1.1 L'ensemble cochléo-vestibulaire, la voie auditive
Le son
est un phénomène vibratoire, discontinu, capable de produire entre deux seuils
déterminés une réaction mesurable dans une ou plusieurs parties de l'organisme.
Fig. 1
– L’ensemble cochléo-vestibulaire
Suivons
le cheminement anatomique du son au niveau réceptif (cochlée), puis sous-cortical,
puis cortical.
L'oreille
est divisée en trois parties :
- l'oreille externe, constituée
par le pavillon de l'oreille et le conduit auditif externe. (signalons que l’oreille
externe serait porteuse d'une somatotopie — travaux de Nogier (1969), vérification
par potentiels évoqués dans le service de reflexologie du Pr. Bossy de Nîmes (1984)—
dont certains points, détectés embryologiquement et électriquement, seraient
reliés à certaines parties de l'organisme). (Le terme de somatotopie vient de
SOMATO, le corps, et TOPOS : espace : ce terme désigne toute organisation
sensorielle ou autre reproduisant la forme du corps humain)
- l'oreille moyenne, remplie
d'air, est séparée du conduit auditif externe par le tympan et de l'oreille
interne par la fenêtre ovale sur laquelle vient s'insérer l'étrier. La membrane
du tympan est un transformateur d'énergie (Leipp 1977) : elle change l'énergie
vibratoire aérienne en énergie vibratoire matérielle, qui va se propager au
niveau de l’oreille interne. Leipp nous explique qu'à la manière du joueur de
tabla qui abaisse la fréquence de la membrane de son instrument en collant au
milieu de celle-ci une lourde masse de pâte, le tympan peut réagir pour des
fréquences très graves en raison de sa surcharge relativement lourde sous la
forme de l'osselet qu'est le marteau.
Fig. 2
– L’oreille moyenne d’après Leipp, E,
La Machine à écouter – Masson, 1977.
L'oreille moyenne comprend la chaîne des osselets, décrits par Leipp comme des leviers articulés ; de l'extérieur vers l'intérieur, nous distinguons :
- le marteau, solidaire du tympan, dont le muscle est régulateur des sons
graves, puis l'enclume, elle-même
articulée à l’étrier qui est en contact
avec la membrane de la fenêtre ovale
qui permet la communication avec l’oreille interne.
Le muscle de l’étrier est un extenseur et un régulateur des sons aigus. Sa paralysie ou son relâchement rendent le sujet intolérant au bruit.
La chaîne des osselets est considérée habituellement comme le véhicule du son (Von Békésy), théorie qui n'a pas l'adhésion de tous les acousticiens : Leipp assigne au son un trajet purement aérien en direction de l'oreille interne et attribue au système des osselets (solidaires de muscles) un rôle d'adaptateur d'impédance, c’est à dire de résistance (de impedire :empêcher) vis-à-vis des sons de trop faible ou trop forte intensité auxquels s’adaptera leur musculature ; il évitera dans ce dernier cas la saturation du système de transmission de l'oreille interne.
Tomatis
(1983) affirme que la vibration se propage à partir du pourtour du tympan vers
la pyramide pétreuse et le système osseux du sujet ; système à l’origine
de ce que nous appelons la courbe osseuse de l’audiogramme qui appréhende l’écoute de l’intimité du sujet
plus précisément selon des modalités intéressant sa corporéité, et ceci selon
l’axe haut/bas se distribuant des aigus aux graves.
|
L'oreille interne, logée
dans la pyramide pétreuse, se présente comme une cavité, le labyrinthe osseux,
qui contient un sac membraneux rempli d'endolymphe, lequel est séparé de la
paroi osseuse par un espace contenant la périlymphe.
Le labyrinthe
est formé :
-
du vestibule : le système régissant l’équilibre comprenant l’utricule et le saccule de forme ovoïde, sensibles
aux positions et aux déplacements rectilignes de la tête, et les canaux semi-circulaires,
sensibles aux rotations de celle-ci. Le vestibule, en particulier le saccule,
est sensible aux sons graves, mais plus à leur aspect rythmique qu'à leur aspect
fréquentiel : c'est ce qui se produit au niveau du chant ou de la parole,
lorsque ceux-ci sont mimés, ou lors de la danse : il y a sollicitation
du vestibule au moyen du rythme de la voix ou de la musique, ceci grâce à la
proximité de l'appareil qui régit notre position dans l'espace de celui qui
gère notre monde sonore.
-
du limaçon
ou cochlée : de forme tubulaire, enroulé en spirale, le limaçon
possède l'organe sensoriel de l'audition : l'organe de Corti ( fig 3) porteur
de cellules ciliées insérées dans
la membrane basilaire et dont les cils sont solidaires
et activent la membrane supérieure ou tectoriale .
-
Schématisons le cheminement du son , qu’il soit au
départ inorganisé pour l’oreille ou bien signifiant :
SONà système osseux à cellule ciliée interne à cerveau : rétro-contrôle
à cellule ciliée externe et voie
aérienne : atténuation, amplification, et affinement : c’est la sélectivité par bande de fréquences :
intelligibilité de la parole.
Figure
3
Ces cellules ciliées sont
de deux natures :
-
les cellules réceptrices internes sont afférentes par rapport au cerveau :
les souris, privées de ces cellules, tout en conservant les externes, sont sourdes
; il en est de même des humains soumis à des traumatismes sonores qui détruisent
les cils de ces cellules. Celles-ci ont une valeur essentiellement sensorielle.
