Naissance et Evolution d'une technique de guerre

devenue "l'art de la main vide"

 

 

Melissa PIZARRO-GONZALES , Fabien DELLA MAESTRA , Elodie BOUAZZA

et Elsa MOREL-CIVERA


 

En 1816, l’empereur Napoléon, exilé à Sainte-Hélène, apprenant que les habitants d’Okinawa ne portaient pas d’armes, demanda : « Pas d’armes ? Vous voulez dire qu’ils n’ont pas de canons ? ». Comme ses interlocuteurs, deux Anglais, lui expliquaient que les Okinawaïens n’avaient ni sabre, ni couteau, ni armes d’aucune sorte, Napoléon s’écria : « Vous voulez dire qu’ils ne portent vraiment aucune arme ? Je ne peux pas comprendre un peuple qui ne s’intéresse pas à la guerre ».

 

1-Les origines :

 

            Pour bien comprendre les origines du Karaté, il faut situer l’île d’Okinawa. C’est l’île principale de l’archipel des Ryû-Kyû, située entre l’île de Taiwan, le Japon et la Chine. L’archipel compte environ 70 îles. Dès le 10ème siècle, la Chine entretient des rapports commerciaux avec l’archipel des Ryû-Kyû. De nombreux chinois se rendent à Okinawa, parmi eux des experts de boxe chinoise. Les arts et la culture traditionnels de l’île portent l’empreinte de l’influence chinoise. A partir du 16ème, et ce jusqu’au 19ème siècle, cette île fut le théâtre de conflits entre le Japon et la Chine. Tour à tour, ces deux pays ont imposé leur souveraineté sur l’archipel. Chaque fois l’envahisseur instaura une domination militaire, interdisant toute arme, afin d’éviter les rébellions. Mais tout cela eut pour seul résultat de développer l’ingéniosité des habitants, obligés d’assurer leurs propres défenses personnelles avec les « moyens du bord ». Ainsi, pendant tous ces siècles d’occupation les techniques de combat à mains nues (d’abord appelées to-de « main de Tang ») se sont naturellement développées, transmises secrètement, de Maîtres à disciples. Les entraînements, qui se déroulaient le plus souvent la nuit, étaient basés uniquement sur l’efficacité. L’esprit de résistance, exacerbé par les exactions de l’occupant, et allié à l’instinct de survie ne laissait aucune au spectaculaire ou à l’esthétique.

En 1936 les maîtres d’Okinawa choisirent un terme unique pour désigner leur art. Plutôt que « Main de Chine » ils préférèrent « Main vide », autre transcription du terme kara.

 


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2-Kobu-jitsu : le  Karaté armé :

 

Lorsque l’on analyse les arts martiaux d’Okinawa, la pratique du ko-budo et du kobu-jitsu revêt une importance particulière. Ces termes recouvrent l’ensemble des disciplines de combat basées sur l’utilisation des outils agricoles transformés en armes. Il s’agissait d’une pratique qui n’était pas liées au to-de et qui, bien qu’elle soit aujourd’hui enseignée comme une spécialité du Karaté, en était totalement indépendante. Il est logique que les marins, dont l’arme était le kai, la rame, se soit peu intéressés à l’étude d’armes strictement paysannes. Il était également logique de penser que chaque ryu (école) étudiait l’utilisation d’une ou deux armes et ne s’intéressait qu’indirectement aux autres, uniquement parce qu’il existait l’éventualité d’avoir à affronter une personne armée de ce type d’instrument. La caractéristique principale du ko-budo était donc la facilité avec laquelle le pratiquant pouvait dissimuler son arme car il s’agissait d’un instrument de travail qu’il pouvait facilement porter sur lui, sans éveiller les soupçons.

Les armes :

L’arme la plus célèbre était le bâton, le bo, d’une longueur variant d’un mètre vingt à un mètre quatre-vingts. C’était un instrument caractéristique qui accompagnait le voyageur dans ses déplacements, mais il pouvait devenir également un instrument de travail, par exemple pour transporter des seaux d’eau ou autre matériel fixé à ses extrémités. Le bo est une arme formidable, en particulier si l’on considère son allonge, qui permet de maintenir à distance n’importe quel adversaire. On divisait traditionnellement le bo en trois parties : ten-gi-chi : terre-homme-ciel.

