Indications et contre-indications des cures soniques

POUR QUI ? POURQUOI ?

(Chapitre 9 de "La Clef des Sons")

Dr Bernard Auriol

revenir au Plan de l'ouvrage

Je désigne par ce terme de " cure sonique " (ou " acousticothérapie ", selon le néologisme créé par D. Feldman, 1985) l'ensemble des procédés de thérapie utilisant l'interaction entre le patient et un environnement sonore aménagé en vue d'obtenir une modification positive de son organisme. Certaines de ces méthodes ont un objectif spécifique précis qui dispense de commentaires étendus : ainsi des sons Feijoo employés en analgésie dentaire obstétricale, des cassettes conçues pour faciliter la détente et la relaxation, du « suvag lingua » de Gubérina pour la rééducation des sourds et l'apprentissage des langues étrangères, de l'appareil de Lafon pour améliorer le confort et la compétence linguistique du sourd, etc.

Réciproquement, la musicothérapie, dans son acception courante et sans utilisation de traitement du signal, peut entrer dans la stratégie soignante à peu près dans tous les cas, au prix de l'imagination, de la culture et du savoir-faire du praticien. Se nouent alors des relations transférentielles_ dont le soignant ne pourra jouer selon son bon plaisir, il y sera d'autant plus attentif que la thérapie sera prolongée ou ambitieuse. Les indications les mieux établies de ce type d'intervention sont résumées dans le tableau ci-après (d'après Guilhot, 1973 ; Ducourneau, 1977 ; Lecourt, 1980 ; Verdeau-Paillès, 1985).

But

Soulager l'angoisse, rétablir ou améliorer la communication, lever les inhibitions, faciliter l'harmonie du geste et la coordination motrice, atténuer les conséquences des handicaps sensoriels.

Indications symptomatiques de la musicothérapie classique

Rééducation sensori-motrice des handicapés moteurs, sensoriels ou linguistiques.

Pédagogie rythmique pour les débiles profonds.

Dans le cadre d'une psychothérapie :

 

Trac (avec relaxation, techniques respiratoires, bêtabloquants).

Anxiété (en association avec la relaxation et les remèdes anxiolytiques).

Inhibitions psychomotrices plus ou moins graves (avec expression corporelle, antidépresseurs, désinhibiteurs, benzamides substitués, etc.).

Troubles du schéma corporel et de l'identité (avec techniques corporelles).

Troubles caractériels (avec relaxation, expression corporelle et techniques de groupe variées, parfois neuroleptiques ou sédatifs).

Toxicomanies.

Insomnies, cures de sommeil (musiques spécifiques + somnifères et BZD), accompagnement des cures de Sakel, facilitation et réveil d'anesthésie ou de coma.

Stimulation dans les hypersomnies, dans le vieillissement cérébral (gym du cerveau).

Névrose institutionnelle (avec allégement de la chimiothérapie).

Entre ces deux extrêmes (acousticothérapie et musicothérapie) se situent les thérapies aidées d'un appareil modificateur de l'écoute : oreille électronique et ses émules, sémiophone d'Isi Beller, filtre de Bérard, akousmatix d'Auriol et Thourel, etc. Toutes ont pour inspirateur plus ou moins direct Tomatis qui, le premier, a proposé de traiter ainsi les difficultés vocales du chanteur ou de l'orateur, les troubles élocutoires du dyslexique ou du bègue, l'aphonie et les dysphonies anxieuses (Le Gall, 1961) ; plus tard, les indications se sont étendues à l'enfant hyperkinétique, instable, inattentif, fatigable, excessivement introverti, mutique et même autiste (Tomatis, 1971, 1972, 1977a).

Feldman (1983, p. 135) fait une énumération extrêmement extensive des indications de l'" acousticothérapie " sans se référer à une bibliographie précise ; il propose de l'utiliser dans toutes sortes de désordres de l'écoute et de la phonation pour rééduquer diverses aphasies, apraxies, amusie et agnosies, dyslalies, troubles névrotiques et psychotiques de la communication. Les indications privilégiées sont pour lui regroupées sous quatre chefs :

