Melissa PIZARRO-GONZALES , Fabien DELLA MAESTRA , Elodie BOUAZZA
et Elsa MOREL-CIVERA
1-Des origines lointaines et mystérieuses :
Les formes d’arts martiaux les plus anciennes semblent être originaires de cette région précisément. Ils pratiquaient une forme de combat appelé vitaramuki (terme signifiant : « homme dont le point est fermé en forme de diamant ») qui présente des analogies avec le karaté, qu’aucun adepte ne pourrait nier (ne serait-ce qu’à cause du nom…).
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Les symboles du pa-kua :
Il
s’agit d’un symbole, formé de trois lignes, appelé pa-kua et utilisé
dans l’art de la divination. La discipline des pa-kua est extrêmement
simple et se base sur l’ensemble formé par l’opposition entre l’énergie
positive et négative, entre ligne droite et brisée et entre ombre et lumière.
L’énergie féminine passive (yin) est représentée par une ligne brisée alors que
sont opposé (yang) est la forme masculine qui s’identifie à une ligne droite.
L’harmonie des énergies opposées représente celle de l’univers.
Cet art
atteint sont apogée aux environs de 550 avant J.C., grâce aux études du maître Kongfuzi (Confucius) qui
accomplit une étude approfondie du pa-kua. Presque à la même époque, Lao-tseu, partant des mêmes
bases, a élaboré la discipline du taoïsme, dont l’objectif est de comprendre
l’harmonie de la nature. Le taoïsme repose sur le « tao » qui signifie voie, chemin,
que chacun possède et dont il appartient à chacun de découvrir ce qu’il peut
apporter :liberté, bonheur, longévité, éternité… D’autre part, la vertu du
taoïsme réside, d’après Lao-Tseu, dans la capacité de combattre la dureté par la souplesse, ce qui peut être rapproché à la pensée de Gandhi qui affirmait que,
contrairement à la résistance passive qui est l’arme des faibles, le rejet de
l’emploi de la violence est conçu pour être l’arme du plus
fort : « la recherche de la vérité n’admettait point que l’on
eût recourt à la violence contre son adversaire et il fallait arriver à le
tirer de l’erreur par la patience et la sympathie. » Philosophie qui est
également proche de celle de Socrate qui privilégiait le dialogue aux actes de
conversion violents.
Le
confucianisme et le taoïsme sont importants, non seulement pour comprendre la
spiritualité orientale mais également pour appréhender l’évolution des arts
martiaux. Par ailleurs, même les formes externes apparemment les plus violentes
des arts martiaux orientaux ont des liens spirituels avec le taoïsme et le
confucianisme.
Ces écoles
spirituelles partagent des caractéristiques importantes avec les arts martiaux
chinois : selon leur enseignement, les maîtres de combat, tout comme les
sages, se doivent de faire preuve d’une grande rectitude morale et de rechercher en permanence l’harmonie entre les forces positives et négatives de la nature.
Bodhidharma et Shaolin :
Que ce
soit dans la doctrine taoïste ou bien bouddhiste, la vertu morale recherchée ne
peut s’atteindre que par de long exercices de méditation. Ainsi, lorsque le
moine indien Bodhidharma fonda sa secte « chan » (le
« zen » au Japon) au monastère de Shaolin, en Chine, il se rendit
compte que ses disciples n’étaient pas en mesure de se concentrer et de se
livrer aux longues séances de méditation prônées par sa doctrine. Celle-ci
repose sur la conviction que le développement spirituel et l’accès à
l’illumination ne sont pas possible si l’on ignore son propre corps.
Bodhidharma décida donc de renforcer la résistance physique de ses disciples
d’une part grâce à une position du corps et une respiration correcte, et
d’autre part grâce à des technique de combat, destinée à se défendre des
brigands (dont certaines postures étaient imitées des animaux comme la grue, le
tigre, l’ours, le singe, le léopard…). Ainsi naquit, au VIIe siècle, la fameuse
boxe de Shaolin, technique de combat la plus rapide au monde, dont est issu le
Karaté.