Rendue célèbre par les films de Bruce Lee, le nunchaku est une arme typiquement paysanne. Il s’agit en réalité d’un fléau (pour battre les céréales), formé de deux bâtons assemblés par une corde en poils de buffle. C’est une arme d’origine chinoise bien que l’on puisse en trouver différentes variantes dans toutes les cultures paysannes, notamment en Europe centrale. Le nunchaku d’Okinawa avait différentes formes mais, plus récemment, la version la plus répandue est celle comprenant des bâton à section octogonale, c’est-à-dire doté d’arêtes dont l’effet peut provoquer des résultats terribles, en cas d’impacts réels. Le nunchaku est une arme très difficile, qui nécessite une pratique assidue, si l’on veut maîtriser les prises et les « voltiges » que le pratiquant accomplit autour du corps pour donner une force centrifuge à l’extrémité qui est en contact avec la cible. Une prise trop rapprochée de la corde ou trop serrée peut entraver la fluidité du mouvement le rendant si ce n’est inefficace du moins dangereux pour celui qui l’exécute.

Toujours parmi les instruments paysans, on trouve le tonfa, constitué de deux bâtons d’une trentaine de centimètres de longueur, avec une poignée fixée perpendiculairement, grâce à laquelle l’arme peut être saisie et effectuer une rotation par un simple mouvement du poignet. A l’origine le tonfa était utilisé pour planter les pommes de terre mais il convient parfaitement au combat. En effet, il est possible de reproduire exactement les blocages et les coups de poings caractéristiques de l’art martial à mains nues d’Okinawa.

Les kama, des faucilles qui étaient généralement utilisées par paire, constituaient l’une des armes les plus dangereuses et les plus difficiles à manier à cause de la lame aiguisée (cet instrument était destiné à faucher le blé).

D’origine incontestablement maritime, le kai était une version légèrement différente du bo, doté de deux « ailes » plates qui pouvaient être à la fois utilisées pour les mouvement de blocage ou les frappes.

Le sai, une arme à trois pointes, assez lourde, qui était utilisée par les forces de l’ordre, contre les sabres et les poignards. Le sai était peut-être la seule arme du ko-budo véritablement utilisée contre le katana (sabre du samouraï) même si l’on s’en servait uniquement contre des samouraïs ivres ou peu habiles. Le sai était généralement utilisé par deux, mais les policiers d’Okinawa en portaient un troisième, glissé dans la ceinture, dans le dos, comme arme de rechange, ou plus simplement comme arme de lancer.

 

3-Le Karaté entre à l’école :

 

Selon toute vraisemblance, à l’origine, les arts martiaux étaient enseignés dans les familles où la connaissance des techniques de combat était transmise de père en fils. Mais avec l’apparition des premiers clans guerriers, il devint nécessaire d’instruire un nombre toujours plus important de soldats professionnels, dont une grande proportion ne provenait pas de familles habituées à l’usage des armes d’où la création d’écoles.

Le dojo :

Le mot « dojo » dérive du sanskrit bodhimandala que l’on peut traduire comme « lieu où l’homme atteint l’illumination », terme qui, c’est évident, n’a pas une connotation purement martiale.

 En pratique normale, le dojo kun est récité (en japonais) après une courte période de méditation (Mokuso) à la fin du cours. La procédure normale est que l’élève le plus gradé récite une ligne et que les reste de la classe la répète jusqu'à la fin de la séquence :

            -Travaille pour perfectionner ton caractère

            -Ait de la fidélité en cherchant la vraie voie

            -Cultive un esprit d’effort et de persévérance

            -Agit toujours avec bonnes manières

            -Retient le comportement violent et incontrôlé

Le ryû :

L’école d’arts martiaux, dans le sens non pas d’un lieu physique, mais d’un ensemble codifié de systèmes de combat, armés ou sans armes, prenait le nom de ryû. Chaque ryû développait sa méthode, dotée de caractéristiques techniques particulières, qui le rendait unique par rapport aux autres. Les pratiques et les stratégies de chaque ryû étaient considérées comme secrètes et leur diffusion en dehors de l’école était interdite. Le secret a toujours constitué l’une des caractéristiques des écoles d’arts martiaux mais, au Japon, il a atteint un niveau quasiment maniaque. Aujourd’hui, l’enseignement n’est plus secret mais la fascination exercée par les écoles anciennes subsiste dans la tradition des disciplines modernes.

