POUR CHANGER D'ÉCOUTELes appareils modificateurs de l'écoute(Chapitre 8 de "La Clef des Sons")Dr Bernard Auriol |
La voix du sujet lui-même est le premier et le plus important de tous les instruments. Il semble aussi le plus disponible, mais ce n'est pas vrai dans tous les cas : le comateux, l'autiste, ou même l'introverti et le grand timide profitent de ce qu'ils entendent et s'acheminent à l'écouter, quoique étant, au moins dans les débuts, incapables de parler, vocaliser, chanter, crier ou rire. Dans des cas plus simples, le sujet pourra répéter des mots ou des vocalises faciles. A tout moment de la thérapie sonique - et sauf cas très particuliers - il sera bienvenu d'encourager toute tentative d'expression spontanée, qu'elle nous paraisse harmonieuse ou disgracieuse, adaptée ou non. L'usage de la voix personnelle peut survenir dans la solitude ou dans le groupe, dans le repos ou l'activité, a cappella, avec l'accompagnement d'un instrumentiste ou d'une bande play-back, ou dans le micro d'un appareil modificateur de l'écoute (cf. plus loin).
|
La voix enregistrée de la mère (et, plus rarement, du père) est utilisée en audio-psycho-phonologie (A.P.P.) après filtrage en passe-haut (> 8 kHz ; 60 à 80 dB/octave). Nous avons vu qu'il n'y a là rien de " foetal " mais, s'il s'agit d'évocation, ce serait celle de la vie immédiatement post-natale. Probablement l'effet doit-il se comprendre en combinant plusieurs hypothèses (outre l'évocation : action spécifique des extrêmes aigus, stimulation des données personnelles en rapport avec le surmoi maternel ou paternel, etc.).
Les voix humaines, chantées ou parlées, isolées ou en groupe (choeur) peuvent être utilisées comme toute autre pièce musicale en vue d'une musicothérapie classique. On peut également s'en servir comme modèles que le sujet pourra reprendre, dans le cadre d'une cure sonique sous appareil modificateur de l'écoute (A.M.E.).
L'autorisation que nous font les vocodeurs (cf. plus loin) de séparer la voix de son articulation suggère vivement qu'il en peut être ainsi de tout instrument, chacun d'eux prêtant sa voix à l'articulation qu'en fait le musicien, pas toujours avec sa bouche mais aussi bien avec ses mains, ses pieds, sa tête, ou tout ensemble pour l'homme orchestre.
appareils
utilisables en thérapie sonique |
|
Sources sonores | |
Voix humaines intimes
(voix de la mère, du père, du sujet lui-même) |
|
Voix humaines chantées
ou parlées, isolées ou en groupe (choeurs) |
|
Objets quelconques
susceptibles de produire des sons |
|
Instruments de musique
traditionnels ou orchestraux |
|
Synthétiseurs, orgues |
|
Couplage voix/synthé
par micro midifié (mis au standard Midi) |
|
Appareils Reproducteurs | |
électrophone, magnétophones analogiques
à bande ou à cassettes, appareils casques standard, casques en conduction osseuse, baffles, haut-parleurs, |
|
Ordinateurs (avec
DSP; avecinterface Midi) |
|
Appareils Modificateurs | |
Lieux plus ou moins
réverbérants selon la fréquence |
|
Lieux plus ou moins
isolés phoniquement selon la fréquence |
|
Amplificateurs
|
|
Filtres | |
Filtres stables :
passe-haut, passe-bas et passe-bande;
réjecteurs |
|
Equalizers paramétriques
et par fraction d'octave |
|
Suvag(s) de Gubérina et verboton |
|
Appareil du Docteur Guy Berard |
|
Holopsone du Dr Bourdin et du Dr Issartel |
|
Hipérion du Dr Jean Michel Issartel Cf. aussi Nico Milantoni |
|
Filtres-pilotés | |
LIFT
de Paul Madaule |
|
Sound
Therapy Converter de Patricia Joudry |
|
Oreille électronique
de Tomatis |
|
Appareil de Spirig,
Hearing Trainer |
|
Appareil de Bérard
|
|
Sémiophone et lexiphone
d'Isi Beller |
|
Variophone d'Auriol
et Marinoff-Hazard |
|
Akousmatix d'Auriol
et Thourel |
|
Vocodeurs et harmoniseurs |
|
Alternophone de Lefébure |
|
Ordinateurs avec
logiciel et interfaces adaptées |
Diverses méthodes cherchent à susciter une approche aussi simple et naturelle que possible de la musique, d'où l'appel au rythme (Carl Orff, 1895-1982) et aux instruments qui y invitent[1] ; on peut, dans cet esprit, employer des objets dont la destination première est toute différente (objets courants). Ce type de travail, qui est autant une pédagogie qu'une thérapie, peut s'utiliser pour l'éveil musical de très jeunes enfants (Jansen, 1985) comme pour la thérapie des jeunes ou des moins jeunes. Les instruments de musique traditionnels (Zannèse, 1983) ou orchestraux trouvent leur place tout naturellement, en fonction des moyens dont on dispose, pour la musicothérapie active ou passive. Les synthétiseurs également, d'autant qu'ils permettent beaucoup pour un investissement modéré.