  1. Les troubles audio-psycho-phonologiques sont liés à une perturbation ou un affaiblissement du désir de communiquer et de connaître : la cure sonique aurait pour effet de restaurer, renforcer, stabiliser ce désir. On range dans cette catégorie les névroses de l'enfance avec décompensation scolaire, les désordres névrotiques et psychotiques de la communication et les retards de langage. Gérard Depardieu (1988), parmi bien d'autres, célèbres ou moins connus, insiste sur le déblocage qu'il doit à la cure de sons filtrés (voir aussi Orsenna , " Depardieu tout craché "  : interview, Paris-Match, p. 3-5, 17 nov. 1988).
  2. Les troubles de la latéralisation sont fréquemment liés à une dysharmonie énergétique entre traitement analogique et traitement digital de l'information.
  3. Les troubles organiques ou fonctionnels de la phonation et de l'attention auditive (troubles dits " intégratifs ") sont des troubles temporels, d'analyse tonale, hypoacousies et dysphonies psychogènes. Le sentiment des praticiens et des utilisateurs est très positif dans ces indications.
  4. On a également proposé l'oreille électronique dans les troubles déficitaires de l'attention. Petit (comm. pers., 1991) a démarré une étude utilisant des sons filtrés qui semble aller dans le sens d'une action favorable chez les enfants hyperkinétiques. Ce travail étant en cours, il serait prématuré d'en tirer des conclusions définitives.
    Les troubles de la lecture, de l'écriture et de l'orthographe.

J'y ajouterai un certain nombre de troubles psychopathologiques.

Examinons plus en détail quelques-unes de ces propositions.

difficultés musicales : l'amusie et les dysmusies

Quoique nous ne disposions pas encore de démonstration à cet égard, on peut tenter d'améliorer, par l'usage des Appareils Modificateurs de l'Ecoute, ces troubles s'ils sont natifs (dysmusie) ou dans le cadre de la rééducation après un Accident Vasculaire Cérébral (amusie). L'argument pour cet usage est basé sur l'amélioration des capacités d'analyse tonale, l'apparition d'une appétence pour la musique classique, l'amélioration de la prosodie obtenus fréquemment par ce type de rééducation.

Difficultés vocales

Toutes sortes de dysphonies peuvent bénéficier du travail d'écoute passive dans un premier temps, puis de vocalisations et chants simples (sous A.M.E.). La cure agit sur la qualité de la phonation, mais tout autant sur l'envie de s'exprimer et l'audace pour le faire. Restaurer l'être de la voix, sa juste texture, peut avoir des conséquences extrêmes, s'il est vrai, comme le dit Bonneville, que " perdre sa voix, c'est perdre son identité " (à rechercher du côté d'Echo plus que de Narcisse ; ce dernier est le symbole d'une monstration visuelle qui, tel le masque antique, donne un spectacle conventionnel et ne révèle le sujet que par l'amplification qu'il fait de la voix) (Auriol, 1987b). Du côté du chanteur, le bénéfice des cures soniques est toujours notable, voire essentiel : sécurité, effacement de la fatigue, amélioration des possibilités, acquisition ou récupération de la justesse, culture du timbre personnel et de la meilleure couleur vocale. Le chanteur, comme tous les autres, s'approche davantage de son identité, non seulement en tant que chanteur, mais en tant que personne et ceci à travers une meilleure décontraction et un plus grand dynamisme.

Bégaiement

Le bégaiement comporte diverses formes qui peuvent, les unes et les autres, bénéficier d'un traitement sonique et phonatoire sous appareil modificateur de l'écoute. La communication est dynamisée, le sujet prend plus d'assurance, a moins tendance à jouer de son trouble pour domestiquer l'auditoire, exprime plus directement son conflit paternel. Il y faut généralement une longue patience qu'il n'a pas toujours, mais il y revient, essayant ceci, essayant cela, naviguant de l'orthophonie à la psychanalyse, des médicaments à l'abandon, et retournant à chacune des approches qui l'améliore s'il peut s'assurer de n'y être pas soumis à quelque autorité d'allure plus ou moins légale.

Tomatis affirme que c'est du 100 % avec l'oreille électronique ; en cas d'échec, ce serait faute de persévérance... Position assurément excessive. Les échecs existent, les améliorations aussi et même chez l'adulte. La modestie s'impose pourtant en un domaine où le traitement, comme ailleurs, pourrait parfois prendre les allures d'un pugilat entre soignant et soigné ; dès lors, ce dernier, pour sauver sa peau, se retire. Guérir du bégaiement ne saurait s'hypostasier en cause finale, c'est un point de conflit parmi d'autres avec quoi le sujet peut faire mauvais ou bon ménage. Trop s'y attaquer le conduirait à s'y accrocher.

« Une oreillette numérique pour arrêter de bégayer » ?


Le Parisien explique que « le SpeechEasy pourrait bien changer la vie des 600 000 bègues de l’Hexagone ». L ’appareil permettrait « de mettre un terme au bégaiement d’une manière instantanée ». Stephen Douezy affirme que cette « oreillette permet au bègue d’écouter ce qu’il est en train de dire avec un petit retard, et une fréquence plus grave ou plus aiguë, au choix. Concentré sur ce que lui retransmet l’appareil, il ralentit son débit, sa parole devient plus fluide… il ne bégaie plus ».

