Psychosonique en Pédo-Psychiatrie

Dr Joffrin, Françoise

 

 

 

1.- INTERACTION LANGAGE, AUDITION, CORPS

1.1 L'ensemble cochléo-vestibulaire, la voie auditive

Le son est un phénomène vibratoire, discontinu, capable de produire entre deux seuils déterminés une réaction mesurable dans une ou plusieurs parties de l'organisme.

 

 

 

Fig. 1 – L’ensemble cochléo-vestibulaire

 

Suivons le cheminement anatomique du son au niveau réceptif (cochlée), puis sous-cortical, puis cortical.

L'oreille est divisée en trois parties :

- l'oreille externe, constituée par le pavillon de l'oreille et le conduit auditif externe. (signalons que l’oreille externe serait porteuse d'une somatotopie — travaux de Nogier (1969), vérification par potentiels évoqués dans le service de reflexologie du Pr. Bossy de Nîmes (1984)— dont certains points, détectés embryologiquement et électriquement, seraient reliés à certaines parties de l'organisme). (Le terme de somatotopie vient de SOMATO, le corps, et TOPOS : espace : ce terme désigne toute organisation sensorielle  ou autre reproduisant la forme du corps humain)

- l'oreille moyenne, remplie d'air, est séparée du conduit auditif externe par le tympan et de l'oreille interne par la fenêtre ovale sur laquelle vient s'insérer l'étrier. La membrane du tympan est un transformateur d'énergie (Leipp 1977) : elle change l'énergie vibratoire aérienne en énergie vibratoire matérielle, qui va se propager au niveau de l’oreille interne. Leipp nous explique qu'à la manière du joueur de tabla qui abaisse la fréquence de la membrane de son instrument en collant au milieu de celle-ci une lourde masse de pâte, le tympan peut réagir pour des fréquences très graves en raison de sa surcharge relativement lourde sous la forme de l'osselet qu'est le marteau.

 

 

 

 

Fig. 2 – L’oreille moyenne d’après Leipp, E,

La Machine à écouter – Masson, 1977.

 

 L'oreille moyenne comprend la chaîne des osselets, décrits par Leipp comme des leviers articulés ; de l'extérieur vers l'intérieur, nous distinguons :

          - le marteau, solidaire du tympan, dont le muscle est régulateur des sons graves, puis l'enclume, elle-même articulée à l’étrier qui est en contact avec la membrane  de la fenêtre ovale  qui permet la communication avec l’oreille interne.

Le  muscle de l’étrier est un extenseur et  un régulateur des sons aigus. Sa paralysie ou son relâchement rendent le sujet intolérant au bruit.

La chaîne des osselets est considérée habituellement comme le véhicule du son (Von Békésy), théorie qui n'a pas l'adhésion de tous les acousticiens : Leipp assigne au son un trajet purement aérien en direction de l'oreille interne et attribue au système des osselets (solidaires de muscles) un rôle d'adaptateur d'impédance, c’est à dire de résistance (de impedire :empêcher) vis-à-vis des sons de trop faible ou trop forte intensité  auxquels s’adaptera leur musculature ;  il évitera dans ce dernier cas la saturation du système de transmission de l'oreille interne.

Tomatis (1983) affirme que la vibration se propage à partir du pourtour du tympan vers la pyramide pétreuse et le système osseux du sujet ; système à l’origine de ce que nous appelons la courbe osseuse  de l’audiogramme qui appréhende l’écoute de l’intimité du sujet plus précisément selon des modalités intéressant sa corporéité, et ceci selon l’axe haut/bas se distribuant des aigus aux graves.

 

 



L'oreille interne, logée dans la pyramide pétreuse, se présente comme une cavité, le labyrinthe osseux, qui contient un sac membraneux rempli d'endolymphe, lequel est séparé de la paroi osseuse par un espace contenant la périlymphe.

Le labyrinthe est formé :

-         du vestibule : le système régissant l’équilibre comprenant l’utricule et le saccule de forme ovoïde, sensibles aux positions et aux déplacements rectilignes de la tête, et les canaux semi-circulaires, sensibles aux rotations de celle-ci. Le vestibule, en particulier le saccule, est sensible aux sons graves, mais plus à leur aspect rythmique qu'à leur aspect fréquentiel : c'est ce qui se produit au niveau du chant ou de la parole, lorsque ceux-ci sont mimés, ou lors de la danse : il y a sollicitation du vestibule au moyen du rythme de la voix ou de la musique, ceci grâce à la proximité de l'appareil qui régit notre position dans l'espace de celui qui gère notre monde sonore.

-         du limaçon ou cochlée : de forme tubulaire, enroulé en spirale, le limaçon possède l'organe sensoriel de l'audition : l'organe de Corti ( fig 3) porteur de cellules ciliées insérées dans la membrane basilaire et dont les cils sont solidaires  et activent la membrane  supérieure ou tectoriale .

-         Schématisons le cheminement du son , qu’il soit au départ inorganisé pour l’oreille ou bien signifiant :

SONà système osseux à cellule ciliée interne à cerveau : rétro-contrôle à cellule ciliée externe et voie aérienne : atténuation, amplification, et affinement : c’est la  sélectivité par bande de fréquences : intelligibilité de la parole.

 

 

Figure 3

 

 

Ces cellules ciliées sont de deux natures :

-     les cellules réceptrices  internes  sont afférentes par rapport au cerveau : les souris, privées de ces cellules, tout en conservant les externes, sont sourdes ; il en est de même des humains soumis à des traumatismes sonores qui détruisent les cils de ces cellules. Celles-ci ont une valeur essentiellement sensorielle.