"Le thérémine (theremine ou theremin) est un des plus anciens instruments de musique électronique, inventé en 1919 par le Russe Lev Sergueïevitch Termen (connu sous le nom de « Léon Theremine »). Composé d’un boîtier électronique équipé de deux antennes, l'instrument a la particularité de produire de la musique sans être touché par l’instrumentiste. Dans sa version la plus répandue, la main droite commande la hauteur de la note, en faisant varier sa distance par rapport à l’antenne verticale. L’antenne horizontale, en forme de boucle, est utilisée pour faire varier le volume selon sa distance par rapport à la main gauche."
Il est possible de jouer du Thérémine en ligne.
Un instrument similaire mérite une mention particulière : le lum de Jean Girvès. Cet appareil est merveilleux au plein sens du mot : il a quelque chose de magique et de très stimulant qui renforce de manière immédiate les coordinations audio-psycho-motrices. Les gestes de la main, dans un espace tri-dimensionnel, servent de commande à une batterie de synthétiseurs, en se promenant dans un ensemble de faisceaux lumineux astucieusement disposés. Le musicien - et demain peut-être le patient - peut alors laisser sa gestique déclencher des rivières de sons, une danse qui crée la musique plutôt que l'inverse. Des réglages convenables permettent à tous de se prendre pour Michel Plasson à la commande d'une infinie richesse de spectres, rythmes, mélodies et tonalités ! Il s'agit là d'un très puissant appel à la créativité dont on sait la valeur thérapeutique. On doit au même inventeur (Girvès) le sésame qui modèle le son, pétrit une structure particulière qui permet de piloter la musique comme on sculpte de la pâte à modeler.
François Cys avec des moyens plus rustiques nous donne à entendre des fruits ou légumes transformés en instruments, des vélos musicaux et différentes autres inventions sonores qui mettent également le geste à contribusson en lui asservissant des flutes, cordes et soufflets.
Les appareils capables de reproduire (plus ou moins fidèlement) les sons (électrophones, magnétophones analogiques à bande ou à cassettes, appareils numériques, effaçables ou pas, à disques ou à bande) sont d'usage courant. Ils permettent bien souvent d'économiser un ou plusieurs musiciens et permettent aussi de retravailler les enregistrements, pour obtenir des effets spéciaux visant tel ou tel effet thérapeutique.
La structure architecturale fut un des tout premiers moyens d'agir sur le son, et tout spécialement sur la voix : à commencer par certaines cavernes qui eurent peut-être une fonction sacrée dans la Préhistoire. En Occident, les cathédrales, les églises monastiques, les basiliques, et même certaines chapelles comportent des signes évidents quant à l'importance de l'acoustique pour leurs bâtisseurs. On visait la résonance optimale du chant grégorien. Lorsqu'on n'avait pas atteint l'idéal par les moyens simples de la construction, par les arcs, coupoles et demi-coupoles, on ajoutait des vases, qu'on implantait dans les parois, pour contrôler la résonance. Iégor Reznikoff (1981, 1988) ne tarit pas d'éloges et d'observations pointues à cet égard, et déclare, après tant d'essais en maints endroits : " Pour la qualité et l'ampleur de la résonance, l'abbaye du Thoronet (Var) est une merveille du monde. "
Depuis le masque antique (prosopon) ou le porte-voix marin (braillard) jusqu'au " matos " d'aujourd'hui, tout a été fait pour se faire entendre jusqu'à s'en " défoncer " la tête et faire sourde l'oreille. Comme si le plus fort était le plus beau ! Le musicothérapeute s'en gardera pour jouer de subtilité. Il sera avare de décibels, même si les amplificateurs du commerce à inclure dans une chaine hifi lui sont de précieux alliés. En sonothérapie, ils cèdent volontiers la place aux A.M.E. dont nous donnerons une liste descriptive p. 183-188. Le choix de l'amplificateur, qu'il soit analogique ou numérique, est important. On doit surtout veiller à l'homogénéité des différents maillons, car le résultat final étant celui de l'élément le moins performant de l'ensemble, rien ne sert de marier un ampli de haute lignée avec des écouteurs ou des baffles sans noblesse (Moulinier, 1988).
