Ephphata : Ecoute et Fête ça [1]

Le Son à la croisée des corps

Dr Bernard AURIOL

L'adolescence a un statut intermédiaire, aussi bien au niveau social qu'à l'étage biologique. C'est la source de certains conflits dont la manifestation sous le terme de crise d'identité n'est pas en passe de s'atténuer au moment où l'évolution économique, politique, idéologique et religieuse bouleverse les certitudes d'hier et menace l'avenir d'une insertion praticable pour le plus grand nombre des "jeunes"...


Il n'est pas nouveau de remarquer l'importance du corps à cette phase du développement, spécialement le corps en mouvement qui cherche à retrouver, dans la danse, les bercements archaïques associés au nouvelles sensations de l'éveil sexuel [2] . Mais ce genre de mouvement est surtout l'attachement à une rythmicité, à un commerce sonore à quoi il fait écho. Il s'agit à la fois de renoncer à la fusion familiale, de s'accrocher à quelque valeur sociale acceptable, de se donner un idéal moteur relativement personnel, au moins choisi tout en s'appuyant sur un socle intime et personnel, pourvu qu'il existe... Ce retour aux données basiques les plus intimes pour se dégager des apparences éducatives qui semblent tout autant lui appartenir obligent l'adolescent à une gymnastique dont on sait qu'elle voisine parfois l'acrobatie, au point de l'exposer à des précipices inquiétants. Une telle situation n'est commode pour personne, même pas pour le thérapeute qui doit naviguer entre la facilité d'une démagogie destructrice et la stérilité d'un appoint éducatif qui ne lui revient sans doute pas.

L'accès à la thérapie est pourtant souvent nécessaire : le plus souvent sur la demande d'un éducateur, qu'il s'agisse des parents ou d'un enseignant... Cette demande ne rencontre l'incompréhension du jeune et son refus catégorique que s'il s'agit d'un effort de coercition supplémentaire destiné à le ramener au bercail dans lequel il ne voudrait plus s'inscrire. Dans la plupart des cas, on obtiendra qu'il ait un entretien avec tel thérapeute ou rééducateur, parfois sous un prétexte périphérique. Si cet entretien ouvre parfois le champ à de nombreuses rencontres ultérieures qui pourront même conduire à une psychanalyse, il arrive qu'il débouche au contraire sur une forme de blocage. Par exemple, l'adolescent(e) se plaint de symptômes mais refuse de s'engager autrement que par cette plainte; ou bien, il dénonce les insuffisances de son milieu éducatif et en souligne les contradictions insupportables sans accepter de se livrer plus avant... Ces incidents de parcours marqués par un refus de la parole ne doivent pas être pris pour des fin de non recevoir ! Il s'agit d'un malaise dans l'expression, d'une précaution vis à vis des pièges du langage, d'un blocage ambigu vis à vis des figures de la Loi. Dès lors, d'autres voies restent ouvertes et peuvent même susciter un enthousiasme dont il ne faudrait pas abuser : la soif de s'en remettre par exemple. "Pourriez vous m'hypnotiser ?". Certes, nous le pourrions ! Mais avec quel profit ? Au prix de quelle mystification ? Avec quel avenir ?

C'est ce qu'acceptent sans se poser trop de questions les "guides" en mal de disciples. Dans le pire des cas, il se peut qu'ils soient de quelque utilité. C'est pourquoi j'ai coutume de m'inscrire contre les pourfendeurs de sectes. Non que leur propre secte soit inutile : elle est de salubrité publique. Mais, comme en démocratie, il est légitime que les extrémistes contribuent de leur opposition et de leurs propositions au jeu social. De même, les sectes et les anti-sectes doivent pouvoir dire leur mot et recruter leurs disciples. Dont certains partiront avec des jurons alors que d'autres poursuivront le mouvement. Parmi eux, tel ou telle devra à ses condisciples, la vie [3] . Ou d'avoir évité le délire, en s'associant au discours réponse-à-tout d'un sillon marginal, mais bien tracé. Que je sois "pour les sectes" n'implique pas que je puisse m'autoriser à en fomenter une de mon cru. Non que j'en ignorerais les ficelles, mais l'éthique du thérapeute ne peut le conduire à se faire le porte fanion de Sa Vérité. Sinon celle du sujet, dont il peut se proposer d'être l'occasion sans prétendre s'en faire le garant.