-
les cellules
ciliées externes : contractiles et adaptatrices, qui font partie
du système efférent du cerveau. Leur
altération par l’âge compromet l’intelligibilité du langage. Situées en plusieurs
rangées, leur rôle est de se contracter en fonction d’une fréquence reçue, c’est à dire que
pour telle zone de la membrane basilaire, tel ensemble de fibres est activé.
Celles-ci, représentant 5% de fibres non myélinisées, sont donc en nombre infime
mais elles ont un rôle considérable, c’est à dire un rôle adaptateur,
à la manière d'un pré-ampli vis-à-vis du son plus ou moins organisé, qui a subi
un premier acheminement via le cerveau.( Pujol, in Aran et Coll-1988). Elles
peuvent aussi affaiblir un son, l’amortir, si celui-ci est d’une intensité trop forte
ou s’il se situe dans des fréquences trop graves. Revenons sur leurs propriétés :
Brownel (in Aran et coll- 1988), en les observant in vitro, a constaté
qu'elles se contractent comme des structures musculaires, entrant en résonance
en suivant la fréquence de stimulation jusqu'à 20 KHz. Cette mobilisation répond
à une fréquence particulière selon le lieu de la membrane basilaire envisagé
(tonotopie ) : telle portion de la membrane entrera en résonance avec
tel son engendrant un cisaillement qui stimule les cellules ciliées externes,
qui se dépolarisent et se contractent en phase, en amplifiant les vibrations
sonores et en faisant vibrer les stéréocils des cellules ciliées internes. Cette
amplification cochléaire est un mécanisme actif engendrant un potentiel microphonique
appelé oto-émission qui peut être enregistrée par un microphone dans l'oreille
au niveau du conduit auditif externe : cette portion de l’oreille émet
des sons ! Il s’agit
d’un système très actif à la naissance, et qui s’atténue avec l’âge. Il permet
d’apprécier le mode de fonctionnement de l'audition chez le prématuré, l'adulte
ou l'autiste. Nous retenons l’étude que Descouens (1998) réalisa à Toulouse
dans le service du Pr Moron chez les sujets autistes : certains avaient
une audition normale, mais certains
étaient imperméables à toute sollicitation
et d’autres hypersensibles à toute sonorité : dans
ce dernier cas, l’enfant ne peut filtrer aucune information, il est submergé
par un raz-de-marée de sensations provenant de son propre monde et du monde
extérieur.
-
Suivons le cheminement
du son qui effectue un circuit en boucle analogue aux nombreux circuits réverbérants
de l’organisme : le message sonore est acheminé par les cellules ciliées
internes vers le cerveau qui a ainsi une première information grâce à ces cellules
qui sont essentiellement sensorielles. Puis, retour… Le son revient du cerveau
vers les cellules ciliées externes qui vont extraire (découper) un son de telle
fréquence, correspondant à tel phonème et qui ne sera pas confondu ni inversé
avec tel autre et qui, au moyen de la combinatoire, de relais en relais sera
inséré dans des structures de sens de plus en plus subtiles. Ce système est
donc, au départ, impliqué dans l’intelligibilité de la parole et toute atteinte
de la cochlée (notamment par les otites séro-muqueuses, les traumatismes sonores
ou les agents toxiques de l’oreille) aura un retentissement sur l’expression
orale, voire les capacités d’attention, de concentration ou de mémoire.
A la base
des cellules ciliées internes commencent les arborisations terminales des fibres
nerveuses auditives, origine du nerf cochléaire qui rejoint le nerf vestibulaire
pour former le nerf auditif. Les influx auditifs qui émanent de chaque cochlée
forment des patterns à deux dimensions :
- une dimension spatiale correspondant au point de départ
de la cochlée : les fibres provenant d'une même région restent voisines dans
leur cheminement, et le nerf est porteur d'une organisation tonotopique, c'est-à-dire
un étalement des graves et des aigus qui se retrouve à tous les niveaux.
- une dimension temporelle correspondant au moment exact de leur point de départ : la parole et l'écoute sont inscrites dans une durée et la musique est organisation du temps. Les potentiels évoqués sont une méthode d'exploration prenant en compte ce facteur temps en interrogeant les latences relatives à telle ou telle aire corticale, et ceci par rapport au coté droit ou gauche du corps.
Suivons
le cheminement de la voie auditive, qui présente un certain nombre de contraintes
et de scansions du sensible à l’intelligible (fig. 4, 5 et 6) : disons,
dès le départ, qu’avec la neuro-linguistique qui établit certaines corrélations
entre un trouble et son substrat, une carte fonctionnelle tend à remplacer la carte anatomique du cerveau .
A la manière des frayages … osons parcourir le trajet de subjectivation qui, sur fond de silence, est parcouru de traits
distinctifs.
figure
4 : LES VOIES AUDITIVES
Ainsi,
dès la perception d’un objet sonore, un acte de négativation s’instaure en une
absence, une quasi mise
à mort de l’objet, pour qu’advienne un signifiant en vue de sa symbolisation.
Les sonorités vont voyager ; s’instaure un refoulement de la jouissance
corporelle ... apparaîtra le sujet de l’inconscient, … puis le sujet de la conscience.
Un effacement
de l’objet est nécessaire en une perte, une coupure, prix à payer pour qu’il
y ait langage. Les traits distinctif surgissent,à l’origine des chaînes signifiantes.
Après
la réception
cochléaire, la voie auditive pénètre dans le tronc cérébral.
C’est
la transmission. La voie croise la ligne médiane
et fait relais au niveau du côté opposé.