Le Parisien note que « commercialisées aux Etats-Unis en 2001, ces oreillettes connaissent depuis un succès énorme », mais que selon la National Suttering Association (Association américaine contre le bégaiement), « 18 % des bègues qui ont essayé un appareil de ce type disent que c’est un réel succès, 44 % déclarent avoir constaté quelques améliorations et 38 % que c’est un échec complet ».

Dyslexie

C'est avec une certaine stupeur que les médecins ont pu lire dans une de leurs revues que " le trouble dyslexique ne peut régresser que partiellement "... Loin de moi l'optimisme sans faille, mais tout de même ! Nous connaissons tous des dyslexiques graves améliorés, très améliorés ou guéris par une rééducation orthophonique ou une thérapie sonique. Il serait aberrant de se cantonner à la prescription de quelque " piracetam ", même si son effet positif est à prendre en compte et même s'il convient d'évaluer avec plus de prudence que Tomatis l'effet de ses cures, qui, selon Boulard (1966), sont efficaces une fois sur deux. Mon ami André Le Gall (1961), inspecteur général de l'instruction publique, a insisté sur l'efficacité de la cure d'oreille électronique chez le dyslexique, le dysorthographique et le dyscalculique.

 

Une mauvaise connexion (problème affectant la substance blanche) entre la zone du cerveau qui stocke les éléments de la construction auditive du langage et la zone où il les traite peut, au moins en partie, expliquer certaines formes de dyslexie. Ceci suggère d'activer les liaisons audio-vocales.

C'est une équipe de recherche Belge (Bart Boets et coll., psychologue clinicienne à l'Université catholique de Louvain, 2013) qui a cartographié, par IRM fonctionnelle, l'activité cérébrale impliquée dans la gestion des phonèmes. Les dyslexiques présentent des processus plus lents que les autres sujets, pour mettre en relation les distinctions phonétiques, qu'ils exécutent correctement, et leur usage actif. Cette constatation invite à utiliser plus systématiquement le test auditif temporel de Leipp (TFT).

Enfants vont passer des centres du langage de l'hémisphère gauche vers la droite, puis passez retour aussi améliorer leurs capacités, Loo a noté. Des études ont documenté ces changements neurologiques ainsi que les améliorations neurologiques qui s'ensuivent au fil du temps, a-t-elle ajouté.

 

On a aussi préconisé la cure sonique chez l'enfant hyper-actif, dans l'autisme, chez certains épileptiques (Derrien, 1975), dans diverses formes de névrose et de dépression (Le Gall, 1961 ; Auriol, 1978a et b et 1987a), dans la toxicomanie (Auriol, 1987a), les psychopathies, certaines maladies psychosomatiques, etc. Examinons ces indications jusqu'ici méconnues.


 

" Nervosisme "

Les tics nerveux du visage disparaissent ou s'atténuent fréquemment, le sommeil s'équilibre : disparition des cauchemars, du bruxisme (grincement des dents), du somnambulisme et du ronflement pendant la nuit. Il se pourrait également que l'hypersomnie diurne constitue une bonne indication, notamment en raison de l'action des sons sur la vigilance.

Les troubles de l'attention

Les élèves, étudiants, enseignants et autres intellectuels voient leurs capacités d'effort intellectuel augmentées : ils sont dynamisés, mieux concentrés, et ceci est très souvent spectaculaire et particulièrement net lorsque l'audiogramme montrait des phénomènes de " recrutement " (écoute osseuse " trop " performante en regard de l'écoute aérienne) ou si le test dichotique montrait une préférence gauche pour décoder la parole.

Ces remarques empiriques m'ont paru suffisamment intéressantes pour que je propose à Frérérique Petit, psychologue au Centre d'Audio-Psycho-Phonologie du CHD de Villeneuve St Georges (près de Paris) de mettre en place une étude statistique rigoureuse afin d'établir si les sons filtrés en passe-haut à 8 KHz, apportaient une amélioration chez les enfants souffrant de troubles de l'attention avec hyperactivité ("hyperkinétiques", ADHD). Malgré des impressions encourageantes qu'elle m'a fait connaître oralement, cette recherche n'est pas encore disponible. Un résultat positif aurait d'autant plus d'intérêt qu'il montrerait la possibilité d'intervention sur un trouble qui a une composante génétique probable.

Comment la NorAdrénaline et la Dopamine sont ils liés à la physiopathologie du syndrome hyoperkinétique

(ADHD => attention-deficit hyperactivity disorder )

La Dopamine est impliquée dans les phénomènes de renforcement, de prise de risque d'impulsivité et dans l'humeur. Les sujets atteints d'ADHD auraient un déficit cérébral en "gène du récepteur D4 pour la Dopamine" (DRD4) et une "surexpression du gène DAT1.