Si le thérapeute ne peut se faire Hypnotiseur, ni Gourou, ni Analyste de celui qui n'en demande pas tant, a-t-il d'autres ressources face à l'adolescent qu'il reçoit dans une perspective incertaine ? Une des voies possibles est de type médical, sans être médicamenteux, ni exactement psychothérapique. Je laisse à d'autres auteurs le soin de préciser diverses médiations corporelles et/ou groupales possibles. Je me contenterai ici d'esquisser ce que peut nous donner le son.

La Psychosonique

 

sur le chemin qui porte à la sagesse,
le premier pas est le silence;
le deuxième, écouter;
le troisième, retenir;
le quatrième, pratiquer;
le cinquième, enseigner aux autres

Ibn Gabirol

Et d'abord La Voix

Pour les Kabbalistes, la voix du vide, au plus central et au plus secret du silence de l'être, est à l'origine de la matière et de son intersection avec l'Esprit dont elle constitue la semence et dont elle diffuse la lueur (zohar). C'est affirmer que le son unit la tête et la maison du corps... Et si la tête n'y peut rien, si aucune décision n'est à sa portée, il nous reste de crier ! Ingrid déclare "Je sais pourquoi j'aime chanter. C'est une forme sublimée de crier. J'aimais hurler, fort et longtemps. Je me vengeais ainsi (...)" (Racker, 1955, p. 387). Le Cri, fut-il volé dans le musée des Tais-Toi, déchire l'oreille des "grands", sourds ou trop complaisants.

De certains événements, nous disons qu'ils nous laissent sans voix ou que les bras nous en tombent. Nous sommes privés de toute capacité d'expression pendant un temps plus ou moins bref. La pathologie, comme Molière, nous apprend qu'une telle impuissance peut se pérenniser. Pommez (1981) fait remarquer la différence de ce genre d'aphonie et de la plupart des autres affections : l'aphone date exactement le premier moment de son incapacité alors qu'il est rare d'entendre quelqu'un préciser le moment d'apparition de son cor au pied... Nous trouvons un exemple qui va à l'appui de cette affirmation dans le cas Dora analysé par Freud (1905) : chacune de ses crises commençait par une aphonie complète à laquelle elle palliait [4] en écrivant ce qu'elle voulait signifier. Après l'interruption de son analyse, elle reviendra voir Freud et lui fera part d'une nouvelle crise survenue à la suite d'une frayeur violente (elle avait assisté à un accident dont fut victime Mr K., mari de la maitresse du père de la jeune fille, et qui avait manifesté du trouble à son égard)... Ce serait par une identification avec cet homme à demi mort que Dora aurait perdu la voix... [5]

Depuis que l'homme joue avec les sons, depuis même que la vie joue avec les sons, ils démontrent leur efficacité pour communiquer, exprimer une menace, tenter une séduction, implorer de l'aide. Chose plus troublante, ils semblent aussi capables d'induire certains effets à la fois inconscients et dépourvus d'arbitraire, institués par la nature au cours de ses tâtonnements évolutifs. A quoi attribuer ce fait, sinon à quelque régularité qui s'imposerait à tout organisme doué d'ouïe...  Nous pouvons invoquer au moins deux types de mécanisme : les caractéristiques de la vie avant la naissance par opposition à celles qui s'installent après, les données physiques liées à la lutte pour la vie sur la planète terre (rôle d'alerte tous azimuts que peut remplir le son), l'interconnexion surabondante qui met en relation chaque partie d'un organisme vivant avec toutes les autres de sorte que toute modification en un point peut avoir des conséquences à distance...