Il y a à ce niveau une interconnexion entre les deux oreilles. Les sonorités remontent dans le tronc cérébral et se terminent
au niveau des tubercules quadrijumeaux,
lesquels sont impliqués dans l'appréciation de traits différenciateurs tels
que la hauteur tonale (aigu/grave) et l'intensité. L’étape suivante est le thalamus. Nous savons que celui-ci
est le relais des voies visuelles ainsi que de toutes les voies de l'appareil
vestibulaire (équilibre) et de la sensibilité corporelle (somesthésie). Il est
par ailleurs au cœur du système réverbérant impliqué dans les mécanismes de
la mise en mémoire des apprentissages dans bon nombre de comportements émotionnels,
instinctifs (faim, soif, sexualité) et immunitaires (axe reliant hyppocampe,
amygdale cérébrale, hypothalamus et
surrénale), le tout relié à la réticulée mésencéphalique (substance d'éveil),
cascade d'interactions indiquant que des motivations affectives et émotionnelles
interviennent dans les engrammations mémorielles ainsi que dans l'acquisition
du langage. Disons d’emblée que ces circuits réels se doublent de circuits virtuels,
de dires que le sujet énonce à son insu : une parole qui échappe, un lapsus,
une erreur syntaxique, une confusion dans un signifiant attestent du savoir
de l’inconscient , lequel est parcouru par les voies du langage.
Perception……à partir
du thalamus, la voie auditive se dirige vers le cortex pour aboutir
à la zone auditive primaire de
l'image sonore , dans la profondeur de la première circonvolution temporale,
formant le gyrus de Heschl (aire 41 et 42 de Brodman).
Puis le son se dirige vers le cortex auditif associatif du planum
temporale (deuxième partie de l'aire 42 de brodman).
Ces zones sont porteuses
d'une tonotopie qui rend compte du codage spatial de l'information auditive,
les sons aigus se projetant sur leur portion interne et les sons graves sur
leur partie externe (fig. 5). Les fibres du corps calleux qui relient les deux
hémisphères permettent l’acheminement des messages issus des deux oreilles.
Ces zones sont responsables de la perception des traits acoustiques tels que
la fréquence, l'intensité et la durée, ainsi que de la spatialisation de la stimulation sonore dont nous reparlerons à propos de la dyslexie.
Discrimination… les messages sont ensuite acheminés
dans les aires auditivo-psychiques de la parole parlée et de la parole
écrite, zones dans lesquelles sont interprétés les paramètres portant sur l'organisation
significative et affective du message : il y a analyse et intégration des paramètres
précédents en fonction des expériences antérieures, c'est-à-dire relation perceptive
entre le phonème et les engrammes acquis au cours de l'enfance, avec les inadéquations
et les décalages entre ce qui est le fruit de l’écoute et du voir, la conquête
de la lecture-écriture s’effectuant grâce à la correspondance graphème-phonème,
de ce qui est vu avec ce qui est écouté.
L'identification symbolique a lieu
dans les aires pariétales (aires 7, 39 et 40 de Brodman), qui sont aussi des
lieux de synthèse perceptive du schéma corporel vers lesquelles concourent entre
autre les engrammations de la sensibilité proprioceptive du langage oral (aires
gnosiques communes avec le système visuel). Ces aires sont impliquées
dans les notions de magnitude (grandeur et étendue du
point de vue mathématique). Comme au niveau du thalamus, la tonotopie
rencontre de nouveau les voies de la sensibilité générale concourant à la constitution
du schéma corporel et de l'image du corps, plus ou moins élaborés selon le niveau
où l'on se situe. Les techniques de chant incluant la perception de l’image
corps au niveau sonore peuvent trouver ici leur justification — nous pensons,
entre autres, à la technique de M-L. Aucher (1977)
avec son travail très précis au niveau de chaque plan vertébral, ainsi
qu'aux étapes décrites très minutieusement par N. Scotto di Carlo de la Faculté
d’Aix-en -Provence (1988) concernant le travail de l'artiste lyrique.
La pathologie organique du carrefour temporo-parieto-occipital nous permet d'illustrer les altérations de la conscience spatiale et sonore :
|
Après
l'acte de délibération frontale que subit le message, selon les modalités propres
à chaque hémisphère, schématiquement l’analytique à gauche, l’analogique à droite,
une réponse est proposée sous forme de parole écrite ou parlée ; le
sujet qui a été un récepteur devient un
émetteur : la parole sous-tendue par la voix est issue de toutes
les structures de mémoire que nous venons de décrire et elle est émise à partir
du larynx au niveau de tous les niveaux résonantiels du sujet que nous décrirons
dans leur spécificité. Elle est l’expression de la singularité d’un sujet et
reflète son être dans son libre arbitre. Parler peut être assimilé à un geste,
et comme tout geste, nous pouvons moduler
notre voix en fonction de notre intention.
Dans le
trajet sonore qui va de l’écoute à l’acte de parole, peuvent être repérés 4
scansions que divers praticiens peuvent explorer : temps de la sensation : le sujet perçoit, au niveau de ce que
Freud appelle la zone érogène, en l’occurrence ici l’oreille…lieu que Lacan
assigne à la jouissance et plus particulièrement à la catégorie du plus-de-jouir.
