cours de cet inventaire on fait souvent des découvertes inattendues, précisément inattendues parce que répondant à des attitudes inconscientes. D. Digelman[5] note qu'une zone non perçue ou trop contractée en appelait souvent d'autres, comme s'il s'agissait d'un équilibre des tensions et des absences. Par exemple, « à front inconscient nuque crispée ». On peut également favoriser l'inventaire en touchant l'élève aux différents points dont on veut qu'il s'occupe et utiliser quelques accessoires simples bâtons, balles, etc.

Le « contact perméable »

Il s'agit peut-être de la notion essentielle dans la méthode de Gerda Alexander. Elle différencie le contact du toucher[6], en ce sens que le premier est chargé du vécu unissant celui qui touche à l'objet ou à la personne touchée. Toucher quelqu'un (par exemple dans une foule) n'implique pas un véritable contact entre moi et cette personne. De même, lorsque ma peau perçoit le sol, l'eau, l'air ou le feu : à un même degré de stimulation au niveau concret peuvent correspondre différents niveaux de contact (selon que j'intègre plus ou moins les valeurs émotionnelles, symbolique, etc.).

Le contact n'est pas simple passivité, il est constituant d'échange, comme les racines avec le sol[7] elles s'avancent en lui mais conservent leur perméabilité à son égard. Le contact peut exister, et existe naturellement à notre insu  cependant il peut être renforcé par une attitude ouverte « en direction de l'objet »  attitude de vection réciproque, de réception et de don jusqu'à la disparition des frontières. Le contact est d'autant plus aisé à obtenir que le partenaire est moins mentalisé (enfant, animal). Chez un même individu, les possibilités de contacts varient d'un endroit à l'autre de son organisme. Tel avec qui le courant passe par le regard, constituera une frontière glacée au niveau du bras et sera peut-être, à nouveau, capable de réciprocité dans la zone des pieds. De même, le contact de telle partie de mon corps avec telle autre peut être évidente ou problématique. Je peux prendre contact avec mes cheveux et pas avec mon nez, par exemple. On peut être capable de recevoir, incapable de donner, ou réciproquement.

G. Alexander et Digelman avancent l'hypothèse selon laquelle la nature des possibilités de contact chez un sujet donné prend sa source dans la relation de peau à peau entre la mère et l'enfant dès sa naissance et même avant celle-ci. Dans cette optique, prévenir la pathologie du contact comporterait d'inviter les mères à allaiter leur enfant nu, à le porter sur le dos pendant leurs activités[8], etc.

Quand le contact est « mauvais », pathologique, ce qui est la règle générale, G. Alexander propose des techniques car la simple prise de conscience du trouble ne suffit pas toujours à la guérison. On utilise, bien sûr, l'inventaire des points de contact entre soi et les choses, l'espace, l'autre. On se sert aussi de manipulations qui permettent un élargissement de la conscience du corps, le développement quantitatif et qualitatif du « contact du corps entre ses parties ou avec un autre, la prise de conscience et l'abolition de crispations localisées. Parmi les techniques de manipulation on peut citer

- le contact « pulsé » dans lequel le thérapeute « donne » et

reçoit » alternativement

- le modelage du corps

- l'étirement de la peau et des tissus conjonctifs

- les mouvements passifs, le sujet étant « mis en mouvement » par le thérapeute. Il s'agit de mouvements très lents, en extension.

                                                       

Les manipulations permettent la mise en évidence de zones crispées de résistance, elles entraînent des modifications respiratoires témoins de traumatismes anciens dont le souvenir peut resurgir sous une forme très impressionnante, voisine de l'hallucinose.

Les Postures (contrôle)

Elles sont proches, formellement, de celles du Yoga mais leur objectif est différent. On ne les utilise pas pour leur effet spécifique, mais à titre de « contrôle » afin de dépister les contractures passées inaperçues au cours de l'inventaire ou des exercices de contact.