Les
Shaolin étaient donc capables d’enseigner une discipline fondée sur de solides
principes moraux en promettant l’illumination sur terre, à condition
d’abandonner tout désir matériel. Cette philosophie est comparable à celle des
Stoïciens qui s’efforçaient d’ignorer la douleur, d’accepter la mort et de n’attacher
aucune importance à leurs biens matériels, à la différence que les Shaolin
admettaient aussi la possibilité de se défendre par la force, si nécessaire.
2-La légende du Japon :
Le lien entre les valeurs martiales, la religion et le mythe
revêtent une importance fondamentale dans le monde des samouraïs. Le mythe de
l’origine divine est le pivot de l’ascension de la classe militaire japonaise.
L’archipel Nihon-No, lui-même, c’est-à-dire le Japon, est né d’un acte divin.
La divinité Izanagi a projeté sa lance depuis le Pont du Ciel, jusqu’aux profondeurs
de l’océan, pour montrer son habileté à son demi-frère Izanami. Lorsqu’il retira
sa lance, des gouttes tombèrent de la pointe et se coagulèrent, donnant naissance
aux îles de l’archipel du Japon. Le shintoïsme, la religion des kami
(les dieux primordiaux), est la première forme de spiritualité japonaise. Il
subsistera après l’introduction des disciplines bouddhistes, provenant de la
Chine. Les principes philosophiques issus de l’Asie ont évolués et se sont transformés
en une tradition mythique, ce qui a donné une culture nouvelle pour laquelle
les valeurs martiales revêtirent une importance prédominante.
Le meilleur des hommes est le guerrier :
Un
ancien dicton japonais dit : « Hana wa sakura gi / hito wa
bushi » ce qui signifie : « La meilleure des fleurs est la
fleur du cerisier / le meilleur des hommes est le guerrier ». Le parallèle
entre la fleur de cerisier et le guerrier japonais est particulièrement
évocateur de la vision philosophique japonaise. La fleur de cerisier est
considérée comme la meilleure des fleurs pas uniquement d’un point de vue
esthétique. Il s’agit d’une fleur dont la vie ne dure que trois jours, destinée
à périr au moment de son épanouissement total. De même, le bushi, le guerrier,
réalise pleinement son existence uniquement au moment qui précède le sacrifice
ultime.
Au départ, les guerriers pratiquaient le bu-jitsu,
qui n’étaient pas des disciplines sportives et dans lesquelles l’on enseignait
guère de principes philosophiques étrangers au duel. Mais durant les périodes
de paix, les guerriers furent amenés à s’interroger sur leur position dans le
monde et sur la nécessité réelle d’être un simple instrument dans les mains du
pouvoir. C’est ainsi que l’on passa du bu-jitsu au budo qui
prévoit l’étroite corrélation entre la pratique du combat et le développement
spirituel.
3-Les samouraïs :
Le terme « samouraï » a été adopté conventionnellement pour indiquer non seulement le guerrier japonais dans son sens le plus large, mais aussi le pratiquant d’art martiaux en général, quelle que soit son appartenance sociale. Il sous-entend un rapport de « services et de fidélité » envers son supérieur direct : souvent, par exemple, il arrivait qu’un samouraï se fasse tuer sur un champ de bataille en endossant la cuirasse et en portant l’étendard de son supérieur, dont il prenait la place pour lui permettre de fuir.
L’engagement
à servir fidèlement son maître était inscrit sur un parchemin, avec un pinceau
imbibé du sang du samouraï. Par la suite le parchemin était brûlé face aux
divinités protectrices du clan, les cendres étaient dissoutes dans de l’eau et
avalées par le nouvel affilié. Il ne restait donc aucune trace de son
engagement si ce n’est la conscience d’avoir contracté une dette qu’il devait
honorer. Ce rituel renferme toute l’essence du giri
(« devoir »).