Après les lieux dévolus aux conduites automatiques qu’il n’est pas impossible
de rencontrer dans la clinique, le sujet est affecté :
le signifiant est associé à des émotions et des conduites qui ont un versant
à la fois conscient et inconscient (alimentation, etc…) ; puis il pense et il élabore : c’est le temps des abstractions,
de la représentation et du symbolique ; puis il y a l’acte moteur de l’expression
langagière, moment où la coulée verbale va se manifester à l’extérieur,
pour l’Autre. Dans cet espace-temps, nous notons un continuum dont rend partiellement
compte l’algorithme saussurien où la barre sépare ce que l’on pense (le signifié)
de ce que l’on dit (le signifiant), avec la pensée donatrice de sens
comme élément princeps, algorithme que Lacan inversera, pour désigner
la logique de l’inconscient : pour celui-ci ce que l’on dit a barre sur
ce que l’on pense : nous notons donc la prééminence du dire en ce sens
que le signifiant, expression involontaire, dénuée de sens, repérable à la manière
d’ un événement, d’un rêve ou d’un geste, rend compte des phénomènes inconscients.
Je suis tentée de dire, au niveau de ce continuum : prééminence de l’écoute puis du dire,
du moins dans la succession de ces nombreux temps qui réalisent l’arc pulsionnel
de la pulsion invocante , nommée par Lacan. A la même période, en linguistique
pure, Martinet (1970) faisait remarquer l’économie supplémentaire que représente
la deuxième articulation, la suite discontinue
des phonèmes : celle-ci a l’avantage de rendre la forme du signifiant indépendante
de la nature du signifié, en ce sens que dans le mot « mal », selon
l’exemple de l’auteur, le sort de chacune des tranches phoniques : m /
a/ l / est lié non point à la nature du signifié correspondant, mais à celui
des composants d’autres signifiants de la langue, le m
de masse, le a de chat, le l de salle, …etc… Des sonorités voyagent indépendamment du sens chez
Verlaine ou F. Ponge. Chaque signifiant est un monde qui nous ouvre sur une
infinité d’autres mondes, sur d’autres savoirs. L’individu est traversé par
une impersonnelle et toute puissante trame de symboles et de signifiants qui
le constituent : en est-il la cause ou l’effet ? Les domine-t-il jamais
tout-à-fait ? La parole nous fait devenir homme ; être humain, c’est
raccrocher des signifiants au corps, c’est faire vibrer celui-ci d’une voix
parlée ou chantée, c’est le prendre dans les rets du langage, car plus on met
le corps en mots, plus on échappe aux maux du corps et le symbole fera
échec au symptôme.
A la suite
de cette énumération, nous devons convenir qu’il est difficile de réduire
"l’homme sonore" à ces structures neuro-linguistiques, ni l’être
à son seul langage, et nous développerons plus amplement la structure du sujet en 12-4
La présence
du corps dans l'acte de langage est évidente. Sa participation concerne tout
l'organisme. Leroi-Gourhan (1964) a montré la quasi-simultanéité d'apparition
du langage et de l'habileté manuelle objectivée par la fabrication de l'outil.
La parole chargée de sens, opposée aux cris non signifiants, peut être comparée
au geste habile de la main droite par rapport aux mouvements moins précis des
autres membres. Le langage apparaît comme le mode expressif le plus adéquat
pour traduire nos pensées et le plus économique pour transmettre la somme considérable
d'informations que contient le discours lorsque ce dernier aborde, notamment,
la représentation symbolique.
L'acte
de langage nous permet de considérer le corps sous deux aspects : nous
pouvons l'étudier en tant que générateur, créateur de la coulée verbale, et
cela à l'intention d'autrui. Il peut l'être aussi en tant que récepteur, capteur
du discours d'autrui.
« Ces
deux fonctions sont tout à fait différentes, mais en interaction l'une et l'autre.
Parler et entendre ou émettre et recevoir sont deux actes dotés d'une même valeur
et d'une même signification psycho-sensorielle et psychomotrice. C'est à l'oreille
que revient la première place de notre description. Organe d'écoute, elle est
à la fois la porte d'entrée et le contrôleur principal de la sortie. »
Tomatis (1978, 1983).
Situons
maintenant l'oreille avec ses interrelations :
1.1.1 - Le vestibule et l'implication corporelle (voir fig. 1)
Organe
d'équilibre, vecteur de la relation au corps et au mouvement, le vestibule,
composé des canaux semi-circulaires, de l'utricule et du saccule, représente
la partie la plus archaïque de l'oreille. Cet ensemble concourt à la fonction
d'équilibre, lors de la mobilisation du corps et son déplacement dans l'espace.
Cet appareil, sur le plan phylogénétique, est utilisé assez tard pour assurer
la verticalité de l'être humain, laquelle concourt à engendrer, entre autres,
la posture d'écoute, notamment en ce qui concerne le crâne.
Sur le
plan anatomique, nous savons que les cornes antérieures de la moelle épinière
sont en jonction directe, par les faisceaux vestibulo-spinaux, avec le labyrinthe
utriculaire dont l'innervation rejoint le nerf cochléaire. Aussi,
tout muscle du corps est en relation avec le vestibule : ceci explique
que tout mouvement, tout geste, toute posture sera dépendante, entre autres,
de cette boucle cybernétique, le vestibule participant à l'élaboration du schéma
corporel.
Implication
pédagogique : la mauvaise tenue d'un enfant, son manque de tonus, ses maladresses
en motricité fine (ceci se voit a fortiori chez un déficient intellectuel), peuvent témoigner d'une
immaturité du fonctionnement de son appareil vestibulaire qu'il est possible
d'aborder de façon spécifique.
1.1.2 - La cochlée, un micro-système
qui gère le monde sonore, sa somatotopie.
Bien qu'arrivant
relativement tard sur le plan phylogénétique, la fonction d'écoute constitue
l'une des acquisitions humaines les plus importantes sur le plan de la communication.