Ils permettent de modifier l'équilibre spectral au profit des aigus, à partir d'une source sonore quelconque. Il en résulte une " fréquence de coupure " telle que les sons plus aigus sont intégralement conservés, à la différence des sons plus graves qui seront supprimés ou très atténués. On n'obtient généralement pas un effet de tout ou rien, c'est-à-dire que les graves sont plutôt amoindris que réduits à néant ; on peut préciser l'effet réel en indiquant combien de décibels sont éliminés. Cela se fait selon une pente indiquée par une expression du type : " filtre passe-haut, fréquence de coupure = 8 kHz, atténuation de 60 dB/octave " (fig. 27).
Un tel filtre peut être réglable quant à la fréquence de coupure
et même quant à la pente. En thérapie sonique, on peut combiner ce filtrage
stable avec un refiltrage variable (oreille électronique, variophone) qui en
augmente considérablement la dynamique (surtout si l'on utilise un enregistrement
de type analogique). Patricia
Joudry (1984) propose de profiter d'une grande partie des bienfaits liés
aux sons filtrés par le simple usage de magnéto-cassettes analogiques. Si le
walkman et le casque sont très performants (Sony haut de gamme, par exemple),
les bandes d'une qualité irréprochable et la pratique assidue et patiente, d'excellents
résultats peuvent être observés. Une telle cure devrait se faire dans le cadre
d'un suivi thérapeutique strict et comporter tous les contrôles utiles, une
programmation rigoureuse et le complément indispensable de certaines séances
en centre spécialisé (filtrages individualisés, séances actives, période du
défiltrage ou " accouchement sonique ", etc.). Madame Gougelot
(1981) propose, elle aussi, une gymnastique de l'écoute par cassettes :
les résultats de l'audiométrie tonale ne sont pas meilleurs, mais, au niveau
vocal, ils sont en net progrès (meilleure utilisation des restes auditifs chez
le sourd).
Filtrage passe-haut
|
figure 27.
|
Ils réalisent l'inverse des précédents : le son est conservé ou amplifié dans les graves, supprimé ou atténué dans les aigus, autour d'une fréquence de coupure réglable. Ils ont des effets de relaxation, peuvent contribuer à un travail de restructuration des fondements archaïques de la personnalité. On observe la stimulation de certains domaines pulsionnels et l'émergence de phénomènes somatiques connexes. Il faut citer, par exemple, les travaux de Jean Feijoo qui a mis au point des bandes au rythme ralenti, avec simulation de rotation sonore, c'est-à-dire que le patient a l'impression d'entendre tourner, autour de sa tête, un son très grave. Une deuxième invention de Feijoo et Renner a permis de supprimer la rotation : l'appareil gère la synthèse de sons très graves dont l'amplitude et la fréquence sont aménagées pour produire des effets de relaxation et d'aide au conditionnement. On obtient ainsi des analgésies gingivo-dentaires remarquables et des accouchements indolores et conscients. On peut aussi contrôler les contractions utérines par une forme de conditionnement et déclencher la naissance au moment choisi ou réaliser, sans médicament, une " épreuve du travail ".
Filtres passe-bande
Il s'agit de la combinaison d'un filtre passe-haut et d'un passe-bas qui permet d'isoler (par exemple dans la région des médiums) une zone spectrale. Ces outils permettent de travailler sur telle ou telle bande de fréquence que le test d'écoute aurait montrée perturbée et d'entraîner l'oreille quant à certains phonèmes mal perçus et mal parlés, en orthophonie, phoniatrie et linguistique appliquée (cf. appareil de Gubérina).
Filtres réjecteurs
A l'inverse des filtres passe-bande qui ne conservent que les vibrations comprises entre deux fréquences préétablies, les filtres réjecteurs font bouchon et suppriment ou affaiblissent les sons compris entre les bornes. Ils sont très utiles en sonothérapie, par exemple pour éliminer une fréquence sensible. Bérard utilise systématiquement une réjection à 2 kHz et à 8 kHz, car il pense que la sensibilité à ces fréquences est signe et cause de suicides impulsifs (?).
Egaliseurs et appareil de Gubérina (méthode verbo-tonale)
Les égaliseurs associent toutes les possibilités précédentes mais généralement avec une efficacité acoustique moindre. Le suvag-lingua de Gubérina est un super-égaliseur (ou " equalizer ") capable de hautes performances et de grande souplesse. Gubérina (1965 ; Gayda, 1983), devant l'échec des méthodes usuelles, s'avisa, dans les années 50, que l'apprentissage d'une langue étrangère exigeait des capacités d'écoute précises. Telle langue demande plus de sensibilité vers 3 ou 4 kHz, telle autre nécessite plus de finesse vers 1 500 Hz ou 2 kHz. Il créa la méthode structuro-globale audio-visuelle (SGAV) et inventa un appareil, le suvag-lingua qui reçut également des applications en rééducation de la surdité (Communication au Groupe de Réflexion sur les Sons, Pelé et Bacciochi, 1986) et de certains troubles de la parole.