Ceci étant explicité, nous avons à en tirer quelques conséquences : la nuisance d'un bruit ne doit pas seulement se mesurer en décibels, fussent-ils "physiologiques" (dB "A"), elle peut s'aggraver ou s'atténuer d'être dans tel domaine de fréquences plutôt que dans un autre, d'être détesté ou aimé, d'être prévisible ou surgi à l'improviste, etc... Il en va tout autant des sons utilisés en thérapie : pourquoi nous priverions nous d'utiliser chez l'adolescent, comme chez l'enfant plus jeune, la somme de connaissances disponibles aujourd'hui quant aux effets du son et de ses caractéristiques sur l'animal et l'être humain, en fonction de la structure de notre organisme, des acquisitions de notre développement et de notre qualité de parlêtre ?

La Musique et son Univers

La remise en question de soi et de l'univers, contemporaine de cette période de la vie, passe bien souvent par l'adhésion à une musique remettant en question, d'une façon ou d'une autre, les standards culturels et psychosociaux du moment. Rythmes nouveaux, mélodies inattendues, harmonies choquantes pour le goût des anciens. Les avatars du jazz, du rock, du funk, etc... nous assurent, dans leur "turn over" moins étourdissant qu'on ne voudrait, que l'invention n'est pas près de s'arrêter.

Ces ressources donnent aux adolescents quelques moyens de s'affirmer différents, de se donner le look adéquat, d'exprimer leurs propres désirs, leurs peurs et leurs colères. Ils écoutent, dansent ou lèvent le briquet d'une culture à venir dont ils peuvent eux mêmes devenir les "fabuleux troubadours". Ils constituent des groupes, parviennent à se doter d'un matériel pourtant onéreux et jouissent de leur musique, à s'en faire péter les tympans.

Moins souvent qu'on ne l'a craint ! P. Josserand [6] a montré que l'audiogramme de ces musiciens amateurs ne se dégradait pas forcément à l'issu de répétitions trop dosées en décibels [7] . L'explication est sans doute qu'ils étaient les acteurs de cette musique ; leur cerveau connaissait à chaque instant la force du son qui allait survenir et semblait capable de s'en prémunir. Il n'en va pas de même de ceux qui écoutent passivement leur sono ou leur walkman à fond, ou qui fréquentent les châteaux sonores des grands concerts rock : ils deviennent sourds comme les médecins militaires l'ont constaté avec les tests de pré-incorporation.

La Sphère Sonique

Il existe une sorte d'intentionnalité primordiale qui dès la conception, nous tire hors des sentiers battus de la répétition et du déjà entendu, vers les enchantements de l'étrangeté, de l'inouï, de la surprise du retour. Pour les yogis, le monde sonore constitue une zone énergétique particulière (Vishudda [8] ) à quoi nous pourrions assimiler une sphère pulsionnelle...  Cette approche rejoint certains aspect de la Kabbale ("sefirot Guevoura", rigueur et "sefirot Hessed", grâce). Il s'agit de la notion de pureté, de purification. Bien sûr la catharsis du cri. Mais aussi celle de la tarentelle, de la transe et le couteau tranchant du jugement.Tout simplement la parole. La voix partage avec le son sa mission vigilante:  nous avertir des présences inopportunes, des dangers invisibles et des agressions secrètes.