-      les cellules ciliées externes : contractiles et adaptatrices, qui font partie du système efférent du cerveau. Leur altération par l’âge compromet l’intelligibilité du langage. Situées en plusieurs rangées, leur rôle est de se contracter en fonction d’une fréquence reçue, c’est à dire que pour telle zone de la membrane basilaire, tel ensemble de fibres est activé. Celles-ci, représentant 5% de fibres non myélinisées, sont donc en nombre infime mais elles ont un rôle considérable,  c’est à dire un rôle adaptateur, à la manière d'un pré-ampli vis-à-vis du son plus ou moins organisé, qui a subi un premier acheminement via le cerveau.( Pujol, in Aran et Coll-1988). Elles peuvent aussi affaiblir un son, l’amortir,  si celui-ci est d’une intensité trop forte ou s’il se situe dans des fréquences trop graves. Revenons sur leurs propriétés :  Brownel (in Aran et coll- 1988), en les observant in vitro, a constaté qu'elles se contractent comme des structures musculaires, entrant en résonance en suivant la fréquence de stimulation jusqu'à 20 KHz. Cette mobilisation répond à une fréquence particulière selon le lieu de la membrane basilaire envisagé (tonotopie ) : telle portion de la membrane entrera en résonance avec tel son  engendrant un cisaillement qui stimule les cellules ciliées externes, qui se dépolarisent et se contractent en phase, en amplifiant les vibrations sonores et en faisant vibrer les stéréocils des cellules ciliées internes. Cette amplification cochléaire est un mécanisme actif engendrant un potentiel microphonique appelé oto-émission qui peut être enregistrée par un microphone dans l'oreille au niveau du conduit auditif externe : cette portion de l’oreille émet des sons !  Il s’agit d’un système très actif à la naissance, et qui s’atténue avec l’âge. Il permet d’apprécier le mode de fonctionnement de l'audition chez le prématuré, l'adulte ou l'autiste. Nous retenons l’étude que Descouens (1998) réalisa à Toulouse dans le service du Pr Moron chez les sujets autistes : certains avaient une audition  normale, mais certains étaient  imperméables à toute sollicitation  et d’autres  hypersensibles  à toute sonorité : dans ce dernier cas, l’enfant ne peut filtrer aucune information, il est submergé par un raz-de-marée de sensations provenant de son propre monde et du monde extérieur.

-          Suivons le cheminement du son qui effectue un circuit en boucle analogue aux nombreux circuits réverbérants de l’organisme : le message sonore est acheminé par les cellules ciliées internes vers le cerveau qui a ainsi une première information grâce à ces cellules qui sont essentiellement sensorielles. Puis, retour… Le son revient du cerveau vers les cellules ciliées externes qui vont extraire (découper) un son de telle fréquence, correspondant à tel phonème et qui ne sera pas confondu ni inversé avec tel autre et qui, au moyen de la combinatoire, de relais en relais sera inséré dans des structures de sens de plus en plus subtiles. Ce système est donc, au départ, impliqué dans l’intelligibilité de la parole et toute atteinte de la cochlée (notamment par les otites séro-muqueuses, les traumatismes sonores ou les agents toxiques de l’oreille) aura un retentissement sur l’expression orale, voire les capacités d’attention, de concentration ou de mémoire.

A la base des cellules ciliées internes commencent les arborisations terminales des fibres nerveuses auditives, origine du nerf cochléaire qui rejoint le nerf vestibulaire pour former le nerf auditif. Les influx auditifs qui émanent de chaque cochlée forment des patterns à deux dimensions :

- une dimension spatiale correspondant au point de départ de la cochlée : les fibres provenant d'une même région restent voisines dans leur cheminement, et le nerf est porteur d'une organisation tonotopique, c'est-à-dire un étalement des graves et des aigus qui se retrouve à tous les niveaux.                            

 - une dimension temporelle correspondant au moment exact de leur point de départ : la parole et l'écoute sont inscrites dans une durée et la musique est organisation du temps. Les potentiels évoqués sont une méthode d'exploration prenant en compte ce facteur temps en interrogeant les latences relatives à telle ou telle aire corticale, et ceci par rapport au coté droit ou gauche du corps.

Suivons le cheminement de la voie auditive, qui présente un certain nombre de contraintes et de scansions du sensible à l’intelligible (fig. 4, 5 et 6) : disons, dès le départ, qu’avec la neuro-linguistique qui établit certaines corrélations entre un trouble et son substrat, une carte fonctionnelle tend à remplacer la carte anatomique du cerveau . A la manière des frayages … osons parcourir le trajet de subjectivation  qui, sur fond de silence, est parcouru de traits distinctifs.

 

 

figure 4 : LES VOIES AUDITIVES

 

 

Ainsi, dès la perception d’un objet sonore, un acte de négativation s’instaure en une  absence, une  quasi  mise à mort de l’objet, pour qu’advienne un signifiant en vue de sa symbolisation. Les sonorités vont voyager ; s’instaure un refoulement de la jouissance corporelle ... apparaîtra le sujet de l’inconscient, … puis le sujet de la conscience.

Un effacement de l’objet est nécessaire en une perte, une coupure, prix à payer pour qu’il y ait langage. Les traits distinctif  surgissent,à l’origine des chaînes signifiantes.

Après la réception cochléaire, la voie auditive pénètre dans le tronc cérébral.