Il comporte tout d'abord un filtre passe-bas (fréquence de coupure = 300 Hz) permettant, dans un premier passage, d'écouter la composante rythmique de la parole, support de la coulée verbale. Son approche s'appuie ensuite (Rakowska-Jaillard, 1982) sur le fait que nous sommes capables de comprendre, dans notre langue, un énoncé, alors même qu'il a été privé de certaines bandes de fréquence, par le phénomène de la " fondamentale absente " bien sûr (cf. chap. 4), mais aussi par d'autres mécanismes centraux plus complexes. On peut alors opérer toutes sortes de filtrages pour obliger l'élève à percevoir certaines données phonétiques, importantes dans la langue qu'il étudie et négligeables dans sa langue maternelle. Cet appareil n'est pas autre chose qu'un super-égaliseur, autrement dit un banc de filtres, permettant d'augmenter ou de diminuer l'amplification de telle ou telle région spectrale.
On compare souvent le suvag-lingua à l'oreille électronique, mais c'est en quelque façon un abus puisque celle-ci se caractérise par son jeu de filtrages dynamique (à bascule) entre graves et aigus, alors que le suvag-lingua utilise des filtrages réglables, mais statiques. Par ailleurs, les possibilités de filtrage sont beaucoup plus importantes avec l'appareil de Gubérina qu'avec celui de Tomatis. On peut combiner l'apport des deux approches en couplant un akousmatix et deux bancs de filtres, la bascule de l'akousmatix se faisant entre les deux égaliseurs réglés de manière appropriée (par exemple en similitude et opposition vis-à-vis du test d'écoute). On bénéficie alors de tous les avantages des deux méthodes en y joignant l'effet particulier de l'appareil que nous avons conçu avec Thourel.
Le terme de Vocoder (créé par Homer Dudley en 1936), francisé en " vocodeur ", résulte de la contraction de voice et coder : codeur de la voix. Il permet d'utiliser l'analyse extemporanée d'une voix humaine pour piloter un synthétiseur ou tout autre instrument : ainsi l'orchestre peut-il réciter du Corneille ou la guitare donner les informations ! Il est donc capable de faire parler les instruments de musique en modulant l'articulation de la parole sur le signal produit par cet instrument. Le signal de parole est analysé et sert alors de commande pour gérer le jeu de filtres d'un synthétiseur, lequel reçoit le son de la source que la voix doit faire parler. Le spectre du signal phonique est ainsi imposé au signal d'excitation (Chapman 1978, 1979 ; Visser, 1980). En fin de parcours, on entend la " voix " du signal d'excitation qui articule comme l'utilisateur du micro. On a commencé à l'utiliser dans la rééducation des troubles de l'audition et du langage et dans les thérapies assertives de groupe. Les possibilités des vocodeurs et des harmoniseurs sont encore mal exploitées dans le domaine de la rééducation et de la thérapie, mais ont un grand avenir.
|
Je me contenterai de souligner quelques points, car beaucoup d'informations, directes ou indirectes, sur cet appareil se retrouvent en d'autres chapitres du présent ouvrage et dans les différents livres d'Alfred Tomatis.
Par ailleurs, en tablant sur l'existence de deux écoutes, l'une aérienne et l'autre osseuse, Tomatis établit un retard différentiel du basculement de l'aérien par rapport à l'osseux, en utilisant la " précession " qui est réglable comme le retard et n'est autre qu'un différentiel dans les retards. Ceci complique un peu le schéma de l'appareil qui comporte alors deux circuits couplés, mais distincts : l'un aérien et l'autre osseux. On peut réaliser cela, soit en utilisant une oreille électronique construite à cet effet, soit en employant simultanément deux oreilles électroniques quelconques dont l'une est consacrée à l'osseux et l'autre à l'aérien, les retards prenant pour chacune la valeur convenable pour établir cette précession. En l'absence d'évaluation statistique de l'intérêt qu'il y aurait à utiliser le retard et la précession - et sous réserve de démenti ultérieur par les faits -, je reste personnellement dubitatif quant à l'utilité de la " précession ".
Dans le sillage de Tomatis, plusieurs initiatives ont proposé des appareils similaires. Par exemple Spirig, chercheur belge spécialisé dans la dyslexie, traite ses jeunes dyslexiques par la méthode Mesker associée à la cure sonique pour laquelle il propose un clone d'oreille électronique.