La voix est la condition et le corps dans lequel s'impriment les idées. Le langage, ce double mort du réel qu'il rétracte, sur la base d'un arbitraire qu'au fin fond, et malgré d'éventuelles dénégations, il nous faut reconnaître. Pas tellement en ce sens que le signifiant n'aurait rien avoir avec le signifié, car nous doutons profondément de cela, mais plutôt par le choix définitif qu'il opère : ceci et pas cela. C'est introduire la mort (de tout ce qui est ainsi éliminé et même de ce qui est retenu et "squelettifié", figé, dévitalisé catégoriquement !). C'est introduire l'étrange, l'inquiétant, l'ombre, l'au delà : tout ce qui disparaît ainsi et ne pourrait faire retour sans passer par l'occulte et l'exotique. La voix en se coupant pour parler se doit de mentir; elle oublie l'harmonie et la mélodie au profit des contraires dont elle poursuivra ensuite toujours l'union (Freud, op.cit.p.248). Au premier rang de ces couples d'opposés, ne mettrons nous pas le sexe qui est sans doute le plus puissant des langages binaires et prit sa naissance de l'insolence corrigée par Zeus au dire d'Aristophane. Elle ne le fera qu'avec le concours bienveillant de la sentinelle amie. Les mots clés pour cette pulsion invocante concernent l'écoute et la voix, l'imploration. Il s'agit de  veiller, jeûner et prier: l'ascèse, le sacrifice. C'est aussi, en un sens, le lieu du Désir (il s'ébauche dans la marge où la demande se déchire du besoin). Ce chakra se rapporte "anatomiquement" au cou, à la partie inférieure du visage et descend jusqu'aux épaules. On trouve là les dents, la langue, le nez, la thyroïde et les parathyroïdes aptes à régler la température du corps, à activer ou atténuer l'ensemble des combustions, à moduler les quantités de calcium circulant, etc... Il est lié psychologiquement à l'affection, la tristesse, le respect, la dévotion, le contentement, la résignation. C'est le lieu nouso [9] -psycho-physiologique concerné par les mutations (métanoïa), les choix dans le style de vie, le rapport à l'existence, etc... L'aspect de métanoïa est souligné dans le "Château Intérieur" (Thérèse, 1577) par la métaphore du ver à soie "laid et difforme qui est appelé à mourir pour se convertir en papillon blanc et très agréable"

Comme le remarque E. H. Erikson (1966) "au cours de la puberté et de l'adolescence, toutes les identités et les continuités sur lesquelles l'enfant s'était appuyé précédemment sont remises en question, à cause d'une rapidité de croissance du corps qui égale celle de la première enfance et du fait de l'addition entièrement nouvelle de la maturité génitale physique". La musique et surtout le chant apparaissent comme une défense à l'égard du persécuteur, une protection contre l'anxiété paranoïde. L'analyse nous montre qu'elle est liée à une agression interne projetée à l'extérieur. Et de là : retour; crainte d'être persécuté (loi du Talion). Pour Racker, "le chant signifie autant une défense contre une situation paranoïde et un refuge en un objet idéal, qu'une défense contre une situation dépressive, un essai d'obtenir le pardon" (1955, p.405).

Le Corps Sonore

L'organisme est un ensemble complexe surtout caractérisé par  l'interconnexion extrêmement serrée de tous ses composants et par leur organisation hiérarchisée. Pas une seule modification du milieu intérieur, pas une seule variation de l'environnement qui n'ait des conséquences sur cet "objet", tellement subjectif dans son être que chacune de ces variations s'accompagne d'une autre façon d'être au monde et d'être à soi. Les variations les plus subtiles, les plus fines, les plus qualitatives, ont probablement autant - sinon plus - d'effet que celles que nous comptabilisons. Il en va ainsi des vibrations sonores et c'est une évidence qui - surtout pas - n'échappe à l'adolescent. Mais il nous reste beaucoup à faire pour scientificiser ces évidences : montrer que tel rythme a tel effet, que telle fréquence stimule la thyroïde et telle autre la surrénale, que tel pattern sonore excite les pulsions guerrières, tel autre va à l'affirmation de soi, tel enfin engendre le désir dont il ne restera plus qu'à découvrir son objet ! (Auriol, 1977; 1991; Auriol, Bassano, Doyon, Josserand, 1987) On a montré que l'asthme s'accompagnait d'une sensibilité plus grande à certains sons, de même, peut-être, l'ulcère d'estomac ou l'hypochondrie.

