Psychosonique en Pédo-Psychiatrie

Dr Joffrin, Françoise

 

3. - PASSATION DU TEST D'ÉCOUTE EN PÉDO-PSYCHIATRIE

          3.1 - Protocole audio-psycho-phonologique (APP)

L'appareil est le même que celui utilisé pour les audiogrammes, s'étalant de 125 à 8.000, 12.000 ou 16.000 hertz selon les appareils, d'octave en octave (ou de demi-octave en demi-octave) et dont l'intensité varie de 5 dB. en 5 dB., de moins 10 à plus 100 dB. Ce test a pour but de rechercher un certain nombre de paramètres.

Nous citerons :

          3.2 - La recherche des seuils

Ceux-ci sont recherchés ainsi : de la plus faible intensité à la plus forte, sans répéter le message, contrairement au protocole classique O.R.L. On demande simplement au sujet d’être attentif aux sons et de lever la main lorsqu’il entend un signal, pour une fréquence donnée, et on passe à l’intensité suivante s’il n’a pas perçu et même intégré la fréquence, mais on ne le répète pas, car il est question dans ce cas de l’attention consciente que le sujet porte au son comme il le ferait dans un dialogue  ou en salle de  classe.           

- Les fréquences sont interrogées des plus aiguës aux plus graves.

- La courbe osseuse est obtenue en stimulant la mastoïde par le vibreur placé sur celle-ci, au niveau du coté droit, puis du côté gauche.

          3.3 - L'étude de la spatialisation

On note le pouvoir qu'a l'oreille de localiser les sons dans l'espace en demandant au sujet, en courbe osseuse et aérienne, lors de la recherche des seuils, de lever la main du côté où il entend le son et de lever les deux mains lorsqu'il entend le son des deux côtés, ou lorsqu'il ne peut en déterminer la direction. Les inversions ou confusions de côté sont notées au niveau de chaque fréquence par un petit trait placé au bas de chaque grille.

Certains O.R.L. pensent que l'on ne peut réellement distinguer d'où vient le son en osseux, en raison de la capacité vibratoire globale du crâne. La pratique montre que le  sujet  bien latéralisé ou porteur d'une oreille éduquée musicalement, ou celui qui a effectué un travail de pédagogie de l'écoute, contredisent  ces affirmations.

Nous citons ici la statistique que Mme Claudie Michaud (1991), psychologue à l'I.M.E. de Mons en Haute-Garonne, a effectuée sur 60 élèves de cours préparatoire.

Concernant la spatialisation, ont été révélés :

- 10 problèmes de spatialisation aérienne,

- 44 problèmes de spatialisation osseuse.

          3.4 - L'étude de la sélectivité : l’oreille effectue des différences

La sélectivité peut être définie comme la capacité d'un appareil de sélectionner une étroite bande de fréquence par rapport aux fréquences voisines, propriété qui a été décrite précédemment au niveau de l’organe de Corti. Une dénomination plus adéquate serait la sériation  ou discrimination fréquencielle ou analyse tonale, de 8.000 hertz à 125 hertz en conduction aérienne. Il s'agit ici de la capacité du sujet à reconnaître que, parmi deux sons successifs, l'un est plus aigu ou plus grave que l'autre, tout au long  de la coulée du langage, qui est  une suite de traits distinctifs avec écarts différentiels, prononcés sur des variations de l'aigu et du grave.

FIGURE 9

Cette investigation a pour but de déceler l'ouverture ou la fermeture de la sélectivité auditive  ou analyse tonale que l'on peut définir comme la faculté que possède une oreille de percevoir une variation de fréquences à l'intérieur d'un spectre sonore et de situer le sens de cette variation. On effectuera donc, pour cette épreuve, en conduction aérienne, un balayage des fréquences à une intensité supérieure à celle de la moyenne du sujet en partant des aiguës et en demandant au sujet d'indiquer si le son perçu est plus aigu, plus grave ou de même hauteur que le son précédent. Les erreurs sont indiquées en haut de la grille au niveau des fréquences mal analysées  et le blocage de la sélectivité est indiqué en traits hachurés à partir de la fréquence la plus grave qui a été marquée d'un trait (fig. 9).