C’est la transmission.  La voie croise la ligne médiane et fait relais au niveau  du côté opposé.  Il y a à ce niveau une interconnexion entre les deux oreilles. Les sonorités  remontent dans le tronc cérébral et se terminent au niveau des tubercules quadrijumeaux, lesquels sont impliqués dans l'appréciation de traits différenciateurs tels que la hauteur tonale (aigu/grave) et l'intensité. L’étape suivante est le thalamus. Nous savons que celui-ci est le relais des voies visuelles ainsi que de toutes les voies de l'appareil vestibulaire (équilibre) et de la sensibilité corporelle (somesthésie). Il est par ailleurs au cœur du système réverbérant impliqué dans les mécanismes de la mise en mémoire des apprentissages dans bon nombre de comportements émotionnels, instinctifs (faim, soif, sexualité) et immunitaires (axe reliant hyppocampe, amygdale  cérébrale, hypothalamus et surrénale), le tout relié à la réticulée mésencéphalique (substance d'éveil), cascade d'interactions indiquant que des motivations affectives et émotionnelles interviennent dans les engrammations mémorielles ainsi que dans l'acquisition du langage. Disons d’emblée que ces circuits réels se doublent de circuits virtuels, de dires que le sujet énonce à son insu : une parole qui échappe, un lapsus, une erreur syntaxique, une confusion dans un signifiant attestent du savoir de l’inconscient , lequel est parcouru par les voies du langage.

 

Perception……à partir du thalamus, la voie auditive se dirige vers le cortex  pour aboutir à la zone auditive primaire de l'image sonore , dans la profondeur de la première circonvolution temporale, formant le gyrus de Heschl (aire 41 et 42 de Brodman). Puis le son se dirige vers le cortex auditif associatif du planum temporale  (deuxième partie de l'aire 42 de brodman). Ces zones sont porteuses d'une tonotopie qui rend compte du codage spatial de l'information auditive, les sons aigus se projetant sur leur portion interne et les sons graves sur leur partie externe (fig. 5). Les fibres du corps calleux qui relient les deux hémisphères permettent l’acheminement des messages issus des deux oreilles. Ces zones sont responsables de la perception des traits acoustiques tels que la fréquence, l'intensité et la durée, ainsi que de la spatialisation de la stimulation sonore  dont nous reparlerons à propos de la dyslexie.

 

Discrimination… les messages sont ensuite acheminés dans les aires auditivo-psychiques de la parole parlée et de la parole écrite, zones dans lesquelles sont interprétés les paramètres portant sur l'organisation significative et affective du message : il y a analyse et intégration des paramètres précédents en fonction des expériences antérieures, c'est-à-dire relation perceptive entre le phonème et les engrammes acquis au cours de l'enfance, avec les inadéquations et les décalages entre ce qui est le fruit de l’écoute et du voir, la conquête de la lecture-écriture s’effectuant grâce à la correspondance graphème-phonème, de ce qui est vu avec ce qui est écouté.

L'identification symbolique a lieu dans les aires pariétales (aires 7, 39 et 40 de Brodman), qui sont aussi des lieux de synthèse perceptive du schéma corporel vers lesquelles concourent entre autre les engrammations de la sensibilité proprioceptive du langage oral (aires gnosiques communes avec le système visuel). Ces aires sont impliquées dans les notions de magnitude (grandeur et étendue du point de vue mathématique). Comme au niveau du thalamus, la tonotopie rencontre de nouveau les voies de la sensibilité générale concourant à la constitution du schéma corporel et de l'image du corps, plus ou moins élaborés selon le niveau où l'on se situe. Les techniques de chant incluant la perception de l’image corps au niveau sonore peuvent trouver ici leur justification — nous pensons, entre autres, à la technique de M-L. Aucher (1977)  avec son travail très précis au niveau de chaque plan vertébral, ainsi qu'aux étapes décrites très minutieusement par N. Scotto di Carlo de la Faculté d’Aix-en -Provence (1988) concernant le travail de l'artiste lyrique.

La pathologie organique du carrefour temporo-parieto-occipital nous permet d'illustrer les altérations de la conscience spatiale et sonore :

  • troubles de l'hémisphère droit, dont les signes sont sur la gauche => hémi-asomatognosie gauche (le sujet ignore son côté gauche); hémi-négligence de l'espace gauche
  • troubles de l'hémisphère gauche, dont les signes sont bilatéraux => agnosie digitale (le sujet ne peut désigner ses doigts à la demande de l'examinateur), indistinction droite-gauche, acalculie et agraphie.

Puis, entre en jeu le processus mental de réflexion sur la signification du message : les phénomènes perceptifs se conceptualisent ; au niveau des zones de délibération frontale, la capacité de prévision et de projection situe l'expérience par rapport à un futur et à un passé, intégrant nos vécus infantiles et nos émotions. Le lobe préfrontal joue par ailleurs un rôle important dans le phénomène de l'attention focalisée ou sélective, différente de l'attention généralisée liée à l'éveil. L'attention focalisée peut être comparée à une sorte de phare éclairant successivement les champs perceptifs, dont la fonction sert ses projets ; il y a là un processus très subtil de facilitation-inhibition qui nous permet d'activer certaines zones perceptives et de nous désintéresser des autres (Guirao 1979). La sélectivité de l'oreille, définie comme sa capacité à sélectionner une étroite bande de fréquence par rapport aux fréquences voisines, est analogue à ce phénomène et permet la visée du son ainsi que l'augmentation de la capacité de perception de celui-ci, point que nous aborderons au chapitre 3.

Après l'acte de délibération frontale que subit le message, selon les modalités propres à chaque hémisphère, schématiquement l’analytique à gauche, l’analogique à droite, une réponse est proposée sous forme de parole écrite ou parlée ; le sujet qui a été un récepteur devient un émetteur : la parole sous-tendue par la voix est issue de toutes les structures de mémoire que nous venons de décrire et elle est émise à partir du larynx au niveau de tous les niveaux résonantiels du sujet que nous décrirons dans leur spécificité. Elle est l’expression de la singularité d’un sujet et reflète son être dans son libre arbitre. Parler peut être assimilé à un geste, et comme tout geste, nous pouvons  moduler  notre voix en fonction de notre intention. 