Effet spécifique des cures soniques

Ces cures, qu'il s'agisse de l'Oreille Electronique de Tomatis ou de ses évolutions (lexiphone de Beller, EERS de Bérard, système de Bourdin et notre propre contribution avec le Variophone puis l'Akousmatix) ont reçu de nombreuses indications, dont plusieurs sont utiles à considérer chez le jeune affecté de troubles de la communication : dyslexie, dysorthographie, difficultés en mathématiques et en langues, problèmes d'attention, de concentration, de mémorisation, introversion excessive, timidité...
(cf. http://www.unco.edu/library/guides/comdisorder/wwcomdis.htm)

Cependant les indications ci-dessus étaient totalement empiriques, cliniques et toujours discutées pour insuffisance méthodologique ou même défaut de publication autre que dans des circulaires à diffusion restreinte ou des revues confidentielles. C'est à E. Deneys (1986) qu'on doit le travail le plus systématique à ce jour (1994). Quoique encore insuffisant et marqué par certaines faiblesses, liées aux contraintes de la pratique libérale qui est la notre, d'où étaient issues les données qu'elle a exploitées. Son mémoire permet de prévoir sur quelles dimensions de la personnalité peuvent agir les sons filtrés et dans quelle mesure peuvent s'amender les symptômes cibles et/ou les structures qui les sous-tendent... Elle a tenté d'évaluer avec nous, s'il existait des paramètres de la personnalité qui étaient significativement modifiés, dans un sens déterminé, par l'usage prolongé d'une thérapie sonore avec Appareil Modificateur d'Ecoute, utilisant la modification systématique de sources sonores diverses.

 Nous avons testé avec un test "structural" de personnalité, (Test M.M.P.I.) un certain nombre de sujets, âgés de plus de quinze ans (limite en deça de laquelle le test n'est pas utilisable) avant cette sonothérapie et après plus de six mois de pratique. La population prise ici en considération est constituée tout autant d'adultes que d'adolescents; nous pensons, sur la base de l'observation empirique très répétée quoique non chiffrée, qu'il est légitime d'en généraliser les conclusions. Cette étude évaluée à l'aide des outils informatiques proposés par Foucart (1982, 1983, 1989, 1991) suggère que les cures soniques entraînent une plus grande propension à extérioriser les problèmes sous forme d'actions socialement adaptées (diminution des échelles d'angoisse, de dépression, d'intériorisation, d'introversion et de névroticisme; augmentation de l'échelle de "force du moi" ou "Ego Strength") et une plus grande capacité d'adaptation sans modification notable de la structure psycho-pathologique de fond (les échelles obvies s'améliorent tandis que les échelles subtiles restent stables) : le type de névrose reste le même, les échelles psychotiques varient peu.

 Néanmoins, il peut être intéressant de proposer la stimulation sonique à des psychotiques, en complément des formes classiques de leur prise en charge. Notamment, les sujets hallucinés présentent une sous-utilisation perceptive et une surévaluation des informations qui en résultent : certitude de percevoir certaines choses précises, à partir d'indices insuffisants. Le fond  psychotique, s'il existe, reste inchangé lors des cures soniques, mais les hallucinations et le contact avec l'environnement peuvent être très heureusement modifiés.

Cependant, on observe une augmentation de l'échelle de passage à l'acte, ce qui ne va pas sans inconvénients, éventuellement graves, qui invitent à une grande vigilance concernant la propension du jeune à réaliser ses angoisses dans la réalité plutôt que de les verbaliser ou d'en supporter la charge interne. Il existe un risque non négligeable d'actes auto ou hétéroagressifs. Il est peut-être utile d'avertir les parents de ces diverses éventualités, heureusement maîtrisables le plus souvent. Cette constatation va dans le sens des observations cliniques, lesquelles ont conduit tous les praticiens à affirmer la "dynamisation relationnelle" produite par la cure sonique. Il s'agit le plus souvent d'une ouverture à la communication et au monde extérieur: éveil, concentration, attention, activité, relations humaines. Dans quelques cas, rares mais très suggestifs, on est surpris d'entendre les témoins du milieu familial ou scolaire vanter une amélioration du comportement que ne confirme pas nécessairement le sujet qui estime n'avoir pas fondamentalement changé. Il a même parfois l'idée que ce sont les circonstances qui sont devenues plus favorables ou que les adultes le comprennent mieux. Cette dernière éventualité n'est pas toujours erronée : la cure de l'adolescent lui permet d'exprimer certaines choses, les parents, conscients qu'il est en traitement, consentent à mieux l'entendre. Par ailleurs la présence d'un ou de plusieurs "tiers", en la personne du thérapeute et de son équipe, contribuent à permettre des échanges moins dramatiques, plus souples...