Les ronin : samouraïs sans maître :
Les ronin,
dont le nom signifie « hommes vagues »,ce qui rend parfaitement le
sentiment d’incertitude et le manque de stabilité caractéristique de leur condition,
ne constituaient pas un phénomène nouveau. Mais la figure du « samouraï
sans maître » acquit une importance particulière pendant l’époque de Tokugawa
avec la dissolution des armées et le démantèlement des clans. Ils avaient le
droit de porter le sabre mais ils étaient considérés comme un danger à la fois
par leurs ex-camarades et par le peuple. En effet, le ronin errant considérait
avec un égal mépris à la fois les samouraïs qui étaient au service d’un maître
et les paysans. Mais il était contraint, par sa situation, de développer une
discipline morale qui a inspiré l’image classique du guerrier japonais tel que
nous l’imaginons en Occident.
Les ronin et l’évolution des arts martiaux :
Indéniablement,
les ronin ont eu un rôle fondamental dans le développement du bu-jitsu.
En effet, ils étaient contraints d’affronter seuls toute une série de pièges
et de situations diverses qui imposaient des changements continus de stratégies
et des expérimentations destinées à la recherche d’une efficacité maximale.
Parallèlement, la doctrine zen, mise en œuvre grâce à une pratique continue
des arts martiaux, permettait d’affronter la solitude et la conscience de se
trouver sur un territoire hostile. Plus que jamais, ces arts martiaux constituaient
une règle de vie. Ils étaient soumis à d’incessantes vérifications sur le terrain
dont l’efficacité était indéniable ce qui a permis à ces guerriers de développer
les arts martiaux d’une manière beaucoup plus stimulante qu’il ne l’auraient
fait dans un affrontement de masse. On peut se demander si cette excellence
technique et cette position psychologique favorable aux combats étaient associées
à un code moral. Quoi qu’il en soit, de toute évidence, le zen s’adaptait
parfaitement à l’exigence d’hommes qui, par choix et par nécessité, devaient
toujours regarder la mort en face.
Le bushido, le zen et la philosophie des samouraïs :
Le bushido,
« la voie du samouraï », était un code de comportement non écrit mais
extrêmement strict. En réalité, il n’était pas nécessaire d’énoncer de préceptes,
car le bushido était l’expression d’une culture dont les valeurs étaient
enseignées aux jeunes samouraïs, dès les premiers jours de leur apprentissage,
avec une insistance quasiment maniaque. Les règles les plus importantes du bushido,
exprimant la culture martiale et la réalité de l’époque où il s’est développé,
sont au nombre de deux. La première, l’obligation de servir le maître, peut
s’appliquer assez difficilement aux ronin. Ceux-ci, bien que n’étant
pas liés par l’obligation d’accepter le sacrifice ultime, étaient toutefois
bien conscients de ce précepte fondamental de la classe militaire. Par ailleurs,
ils se trouvaient tous les jours confrontés au problème posé par le deuxième
principe : l’acceptation sereine de la mort, liée au giri, bien
entendu, mais allant bien au-delà. Tout comme le samouraï, le ronin était
bien conscient qu’il pouvait perdre la vie à tout moment. Il était par conséquent
nécessaire que le guerrier professionnel trouve une base philosophique grâce
à laquelle il pourrait développer une spiritualité l’aidant dans sa vie quotidienne.
A cet égard, il n’aurait pas pu trouver meilleur instrument que le zen.
L’école de méditation zen ne se limite pas aux disciplines de combat,
même si selon la légende, elle est étroitement liée à la tradition martiale
de Shaolin. Le zen est une voie qui mène à l’illumination et qui est
basée sur la réalisation de soi et l’éveil de la conscience. Par la pratique
d’une discipline (qui peut être la poésie, l’art de la disposition des fleurs,
la calligraphie ou la préparation du thé), le disciple zen se dépouille
de tout désir terrestre, accomplissant une série d’acte, répétés rituellement.
Avec l’abandon des besoins matériels (la cause première de l’obscurcissement
de l’âme), le disciple parvient au satori, l’illumination, qui lui permet
de trouver sa juste place dans le grand paysage de l’univers. La pratique d’un
art de combat est, à l’origine, uniquement liée à la quête du satori.