Dans le trajet sonore qui va de l’écoute à l’acte de parole, peuvent être repérés 4 scansions que divers praticiens peuvent explorer : temps de la sensation : le sujet perçoit, au niveau de ce que Freud appelle la zone érogène, en l’occurrence ici l’oreille…lieu que Lacan assigne à la jouissance et plus particulièrement à la catégorie du plus-de-jouir. Après les lieux dévolus aux conduites automatiques qu’il n’est pas impossible de rencontrer dans la clinique, le sujet est affecté : le signifiant est associé à des émotions et des conduites qui ont un versant  à la fois conscient et inconscient (alimentation, etc…) ; puis il pense et il élabore : c’est le temps des abstractions, de la représentation et du symbolique ; puis il y a l’acte moteur de l’expression langagière, moment où la coulée verbale va se manifester à l’extérieur, pour l’Autre. Dans cet espace-temps, nous notons un continuum dont rend partiellement compte  l’algorithme saussurien  où la barre sépare ce que l’on pense (le signifié) de ce que l’on dit (le signifiant), avec la pensée donatrice de sens  comme élément princeps, algorithme que Lacan inversera, pour désigner la logique de l’inconscient : pour  celui-ci  ce que l’on dit a barre sur ce que l’on pense : nous notons donc la prééminence du dire en ce sens que le signifiant, expression involontaire, dénuée de sens, repérable à la manière d’ un événement, d’un rêve ou d’un geste, rend compte des phénomènes inconscients. Je suis tentée de dire, au niveau de ce continuum : prééminence de l’écoute puis du dire, du moins dans la succession de ces nombreux temps qui réalisent l’arc pulsionnel de la pulsion invocante , nommée par Lacan. A la même période, en linguistique pure, Martinet (1970) faisait remarquer l’économie supplémentaire que représente la deuxième articulation,  la suite discontinue des phonèmes : celle-ci a l’avantage de rendre la forme du signifiant indépendante de la nature du signifié, en ce sens que dans le mot « mal », selon l’exemple de l’auteur, le sort de chacune des tranches phoniques : m / a/ l / est lié non point à la nature du signifié correspondant, mais à celui des composants d’autres signifiants de la langue, le m de masse, le a de chat, le l de salle, …etc… Des sonorités voyagent indépendamment du sens chez Verlaine ou F. Ponge. Chaque signifiant est un monde qui nous ouvre sur une infinité d’autres mondes, sur d’autres savoirs. L’individu est traversé par une impersonnelle et toute puissante trame de symboles et de signifiants qui le constituent : en est-il la cause ou l’effet ? Les domine-t-il jamais tout-à-fait ? La parole nous fait devenir homme ; être humain, c’est raccrocher des signifiants au corps, c’est faire vibrer celui-ci d’une voix parlée ou chantée, c’est le prendre dans les rets du langage, car plus on met le corps en mots, plus on échappe aux maux du corps et le symbole fera échec au symptôme.

A la suite de cette énumération, nous devons convenir qu’il est difficile de réduire  "l’homme sonore" à ces structures neuro-linguistiques, ni l’être à son seul langage, et nous développerons plus amplement la structure du sujet   en 12-4

La présence du corps dans l'acte de langage est évidente. Sa participation concerne tout l'organisme. Leroi-Gourhan (1964) a montré la quasi-simultanéité d'apparition du langage et de l'habileté manuelle objectivée par la fabrication de l'outil. La parole chargée de sens, opposée aux cris non signifiants, peut être comparée au geste habile de la main droite par rapport aux mouvements moins précis des autres membres. Le langage apparaît comme le mode expressif le plus adéquat pour traduire nos pensées et le plus économique pour transmettre la somme considérable d'informations que contient le discours lorsque ce dernier aborde, notamment, la représentation symbolique.

L'acte de langage nous permet de considérer le corps sous deux aspects : nous pouvons l'étudier en tant que générateur, créateur de la coulée verbale, et cela à l'intention d'autrui. Il peut l'être aussi en tant que récepteur, capteur du discours d'autrui.

« Ces deux fonctions sont tout à fait différentes, mais en interaction l'une et l'autre. Parler et entendre ou émettre et recevoir sont deux actes dotés d'une même valeur et d'une même signification psycho-sensorielle et psychomotrice. C'est à l'oreille que revient la première place de notre description. Organe d'écoute, elle est à la fois la porte d'entrée et le contrôleur principal de la sortie. » Tomatis (1978, 1983).

 

Situons maintenant l'oreille avec ses interrelations :

1.1.1 - Le vestibule et l'implication corporelle (voir fig. 1)

Organe d'équilibre, vecteur de la relation au corps et au mouvement, le vestibule, composé des canaux semi-circulaires, de l'utricule et du saccule, représente la partie la plus archaïque de l'oreille. Cet ensemble concourt à la fonction d'équilibre, lors de la mobilisation du corps et son déplacement dans l'espace. Cet appareil, sur le plan phylogénétique, est utilisé assez tard pour assurer la verticalité de l'être humain, laquelle concourt à engendrer, entre autres, la posture d'écoute, notamment en ce qui concerne le crâne.

Sur le plan anatomique, nous savons que les cornes antérieures de la moelle épinière sont en jonction directe, par les faisceaux vestibulo-spinaux, avec le labyrinthe utriculaire dont l'innervation rejoint le nerf cochléaire. Aussi, tout muscle du corps est en relation avec le vestibule : ceci explique que tout mouvement, tout geste, toute posture sera dépendante, entre autres, de cette boucle cybernétique, le vestibule participant à l'élaboration du schéma corporel.