Le récepteur DRD4 emploie la Dopamine et la NorAdrénaline pour moduler l'attention et les réponses à l'environnement en général. Le DAT1 ou protéine transporteuse prend la Dopamine et la NorAdrénaline à l'intérieur de la terminaison présynaptique du neurone si bien qu'il n'y a pas une interaction suffisante avec le récepteur post-synaptique.

Même si cette étude demande à être reprise et approfondie, il en reste au moins que la Dopamine et la NorAdrénaline sont certainement impliquées dans la pathophysiologie de l'ADHD.

Source: Dopheide JA.: ADHD Part 1: Current Status, Diagnosis, Etiology/Pathophysiology. Medscape Conference Summaries from the American Pharmaceutical Association 148th Annual Meeting; March 16-20, 2001; San Francisco, California. Medscape Pharmacists. 2001.

 

La baisse auditive qui apparaît avec l'âge semble contribuer à l'amoindrissement intellectuel de la personne âgée, notamment en cas de déficit cognitif étendu : la perte intellectuelle est d'autant plus marquée que la perte auditive est grande, comme l'a démontré la très belle étude contrôlée d'Uhlmann (1989). Ohta (1981) a mis en évidence une amélioration de l'état démentiel par stimulation et rééducation de l'écoute : amélioration des performances cognitives et du sens de l'orientation chez des déments âgés.

L'introversion et l'inhibition de l'action

On observe plus d'assurance, plus d'aisance en public, les relations avec autrui sont plus actives, y compris au niveau du couple ou entre parents et enfants. Cet effet favorisant sur la communication a été largement confirmé par la psychométrie (cf. plus loin) et conduit à prescrire systématiquement des séances de sons filtrés aux éducateurs immédiats de l'enfant (la mère et le père tout spécialement) : cette pratique leur permet de mieux comprendre les effets des sons sur leur enfant puisqu'ils perçoivent eux-mêmes certains changements. Ils peuvent alors absorber dans de bonnes conditions le " choc " éventuel des changements comportementaux de leur progéniture.

L'autisme

On a voulu utiliser la musicothérapie chez les autistes parce que nombre d'entre eux sont extrêmement sensibles aux sons, du moins à certains sons, alors que d'autres passent longtemps pour sourds avant que le diagnostic psychiatrique ne soit établi. Une étude (Garreau, 1988) a montré qu'il existe en fait trois catégories d'autistes, au vu de leurs potentiels évoqués auditifs cognitifs (PEA) : certains ont des réactions cérébrales exagérées, d'autres amoindries et d'autres normales ; ceux qui réagissent très fortement se caractérisent par leur agitation inadaptée en réponse au moindre stimulus sonore, ceux qui réagissent faiblement semblent indifférents à la plupart des événements acoustiques (c'est eux que l'on prend au début pour des sourds), les autres ont un comportement moins typé. Il est probable que la cure sonique sera d'autant plus favorable que l'amplitude des potentiels évoqués auditifs " cognitifs " et des "oto-émissions-acoustiques" s'écarte des valeurs les plus courantes (par excès ou par défaut). Il existerait aussi, très souvent, un dysfonctionnement plus spécifique de l'hémisphère gauche (Lelord, 1989) : l'action latéralisante des cures soniques trouve donc là un motif supplémentaire d'attention.

L'Epilepsie

Pendant longtemps, l'épilepsie, marquée par la gravité de crises pouvant conduire aux blessures et à la mort, par le caractère totalement inconscient des phénomènes critiques, par la possibilité d'amender ses manifestations les plus voyantes au moyen des médicaments, par la fréquence de son apparition en cas de compression ou de cicatrice de la substance cérébrale, a été considérée comme " exclusivement organique ", c'est-à-dire fondée sur une lésion potentiellement décelable de manière objective et inaccessible à une forme quelconque d'intervention relationnelle. Un certain nombre de bémols sont venus, très tôt, parsemer cette rigoureuse partition :

- la possibilité d'agir sur les crises (de les prévenir ou même les interrompre) par une stimulation suffisamment forte (faire tourner une clef dans la main du patient comme on le fait traditionnellement en Algérie, ou intervenir " médicalement " dans le même sens comme l'a proposé Bob Efron...) ;

- le fait que le sujet puisse, dans certains cas, se provoquer intentionnellement des crises par un procédé efficace (en passant très rapidement et de nombreuses fois la main devant les yeux en face du soleil par exemple, comme je l'ai observé chez un enfant de la clinique de Solliès Pont) ;

- le type de personnalité spécifique, le caractère particulier que Minkowska et d'autres (Auriol, 1973) ont mis en évidence chez une majorité de victimes de la " maladie sacrée " (morbus sacer) ;

- la fréquence des cas où, faute de cause physique évidente, on se trouve contraint d'en appeler à une " forme essentielle " de la maladie.