Aux environs du milieu du 15e siècle, l’art du maniement du sabre atteint son sommet avec de grands maîtres qui, désireux de célébrité, codifièrent leur système de combat et regroupèrent autour d’eux un grand nombre d’élèves. Dans certains cas, ils apportaient des changements substantiels à la technique, fondant parfois leur propre école. En d’autres occasions, l’élève devenait maître, sans modifier le patrimoine du ryû. On parlait alors de ryû dérivés. Avec la fin des guerres, les écoles se multiplièrent et, par conséquent, les méthodes d’enseignement commencèrent également à évoluer. Par exemples, on introduisit des kata devant être exécutés par deux pratiquants avec un contrôle des coups.

 

Grades et ceintures :

Selon certaines sources, le guerrier qui accédait au ryû subissait une instruction jusqu’à ce qu’il fasse preuve d’une habileté suffisante pour affronter son ennemi en un combat réel. Il semblerait donc que le système actuel de ceintures de différentes couleurs et de « dan » numérotés pour qualifier le niveau d’expérience n’est pas lié à l’époque classique. A un moment historique où l’on étudiait l’art du combat pour survivre, la preuve de son habileté se faisait pendant des affrontements réels. On était ou on ne l’était pas, voilà tout. L’utilisation de la couleur pour les différents grades semble avoir eu une origine dans les subdivisions adoptées dans les milieux bureaucratiques d’inspiration chinoise.

A cette époque comme aujourd’hui d’ailleurs, la réalité du combat pouvait balayer tous les grades conquis héréditairement ou par mérite académique. De grands « sabreurs » et des maîtres pouvaient peut-être jouir d’une reconnaissance formelle pour leur habileté mais la célébrité et, surtout, la survie étaient dictées par les preuves de « l’acier » et non par un symbole extérieur.

 

Le maître et les élèves :

Les Japonais, qui ont le sens de la formule imagée, désignent les enseignants comme « ceux qui sont passées par où leurs élèves passeront », c’est-à-dire celui qui est devant. Un sensei, ce n’est ni plus ni moins que cela : un homme d’expérience et de maturité, qui peut éclairer le chemin de la pratique pour ses élèves. C’est le temps qui permet au pratiquant de découvrir, par lui-même, ce qui fait un bon sensei. L’élève qui vient apporte avec lui une infinie variété de problèmes. Le sensei (au contraire du gourou) sait qu’il ne peut pas les résoudre à sa place, à moins de vouloir prétendre être un (mauvais) thérapeute. Mais il ne peut non plus se contenter d’être un professeur de gymnastique. Il sait une chose : il a résolu ses problèmes par la pratique du budo. Par son attitude, il aidera ses élèves, à leur tour, à se prendre en charge et à trouver eux-mêmes leurs propres réponses. Comportement comparable à celui de Socrate qui  se contentait de montrer la voie à suivre sans jamais tenter d’inculquer à quiconque sa philosophie. En effet, autant Socrate que les sensei avaient compris qu’aider les gens ne résidait absolument pas dans le fait de leur fabriquer des solutions toutes faites.

De ce fait, les liens personnels entre le sensei et l’élève sont d’une nature bien particulière. Il ne s’agit pas d’un contrat légal, justifié par le paiement d’une cotisation. Le lien est fondé sur la conviction de l’élève qu’il a acquis envers son professeur une dette qu’il ne pourra jamais payer, surtout pas en argent. Cette conception est peut-être démodée, mais elle est à la base de l’engagement du pratiquant pour sa pratique.

 

Les missions du sensei :

Un des rôles du sensei était d’imaginer et d’essayer de nouvelles solutions techniques, en inventant de nouvelles armes et de nouvelles stratégies, pour assurer les meilleures chances de survie pour leurs élèves. Il devait également posséder une qualité qui différenciait un simple manieur de sabre d’un véritable sensei : la pédagogie. A l’époque, comme aujourd’hui, certains hommes étaient plus doués pour le combat car ils étaient dotés d’une capacité de survie instinctive. D’autre, peut-être moins doués sur le terrain, étaient plus habiles pour transmettre leurs connaissances. Parfois le samouraï invincible ne se rendait pas compte des difficultés éprouvées par des combattants moins doués dans l’apprentissage de techniques particulières. Le véritable sensei, lui, possédait la capacité d’évaluer les qualités de l’élève de manière à pouvoir lui fournir une instruction la plus efficace possible.