Implication pédagogique : la mauvaise tenue d'un enfant, son manque de tonus, ses maladresses en motricité fine (ceci se voit a fortiori chez un déficient intellectuel), peuvent témoigner d'une immaturité du fonctionnement de son appareil vestibulaire qu'il est possible d'aborder de façon spécifique.

 

1.1.2 - La cochlée, un micro-système qui gère le monde sonore, sa somatotopie.

Bien qu'arrivant relativement tard sur le plan phylogénétique, la fonction d'écoute constitue l'une des acquisitions humaines les plus importantes sur le plan de la communication. Il convient de bien distinguer l’attitude qui  consiste à écouter, qui est un processus actif, de celle d’entendre qui n'implique pas pour autant la présence d'un champ conscient, ce que nous évoquerons au chapitre 2.

Énumérons les paramètres analysés par la voie auditive, ceux sur lesquels s'étayeront le test d'écoute et le diagnostic audio-vocal, à savoir, comment écoute-t-on ? Comment parle-t-on ? Quel est le rapport du sujet à sa propre voix et à la voix d'autrui ?

          1) La hauteur tonale : l'intégration perceptive de celle-ci, avec l'intensité, se fait au niveau des corps genouillés internes, le déroulement temporel des séquences sonores complexes s'effectuant, classiquement, au niveau cortical.

 Les sons se distinguent les uns des autres par leur hauteur (ou tonie), qui dépend de la fréquence du mouvement vibratoire et qui est l'analogue de la couleur pour les sensations visuelles. Les sons sont-ils plus ou moins aigus ou plus ou moins plus graves lors de la passation des tests d’écoute ? Cette capacité peut s'objectiver par le coefficient d'analyse tonale ou sélectivité. Nous reprendrons ce point fondamental lors de l'étude du test d'écoute : la sélectivité est-elle ouverte ou fermée ? L'oreille est-elle ou non disposée à écouter, à décoder les variations fréquentielles minimes permettant la distinction d' un "t" d'un "c" dans "trou" et "crou", ou bien "b" et "d", ou "an" et "on" ?

          2) Le timbre : le timbre est la qualité d'un son qui permet de différencier celui-ci d'un autre son de même hauteur et de même intensité sonore, mais émis par un autre instrument ; c'est ainsi que l'on distingue le son d'un violon de celui d'une clarinette ou de la voix humaine. Les sons ainsi produits sont des sons complexes comportant des harmoniques régulières, multiples d'un son fondamental, émises par tous les éléments résonateurs. En ce qui concerne la voix humaine, les vibrations produites traversent les caisses de résonance successives des divers milieux résonantiels liquidiens et osseux, des poumons à la bouche ; il y a superposition de plusieurs ondes ; le son ainsi généré est donc complexe car il est formé de plusieurs partiels dont la fréquence de chacun est un multiple l'un de l'autre. C'est la présence de ces harmoniques, leur renforcement ou leur atténuation, qui caractérisent le timbre et qui personnalisent un son, une voix.

 

          3) L'intensité ou sonie :

C'est la distinction entre un son fort ou faible, mesurée en décibels.

 

          4) La durée, dont l'organisation constitue le rythme :

L'aptitude à appréhender la durée mesurée en temps chronologique peut être objectivée par le test temporel de mesure d’intervalles de Leipp (1977). L'oreille éduquée musicalement apprécie des intervalles de plus en plus courts, de 50 millisecondes à 2 millisecondes.

A propos de l'étude micro-temporelle de la parole, le Pr. Lafon de Besançon déclare (1990) : « Il est habituel de considérer que les sons qui parviennent à l'oreille, en particulier la voix et son articulation ou parole, sont constitués de fréquences et que leurs structures correspond à des spectres de fréquences. 

«   Nous avons émis l'hypothèse, (1958) que les structures de la voix et de la parole sont temporelles et que l'oreille est un capteur et un calculateur de temps. On peut montrer donc que l'étude des caractéristiques de la voix peut se faire en considérant l'impulsion laryngée ou l'impulsion aléatoire pour les bruits des consonnes. Les aspects du signal sont alors les intervalles  et la vitesse de variation de l'énergie fournie par le larynx ou les émetteurs supralaryngés pour les consonnes.

» Cette approche permet de mieux mettre en évidence la structure des phonèmes, de mieux expliquer le rapport hauteur et timbre. Dans le champ et la pathologie laryngée, cette option théorique dans l'étude acoustique apporte de nouveaux critères aux caractéristiques de la qualité de la voix. »

          5) Systémique et somatotopie :

L'analyse de la fréquence d'un son perçu débute au niveau périphérique dans l'oreille interne où il existe tout au long de la cochlée une organisation tonale précise. Pour chaque son de hauteur différente, les influx trouvent leur origine dans des régions spécifiques de l'organe de Corti, donnant un rapport entre la fréquence des potentiels d'action dans le nerf auditif et la fréquence du son qui impressionne la cochlée. Les fibres individuelles du nerf auditif, excitées selon la fréquence du son perçu, révèlent ainsi une distribution parfaitement systématique qui correspond aux localisations tonales.