Ces faits et quelques autres ont permis d'individualiser une " épilepsie psychosomatique " dont la seule raison de survenue serait une forme de conflit psychologique (Freud, 1928, voit la crise comme une décharge somatique de masses d'excitation dont le sujet ne vient pas à bout psychiquement, simulacre de crime-parricide assorti de son châtiment-suicide, conflit non gérable d'un surmoi-sadique et d'un moi-masochiste). On sera sans doute bien inspiré de retenir plutôt une causalité à deux versants dont le niveau (plus ou moins subtil) d'observation rendrait compte pour l'essentiel. Quoi qu'il en soit, E. Derrien (1975) a publié une étude où il dit qu'il est possible d'agir soniquement sur cette affection avec des résultats qui semblent encourageants. Sur dix observations, il constate : " Les résultats obtenus permettent d'affirmer qu'il n'y a pas eu d'échecs, en ce sens que toutes les cures entreprises et suivies régulièrement ont amené une disparition ou une diminution très sensible des crises, malgré la diminution plus ou moins importante (possible dans tous les cas dès le troisième mois) ou la disparition (à partir du neuvième mois) de la thérapeutique médicamenteuse. " La cure était de type banal, avec cependant usage de grégorien non filtré dès les premières séances, à la fin de l'heure de musique filtrée en passe-haut à 8 000 Hz (cette dernière étant parfois mal supportée : irritabilité). On administrait deux heures d'oreille électronique par semaine. La mère recevait également des sons filtrés.

La dépression

La musique est un art du temps plus que de l'espace, et la brisure du temps se lit dans toute dépression grave où " le temps s'est cassé et l'univers se brise "... C'est dire le prix d'un apport musical respectueux pour aider le mélancolique ou le déprimé. Edith Lecourt identifie le flux musical au lait délicieux donné par la bonne mère. Dès les premiers temps de l'utilisation de l'oreille électronique dans les troubles de l'élocution, il est apparu qu'on obtenait, en marge de l'effet attendu sur la difficulté visée, une dynamisation de l'enfant qui semblait prendre un nouvel intérêt à la vie scolaire et même à la vie tout court, nouant de nouvelles relations, oubliant sa timidité, sortant de son isolement ou de son apathie, etc. On soupçonna qu'il y avait là une action sur des équivalents dépressifs propres à l'âge scolaire. Au cours d'entretiens informels, des cliniciens (Gardey et Mouret, 1976) affirmèrent un effet antidépresseur, repérable chez l'adulte, des cures soniques sous appareil modificateur d'écoute. Les bons résultats sur des pathologies assez diverses (Raynaud, 1978) pouvaient également suggérer, en guise de dénominateur commun, l'action favorable (28 cas sur 33) de la cure sur toutes sortes d'affaiblissements énergétiques (avec le vague lié à cette notion). J'ai tenté de vérifier, au niveau de ma propre clientèle, dans quelle mesure l'observation appuyait ce point de vue.

Au prix de 70 heures, en moyenne, d'exposition à l'oreille électronique, nous avons noté deux tiers de succès et un tiers de résultats incertains ou d'échecs (sur 40 cas), les psychoses mélancoliques authentifiées par l'histoire du sujet constituant une mauvaise indication de la cure standard (5 échecs sur 6 cas). En effet, on obtient bien souvent une amélioration qu'on croirait spectaculaire, mais qui l'est trop puisqu'il y a " inversion de l'humeur " ou " instabilisation " : euphorie et pessimisme se répondent, expansivité excessive, dépenses inconsidérées, etc. De tels phénomènes se paient bien souvent par la suite : culpabilisation massive, idées ou même actes d'autonuisance. On contre-indiquera donc la cure ambulatoire en présence d'une psychose maniaco-dépressive avérée. Ce n'est qu'en milieu spécialisé ou sous couverture chimiothérapique qu'on pourrait s'y risquer avec la coopération du sujet et de son entourage, chargé de signaler le moindre signe d'inversion de l'humeur. Les états dépressifs névrotiques, y compris certains qui avaient résisté à de multiples hospitalisations et chimiothérapies antérieures, sont au contraire bons répondeurs (13/20). Nous obtenons une amélioration dans plusieurs des cas " résistants " par l'adjonction de techniques différentes telles que rebirth, Rolfing, méditation, Hatha yoga, etc. Le pourcentage de succès dépasse alors (sur notre échantillon) 80 % (Auriol, 1978a et b).