Le sémiophone d'Isi Beller (1972, 1973)
Cet appareil résulte d'une des tentatives d'Isi Beller pour faire entrer les idées de Tomatis dans le domaine général, en contrôler la valeur et n'en garder que les plus évidemment efficaces. Il tentait aussi d'échapper aux brevets (maintenant tombés dans le domaine public) qui ne lui permettaient pas de fabriquer un appareil avec filtrage basculant. Cet effort fut couronné d'un certain succès puisqu'il publia des statistiques fort encourageantes (75 % de très bons résultats) concernant le traitement de la dyslexie (en 30 heures de rééducation réparties sur 3 à 15 mois).
Le sémiophone est un système réunissant deux filtres et un ampli. L'un des filtres est " doux " et ressemble à celui du canal de forte amplitude dans l'oreille électronique, le deuxième est à pente beaucoup plus raide, sa fréquence de coupure est déportée vers l'extrême aigu et fait songer au filtre passe-haut à 8 kHz utilisé pendant la première phase de la cure Tomatis. Au total, le sémiophone permet d'appliquer des sons filtrés tout à fait comparables à la musique filtrée Tomatis et de traiter le signal de parole comme une oreille électronique dont on aurait supprimé le filtre passe-bas et la bascule. Cette simplification me paraît dommageable, même si toute efficacité n'est pas perdue, loin de là. Il reste encore possible de lever les blocages les plus superficiels ; sans mobiliser des rigidités plus ancrées, qui exigent l'usage d'une bascule électronique, d'un système variophonique ou akousmatique .
Le lexiphone d'Isi Beller (1974, 1977, 1984)
Cet appareil permet de moduler un son pur, une bande de bruit ou un son wobulé par le signal significatif (voix du sujet, musique, etc.). On peut imposer une transformation de ce signal (filtrage, retard, etc.). L'idée de Beller est que la rééducation sera d'autant plus efficace que seront imposées au sujet des fréquences perceptibles aussi élevées que possible, dépendantes dans certaines de leurs caractéristiques de celles du signal significatif, tout en excluant la possibilité d'un décodage sémantique de la source. Il a publié divers brevets et annonce un ouvrage sur son procédé qui, au témoignage de mes amis Christian David et Françoise Adam, ne serait pas dépourvu d'efficacité. On peut seulement lui reprocher un aspect trop " commercial " : l'appareil n'est pas vendu, mais loué très cher, les K7 sont enregistrées à vitesse non standard, etc. Par ailleurs, l'usage de sons artificiellement créés pour s'ajouter à la voix du sujet ou s'y substituer est assez astucieuse. Reste à vérifier si elle a - et dans quels cas - une supériorité clinique par rapport au procédé de filtrage basculant.
E.E.R.S. (Bérard, 1982)
Bérard utilise, comme Tomatis, une bascule entre un filtrage grave et un filtrage aigu. Cependant, au lieu de piloter cette bascule par l'amplitude du signal d'entrée, il utilise une programmation aléatoire. La source sonore est dirigée sur l'un ou l'autre canal, sans aucune considération de sa nature ou de ses paramètres. Ceci me semble peu naturel et ne devrait être retenu que si on y décèle quelque avantage clinique. Il introduit une deuxième modification qui part d'un bon sentiment, mais paraît bien rudimentaire au niveau empirique et sans vue d'ensemble au plan théorique. Il s'agit d'atténuer certaines fréquences particulières, à savoir : 1 kHz, 2 kHz et 8 kHz. Pourquoi ? Elles seraient indésirables et même nocives, avec une sorte d'impact suicidogène, et leur ablation aurait un effet suicido-protecteur.
Derrière la bizarrerie du propos se cachent probablement quelques bonnes observations que nous pourrions - sous réserve de leur confirmation - interpréter à la lumière de notre hypothèse relative aux régions spectrales. La zone avoisinant 2 kHz est peut-être liée au domaine des conflits entre le surmoi et le reste de la personnalité : lieu de la culpabilité et de la projection, etc. Quant à 1 kHz, il s'agirait de la manifestation de soi dans le monde extérieur et de l'image de marque. Le caractère systématique et inexpliqué des propositions de Bérard mérite qu'on les nuance et les replace dans un cadre plus général. Nous aurons, encore une fois, besoin d'investigations complémentaires. Et pourtant... comme il serait agréable de croire que la vie et la mort de nos patients tient à quelques pincées de fréquences qu'il suffirait de supprimer pour être libéré des soucis de notre charge !