On pourrait penser que ces résultats dépendent moins de l'administration de sons filtrés que de l'action non spécifique liée à cette prise en charge. Il devient alors intéressant de prendre en considération une étude similaire dans son protocole mais concernant une autre technique de "prise en charge", qui fut réalisée dans le cadre de la thèse médicale du Dr Lucien Goulinet. Il a utilisé le MMPI avant et après six mois de pratique d'une forme de Yoga Mental connu sous le nom de Méditation Transcendantale. Il observe une diminution significative des échelles de dépression, de psychopathie, de paranoïa, de psychasthénie, de schizophrénie, de manie, d'anxiété (indice A.I. et A.M. de Taylor), de névroticisme. Par contre, les échelles d'hypochondrie, d'hystérie, de masculinité/féminité, d'introversion et de passage à l'acte semblent rester stables ou varier de façon peu significative. On voit que la Méditation semble agir davantage sur les échelles psychotiques alors que la sonothérapie serait plus efficace quant à l'inhibition de l'action.

En pratique, j'ai trouvé qu'il existait une heureuse complémentarité entre les deux méthodes et plus généralement, entre les méthodes "dynamogènes" et les méthodes "relaxantes" (Auriol, 1970, 1977, 1979, 1991).

Conclusion

Le son met le corps en mouvement ou jaillit, dans la voix, de ses perturbations. Il a des effets psycho-physiologiques dont la répétition conduit à des phénomènes qu'on situera à la frontière du végétatif et du thymique : il ouvre à la relation objective et relationnelle.

La pratique de l'Oreille Electronique et de ses dérivés, notamment l'Akousmatix, permet une médiatisation, souvent très précieuse dans la psychothérapie des adolescents et de leur contexte familial et scolaire. Elle a, de plus, des effets qui paraissent bien être spécifiques de l'usage répété des exercices de stimulations sonores par les fréquences élevées  du tapis ciliaire de la cochlée et des formations neuronales qui en assurent le pilotage. Cette stimulation corporelle semble produire une dynamisation de l'orientation extériorisée et pragmatique de la psyché et devrait être facilement proposée lorsque le retrait, l'introversion, l'opposition négativiste et sans perspective interdisent d'espérer une mobilisation verbale utile.

Cette pratique, en favorisant une bonne élocution, une utilisation correcte de l'écoute, une possibilité de placer sa voix et de chanter avec plus de justesse et plus de personnalité contribuent aussi, de ce point de vue, à un élargissement des possibilités (précieux dans le contexte social très dur que nous rencontrons aujourd'hui).


Bibliographie

B. Auriol               Prolégomènes à une Yogathérapie de Groupe, Sitec (Montauban), 1970.

B. Auriol               Yoga et Psychothérapie, Toulouse, Privat, 1977;

B. Auriol               Introduction aux Méthodes de Relaxation, Toulouse, Privat, 1979, 1987.

B. Auriol               Biopsychologie du Narcissisme Primaire, Synapse, 1990, 65, 27-35.

B.Auriol                La Clef des Sons, Toulouse, Eres/ Diff'edit, 1991

B.Auriol, J.Bassano, B.Doyon, P.Josserand, De l'audiogramme aux chakras tantriques, Psychologie Médicale, 19, 1, 75-79, 1987

T. Brosse              Etudes instrumentales des techniques du yoga, expérimentation psycho-somatique.

                             Ecole Française d'Extrême Orient , N°LII, Maisonneuve éd., Paris, 1963.