C'est à cette action stimulante que nous devons sans doute attribuer l'effet positif des cures soniques à base de sons filtrés en passe-haut chez des personnes âgées dont les facultés déclinent en raison de troubles artériopathiques ou dégénératifs. Ces quelques observations cliniques prennent tout leur relief et invitent à poursuivre un essai thérapeutique de cet ordre, quand on sait que l'affaiblissement de l'écoute est prédictif d'une plus grande et plus rapide détérioration chez le patient atteint de maladie d'Alzheimer (Peters, 1988).

Les psychopathies et les toxicomanies

Nous avons observé d'excellents effets quand la cure est assez prolongée. Il peut y avoir des effets non souhaités par l'entourage ou des rechutes après une amélioration spectaculaire. Mais le bilan global me semble généralement positif, en particulier au niveau du vécu du patient qui persévère plus à cet exercice qu'aux divans et autres thérapies verbales.

Utilisation psycho-somatique

Sous réserve de confirmations statistiques, l'utilisation des sons filtrés semble très favorable dans la prise en charge des vertiges de Ménière (Tomatis).

Chez le jeune enfant, les otites à répétition semblent liées à divers facteurs tels l'usage du tabac par les adultes de l'environnement proche ou l'abus des antibiotiques parfois administrés hors de propos lors d'un épisode viral : ils contribuent alors à l'affaiblissement de l'organisme et sélectionnent les germes résistants. Certaines données relationnelles avec les parents ou les éducateurs peuvent aussi jouer un rôle déterminant. On examinera donc ces différents éléments avec l'enfant et ses proches en tentant d'amender ce qui peut l'être. On pourra s'aider aussi de l'homéopathie. Si les difficultés résistent, une thérapie sonique et un suivi psychothérapique seront recommandés. L'effet de cette approche est parfois spectaculaire, en tout cas bénéfique. On sait en effet que ces otites, outre leur caractère très désagréable, se répercutent à moyen et long terme sous forme d'un retard de développement du langage (Allain-Regnault, 1988) ou de difficultés scolaires variées. Feagans, par exemple, a établi que ces otites fréquentes du jeune enfant avaient des répercussions dommageables sur les compétences narratives et les capacités d'attention ultérieures.

Les difficultés respiratoires " asthmatiformes ", liées non à une constriction des bronches, mais à un tonus permanent excessif des cordes vocales, cèdent à une rééducation - comme l'a observé Yva Barthélemy (1984). De même, les angoisses du style " j'ai les boules " (geste à l'appui), l'impression de ne pouvoir suffisamment inspirer, etc., peuvent largement bénéficier de ce type de travail. Le biais de cette action est à chercher dans une véritable relaxation de toute la musculature vocale et respiratoire, relaxation qui peut être visée pour elle-même ou résulter simplement du travail sur les sifflantes et les voyelles (avec appareil modificateur de l'écoute) lorsqu'ils déclenchent des bâillements incoercibles. S'il est vrai que les asthmatiques sont plus sensibles aux sons aigus (Mason, 1968) et si leurs parents ont une voix particulière, comportant plus d'harmoniques élevés, il n'est pas surprenant d'observer que certains d'entre eux ont pu bénéficier d'une cure d'oreille électronique (obs. pers.).

La méthode Feijoo est très intéressante pour obtenir une analgésie dentaire ou obstétricale sans ou avec peu de médicaments, elle permet aussi d'effectuer l'épreuve du travail ou de déclencher l'accouchement. Des praticiens (Einstein College, 1969) auraient montré que les fréquences voisines de 600 Hz administrées à forte intensité (80 dB) pouvaient donner des résultats sur des stérilités par anovulation. La préparation durant la grossesse s'est récemment (Klopfenstein, 1988) enrichie d'une application inattendue de l'oreille électronique : améliorer le vécu maternel pour favoriser une naissance sans problèmes. Le nombre des présentations en siège semble diminuer, la durée du travail est spectaculairement réduite (2 h 40 en moyenne au lieu de 4 h - résultats à propos de 170 accouchements). La production lactée est accrue, de 50 à 150 % dans 95 % des cas, par la simple audition de musique classique, chorale en particulier (Oka, 1970).