Mouvements alternés

Il s'agit de vérifier la faculté de se relâcher par une alternance de contractions et décontractions. L'analogie avec la méthode de relaxation de Jacobson est superficielle. Ici, contrôle ; dans le Jacobson, technique visant à obtenir la relaxation... En effet, comme nous l'avons déjà souligné, ce que recherche l'eutonie n'est pas une disparition absolue de toutes les tensions mais

l'anéantissement de toute tension inutile au geste effectué. Il s'agit d'avoir « toutes les parties du corps à un degré de tension musculaire optimal » en fonction de ce que la personne veut faire. Cela nécessite une grande cohérence entre toutes les parties du corps. L'inadaptation d'une partie aux autres entraîne en cascade toute une série de déséquilibres que le sujet doit corriger, et toute une série de ruptures de rythme qu'il doit rattraper. Il n'est donc pas d'eutonie sans unité corporelle, sans unité de la personne tout court. L'eutonie est bien un « Yoga » dans ce sens de Yoga qui veut dire « s'unifier ». Dès lors, l'eutonie ne peut aller sans un bon équilibre dynamique du système nerveux à tous les niveaux, en particulier au niveau régulations neuro-végétatives  bonne digestion, bon fonctionnement glandulaire, etc.

La tension peut être convenable au niveau statique et se détériorer lors du mouvement. Pour cette raison, ce dernier joue un grand rôle dans la méthode de Gerda. Il ne s'agit pas tellement d'apprendre au sujet comment exécuter tel mouvement que de lui permettre de s'éprouver l'exécutant. L'expérience montre, et les travaux idéographiques (cf. note 3) confirment que cette conscience de 'soi-agissant' augmente visiblement la qualité de ce qui est agi. La capacité au mouvement libre et souple s'accroît[9]. Ainsi le lombalgique, dont on a pu montrer qu'il utilise trop fort et trop souvent sa musculature lombaire[10], apprendra à distribuer autrement ses efforts tout le long de la colonne vertébrale. Simultanément il ressentira moins la nécessité de se valoriser en permanence aux yeux d'autrui[11].

Les gestes entraînent avec eux les mouvements dont certains sont nécessaires (pour maintenir l'équilibre) ou utiles (préparer le prochain geste, exprimer une émotion, augmenter l'efficacité), alors que d'autres sont surnuméraires (syncinésies) ou nuisibles (vestiges d'émotions d'autrefois ou d'intentions provenant de l'inconscient). D. Digelman indique que l'acquisition d'un mouvement approprié à l'action implique

1. une intégration suffisante de l'image du corps avec orientation temporo-spatiale dans le monde

2.       l'accès au désir

3.       l'acceptation du rythme d'action propre aux appartenances culturelles, climatiques et géographiques du sujet.

Les techniques utilisées sont ici l'étirement spontané

les mouvements en extension

les mouvements en extension contre résistance.

On apprend également à situer le mouvement dans son contexte et à dialoguer avec

   . la pesanteur physique

   . le groupe, les autres

   . la musique[12].

c. Données pratiques

Le travail qui peut être commencé à un niveau individuel doit rapidement devenir un travail collectif. L'animateur réunit un groupe plus ou moins nombreux, en fonction de ses propres capacités d'intégration, et de diverses considérations pratiques (dimensions de la salle dont il dispose par exemple). Le rythme de une ou deux fois par semaine semble proche de l'idéal. Mais des difficultés dans la réalisation d'une telle assiduité feront souvent espacer les séances : inconvénient minime si, entre temps, le sujet prend soin de travailler personnellement à partir du vécu de la séance précédente.

Une séance se bâtit suivant un programme indéfini. C'est dire que l'eutoniste[13] peut prévoir un thème mais que, lorsque la séance se déroule, il doit souplement répondre aux besoins instantanés du groupe. De même la durée consacrée à un exercice variera considérablement d'un groupe à l'autre, d'un élève à l'autre et même d'un jour à l'autre pour le même élève. Ceci dans le plus pur esprit Yoga[14].

d.      Indications

Cette technique peut être employée lorsque la parole n'existe pas encore, n'existe plus, ou ne peut être utilisée pour la thérapie. Notamment chez les sujets hyper-intellectuels, les malades « psychosomatiques[15] », les « psychotiques » et les

« débiles dysharmoniques». Elle est également intéressante dans certains états dépressifs et dans les déficiences sexuelles. Comme toutes les techniques décrites dans cet ouvrage, elle peut précéder ou accompagner une thérapie en profondeur, parfois la remplacer. Dans ce cas, le matériel psychologique apparu à l'occasion des exercices peut être soit analysé, si l'eutoniste a une expérience psychothérapique adéquate, soit « dérivé et canalisé dans une activité créative à visée cathartique (modelage, peinture, etc.) ». A mesure que le sujet modifie son vécu tonique, il modifie également ses schèmes psychologiques d'appréhension (W. Reich, A. Burloud, Durand de Bousingen, Wallon), et c'est à une modification globale des valeurs que l'on assiste fréquemment, étant donné la profondeur de ce travail...