Il convient de bien distinguer l’attitude qui
consiste à écouter, qui est un processus actif,
de celle d’entendre qui n'implique
pas pour autant la présence d'un champ conscient, ce que nous évoquerons au
chapitre 2.
Énumérons
les paramètres analysés par la voie auditive, ceux sur lesquels s'étayeront
le test d'écoute et le diagnostic audio-vocal, à savoir, comment écoute-t-on
? Comment parle-t-on ? Quel est le rapport du sujet à sa propre voix et à la
voix d'autrui ?
1) La hauteur
tonale : l'intégration perceptive de celle-ci, avec l'intensité,
se fait au niveau des corps genouillés internes, le déroulement temporel des
séquences sonores complexes s'effectuant, classiquement, au niveau cortical.
Les sons se distinguent les uns des autres par
leur hauteur (ou tonie), qui dépend de la fréquence du mouvement vibratoire
et qui est l'analogue de la couleur pour les sensations visuelles. Les sons
sont-ils plus ou moins aigus ou plus ou moins plus graves lors de la passation
des tests d’écoute ? Cette capacité peut s'objectiver par le coefficient d'analyse tonale ou sélectivité. Nous reprendrons ce point fondamental
lors de l'étude du test d'écoute : la sélectivité est-elle ouverte ou fermée
? L'oreille est-elle ou non disposée à écouter, à décoder les variations fréquentielles
minimes permettant la distinction d' un "t" d'un "c" dans
"trou" et "crou", ou bien "b" et "d",
ou "an" et "on" ?
2) Le timbre :
le timbre est la qualité d'un son qui permet de différencier celui-ci d'un autre
son de même hauteur et de même intensité sonore, mais émis par un autre instrument ;
c'est ainsi que l'on distingue le son d'un violon de celui d'une clarinette
ou de la voix humaine. Les sons ainsi produits sont des sons complexes comportant
des harmoniques régulières, multiples d'un son fondamental, émises par tous
les éléments résonateurs. En ce qui concerne la voix humaine, les vibrations
produites traversent les caisses de résonance successives des divers milieux
résonantiels liquidiens et osseux, des poumons à la bouche ; il y a superposition
de plusieurs ondes ; le son ainsi généré est donc complexe car il est formé
de plusieurs partiels dont la fréquence de chacun est un multiple l'un de l'autre.
C'est la présence de ces harmoniques, leur renforcement ou leur atténuation,
qui caractérisent le timbre et qui personnalisent un son, une voix.
3) L'intensité
ou sonie :
C'est
la distinction entre un son fort ou faible, mesurée en décibels.
4) La durée,
dont l'organisation constitue le rythme :
L'aptitude
à appréhender la durée mesurée en temps chronologique peut être objectivée par
le test temporel de mesure d’intervalles de Leipp (1977). L'oreille éduquée
musicalement apprécie des intervalles de plus en plus courts, de 50 millisecondes
à 2 millisecondes.
A propos
de l'étude micro-temporelle de la parole, le Pr. Lafon de Besançon déclare (1990) :
« Il est habituel de considérer que les sons qui parviennent à l'oreille, en
particulier la voix et son articulation ou parole, sont constitués de fréquences
et que leurs structures correspond à des spectres de fréquences.
«
Nous avons émis l'hypothèse, (1958) que les structures de la voix et de la parole
sont temporelles et que l'oreille est un capteur et un calculateur de temps. On peut montrer
donc que l'étude des caractéristiques de la voix peut se faire en considérant
l'impulsion laryngée ou l'impulsion aléatoire pour les bruits des consonnes.
Les aspects du signal sont alors les intervalles et la vitesse de variation de l'énergie fournie
par le larynx ou les émetteurs supralaryngés pour les consonnes.
» Cette
approche permet de mieux mettre en évidence la structure des phonèmes, de mieux
expliquer le rapport hauteur et timbre. Dans le champ et la pathologie laryngée,
cette option théorique dans l'étude acoustique apporte de nouveaux critères
aux caractéristiques de la qualité de la voix. »
5) Systémique
et somatotopie :
L'analyse
de la fréquence d'un son perçu débute au niveau périphérique dans l'oreille
interne où il existe tout au long de la cochlée une organisation tonale précise.
Pour chaque son de hauteur différente, les influx trouvent leur origine dans
des régions spécifiques de l'organe de Corti, donnant un rapport entre la fréquence
des potentiels d'action dans le nerf auditif et la fréquence du son qui impressionne
la cochlée. Les fibres individuelles du nerf auditif, excitées selon la fréquence
du son perçu, révèlent ainsi une distribution parfaitement systématique qui
correspond aux localisations tonales.
L'oreille
interne, constituée principalement par la spirale cochléaire, peut-être envisagée
comme un micro-système réceptif sur la voie sonore. Dans la masse des bruits
extérieurs, au sein des phonèmes et des traits distinctifs produits par le locuteur,
la cochlée effectue un choix actif vis à vis de ces informations. Les physiologistes
ont établi une polarité aiguë-grave lors de la réceptivité des sons au niveau
de l'organe de Corti, et concernant la répartition de ceux-ci, Tomatis, (en
1983) a émis l'hypothèse de « l’homme enroulé » reprise
par Auriol ( 1991), c’est-à-dire d'une représentation élémentaire du schéma
corporel (somatotopie) sur le plan fréquenciel, soit un ensemble de fréquences
correspondant à certains ensembles somato-psychiques, objet de notre statistique
au moyen de l'audiogramme chez l'asthmatique.