Variophone (Auriol, 1980)
Cet appareil prototype a été conçu pour améliorer les performances de l'oreille électronique. Comme elle, il comporte deux canaux qui font subir au signal-source des traitements distincts, mais a aussi deux possibilités nouvelles :
1. Il permet d'utiliser soit l'équivalent de la bascule traditionnelle, soit l'équivalent d'un nombre infini de bascules (système variophonique) permettant de lever les très fortes résistances par la progressivité systématique des variations. Dans ce cas, le son-source, au lieu d'être dirigé tout entier dans un canal ou l'autre selon son amplitude, sera soumis à un traitement mixte en cas d'amplitude intermédiaire. Voici alors ce qui se passe : si le son est très faible, au-dessous d'un minimum programmable, il est traité tout entier dans le canal Un ; s'il est un peu plus fort, une partie sera dirigée vers le canal Un et une autre partie, proportionnelle à son amplitude, dans le canal Deux. S'il est très fort, au-dessus du maximum programmable, il sera entièrement acheminé dans le canal Deux. Ainsi le système d'écoute n'est pas soumis au régime permanent et un peu brusque de la douche écossaise par les basculements (tout ou rien) entre deux canaux. La cochlée reçoit plutôt une sorte de massage permanent tel que l'exercice soit toujours progressif, sans action brutale et avec un débattement réglable. Si on compare l'oreille électronique à la gymnastique suédoise (mouvements brusques), on peut assimiler le variophone au hatha yoga ou au stretching (étirements progressifs).
2. Cet appareil, parce qu'il prend en compte les recherches modernes à propos des cellules ciliées externes de la cochlée, avec les processus actifs qu'ils présentent, permet de remplacer les Baxandalls tomatisiens de chacun des deux canaux par un système de filtrage aussi sophistiqué qu'on le souhaite. Chaque canal peut être équipé d'un banc de filtres performants ou d'un simple égaliseur. Au total, la bascule (progressive et proportionnelle) se fera entre deux filtrages complexes qu'on aura pu programmer en dépendance du test d'écoute. La voie osseuse peut faire l'objet d'un traitement distinct dont le bien-fondé reste à établir : il s'agit de régler la sensibilité du filtrage osseux selon un différentiel par rapport au filtrage aérien, pour obtenir un effet analogue à la " précession " préconisée par Tomatis.
Cet appareil a été mis au point par Thourel pour permettre de conjuguer toutes les possibilités de rééducation avec utilisation d'une bascule entre deux positions de filtrage. Il permet également de modifier la fréquence centrale de filtrage, de basculer entre filtrages sophistiqués prenant en compte les bandes de Leipp, de travailler sur l'équilibre entre les deux oreilles pour stimuler l'un ou l'autre hémisphère cérébral. On peut aussi, et c'est une originalité de l'appareil, surajouter au signal des harmoniques dont il était mal pourvu. Il inclut également l'effet variophonique et se présente comme un progrès par rapport aux appareils réalisés jusque-là.
Il s'agit plus d'un logiciel que d'un appareil. L'idée de filtrage basculant est conservée, mais la bascule des canaux passe-haut et passe-bas se fait de manière aléatoire (l'asservissement à l'amplitude de la source est supprimé). Ce système n'utilise ni les procédés de la "phase active" de Tomatis, ni la stimulation osseuse ou la précession. De nombreux réglages sont possibles, notamment une variation de l'intensité de la bascule selon une séquence définie. J.M. Issartel nous écrit :
J'ai constaté que l'augmentation progressive de l'intensité de la bascule renforce l'efficacité de la cure sonique. J'ai donc inclus plusieurs modes de fonctionnement que je recommande:
pour les patient hypersensibles, on débutera la cure par -3-13 et on poursuivra l'escalade -6-16 -9-20 etc
L'alternophone de F. Lefébure (ou synchrophone du Dynam Institut) adresse un son alternativement à chaque oreille, selon un rythme réglable (0.02 sec. < T < 6 sec.). La source sonore peut être musicale ou puisée dans l'appareil lui-même : il s'agit alors d'un bourdonnement terminé par un claquement auquel Lefébure accorde beaucoup de valeur. On peut faire coïncider ces alternances avec un message verbal. Par exemple, la table de multiplication sera distribuée comme suit :
Oreille gauche |
Oreille droite |
deux fois deux |
quatre |
deux fois trois |
six |
deux fois quatre |
huit |
... ...