 

Le sensei et le zen :

Nous l’avons vu, tous les sensei n’étaient pas tous du même niveau. Comme cela arrive souvent aujourd’hui, la reconnaissance officielle ne garantissait pas systématiquement des capacités professionnelles. Il était également vrai que tous les sensei n’étaient pas en mesure d’enseigner, outre l’art du combat, la philosophie qui était à la base des arts martiaux. Si le zen était une pratique habituelle de toute la classe militaire, au même titre que la technique de combat, il pouvait être maîtrisé à différents niveaux. Les véritables sensei parviennent à créer un lien indissoluble entre leur habileté et leur pensées philosophiques. Le contact quotidien avec les duretés de l’entraînement et la nécessité d’en pénétrer les profondeurs philosophiques réussissent parfois à faire des miracles. Le sensei devenait un maître dont les enseignements étaient utiles non seulement pour les combats menés le sabre à la main mais également pour la lutte, presque aussi terrible, que représentait la vie quotidienne. A cet égard, nous aimerions citer une histoire souvent mentionnée dans les chroniques martiales japonaises. Un sabreur arrogant, convaincu d’être également un sensei, se rend chez un collègue plus âgé et commence à tester ses capacités. L’autre sensei, un homme plus posé et n’aimant guère la gloriole, ne répond pas à ses provocations. Il préfère amener le jeune homme sur la rive d’un fleuve où, sans proférer le moindre mot il plante son katana au fond de l’eau. A ce moment là, une feuille entraînée par le courant se rapproche de la lame qui la coupe en son milieu exactement. Ebahi et humilié, le jeune sensei s’éloigne et pendant des années, il se consacre à un entraînement toujours plus intensif. Lorsqu’il se sent prêt, il retourne chez le vieux sensei et lui dit : « Regarde, vieil homme, moi aussi j’ai appris ta technique ». Après avoir prononcé ces mots il plante le katana dans le fleuve et, quelques instants après, une nouvelle feuille apportée par le courant est découpée exactement en deux par le fil du sabre. A ce moment là, le vieux sensei plante à son tour le katana dans le fleuve. Sous les yeux stupéfaits du jeune, une autre feuille est entraînée vers la lame. Cette fois, comme si c’était grâce à une force magique transmise par l’esprit du vieux sensei, la feuille est déviée d’un souffle avant de rencontrer le fil du katana. Le vieux sensei sourit, et le jeune s’éloigna, humilié.

La légende ne précise pas si l’impétueux jeune homme avait compris le message implicite du geste du sensei. Ce dernier avait très certainement que la véritable force d’un manieur de sabre résidait dans la capacité à éviter le danger sans sortir le sabre. Finalement, on peut dire que c’est la le seul secret des arts martiaux. Un enseignement qui, étant donné le contexte violent dans lequel ces activités se déroulaient, peut sembler paradoxal. Rares sont ceux qui sont en mesure de le comprendre.

 

 

4-Les Grands Maîtres japonais et leur vision du Karaté :

 

Comme nous l’avons vu plus haut, certains maîtres de l’île d’Okinawa modifièrent les techniques du Karaté, aboutissant ainsi à différent style. De plus, chaque maître étant différent par leur caractère et leur vision de la discipline, chaque style représente un état d’esprit propre.

 

Anko Itosu (1830-1915) : Le passage au Karaté moderne :

Anko Itosu avait une force colossale et une poigne restée légendaire, pourtant, il n’a jamais utilisé cette puissance redoutable avec excès et s’est toujours contenté de se défendre. Il possédait des qualités pédagogiques indéniables et ce fut lui qui instaura l’apprentissage du Karaté appelé Okinawa-te dans les écoles et les lycées de l’île en simplifiant la technique de la discipline notamment grâce à l’invention des 5 Pinan, kata de bases de n’importe quel style de Karaté.

 

Yuchoku Higa (1910-1994) :

« Je veux défendre la tradition, explique Maître Higa. Au Japon, le Karaté est devenu un sport et c’est regrettable. Le but de la pratique est de former un homme accompli. Pour cela, on doit entraîner son cœur et son esprit. Or, maintenant dans les universités, cette recherche à disparu. On ne pense plus qu’à la compétition… »

 

Katsuya Miyahira (1918- 1995) : Le Shôrin-Ryû :

Le Shôrin-Ryû, comme dans la plupart des styles de Karaté, met l’accent sur la puissance et la vitesse des mouvements, mais il privilégie pour cela la respiration. En effet, d’après Katsuya Miyahira, une bonne respiration doit permettre de contrôler sa puissance et d’augmenter sa vitesse. Malgré tout, le but du Karaté reste le même pour à peu près tous les maîtres : l’éducation, pour former l’individu.