On trouvera des adresses et une bibliographie plus complète sur le Site de l'Association Internationale d'Eutonie

2.       LA RÉGULATION ACTIVE DU TONUS MUSCULAIRE (STOKVIS)

C'est une méthode peu pratiquée (en France). Stokvis remarque qu'il est parfois nécessaire de favoriser la détente par des exercices de décharge musculaire ou émotionnelle (comme en végétothérapie ou en bioénergie). Ensuite, à l'aide de différents exercices, on invite le patient à rechercher méthodiquement le tonus le mieux adapté à tel ou tel geste, telle ou telle posture. Il s'agit de trouver, comme en eutonie, le juste milieu entre relâchement et rigidité. La concentration sur tel ou tel organe débouche sur un élargissement visant à distribuer à l'ensemble de l'organisme les affects liés à tel lieu précis du corps ; on essaye de « délier » les affects propres à un système fonctionnel troublé. Cet auteur fait remarquer que le vécu de l'affect et son expression ne sont pas deux réalités dont l'une serait cause de l'autre, mais les deux aspects inséparables d'une même chose. Les exercices n'excèdent jamais un quart d'heure afin que l'attention soit toujours de bonne qualité. Ils se font tous les jours à la même heure (on a montré qu'établir une telle régularité dans quelque domaine psychophysiologique que ce soit augmente considérablement l'efficacité).

3.       LA PSYCHO~CINÉTIOUE

C'est une forme d'éducation psychomotrice proposée aux enfants « normaux » par le Dr J. Le Boulch[16]. Regardant la

personne comme un tout, il se réfère aux méthodes d'éducation active qui font appel à l'expérience vécue[17], l'initiative, la plasticité et la spontanéité de l'enfant pour développer des capacités fondamentales utilisables en de nombreux domaines différents. Comme l'affirme Wallon, « un geste modifie en même temps que le milieu, celui qui le fait ». La mise en jeu de soi se fait par rapport à la personne elle-même capable de s'observer dans l'action, à l'environnement et spécialement au groupe des autres élèves. Je ne décrirai pas les exercices car leur variété n'a de limite que celle de la créativité de l'enseignant et des élèves.

On peut en attendre une meilleure connaissance de son propre corps et de ses relations dans l'espace et le temps, de plus grandes facilités d'attention dirigée vers les objets ou le vécu du sujet lui-même, une aisance gestuelle et posturale accrue, une plus grande habileté (dextérité, coordination de l'oeil et des gestes, etc.)...

4.       LA GRAPHOTHÉRAPIE[18]

Elle vise à rééduquer le geste graphique lorsqu'il est troublé (dysgraphie de l'enfant, crampe de l'écrivain par exemple). L'écriture met en jeu non seulement la « motricité fine » (celle des doigts), mais aussi l'équilibre musculaire et tonique de tout le corps ; sans parler du niveau intellectuel minimum qu'elle suppose. Certains enfants (surtout des garçons) manifestent par leur difficulté graphique l'un ou plusieurs des facteurs suivants : maladresse globale, troubles de latéralité, difficultés pour se situer dans l'espace, le temps et en regard de son propre corps, problèmes affectifs, troubles du comportement et du caractère. Les 25 signes de dysgraphie ont été regroupés dans l'échelle d'Ajuriaguerra qu'on peut regrouper en quatre styles principaux :

écriture trop raide,
trop molle,
sans retenue
ou trop contrôlée.

La rééducation ne s'attaque pas directement aux formes achevées de l'écriture mais plutôt à quelques gestes fondamentaux (boucles, coupes, arceaux, hélices, etc.) auxquels on tâche de donner de la souplesse et de l'aisance.

Une façon plus ambitieuse de la concevoir est d'en faire une réciproque de la graphologie de même que le caractère donne à l'écriture certaines particularités, de même, en modifiant l'écriture, pourrait-on amender la personnalité.