Etude psychométrique des indications

Ces indications étaient jusqu'ici empiriques, et discutables par insuffisance méthodologique ou défaut de publication (autre que dans des circulaires à diffusion restreinte ou des revues confidentielles). C'est à E. Deneys (1986) qu'on doit le travail le plus systématique à ce jour quoique encore insuffisant et marqué par certaines faiblesses liées aux contraintes de la pratique libérale, d'où sont issues les données qu'elle a exploitées. Mais son mémoire permet de prévoir sur quelles dimensions de la personnalité peuvent agir les sons filtrés et dans quelle mesure peuvent s'amender les symptômes cibles et/ou les structures qui les sous-tendent. Elle a tenté d'évaluer avec nous s'il existe des paramètres de la personnalité significativement modifiés, dans un sens déterminé, par l'usage prolongé d'une thérapie sonore avec appareil modificateur d'écoute. Nous avons testé (test MMPI) un certain nombre de sujets avant cette sonothérapie et après plus de six mois de pratique (fig. 28 et 29)

 

Fig. 28. Variations des échelles du MMPI sous l'effet de la cure.

 

 

 

L'ensemble suggère que ce type de cure entraîne une plus grande propension à extérioriser les problèmes sous forme d'actions socialement adaptées (diminution des échelles d'angoisse, de dépression, d'intériorisation, d'introversion et de névroticisme ; augmentation de l'échelle de " force du moi " ou " ego strength ") et une plus grande capacité d'adaptation sans modification notable de la structure psychopathologique de fond (les échelles obvies s'améliorent tandis que les échelles subtiles restent stables) : le type de névrose reste le même, les échelles psychotiques varient peu.

Néanmoins, il peut être intéressant de proposer la stimulation sonique à des psychotiques en complément des formes classiques de leur prise en charge. Notamment, les sujets hallucinés (Charlot, 1989) présentent une sous-utilisation perceptive et une surévaluation des approximations qui en résultent : certitude de percevoir certaines choses précises à partir d'indices insuffisants. Les hallucinations et le contact avec l'environnement peuvent être heureusement modifiés. On observe une augmentation de l'échelle de passage à l'acte, ce qui ne va pas sans inconvénients, éventuellement graves, qui invitent à une grande vigilance concernant la propension du client à réaliser ses angoisses dans la réalité plutôt que d'en supporter la charge interne. Il existe un risque non négligeable d'actes auto ou hétéro-agressifs, de changements sentimentaux, professionnels ou idéologiques mal intégrés. Il est peut-être utile d'avertir le patient de ces diverses éventualités, heureusement maîtrisables le plus souvent.

Ceci va dans le sens des observations cliniques qui ont conduit tous les praticiens à affirmer la " dynamisation relationnelle " produite par la cure sonique. Il s'agit d'une ouverture à la communication et au monde extérieur : éveil, concentration, attention, activité, relations humaines. Dans quelques cas, rares mais très suggestifs, on est surpris d'entendre les témoins du milieu familial ou scolaire vanter une amélioration du comportement que ne confirme pas nécessairement le sujet. Il estime n'avoir pas fondamentalement changé et a même parfois l'idée que ce sont les circonstances qui sont devenues plus favorables.

On pourrait penser que ces résultats dépendent moins de l'administration de sons filtrés que de l'action non spécifique liée à la prise en charge de ces sujets par un procédé quelconque auquel ils croient. Il devient alors intéressant de prendre en considération une étude, similaire dans son protocole, mais concernant une autre technique de " prise en charge ", réalisée dans le cadre de la thèse médicale de Lucien Goulinet, qui utilisa le MMPI avant et après six mois de pratique d'une forme de yoga mental connue sous le nom de méditation transcendantale. Il observa une diminution significative des échelles de dépression, de psychopathie, de paranoïa, de psychasthénie, de schizophrénie, de manie, d'anxiété (indice A.I. et A.M. de Taylor), de névrosisme. Par contre, les échelles d'hypocondrie, d'hystérie, de masculinité/féminité, d'introversion sociale, de passage à l'acte (rapport d'intériorisation) semblent rester stables ou varier de façon peu significative. On voit que la méditation semble agir davantage sur les échelles psychotiques, la sonothérapie sur l'inhibition de l'action. En pratique, il existe une heureuse complémentarité entre les deux méthodes et plus généralement entre les méthodes " dynamogènes " et les méthodes " relaxantes " (Auriol, 1985a).