L'oreille interne, constituée principalement par la spirale cochléaire, peut-être envisagée comme un micro-système réceptif sur la voie sonore. Dans la masse des bruits extérieurs, au sein des phonèmes et des traits distinctifs produits par le locuteur, la cochlée effectue un choix actif vis à vis de ces informations. Les physiologistes ont établi une polarité aiguë-grave lors de la réceptivité des sons au niveau de l'organe de Corti, et concernant la répartition de ceux-ci, Tomatis, (en 1983)  a émis l'hypothèse de « l’homme enroulé » reprise par Auriol ( 1991), c’est-à-dire d'une représentation élémentaire du schéma corporel (somatotopie) sur le plan fréquenciel, soit un ensemble de fréquences correspondant à certains ensembles somato-psychiques, objet de notre statistique au moyen de l'audiogramme chez l'asthmatique.

 

Figure 5

 

 

Avant d'envisager les notions de somatotopie (ou représentation du schéma corporel), nous allons nous pencher sur le concept moderne de la systémique qui s'est progressivement dégagé au cours de ces dernières décennies dans des branches très variées des sciences et des techniques, auxquels nous pouvons rattacher les noms de von Bertalanffy (1973), Norbert Wiener, professeur au M.I.T. au USA, ainsi que de Claude Levi-Strauss (1973). Ce dernier a posé le problème des relations entre langage, structure et système binaire.

 

A la suite de Saussure (1972), Jackobson (1963) insère le trait distinctif dans le système phonologique. Pour Saussure, le système est une totalité organisée, faite d'éléments solidaires ne pouvant être définis que les uns par rapport aux autres en fonction de leur place dans cette totalité et pour Lacan (1966), un signifiant représente le sujet par rapport à un autre signifiant.

 

 

FIGURE 6
Hypothèse d’une somatotopie de la cochlée

( Un point de la cochlée étant en relation avec un plan psycho-somatique du sujet )

Pour Von Bertalanffy (1973), un système est un ensemble d'unités en interrelation entre elles, et avec  Durand (1979), rappelons les quatre concepts fondamentaux de la systémique :

- A) L'interaction, comme relation classique de cause à effet, mais aussi la relation de rétro-action ou feed-back, mise en évidence par la cybernétique. L'action de type A vers B est assortie d'une action de type B vers A comme le rétro-contrôle des cellules ciliées , ainsi que le phénomène capital du réglage du couple audio-phonatoire au cours de l’émission de la voix , lors de l’expérience de Husson que nous décrivons  au chapitre I- 4

- B) Le principe de globalité : un système est composé d'éléments, mais il n'est pas la somme de ces éléments, de même que le sens d'une phrase n'est pas la somme des sens isolés des mots qui la composent, le contexte donnant leur sens aux mots. Par ailleurs, cette unité pré-supposée du réel implique l'apparition de qualités émergeantes que ne possèdent pas ces parties, comme la notion de hiérarchie dans les systèmes.

- C) L'organisation : concept central de la systémique, elle reflète l'agencement de relations entre composants ou individus, qui produit une nouvelle unité possédant des qualités que n'ont pas ses composants. L'organisation, qui comporte la hiérarchisation, revêt un aspect structurel et un aspect fonctionnel.

Nous allons souvent faire référence à l'organisation de l'espace  psychique dans ses relations avec le monde sonore. Ces deux notions étaient particulièrement liées dans les premiers modèles d'organisation de l'appareil psychique hérités des grandes religions ou philosophies. Nous pouvons citer la Kabbale (1987) dans le monde méditerranéen avec la représentation de l'appareil psychique au moyen des Sephiroth, dont Freud (1933) s'inspira certainement dans l'établissement de la deuxième topique, ou encore le modèle du yoga tantrique aux Indes, où chaque plan ou "chakra" est nanti d'un organe de perception  et d'un organe d'action, un effecteur, points développés dans cet ouvrage. Ecoutons Freud, dès 1915, dans « Métapsychologie », à propos de l’inconscient : « Nous mettrions fin à tous les malentendus, si désormais, dans la descriptions des diverses sortes d’actes psychiques, nous laissions de côté la question de savoir s’ils sont conscients ou inconscients, pour les classer et les relier uniquement selon leurs rapports aux pulsions et aux buts, selon leurs connexions et leur appartenance aux systèmes psychiques hiérarchisés » Nous pensons bien entendu aux mondes hiérarchisés de Platon qui faisait déjà référence à un ternaire.

- D) La complexité : La logique cartésienne nous a appris à « diviser (...) les difficultés (...) en autant de parcelles qu'il se pourrait », et à éliminer dans le domaine scientifique l'inconnu, l'aléatoire, ou l'incertain. Ainsi, pour Jakobson (1963), comme pour Martinet (1973), l'unité de base du langage n'est plus le phonème, mais une unité encore plus petite : le trait distinctif, produit par les mouvements de l'appareil phono-articulatoire, et permettant de décrire le système phonologique des langues du monde. Jakobson en fait une abstraction formulée en termes de phonétique acoustique constitutive de la matrice caractéristique du système phonologique de la langue étudiée. La chaîne parlée est donc transcrite phonétiquement en tant que code stable et aussi fidèle que possible, et l'alphabet phonétique joue ce rôle en tenant compte des possibilités articulatoires de la langue étudiée (Duché 1981). Nous sommes néanmoins à même de situer cet infiniment petit dans son ensemble en tenant compte de  sa complexité. Donnons l’exemple des grammairiens de langue sanskrite : ceux-ci situent toujours le trait distinctif et le phonème dans un ensemble de consonnes, lequel était toujours relié à un plan de l'être (la lettre  sur le chakra). De ce fait, parler, faire vibrer le Logos, n'est pas chose abstraite, mais incarnée.

Le degré de complexité d'un système dépend à la fois du nombre  d'éléments et du type de relation qui lie les éléments entre eux. Il en est ainsi du système des somatotopies ou cartographies correspondant à tel organe récepteur ou effecteur, à savoir que dans un système spatio-temporel donné, la structure d'un élément du système comporte les variations de la structure spatio-temporelle de l'ensemble et inversement. Tout étant lié, nous examinerons comment l’intervention sur une seule fonction, l’écoute en l’occurrence, peut avoir des retentissements sur l’être en général.