Poursuivant sa statistique, Madame C. Michaud constate les faits suivants :

Sur les 60 élèves :               

                                               - 35 ont une sélectivité fermée,

                                               -   9 ont une sélectivité ouverte dans les graves,

                                               - 13 ont une sélectivité ouverte dans la zone du langage (autour de 2.000 hertz pour la langue française).

Sur les 35 élèves à sélectivité fermée :

                                               - 1 commence des études musicales,

                                               - 6 sont en orthophonie,                            

                                               - 28 n'ont aucune activité sportive, culturelle ou musicale.

Ces 35 élèves ont suivi difficilement le C.P.

Sa conclusion est la suivante : « On peut trouver dans la sélectivité fermée l'origine de bien des échecs. Si l'année de C.P. correspond à l'intégration des sons dans le but de les différencier, afin de les répéter sans erreurs, comment ces 35 élèves vont-il pouvoir les différencier avec une sélectivité fermée ? La première condition qui facilitera les études d'apprentissage écriture-lecture est d'avoir une oreille ouverte aux sons et, pour commencer, aux sons du langage maternel. 13 enfants seulement vont pouvoir bénéficier de l'enseignement. "L'enfant ne dit que ce que son oreille entend"».                                             

La sélectivité a été envisagée en relation avec les études musicales.

Sur 24 élèves de CE1 1 seul a une sélectivité ouverte et fait des études musicales.

Sur 24 élèves du CE2 4 ont une sélectivité ouverte                                        

-         2 font des études musicales                          

-         1 est en orthophonie

Sur les 17 élèves du CM1              -    3 ont une sélectivité ouverte, les 3 font de la musique

 

Sur 33 élèves du CM2                    -     5 ont une sélectivité ouverte                         

-         2 font des études musicales                          

-         1 est en orthophonie

« La même expérience a été réalisée dans le lycée de Montgeron dans l'Ain et au lycée de Reims en 85-86. Les résultats ont été si probants que les expériences ont été reconduites en 86-87 ».

La conclusion de ces recherches a mis en évidence la relation entre les tests d'écoute et les difficultés d'apprentissage en début d'année scolaire.

« Sur une population de 130 élèves de 6ème, les tests auditifs ont annoncé les passages des uns, les redoublements des autres avant que ceux-ci ne soient prononcés, les classes expérimentales étant celles du CP pour l'apprentissage de l'écriture-lecture, de CM2 pour le choix d'une langue étrangère, de 6ème pour l'apprentissage de la langue étrangère, de 4ème  pour le choix de la deuxième langue étrangère ».

 

Approche psychologique de la capacité d'analyse tonale (sélectivité)

Si nous envisageons métaphoriquement l'oreille comme un diaphragme filtrant tel ou tel son, au point de se fermer complètement à ceux-ci, nous pouvons dire que cette sélectivité ou mieux, cette analyse tonale, a une signification relationnelle et subjective : l'oreille peut être ouverte ou fermée ; l'enfant à la sélectivité fermée et qui, de ce fait, est dans l'indifférenciation, la confusion quant aux phonèmes du langage, a manifestement des difficultés de séparation par rapport à son entourage,   corrélatives de confusions entre soi et l’autre par rapport au miroir.  Il ne s’est pas ouvert au langage en une place qui lui eut conféré une dimension symbolique. Nous notons souvent : repli, lenteur dans les réalisations, manque de confiance en soi, absence de concentration, instabilité, irritabilité, ainsi qu’à partir d’un certain âge, des troubles déficitaires de l'attention (TDA) sans hyper-kinétisme, mais aussi l'instabilité psychomotrice de l'enfant,  dont les troubles hyper-kinétiques avec déficit de l'attention (THDA) rencontrés chez nombre de dyslexiques.

Sous l'effet des techniques d'entraînement de l'écoute, lorsque s'ouvre la sélectivité, c'est-à-dire le diaphragme auditif, nous voyons s'amender certains symptômes, retrait, timidité, etc., l'enfant s'ouvrant au monde et pouvant alors passagèrement  devenir agressif.