E. Deneys              Etude des effets de la musique sur la personnalité à travers l'Audio-Psycho-Phonologie, maitrise de Psychologie,

                             Université de Toulouse Le Mirail, 1986.

E.H.Erikson           Enfance et Société, p.175-177, Lausanne / Paris, Delachaux, 1966, 1976.

T.Foucart              Analyse Factorielle, programmation sur Micro-Ordinateurs, Paris, Masson, 1982.

T.Foucart              Régression Linéaire sur Micro-Ordinateurs, Paris, Masson, 1983.

T.Foucart              StatPc, logiciel de traitement statistique, v 1.1, Janv 1989.

T. Foucart             Introduction aux Tests Statistiques, Enseignement assisté par Ordinateur, Paris, Technip, 1991

S. Freud                Cinq Psychanalyses, PUF, 1905 / 1954.

L. Goulinet            Etude sur les modifications de la personnalité par le programme de Méditation Transcendantale et de MT-Siddhis

                             Thèse de médecine, Dijon, 1981.

J. Lacan                Ecrits, Paris, Seuil, 1966.

J. Pommez            Dysphonies psychiques, Voix, Carrefour de la personnalité, Dossiers de la FNO, (1981) N°5, pp. 305-320.

H. Racker                       A propos de musique, Revue Française de Psychanalyse, XIX, 3, 385-410, 1955

Thérèse d'Avila      Oeuvres Complètes T.4 : Le Château Intérieur, Paris, Cerf (1577, 1982).


Google
  Web auriol.free.fr   


Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

© Copyright Bernard AURIOL (email : )

30 Octobre 2005

 

 



[1]Marc Vll, 34 ; Esaïe, XXXV.

 

[2]il s'agit ici de l'aspect social de la sexualité; ses développements personnels débutent en effet dès la toute première enfance, comme Freud l'a montré. Tout nous porte même à croire que les commencements doivent être reculés plus arrière, à l'époque intra-utérine(cf. B. Auriol, 1990)

 

[3]notamment dans le contexte, par exemple, de la toxicomanie. Certains ont affublé l'Association, créée par le Patriarche Lucien Enjelmeyer, de cet attribut "secte". Je ne suis pas éloigné d'y souscrire. Pourvu qu'on  ajoute aussitôt que son dogme et son ciment idéologique : le refus de la drogue est de toute première nécessité; et mal défendu par la plupart d'entre nous. Je ne peux croire qu'Olivenstein énonce autre chose qu'une provocation quand il déclare préférable d'être dépendant de la Drogue que du Patriarche. Jusqu'à preuve du contraire, le second permet de vivre à ceux que la première aurait fait mourir.

 

[4]Comme il était de règle chez les hystériques souffrant d'un tel symptôme (enseignement de Charcot repris par Freud).

 

[5]Elle se sentait poussée à aimer Madame K., sorte d'image idéalisée d'elle-même. Par ailleurs elle s'identifie à Monsieur K. mais souhaite sa mort (comme Narcisse qui se noie en sa propre image). Voir dans la réalité cet homme menacé d'une mort réelle, la conduit à la fermeture de la boite à coucou : elle ne peut plus rien dire (cf Lacan in "Ecrits" p.221).

 

[6]décédé vers la fin 1993 et auquel je tiens ici à rendre hommage pour l'énergie et l'ouverture d'esprit qu'il a déployés au service d'une évaluation multidimensionnelle de l'acoustique.

 

[7]L'énergie acoustique reçue par les oreilles était très supérieure à celle qui aurait motivé la fermeture par la loi d'une entreprise industrielle.

 

[8]qui se traduit par "pureté".

 

[9]terme un peu compliqué mais utile défini par Thérèse Brosse pour rendre compte, non seulement des aspects physiques et psychologiques de l'être humain, mais aussi d'une dimension, moins facile à cerner scientifiquement ("nouso") parce qu'elle concerne la présence de spiritualité et ses inter relations avec les autres composantes de l'humain.