L'effet de cet appareil serait d'installation progressive (une demi-heure) et se manifesterait pleinement pendant un quart d'heure ou une demi-heure, pour cesser ensuite brusquement. Lefébure préconise une intensité forte, mais non pénible. Il conseille de régler le rythme pour qu'il ait un effet agréable et engendre une constance de la pensée ou, mieux, un état de vide mental (éveil paradoxal). Certaines personnes ont une intolérance qui se manifeste au niveau des yeux qui rougissent. Les effets annoncés par l'inventeur sont les suivants :
Pendant la séance : relaxation profonde, vide mental, euphorie, optimisme, images de type " mystique " (au sens de Desoille), images hypnagogiques, impression de luminosité subjective, raccourcissement du temps apparent, transformation du son alternant en mots, phénomène des illusions alternatives (le son paraît rester d'un côté au cours de plusieurs alternances réelles, pour basculer ensuite de l'autre côté ; ces alternances illusoires sont de l'ordre de 20 sec.), apparition de pensées opposées (naissance/mort, passé/avenir, etc.).
Après la séance : persistance de l'euphorie pendant quelques heures ; amélioration de la mémoire et amélioration de l'écoute (seuils améliorés) pour (T = 2 sec.) ; amélioration de la compréhension des mots pour (T = 20 sec.). Les effets sont plus importants s'il s'agit de textes plutôt que de mots ou de logatomes (mots artificiels dépourvus de signification).
Après plusieurs séances : amélioration du sommeil, créativité.
On rapprochera cette méthode des procédés anti-stress utilisant la mobilisation latérale alternée du regard. A partir de ces deux idées, nous avons conçu (Dr Bernard Auriol) les « sons bipolaires » dont nous espérons qu'ils seront utiles, non seulement dans le Stress Post traumatique, mais aussi dans certaines formes de stress situationnel (ou stress « continué »), dans certaines difficultés névrotiques (de type obsessionnel), dans la mobilisation de certains sujets autistes et dans toutes les formes de clivage fonctionnel entre cerveau gauche et droit (mise en jeu du corps calleux). Ces hypothèses s appuient entre autres sur les illusions latérales (Deutsch, 1973) (Cf. le chapitre 6 du présent ouvrage : La Clef des Sons, Eres éd.).
On prévoit d'aller plus loin que le variophone et d'asservir le filtrage des deux canaux, non seulement (quantitativement) à l'amplitude du signal d'entrée comme il est classique, mais aussi au spectre de la voix du patient, analysée en temps réel. L'application d'un tel procédé pourrait donner des résultats inestimables, tant au point de vue de l'apprentissage des langues vivantes que du traitement des troubles de l'élocution et de la voix. Les ordinateurs, ces baguettes magiques, permettent - ou permettront - tout : sources dociles, modificateurs surpuissants entre les mains d'un bon dompteur, ils savent jouer, parler, modeler ce qu'on leur fait avaler. Il est loin le temps où Risset se plaignait de leur lenteur relative lorsqu'on ne pouvait synthétiser certains effets en temps réel (Risset, 1986, 1990). Ils pourront filtrer, transposer, répondre à toutes les sources qu'on voudra bien leur confier, et seront donc les véritables A.M.E. de l'avenir : en effet, tout ce que ces A.M.E. font, ils le feront et feront mieux, c'est-à-dire d'autres effets, d'autres spécialités non encore imaginées (Mathews, 1987).
D'ores et déjà, les ordinateurs, synthétiseurs (Friedman, 1985), expandeurs, séquenceurs et autres harmoniseurs peuvent communiquer entre eux grâce à l'accord des constructeurs sur le standard MIDI (musical-instrument digital interface) (Verpeaux, 1986). Même le microphone (Hurtado, 1988) peut y joindre sa voix, de sorte que l'on puisse jouer de l'accordéon simplement en chantant ! Ceci permet d'imaginer un enrichissement diabolique des rééducations pour les sortir de l'enfer ennuyeux où les meilleures intentions les conduisaient autrefois. Bourdin (1989) a déjà mis au point un appareil de " psychophonothérapie " qui établit des tranches de la bande passante par tiers d'octave ; il en permet un filtrage inverse des zones de sensibilité ou de faiblesse du test d'écoute directement rentré à l'ordinateur et permet aussi de réaliser les filtrages proposés par d'autres méthodes. L'appareil de Thourel et Auriol (1990) permet de créer des harmoniques impairs très aigus sur la base d'une voix humaine trop terne. Il est notamment très utile pour " restaurer " certaines voix maternelles avant filtrage ou pour dynamiser la voix d'un patient atone ou dépressif.