 

          Fermeture de la sélectivité avec seuils normaux

Corinne, 13 ans, 2ème d’une fratrie de trois enfants, en classe de 5ème, nous est envoyée par ses professeurs, car elle a des difficultés en anglais et son professeur de français  envisage une  classe spécialisée. Elle a suivi des séances d'orthophonie auparavant après redoublement de la classe de CP. Elle fait encore des inversions en lecture. Corinne a subi une plastie des oreilles.

Le bilan de départ fait état de deux courbes parallèles, mais au niveau de l’oreille gauche, un petit accident attire notre attention : la courbe osseuse(CO) est ascendante au niveau des 1500-2000 hertz, rejoignant la courbe aérienne (CA), signe d’un débordement d’énergie régulé avec difficulté dans cette région qui , comme nous le montrerons , se situe au niveau de la région thoracique haute, à valeur identitaire. (développé Chap. 8 et 12-4), contigue avec la région du langage. Ce que nous retenons de ce bilan, ce sont ses difficultés par rapport au langage écrit ainsi qu’à à une langue étrangère, associés à un retrait par rapport à son environnement, ce dont témoigne une sélectivité fermée : difficulté à instaurer un écart différentiel dans la coulée verbale.

Selon notre pratique, nous avons reçu Corinne en psychothérapie parallèlement à la thérapeutique par les sons filtrés.  Il est question de sa place au sein de sa famille : jalousie envers son petit frère et agressivité envers sa grande sœur qui font respectivement clan avec la mère et le père ; nous avons noté quelques éléments dépressifs « Je ne suis pas aimée par mes amies »

La sélectivité, sa capacité d’analyse tonale s’est « éclaircie » au cours de la cure sonique, c’est à dire que les confusions dans le domaine fréquenciel se sont amendées : l’anglais fut mieux perçu et de ce fait mieux prononcé ; Corinne a ainsi pu poursuivre sa scolarité dans le secondaire.

Notons que, par rapport à l'ouverture de la sélectivité, il y eut meilleur contact avec le groupe.

 

3.5 - Recherche de l'oreille dominante ou oreille directrice :

Celle-ci repose sur la réalisation des tests dichotiques, pratiqués à partir des premiers travaux de Mme Kimura cités par Chouard (1991) en 1961, qui suscitent un grand intérêt en raison des résultats retrouvés chez les dyslexiques et les bègues. Le principe en est de faire entendre simultanément, au niveau des deux oreilles, des messages différents et de quantifier les réponses obtenues en fonction de leur nature. On emploie des paires de consonnes voyellées du type BA-TA (stimuli verbaux), soit des paires de clicks dont les différents paramètres ou des séquences sonores (stimuli non verbaux) varient. Mme Kimura a montré, chez les sujets droitiers, l'existence d'une supériorité de l'oreille droite pour les stimuli verbaux et, au contraire, de l'oreille gauche pour les stimuli non verbaux.

Des travaux neurologiques ont permis ensuite de confirmer que cette notion d'oreille prédominante pour les stimuli verbaux pouvait être reliée à celle de dominance cérébrale, les connexions auditives croisées acheminant plus facilement les informations au cerveau, et/ou ayant une action inhibitrice sur les connexions cérébrales directes. Tsunoda, cité par Chouard (1991), a précisé ces rôles chez les sujets musiciens ou non musiciens.

Le test dichotique consiste donc à faire écouter deux séries de mots ou d'histoires, diffusées simultanément à chacune des deux oreilles, au casque, en écoute aérienne. Notre pratique s'effectue comme suit : deux histoires différentes sont proposées en stéréophonie : une histoire pour l'oreille droite, une histoire pour l'oreille gauche, et nous demandons au sujet, à l'issue de l'écoute de celles-ci, d'essayer de nous relater le contenu des deux histoires. La consigne est la suivante : si le  sujet ne peut retenir le contenu des deux histoires à la fois, nous lui demandons d'en choisir une qu'il nous relatera et qui correspondra au côté préférentiel, à l'oreille dominante qu'utilise le sujet dans le quotidien.

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13 septembre 2010