Il ne s'agit pas d'imposer au patient un style particulier de graphisme, comme on le faisait aux jeunes filles de bonne famille avec l'écriture « sacré-coeur » ou plus récemment avec le « simple-script », mais plutôt de permettre au scripteur de libérer son rythme propre, de « décrisper » le geste de telle sorte que l'acte d'écrire devienne harmonieux, créatif, agréable et détendu. Ainsi le tracé devient-il un auto-portrait satisfaisant de sorte qu'augmentent la confiance en soi et la liberté d'action.

Le lundi 20 octobre 2003 Benjamin Thiry, en réponse à la phrase de Graziella "Pour travailler depuis trois ans avec Dominique Vaudoiset, je ne peux qu'encourager la lecture de ses deux livres 'La chair de l'écriture' et 'Danse avec les mots' " dans la liste de courrier graphodigestFR commente ainsi cette nouvelle graphothérapie :


Pour Dominique Vaudoiset, il semble que l'écriture constitue une porte d'entrée à la relation à l'autre. Son approche, par l'observation du signe totem, nous donne accès à une nouvelle dimension de l'analyse d'écriture. Le concept de "signe-totem" qu'elle amène mérite qu'on s'y arrête un moment car elle le présente comme un révélateur providentiel dans la relation à l'autre. De quoi est-il vraiment révélateur ? D'une vérité cachée sur le sujet ? D'un conflit intrapsychique ? D'un symptôme ? Le travail sur ce signe ne serait-il pas une construction de la part de la thérapeute. On en vient à la fonction de l'interprétation dans la relation à l'autre.

Dans un texte tardif, S. Freud évoque un concept qui est controversé au sein de la communauté psychanalytique : la construction dans l'analyse. En gros, il amène l'idée que l'hypothèse que le psychanalyste amène à son analysant
peut apporter un mieux-être même si elle est "fausse". Une thérapie peut être vue comme une reconstruction. Les souvenirs qui reviennent au sujet lors des séances ont-ils vraiment eu lieu ? Freud répond en quelque sorte ceci : peu importe.
Tant que l'analysant se réapproprie un discours, il peut y avoir soulagement.

Ceci peut expliquer pourquoi une visite chez une voyante peut avoir plus d'effet qu'une séance chez le psychothérapeute.

Ma question est bien là : l'interprétation qui découle du signe-totem est-elle en lien avec une vérité cachée ou n'est-il qu'une construction psychique amenée dans la relation ? Dans les deux cas, l'effet peut être le même... Difficile donc d'avoir une
position fixée sur cette question...

J'ai déjà eu l'occasion d'entendre Dominique Vaudoiset lors d'une de ses conférences. Je l'ai trouvée convaincante et charismatique. Elle inspire confiance. J'ai beaucoup aimé le lien qu'elle fait entre l'acte graphique qui constitue des lettres et l'implication du corps. Elle mime les lettres avec son corps entier. Cependant, je suis plus sceptique concernant les rouages thérapeutiques de ses groupes. Je ne doute nullement que la participation à l'un de ses groupes ait des incidences thérapeutiques. Mais quel est le vrai levier de changement ? L'écriture ou la relation avec elle ? L'action sur l'écriture est-elle cause ou prétexte au changement ? Je suis sensible à la poésie qui est la sienne lorsqu'elle évoque le mouvement scriptural mais ne peut la rejoindre lorsqu'elle vante les vertus de sa graphothérapie :
"La graphothérapie sert à voir les miroirs à deux faces, et à passer au travers. Libre." (Dominique Vaudoiset).

La vérité que le thérapeute peut avoir sur son patient n'est pas thérapeutique en soi. Il est même souvent périlleux de présenter au sujet des choses qui lui sont inconscientes. Dominique Vaudoiset vante les mérites de la levée du refoulement (pour utiliser une terminologie freudienne), mais les psychothérapeutes connaissent bien les effets désastreux que peut avoir une telle manoeuvre. L'inconscient protège le sujet et ne peut être assimilé à une instance handicapante dans tous les cas. Toute vérité n'est pas bonne à dire même dans un cadre thérapeutique. Il est vraisemblable que Dominique Vaudoiset ait conscience de ces dangers. Une très grande prudence s'impose ici : il n'y a pas de changement sans résistances et celles-ci doivent être respectées. En outre une même techniques thérapeutique ne convient nullement pour tous les patients.