. Baxandall | : il s'agit d'un filtre réglable autorisant un renforcement des graves ou des aigus qui existe sur beaucoup d'amplificateurs du commerce. L'originalité de Tomatis est d'en piloter le réglage de manière dynamique en feed-back. |
. Hearing Trainer | Medabel. Van Welsenaere Walter. Van der Sweepstraat 3. B-2000 Anvers (Sud Belgique). |
.wobulation |
On appelle " wobulé " le signal (électrique ou sonore) qui oscille périodiquement entre deux fréquences extrêmes choisies à l'avance. Par exemple, le son passera progressivement de 1 000 Hz à 2 000 Hz, puis, lorsqu'il aura atteint cette dernière fréquence, reviendra par le même chemin, en sens inverse, à 1 000 Hz. Il recommencera alors à passer de 1 000 Hz à 2 000 Hz, puis de 2 000 Hz à 1 000 Hz. Et ainsi de suite. Les limites de la wobulation étant fixées, on pourra piloter la vitesse de passage de 1 000 à 2 000 Hz par un autre signal. |
. EERS |
Ce sigle effrayant est celui de " Ears Education and Retraining System " (système d'éducation et de ré-entraînement de l'oreille). |
.Alternophone |
Il est envisageable que la plupart des effets observés par Lefébure soient liés à la relaxation. L'éveil paradoxal ainsi produit est assez voisin de la transe. Fait remarquable, il l'obtient aussi chez le lapin qui s'immobilise, ne mange pas, s'étale au sol, les quatre membres et la tête en extension. Il tend la tête davantage si on lui caresse le museau et qu'on lui présente une sorte d'oscillation périodique de la tête à la queue. |
1 - bégaiement
SpeechEasy® est un appareil modificateur d'écoute qui se place, comme une prothèse auditive électronique dans un des deux conduits auditifs externes. Cet appareil, tout comme les prothèses, peut être programmé pour améliorer son efficacité chez un individu donné. Il permet d'améliorer nettement le bégaiement d'une majorité des sujets souffrant de cet handicap (80 % annoncent les inventeurs).Il agit en utilisant la Voix Répétée Retardée et une modification fréquentielle [Delayed Auditory Feedback (DAF) et Frequency Altered Feedback (FAF)]. La Voix Répétée Retardée est source de bégaiement quand le délai de ce qu'on entend est important (par exemple 250 ms). Ici, on utilise un délai très cort, similaire à celui qui sépare les voix des chanteurs appartenant à un même choeur. Pour compléter cet effet de choeur, on modifie simultanément l'enveloppe fréquentielle de la voix. Ainsi, le sujet entend sa propre voix comme s'il s'agissait de celle d'un autre parlant en même temps que lui. Ceci a pour effet de diminuer ou supprimer le bégaiement, tout à fait comme cela survient naturellement lorsqu'un bègue participe à du chant choral ! Le SpeechEasy est une invention de Andrew Stuart, Michael Rastatter et Joe Kalinowski (East Carolina University). Les résultats, seraient souvent spectaculaires et instantanés.
Un entraînement centré sur le SpeechEasy de bureau est proposé par les protagonistes du système pour habituer les patients et obtenir de meilleurs résultats. Il se pourrait que de poursuivre assez cet entraïnement puisse suffire à l'amélioration sans nécessité d'acquérir le système intra-auriculaire.Cet appareil, reconnu par la FDA américaine, est vendu très cher, mais il semble qu'on puisse entraîner les sujets chez l'audio-prothésiste en utilisant un filtre et une ligne à retard électronique. Ceci est déjà le cas dans l'utilisation de la "précession" proposée par Tomatis et dont il avait en son temps déposé les brevets.
2 - parkinsonisme
Emily Wang, Leo Verhagen et H. de Vries ont proposé d'utiliser ce même appareil pour améliorer la fluidité et l'initiative verbale des parkinsoniens qui souffrent parmi d'autres difficultés, d'une dysarthrie spécifique (discours tantôt hésitant, accéléré ou comportant des répétitions). L'étude, mlenée selon des standards méthodologiques sérieux, montre que ce dispositif est bien toléré et on observe une amélioration quantifiable de l'intelligibilité du discours spontané.
Des moines bénédictins canadiens, aussi bien que des audio-prothésistes bordelais, proposent des CD-Roms de sons filtrés selon des principes généraux (issus de Tomatis) ou des caractéristiques individuelles des patients, sourds, hypo-acousiques, hyper-acousiques ou dyslexiques. Dans ce dernier cas, a été mis au point un protocole systématique précis, actuellement en cours d'évaluation (F. Pion, E. Lambert, P. Toutan).
La musicothérapie classique utilise tous les instruments susceptibles de produire des sons, notamment les instruments de musique classiques ou traditionnels, ainsi que les lecteurs de disques, bandes, ou CDs.
La méthode d'éducation musicale et instrumentale Willems ne fait appel à aucun appareil particulier en dehors de ceux que peut rencontrer tout musicien.
Un concept particulièrement intéressant vis à vis des patients les plus handicapés semble être l'éveil multi-sensoriel désigné par le vocable snoezelen.