Deux échelles (A et R) utiles à la recherche ont été proposées par G. Welsh (1956) : elles constituent une évaluation très satisfaisante des facteurs essentiels qui ont été isolés de façon stable dans les études factorielles du MMPI

M. A est secret, seul, timide, introverti, susceptible. Il broie du noir, s'observe, craint d'avoir déplu, se persuade qu'on le critique, se compare aux autres, se complaît dans des sentiments d'envie, d'infériorité, d'incapacité. Il hésite, se reprend, abandonne et se culpabilise. Il est plus près de

Echelle A

F44, F42 Difficulté à entreprendre

I23 Difficulté de concentration

I35 Impression que la vie est un effort continuel

J13 Souvent fatigué

J04 Sentiment d'être sur le point de s'effondrer

I27, I15, C22, C19 Manque de persévérance, envie d'abandonner

F43,G42 S'observe

G51 Vécu d'irréalité

G36,C25 Manque de spontanéité

H29, G01, F47, I54 Anxieux

F45, F54, F49 Broie du noir

I36, I31, G05 Se déprécie, culpabilise

F04, H02 Timide, mal à l'aise dans sa peau

F35 Sentiment de solitude

F16, F17 Secret

F34, I17 Susceptible et craint de déplaire

F36 Envie les autres

G45 Agressivité rentrée

son vécu que de la réalité sur laquelle il a du mal à se concentrer et dont il arrive même à douter. Pour lui, la vie est un effort continuel qui l'épuise jusqu'au sentiment de s'effondrer. Devant les difficultés qui l'impressionnent, il a la tentation d'abandonner et, pour peu qu'on l'y pousse, s'y résout, puis le déplore et se morfond.

Echelle R

Santé en question (A02, A18, A36, B22, C17, H43)

Aspect extérieur indifférent (G46, J14, J15, J35)

Maître de soi (A19, B04, C10, E32, E47, G23, G31, G32)

Education et vie cultivant la paix (B54, CO2, C10, C42, C43, C48, D31, D39, D40, E20, E29, E30, F32, G23, G31, G32)

L'autorité respectée (B54, C10, C48, D49, I22, I28)

Refus des conférences sérieuses (C40) et de la science (I50), du bricolage (I46) et des revues techniques (J05), de faire la cuisine (J11), d'être entrepreneur (J07) ou garde forestier (I49).

L'échelle A concerne plutôt le monde " subjectif " et " intersubjectif " des valeurs, des jugements, de la vie intérieure, des sentiments, etc. L'élévation de cette échelle correspond à une majoration de l'" angoisse existentielle ", du " sentiment tragique de l'existence ", de l'introversion, de la crispation sur des valeurs sentimentales, intérieures, au détriment de l'action, de l'attention à l'environnement, de la communication directe avec autrui (introverti d'Eysenck ; axe sentiment-introverti / pensée-extravertie de C.G. Jung ; type EnAS de Heymans et Wiersma).

M. R refuse les excitations, émotions et perturbations de toute nature, y compris dans le souvenir. L'imagination est tenue en bride ainsi que l'émotion. Autant le type A était perturbable, préoccupé de ses émotions, cultivant l'imaginaire et les valeurs subjectives, autant le type R prétend à un monde lisse, sans angoisse ni culpabilité, sans idées ni créativité, sans rien qui dépasse ou qui inquiète. Il se veut objectif et l'est jusque dans ses troubles qui offrent du travail au somaticien : crises convulsives, acouphènes, problèmes urinaires, etc.

L'échelle R concerne l'attitude à l'égard du monde " objectif " interne (somatisations) ou externe (contacts, sciences et techniques, etc.). L'élévation de cette échelle correspond à une majoration du positivisme, de l'extraversion, des valeurs réalistes et objectives de la vie, y compris sous forme de somatisations, de passage à l'acte ou de crise en cas de conflit (extraverti d'Eysenck ; axe sensation-extravertie / intuition-introvertie de C.G. Jung, type nEnAP de Heymans et Wiersma).

L'orthogonalité de ces deux échelles a été maintes fois confirmée par de nombreux travaux statistiques qui ont tous montré des intercorrélations entre elles très proches de zéro. Elles permettent donc de rendre compte du maximum d'informations contenues dans un protocole. Observer que les cures soniques entraînent une diminution de l'une et pas de l'autre serait un acquis tout à fait remarquable et riche de conséquences théoriques et pratiques. Or c'est bien ce que nous constatons. En effet, la comparaison avant-après une cure sonique montre une diminution systématique de la composante factorielle A dans le MMPI et des variations peut-être aléatoires (en tout cas non significatives en ce qui concerne la population étudiée) du facteur R.

Ces remarques sont homogènes à diverses constatations faites dans cet ouvrage : les aigus, cultivés par la cure, sont en rapport avec les instances " élevées " de la personnalité (Surmoi, principe de réalité), alors que les graves sont référés aux parties " inférieures " (ça, principe de plaisir). Le travail insistant sur l'élocution et l'hémisphère gauche conduit aussi à privilégier la réalité dans son aspect relationnel et social.

pour continuer : Echo (Chapitre 10 de La Clef des Sons)

Google
  Web auriol.free.fr   


Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

© Copyright Bernard AURIOL (email : )

08 Décembre 2013