 La cochlée, qui est le support au niveau de la membrane basilaire d'une tonotopie retrouvée au niveau des structures sus-jacentes (cortex temporal et pariétal), comporterait  par ailleurs une somatotopie (fig. 6,) une cartographie vis à vis de l'espace sonore, et on peut en inférer un schéma corporel sur le plan fréquenciel. La sensibilité auditive varierait donc au niveau de telle fréquence en fonction de ce qui survient au niveau de tel ou tel organe ou au niveau de tel ensemble psychosomatique : maux de tête, maux de ventre etc.   (voir nos résultats chez l'asthmatique au chapitre 7 et aussi 4 et 11).

Ceci est pressenti en acoustique par Rabinowitz (1991), qui s'interroge sur les effets du bruit sur l'organisme. L’auteur met en relation, sur le plan anatomique, l'organe de Corti via la surrénale avec les différents niveaux étagés du corps.

 

Figure 7
« Effets du bruit sur l’organisme d’après Rabinovitch »

 

 Toutes les informations de l'organisme sont collectées par le système nerveux et centralisées dans le cerveau et Bossy (1984) postule que les formations réticulaires (impliquées aussi dans l'attitude d'éveil) effectuent le lien entre les différents micro-systèmes.

Auriol (1987), à la suite des travaux de Leipp (1977), entre 1976 et 1977, dans sa pratique psychothérapeutique, rapprochant l'analyse des courbes audiométriques et le choix de certains symboles du yoga correspondant à des plans organisateurs de la personne (chakras), montre certaines conjonctures possibles quant à la correspondance terme à terme entre les chakras et les zones spectrales auditives, notamment les zones spectrales de Leipp  ; dans la thèse d'El Beze (1979), furent aussi notés le rejet des fréquences élevées associé au choix des chakras du bas chez une forte proportion de sujets de sexe masculin et inversement, les sujets présentant un déficit de sensibilité au niveau des basses fréquences, tendent à choisir les chakras du haut et à rejeter les chakras du bas (sujets de sexe féminin).

Les grammairiens sanskrits, par leur expérience au niveau proprioceptif, cœnesthésique d'une part et d'autre part,  par l'écoute subtile des différents traits distinctifs des phonèmes constitutifs des mots à l'intérieur de la phrase, nous ont appris que les différents ensembles des consonnes et des voyelles sont en corrélation avec un plan de l'être, plan représentatif d'un ensemble de fréquences  sonores, mais aussi lieu organisateur à valeur symbolique, éléments que nous intégrons au chapitre « à l’écoute des plans de l’être » (travaux d'Auriol du Groupe des Sons de Toulouse).

Aspects résonantiels du corps humain

Dans ce domaine, Tomatis (1978, 1981), se référant à l'audiogramme et Marie-Louise Aucher (1977), empiriquement à l'écoute de la voix chantée des sujets entendants et des sujets déficients auditifs, avancent qu'il existe une correspondance entre le spectre des fréquences audibles et le corps humain, de sorte que les sons graves correspondraient au bas du corps et les sons aigus seraient en relation avec les résonateurs du haut du corps. Nicole Scotto di Carlo (1988), de l'Institut de phonétique d'Aix-en-Provence, s'interroge sur les sensibilités internes phonatoires et le rétro-contrôle auditif chez les artistes lyriques. Les résonances sont produites « par les vibrations laryngées et transmises au squelette par les muscles suspenseurs du larynx ».  Ajoutons que ceci se produit par l'intermédiaire de la cochlée. « Pour contrôler leur voix, les artistes lyriques disposent à la fois du feed-back proprioceptif que constituent les sensibilités internes et du feed-back auditif, (...) seul moyen de contrôle de la phonation dans ces conditions habituelles d'utilisation ». Le rôle du professeur de chant va consister à aider l'élève à acquérir la mémoire kinesthésique, c'est-à-dire la mémoire des mouvements musculaires, notamment ceux de la cavité pharyngo-buccale pour chacun des trois registres. « L'étape suivante fait appel plus directement à la mémoire pallesthésique, c'est-à-dire la mémoire de localisation des vibrations les plus intenses ressenties au cours du chant. Elle consiste à apprendre à l'élève à affiner ses sensibilités internes et localiser avec précision chacune des notes de sa tessiture, selon le schéma corporel qui correspond à la technique qu'il utilise et à la catégorie vocale à laquelle il appartient. C'est par l'oreille seule que le professeur va guider l'élève et lui apprendre à associer une image auditive à une sensibilité interne ».

1.2 - Solidarité face-oreille

L'oreille moyenne est constituée de trois osselets : ce sont le marteau, l'enclume et l'étrier, énumérés de l'extérieur vers l'intérieur. Ils sont d'origine embryologique différente et nous devons distinguer un groupe comprenant le marteau et l'enclume, que nous séparons de l'étrier.

Ainsi, le groupe marteau-enclume est innervé par le nerf maxillaire inférieur (Vème paire) et l'étrier est innervé par la VIIème paire ou nerf facial. Il y a une relation entre la synergie de la mimique faciale et l'oreille.

De plus, la bouche et la partie de l'oreille moyenne la plus externe forment un même groupe en relation avec la Vème paire ; l'étrier et la face (à l'exception des paupières) sont dépendants de la VIIème paire. Il y a donc une unité fonctionnelle bouche-face-oreille (Tomatis, 1978,1983). Ainsi, la mimique peut rendre compte de la dynamique auditive et articulatoire, ce que nous notons chez le psychotique et l’autiste, mais aussi chez le sujet mal-apprenant, le dépressif.