Avant
d'envisager les notions de somatotopie (ou représentation du schéma corporel),
nous allons nous pencher sur le concept moderne de la systémique qui s'est progressivement
dégagé au cours de ces dernières décennies dans des branches très variées des
sciences et des techniques, auxquels nous pouvons rattacher les noms de von
Bertalanffy (1973), Norbert Wiener, professeur au M.I.T. au USA, ainsi
que de Claude Levi-Strauss (1973). Ce dernier a posé le problème des relations
entre langage, structure et système binaire.
A la suite
de Saussure (1972), Jackobson (1963) insère le trait distinctif dans le
système phonologique. Pour Saussure, le système est une totalité organisée,
faite d'éléments solidaires ne pouvant être définis que les uns par rapport
aux autres en fonction de leur place dans cette totalité et pour Lacan (1966),
un signifiant représente le sujet par rapport à un autre signifiant.
Pour Von
Bertalanffy (1973), un système est un ensemble d'unités en interrelation
entre elles, et avec Durand (1979),
rappelons les quatre concepts fondamentaux de la systémique :
- A) L'interaction, comme relation classique de cause à
effet, mais aussi la relation de rétro-action ou feed-back, mise en évidence
par la cybernétique. L'action de type A vers B est assortie d'une action de
type B vers A comme le rétro-contrôle des cellules ciliées , ainsi que le phénomène
capital du réglage du couple audio-phonatoire au cours de l’émission de la voix ,
lors de l’expérience de Husson que nous décrivons au chapitre I- 4
- B) Le principe de globalité
: un système est composé
d'éléments, mais il n'est pas la somme de ces éléments, de même que le sens
d'une phrase n'est pas la somme des sens isolés des mots qui la composent, le
contexte donnant leur sens aux mots. Par ailleurs, cette unité pré-supposée
du réel implique l'apparition de qualités émergeantes que ne possèdent pas ces
parties, comme la notion de hiérarchie
dans les systèmes.
- C) L'organisation :
concept central de la systémique, elle reflète l'agencement de relations entre
composants ou individus, qui produit une nouvelle unité possédant des qualités
que n'ont pas ses composants. L'organisation, qui comporte la hiérarchisation,
revêt un aspect structurel et un aspect fonctionnel.
Nous allons
souvent faire référence à l'organisation de l'espace psychique dans ses relations avec le monde
sonore. Ces deux notions étaient particulièrement liées dans les premiers modèles
d'organisation de l'appareil psychique hérités des grandes religions ou philosophies.
Nous pouvons citer la Kabbale (1987) dans le monde méditerranéen avec la représentation
de l'appareil psychique au moyen des Sephiroth, dont Freud (1933) s'inspira
certainement dans l'établissement de la deuxième topique, ou encore le modèle
du yoga tantrique aux Indes, où chaque plan ou "chakra" est nanti
d'un organe de perception et d'un organe
d'action, un effecteur, points développés dans cet ouvrage. Ecoutons Freud,
dès 1915, dans « Métapsychologie », à propos de l’inconscient : « Nous
mettrions fin à tous les malentendus, si désormais, dans la descriptions des
diverses sortes d’actes psychiques, nous laissions de côté la question de savoir
s’ils sont conscients ou inconscients, pour les classer et les relier uniquement
selon leurs rapports aux pulsions et aux buts, selon leurs connexions et leur
appartenance aux systèmes psychiques hiérarchisés »
Nous pensons bien entendu aux mondes hiérarchisés de Platon qui faisait déjà
référence à un ternaire.
- D) La complexité
: La logique cartésienne nous a appris
à « diviser (...) les difficultés (...) en autant de parcelles qu'il se pourrait
», et à éliminer dans le domaine scientifique l'inconnu, l'aléatoire, ou l'incertain.
Ainsi, pour Jakobson (1963), comme pour Martinet (1973), l'unité de
base du langage n'est plus le phonème, mais une unité encore plus petite :
le trait distinctif, produit par les mouvements de l'appareil phono-articulatoire,
et permettant de décrire le système phonologique des langues du monde. Jakobson
en fait une abstraction formulée en termes de phonétique acoustique constitutive
de la matrice caractéristique du système phonologique de la langue étudiée.
La chaîne parlée est donc transcrite phonétiquement en tant que code stable
et aussi fidèle que possible, et l'alphabet phonétique joue ce rôle en tenant
compte des possibilités articulatoires de la langue étudiée (Duché 1981).
Nous sommes néanmoins à même de situer cet infiniment petit dans son ensemble
en tenant compte de sa complexité. Donnons
l’exemple des grammairiens de langue sanskrite : ceux-ci situent toujours
le trait distinctif et le phonème dans un ensemble
de consonnes, lequel était toujours relié à un plan de l'être (la
lettre sur le chakra). De ce fait, parler,
faire vibrer le Logos, n'est pas chose abstraite, mais incarnée.
Le degré
de complexité d'un système dépend à la fois du nombre d'éléments et du type de relation qui lie les
éléments entre eux. Il en est ainsi du système des somatotopies ou cartographies correspondant à tel organe
récepteur ou effecteur, à savoir que dans un système spatio-temporel donné,
la structure d'un élément du système
comporte les variations de la structure spatio-temporelle de l'ensemble
et inversement. Tout étant lié, nous examinerons comment l’intervention sur
une seule fonction, l’écoute en l’occurrence, peut avoir des retentissements
sur l’être en général.