« Le
samouraï doit apprendre une seule chose : affronter la mort avec fermeté. »
Une disposition de l’esprit qui ne laisse pas de place pour l’hésitation ou pour la peur et un vide mental qui consiste à ne pas se préoccuper de sa propre sécurité sont les caractéristiques de l’état d’âme nécessaire à la survie victorieuse dans un duel. Un célèbre maître de Karaté, interrogé sur le principe de base de l’autodéfense, répondit : « Celui qui hésite méditera étendu au sol. »Mais il ne faut pas considérer le mépris pour le danger comme une recherche stupide de la mort.
Un autre
aspect fondamental de la formation spirituelle du guerrier est la capacité à
« deviner » l’habileté d’un adversaire et donc la présence d’un danger,
ainsi que la capacité de choisir une stratégie appropriée et le bon moment pour
frapper. Elles reposent sur le développement du ki : centre d’énergie,
qui permet de supporter la douleur et la souffrance et de renforcer sa volonté
pour atteindre les limites de l’humain.
4-L’art de combattre sans combattre :
Voyageant
sur un bateau, il rencontra un ronin errant, désireux de prouver sa
valeur à tout prix. Lorsque ce personnage arrogant lui demanda quelle était sa
spécialité, Bokuden répondit simplement : « L’art de combattre sans
combattre ». Le jeune homme interpréta alors cette réponse comme une
offense (ce qu’elle était, d’une manière subtile). Il insista pour avoir une
démonstration immédiate de cette technique, sûrement prodigieuse. Bokuden, avec
la sagesse du vétéran sûr de lui, accepta, proposant une petite plage voisine
comme lieu d’affrontement. Bouillant du désir de dégainer son sabre, le
ronin se laissa attirer sur une barque dont Bokuden largua les amarres,
sans y monter. Le jeune sabreur se retrouva donc à la dérive,
« battu » par l’art de combattre sans combattre. Cet épisode,
caractérisé par une ironie typique du zen, est une preuve de la manière
dont l’exercice des arts martiaux développait la capacité de déterminer s’il
valait la peine ou non de s’engager dans un duel et permettait d’éviter les
affrontements inutiles.
La philosophie
du samouraï équivalait-elle à un code moral ou éthique ? Non, certainement
pas d’un point de vue de la philosophie occidentale. Certes le confucianisme
et le bouddhisme avaient pénétré la culture japonaise, mais le zen, tel
qu’il était interprété par les bushi, ne tenait compte d’aucune norme
éthique autre que celle contenue par le giri, c’est-à-dire le devoir.
Il est difficile de juger les samouraïs et la discipline des arts martiaux selon
des paramètres modernes occidentaux.
Les arts
martiaux sont le miroir de la société dans laquelle il se développent. Au temps
des samouraïs, c’était une technique étudiée pour obtenir la victoire dans un
combat mortel. Leur philosophie était fortement influencée par la nécessité
de développer un état d’âme permettant la survie à tout prix. C’est une attitude
qui peut nous sembler impitoyable ou même amorale mais qui était parfaitement
conforme aux exigences de l’époque. D’autre part, cela ne signifiait absolument
pas que les arts martiaux formaient des hommes inutilement violents ou, a contrario,
sages et très respectueux de leurs prochains. La méchanceté et la générosité
sont des caractéristiques innées chez l’homme qui peut les développer ou les
étouffer. Parmi les samouraïs il y avait donc des hommes justes et des hommes
violents, des fous et des sages. La capacité de survivre, de tuer son ennemi
de mille manières différentes ou de l’épargner ne constituait qu’un vernis qui
recouvrait, sans les annuler, les tendances personnelles. Cela était vrai alors
et le reste aujourd’hui.
Cependant
de nos jours, la nécessité de survie n’est plus l’élément le plus important des
arts martiaux puisque le contexte ne l’exige plus. Tout les arts martiaux, dont
le Karaté, ont subit cette évolution qui les a progressivement transformées en
disciplines sportives.
6 Mars 2006