 

1.3  - Les territoires du pneumogastrique ou parasympathique (Xème paire)

Le pneumogastrique,  qui est double,  innerve nos viscères dans le sens de la sécrétion et de la contraction,, son action s’effectuant de concert avec le système sympathique. Outre un rameau méningé, le pneumogastrique innerve le tympan, les organes de la phonation par les nerfs récurrents, ainsi que l'ensemble étagé des viscères : plans respiratoire, cardiaque, digestif et génito-urinaire ; cœnesthésie et motricité végétative sont en interrelation à ce niveau périphérique avec les organes audio-phonatoires, phénomène qui sera intégré et symbolisé dans les structures corticales. Aussi peut-on s ‘interroger  sur l ‘impact de sons, perçus par l'oreille mais ne parvenant pas au seuil conscient d'écoute, sur l'ensemble ou une partie des organes innervés par le pneumogastrique  que nous venons de citer et pouvant engendrer : crises abdominales, suffocation,  convulsions  etc… En revanche, l'impact de sons appropriés sur le tympan et la voie auditive, qu'ils soient de nature musicale ou verbale, peuvent libérer l'organisme de certains phénomènes d'angoisse manifestés au niveau des ces territoires, point que nous posons être le fondement des techniques d'acousticothérapie, de musicothérapie et de psychothérapie en général.   Schématisation  bien matérialiste  qui nous permet néanmoins d’aborder le problème de la voix et de la parole avec les parents d’enfants épileptiques, mal -apprenants  ou déficients intellectuels, voire asthmatiques.

 

1.4 - L'effet Tomatis : Répercutions phonatoires des stimulations auditives

Au cours de cette expérience, l'attention fut attirée sur le rôle fondamental des stimulations auditives dans l'acte de parole et dans les processus de base du langage. A partir de 1950, Husson (1957) signale les faits suivants : chaque fois qu'un sujet émet un son à hauteur voulue avec représentation psycho-auditive préalable de la hauteur, la fréquence de la voix est tenue. Dans le cas contraire, la hauteur vocalique n'est pas tenue.

On avait également observé que dans le chant un contrôle cortical s'exerçait sur les rythmes d'influx  du nerf récurrent ( le nerf récurrent est le nerf du larynx) Placés sous les bruiteurs de Barany, les sujets de ces expériences ne pouvaient émettre un son à hauteur voulue, mais ils y parvenaient s'ils développaient en eux une représentation psycho-auditive suffisamment intense de la fréquence à émettre.

Les mécanismes neuro-physiologiques à la base de ces observations expérimentales commençaient à être connus à partir de 1951, lorsque Garde, Large et Husson mettent en évidence le réflexe cochléo-récurrentiel  par les expériences de stimulation auditive qui produisent une augmentation du tonus de la corde vocale homolatérale. Quatre ans plus tard, Chauchard et Mazoué établissent que les stimulations auditives par des sons aigus au delà de 2.000 hertz augmentent l'excitabilité récurrentielle, alors que les stimulations par les sons graves la diminuent. Tomatis, en 1953, établit, grâce à un montage électronique "passe-bas" et "passe-haut", avec micro à l'entrée et écouteurs à la sortie, les faits suivants :

          - lorsqu'un sujet émet une voyelle tenue, chantée devant le micro,  « Si on ne laisse passer que les harmoniques inférieurs à 500 hertz, le sujet éprouve des difficultés d'émission : sa voix perd ses harmoniques aigus, son mordant ; ses poumons se vident rapidement, il s'essouffle. Au laryngo-stroboscope, nous avons constaté que le larynx présentait une forte hypotonie glottique. »

          - « Si on ne laisse passer que les harmoniques supérieurs à 2.000 hertz, par conséquent vers les aigus, le sujet éprouve une facilitation de son émission, sa voix s'enrichit en harmoniques aigus, devient mordante, le souffle est économisé, au laryngo-stroboscope, nous avons constaté que le larynx présentait un tonus glottique très élevé. » (Husson 1957).

Vérifiant ces expériences, Husson donne le nom d'"effet Tomatis" à l'ensemble des rétroactions exercées sur la phonation par les stimulations auditives, à partir de mécanismes centraux, dans les conditions de fourniture sonore modifiée par filtrage, dans les limites physiologiques pharyngo-buccales. Nous montrerons quelques applications thérapeutiques de cette loi concernant l'utilisation des sons aigus.

D'ores et déjà, nous pouvons dire, à partir  aussi d'autres faits expérimentaux, qu'il y a des sons stimulants, "de charge", sons aigus situés dans un registre au delà de 2.000 hertz, riches en harmoniques élevées ; ces sons apportent tonus glottique et vocal, et aussi attention, concentration mentale, facilitant l'écoute et la mémoire, par opposition aux sons graves ou inhibiteurs du tonus glottique, mais mobilisant aussi le corps par le fait qu'ils excitent également le vestibule (canaux semi-circulaires), ne permettent pas de transmettre au cerveau une grande quantité d'informations et inhibent les capacités de concentration du sujet ; citons , dans ce registre :les bruits d'avions, de camions, les effets de certaines climatisations mal réglées, les "boîtes de nuit" dépassant certains seuils au niveau des décibels et "forçant sur les graves" en ce qui concerne la batterie (il est bien connu que le tambour fait "marcher au pas").

Nous retiendrons le rôle des harmoniques aigues comme éléments thérapeutiques, soit dans les techniques vocales, soit en acoustico-thérapie avec les appareils amplificateurs de fréquences.

 

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