La cochlée, qui est le support au niveau de
la membrane basilaire d'une tonotopie retrouvée au niveau des structures sus-jacentes
(cortex temporal et pariétal), comporterait par ailleurs une somatotopie (fig. 6,)
une cartographie vis à vis de l'espace sonore, et on peut en inférer un schéma
corporel sur le plan fréquenciel. La sensibilité auditive varierait donc au
niveau de telle fréquence en fonction de ce qui survient au niveau de tel ou
tel organe ou au niveau de tel ensemble psychosomatique : maux de tête,
maux de ventre etc. (voir nos résultats chez l'asthmatique au
chapitre 7 et aussi 4 et 11).
Ceci est
pressenti en acoustique par Rabinowitz (1991), qui s'interroge sur les effets
du bruit sur l'organisme. L’auteur met en relation, sur le plan anatomique,
l'organe de Corti via la surrénale avec les différents niveaux étagés du corps.
Figure
7
« Effets du bruit sur l’organisme d’après Rabinovitch »
Toutes les informations de l'organisme sont
collectées par le système nerveux et centralisées dans le cerveau et Bossy (1984)
postule que les formations réticulaires (impliquées aussi dans l'attitude d'éveil)
effectuent le lien entre les différents micro-systèmes.
Auriol (1987),
à la suite des travaux de Leipp (1977), entre 1976 et 1977, dans sa pratique
psychothérapeutique, rapprochant l'analyse des courbes audiométriques et le
choix de certains symboles du yoga correspondant à des plans organisateurs de
la personne (chakras), montre certaines conjonctures possibles quant à la correspondance
terme à terme entre les chakras et les zones spectrales auditives, notamment
les zones spectrales de Leipp ; dans la thèse d'El Beze (1979), furent
aussi notés le rejet des fréquences élevées associé au choix des chakras du
bas chez une forte proportion de sujets de sexe masculin et inversement, les
sujets présentant un déficit de sensibilité au niveau des basses fréquences,
tendent à choisir les chakras du haut et à rejeter les chakras du bas (sujets
de sexe féminin).
Les grammairiens
sanskrits, par leur expérience au niveau proprioceptif, cœnesthésique d'une
part et d'autre part, par l'écoute subtile
des différents traits distinctifs des phonèmes constitutifs des mots à l'intérieur
de la phrase, nous ont appris que les différents ensembles des consonnes et
des voyelles sont en corrélation avec un plan de l'être, plan représentatif
d'un ensemble de fréquences sonores, mais aussi lieu organisateur à valeur
symbolique, éléments que nous intégrons au chapitre « à l’écoute des plans
de l’être » (travaux d'Auriol du Groupe des Sons de Toulouse).
Aspects résonantiels du corps humain
Dans ce
domaine, Tomatis (1978, 1981), se référant à l'audiogramme et Marie-Louise
Aucher (1977), empiriquement à l'écoute de la voix chantée des sujets entendants
et des sujets déficients auditifs, avancent qu'il existe une correspondance
entre le spectre des fréquences audibles et le corps humain, de sorte que les
sons graves correspondraient au bas du corps et les sons aigus seraient en relation
avec les résonateurs du haut du corps. Nicole Scotto di Carlo (1988), de l'Institut
de phonétique d'Aix-en-Provence, s'interroge sur les
sensibilités internes phonatoires et le rétro-contrôle
auditif chez les artistes lyriques. Les résonances sont produites « par
les vibrations laryngées et transmises au squelette par les muscles suspenseurs
du larynx ». Ajoutons que ceci se produit
par l'intermédiaire de la cochlée. « Pour contrôler leur voix, les artistes
lyriques disposent à la fois du feed-back proprioceptif que constituent les
sensibilités internes et du feed-back auditif, (...) seul moyen de contrôle
de la phonation dans ces conditions habituelles d'utilisation ». Le rôle du
professeur de chant va consister à aider l'élève à acquérir la mémoire kinesthésique,
c'est-à-dire la mémoire des mouvements musculaires, notamment ceux de la cavité
pharyngo-buccale pour chacun des trois registres. « L'étape suivante fait appel
plus directement à la mémoire pallesthésique, c'est-à-dire la mémoire de localisation
des vibrations les plus intenses ressenties au cours du chant. Elle consiste
à apprendre à l'élève à affiner ses sensibilités internes et localiser avec
précision chacune des notes de sa tessiture, selon le schéma corporel qui correspond
à la technique qu'il utilise et à la catégorie vocale à laquelle il appartient.
C'est par l'oreille seule que le professeur va guider l'élève et lui apprendre
à associer une image auditive à une sensibilité interne ».
1.2 - Solidarité face-oreille
L'oreille
moyenne est constituée de trois osselets : ce sont le marteau, l'enclume
et l'étrier, énumérés de l'extérieur vers l'intérieur. Ils sont d'origine embryologique
différente et nous devons distinguer un groupe comprenant le marteau et l'enclume,
que nous séparons de l'étrier.
Ainsi,
le groupe marteau-enclume est innervé par le nerf maxillaire inférieur (Vème
paire) et l'étrier est innervé par la VIIème paire ou nerf facial. Il y a une
relation entre la synergie de la mimique faciale et l'oreille.
De plus,
la bouche et la partie de l'oreille moyenne la plus externe forment un même
groupe en relation avec la Vème paire ; l'étrier et la face (à l'exception des
paupières) sont dépendants de la VIIème paire. Il y a donc une unité fonctionnelle
bouche-face-oreille (Tomatis, 1978,1983). Ainsi, la mimique peut rendre compte
de la dynamique auditive et articulatoire, ce que nous notons chez le psychotique
et l’autiste, mais aussi chez le sujet mal-apprenant, le dépressif.