 

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Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

© Copyright Bernard AURIOL (email : )

10 Mai 2006


[1] J'ai eu la joie de rencontrer G. Alexander lors de son intervention à Toulouse en janvier 1972, à propos de ma thèse sur la yogathérapie. L'eutonie a en effet des points de convergence profonde avec le Yoga sans dépendre de sa tradition

[2] Cf. aussi certains exercices de Vittoz, de Feldenkraïs, de Mézières.

[3] M. BLANC, « L’idéographie cérébrale », in La Recherche, 71, oct. 1976, pp. 878-882.

[4] D. DIGELMAN, L'Eutonie de G. Alexander, C.E.M.E.A., Scarabée, 1971 on lira également avec intérêt G. BRIEGMEL-MOLLER, Eutonie et Relaxation, Delachaux et Niestlé, Neuchatel, 1972 D. DIGELMAN et T. KAMMERER, « Réédu­cation psychotonique. L'Eutonie de Gerda Alexander », in E.M.C. Psy, 37820, 8, 30, 3, 1970  M.C. GUINAND et F. WULLIEMIER, « Eutonie et Conscience Corporelle », in Psychologie Med.,1977, 9, 8, pp. 1493-1502 cf. aussi (quoiqu'elle n'ait pas le charisme de théoriser) G. ALEXANDER, Le corps retrouvé par l 'Eutonie. Tchou, 1977

[5] D. DIGELMANN, op. cit., p. 37. On peut rapprocher cette observation de celles des néo-reichiens, des bioénergéticiens et,  « mutatis mutandis », de la neural­thérapie.

[6] Comme on doit distinguer l'audition de l'écoute (A. Tomatis) ou la vision du regard (Visiologistes).

[7] D. DIGELMAN, op. cit., p. 38.

[8] Cf. F. LEBOYER, Shantala, Seuil, 1976, et aussi M. DAVID et G. APPELL, Le maternage insolite, Scarabée, C.E.M.E.A.,1973

[9] On pourra faire quelques rapprochements avec le Tai Chi Chuan. Il s'agit d'obtenir un tonus harmonieux dans toutes les parties du corps agissant ou se reposant. Une notion très originale est celle de la nécessité d'obtenir la flexibilité  du tonus, telle que le sujet soit capable de nuancer son tonus en fonction des circonstances (du plus hypotonique au plus hypertonique) cf. G.          ALEXANDER, op. cit., pp. 26-27

[10] L. PLUM citée par D. DIGELMAN, Op. Cit., p. 76

[11] Cette conception s'éclaire beaucoup dans une vision macro-métamérique de l'organisme psycho-biologique. Cf. ouvrage en projet sur les Chakras (B. AURIOL, à paraître).

[12] Cf. Chapitre du présent ouvrage sur les sons.

[13] Ils sont rares. En effet la formation exige un temps de trois ans environ dans l'Ecole de 6. Alexander (ALEXANDER, op. cit., p. 45).

[14] Cf. B. AURIOL, Yoga et Psychothérapie, op. cit.

[15] Notamment dans les cas de tuberculose pulmonaire, d'après les travaux de P. Lowyss,  « Cure de repos et de relaxation chez le tuberculeux pulmonaire » , in Revue Tuberc., 27, 1963, I, pp. 67 sq.

[16] J. LE BOULCH se réfère à l'enseignement de Mlle Ramain  cf. S. RAMAIN, Aptitudes et Capacités, EPI J. LE BOULCH, L'éducation par le mouvement, ESF, 1970

[17] On retrouve le même principe chez C. ROGERS, Le développement de la personne, Dunod, 1966

[18] Dr P. MENARD, La Page d'écriture, méthode pratique de psychothérapie graphique et graphologique, la thérapeutique des passions et des péchés capitaux par l'écriture, Le François éd., 1948 R. TRILLAT et R. MASSON, Expériences de graphothérapie en psychopédagogie, Méthode de relaxation graphique, Vigot éd., 1957 R. OLIVAUX, L'éducation et la rééducation graphiques, P.U.F., 1960 ;  B. AURIOL, Ecriture et variations du caractère, La Graphologie, 125, 1, 43 sq., janv. 1972  P. FAIDEAU, La graphologie, Histoire, pratique, perspective, MA éd., 1983 B. AURIOL, L'image préalable, l'expression impressive et l'autopor­trait, Journées de Printemps de la S.F.P.E, Albi, 1986 (Psychologie Médicale, 19, 9, 1543-1547, 1987).