1.3 - Les territoires du pneumogastrique
ou parasympathique (Xème paire)
Le pneumogastrique,
qui est double, innerve nos viscères dans le sens de la sécrétion
et de la contraction,, son action s’effectuant de concert avec le système sympathique.
Outre un rameau méningé, le pneumogastrique innerve le tympan, les organes de
la phonation par les nerfs récurrents, ainsi que l'ensemble étagé des viscères :
plans respiratoire, cardiaque, digestif et génito-urinaire ; cœnesthésie
et motricité végétative sont en interrelation à ce niveau périphérique avec
les organes audio-phonatoires, phénomène qui sera intégré et symbolisé dans
les structures corticales. Aussi peut-on s ‘interroger
sur l ‘impact de sons, perçus par l'oreille mais ne parvenant pas
au seuil conscient d'écoute, sur l'ensemble ou une partie des organes innervés
par le pneumogastrique que nous venons de citer et pouvant engendrer :
crises abdominales, suffocation, convulsions
etc… En revanche, l'impact de sons appropriés sur le tympan et la voie
auditive, qu'ils soient de nature musicale ou verbale, peuvent libérer l'organisme
de certains phénomènes d'angoisse manifestés au niveau des ces territoires,
point que nous posons être le fondement des techniques d'acousticothérapie,
de musicothérapie et de psychothérapie en général. Schématisation bien matérialiste qui nous
permet néanmoins d’aborder le problème de la voix et de la parole avec les parents
d’enfants épileptiques, mal -apprenants ou déficients intellectuels, voire asthmatiques.
1.4 - L'effet Tomatis : Répercutions phonatoires des stimulations
auditives
Au cours
de cette expérience, l'attention fut attirée sur le rôle fondamental des stimulations
auditives dans l'acte de parole et dans les processus de base du langage. A
partir de 1950, Husson (1957) signale les faits suivants : chaque fois
qu'un sujet émet un son à hauteur voulue avec représentation psycho-auditive
préalable de la hauteur, la fréquence de la voix est tenue. Dans le cas contraire,
la hauteur vocalique n'est pas tenue.
On avait
également observé que dans le chant un contrôle cortical s'exerçait sur les
rythmes d'influx du nerf récurrent (
le nerf récurrent est le nerf du larynx) Placés sous les bruiteurs de Barany,
les sujets de ces expériences ne pouvaient émettre un son à hauteur voulue,
mais ils y parvenaient s'ils développaient en eux une représentation psycho-auditive
suffisamment intense de la fréquence à émettre.
Les mécanismes
neuro-physiologiques à la base de ces observations expérimentales commençaient
à être connus à partir de 1951, lorsque Garde, Large et Husson mettent en évidence
le réflexe cochléo-récurrentiel par les expériences de stimulation auditive
qui produisent une augmentation du tonus de la corde vocale homolatérale. Quatre
ans plus tard, Chauchard et Mazoué établissent que les stimulations auditives
par des sons aigus au delà de 2.000 hertz augmentent l'excitabilité récurrentielle,
alors que les stimulations par les sons graves la diminuent. Tomatis, en 1953,
établit, grâce à un montage électronique "passe-bas" et "passe-haut",
avec micro à l'entrée et écouteurs à la sortie, les faits suivants :
- lorsqu'un sujet émet une voyelle tenue,
chantée devant le micro, « Si on ne
laisse passer que les harmoniques inférieurs à 500 hertz, le sujet éprouve des
difficultés d'émission : sa voix perd ses harmoniques aigus, son mordant
; ses poumons se vident rapidement, il s'essouffle. Au laryngo-stroboscope,
nous avons constaté que le larynx présentait une forte hypotonie glottique.
»
- « Si on ne laisse passer que les harmoniques
supérieurs à 2.000 hertz, par conséquent vers les aigus, le sujet éprouve une
facilitation de son émission, sa voix s'enrichit en harmoniques aigus, devient
mordante, le souffle est économisé, au laryngo-stroboscope, nous avons constaté
que le larynx présentait un tonus glottique très élevé. » (Husson 1957).
Vérifiant
ces expériences, Husson donne le nom d'"effet Tomatis" à l'ensemble
des rétroactions exercées sur la phonation par les stimulations auditives, à
partir de mécanismes centraux, dans les conditions de fourniture sonore modifiée
par filtrage, dans les limites physiologiques pharyngo-buccales. Nous montrerons
quelques applications thérapeutiques de cette loi concernant l'utilisation des
sons aigus.
D'ores
et déjà, nous pouvons dire, à partir aussi
d'autres faits expérimentaux, qu'il y a des sons stimulants, "de charge",
sons aigus situés dans un registre au delà de 2.000 hertz, riches en harmoniques
élevées ; ces sons apportent tonus glottique et vocal, et aussi attention, concentration
mentale, facilitant l'écoute et la mémoire, par opposition aux sons graves ou
inhibiteurs du tonus glottique, mais mobilisant aussi le corps par le fait qu'ils
excitent également le vestibule (canaux semi-circulaires), ne permettent pas
de transmettre au cerveau une grande quantité d'informations et inhibent les
capacités de concentration du sujet ; citons , dans ce registre :les
bruits d'avions, de camions, les effets de certaines climatisations mal réglées,
les "boîtes de nuit" dépassant certains seuils au niveau des décibels
et "forçant sur les graves" en ce qui concerne la batterie (il est
bien connu que le tambour fait "marcher au pas").
Nous retiendrons
le rôle des harmoniques aigues comme éléments thérapeutiques, soit dans les
techniques vocales, soit en acoustico-thérapie avec les appareils amplificateurs
de fréquences.
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