 

Chôjun Miyagi (1888-1953) : Le dur et le doux :

Il a consacré entièrement sa vie au Karaté et à l’étude des arts martiaux en général. Dans les années 1920 il fonda son propre style : le Gôjû-Ryû, dont il trouva le nom à partir d’un vers d’un célèbre ouvrage :  « Tout dans l’univers respire dur et doux. » En effet ce style de Karaté était basé autant sur les combats que sur la méditation, ce qui correspondait tout à fait à la carrure et à la psychologie du maître lui-même qui était à la fois fort, bien bâti et également calme, souriant et très humble.

 

Kanbun Uechi (1877-1948) : Uechi-Ryû :

Alors qu’il était encore jeune, son père avait des problèmes avec ses voisins, aussi Kanbun décida d’apprendre les arts martiaux pour devenir fort et respecté. C’est ainsi que naquit le Uechi-Ryû qui est un style de Karaté très dur dans lequel la compétition au K.O. est autorisée. Il se base essentiellement sur la musculation et le durcissement des armes naturelles du corps humain (extrémité des doigts, tranchants de la main, du pied…), afin que le corps soit capable d’absorber sans effort un coup même puissant.

 

Gichin Funakoshi (1869-1957) : Shôtôkan :

C’est le fondateur du style le plus pratiqué au monde de nos jours. Il repose essentiellement sur l’apprentissage des kata et des bunkaï : c’est un style qui demeure très traditionnel, avec des positions basses et rigides. La plupart des grands maîtres japonais d’après guerre sont passés par le Shôtôkan avant de créer leur propre style.

 

Hironori Ohtsuka (1892-1982) : Wadô-Ryû:

Pour certains le Wadô-Ryû (« Ecole de la Voie de la Paix ») est le seul style « véritablement japonais ». Ohtsuka a commencé par apprendre le Karaté Shôtôkan avec Funakoshi, mais étant donné sa morphologie (il était petit et mince) il trouva ce style trop rigide dans sa technique et trop limité dans ses formes d’enseignement. Ayant des connaissances en Jû-Jutsu et en médecine il modifie légèrement la technique que lui a appris Funakoshi. C’est ainsi qu’il crée le Wadô-Ryû, école dans laquelle est recherchée la voie qui permet d’accéder à la paix (le symbole du style est une colombe). Le plan technique, le Wadô-Ryû apparaît comme un style souple, fluide, esthétique, dont les mouvements respectent les possibilités naturelles du corps. La force de l’adversaire est utilisée, dirigée et retournée contre lui-même. La notion d’esquive prédomine, ce qui s’adapte parfaitement avec la morphologie d’Ohtsuka. Le Wadô-Ryû apparaît comme un des styles les plus complets du Karaté.

 

Kenwa Mabuni (1889-1952) : Shitô-Ryû :

Il connaissait l’art d’attaquer les points vitaux et même les techniques qui peuvent entraîner la mort longtemps après le coup. Il est lui aussi très conservateur de la tradition. Il pensait qu’un élève devait être « fort », moralement comme physiquement. C’est pourquoi il lui arrivait de frapper durement ses élèves…c’était pour leur bien, disait-il.

 

Masutatsu Oyama (1923-1994) : Kyokushinkai :

Le Kyokushinkai a été crée à la fin des années 50 par un maître devenu depuis une légende. Ce style est considéré comme étant l’un des styles les plus durs, les plus efficaces et les plus intransigeant du Karaté japonais. C’est après avoir décidé de consacrer sa vie au Karaté qu’il prit le nom japonais de Mas Oyama. Il eu une adolescence turbulente et avait pour modèle humain Otto von Bismarck, unificateur de l’Allemagne. Il étudia le Zen et un style de karaté dans lequel les règles sont simples : il n’y en a pas. Il a passé un an et demi à s’entraîner seul dans les forêts du Mont Kiyosumi, pour approfondir la voie du Karaté et celle du Zen. « Mon entraînement quotidien commençait très tôt le matin, par une séance de méditation et de purification spirituelle effectuée sous les eaux glacés d’une cascade. Après quoi je retournais en courant dans mon humble demeure pour y poursuivre mon entraînement…J’utilisais tout ce que la nature pouvait mettre à ma disposition pour développer ma force et ma condition physique. Je prenais soin de ne négliger aucune partie de mon corps ni aucun aspect de l’entraînement. La matinée était ainsi consacré au renforcement de mes qualités musculaires et respiratoire…Je courais dans les montagnes, déplaçais des pierres et des troncs d’arbres, plongeais dans des torrents glacés…Ce premier entraînement du matin se terminait par une nouvelle séance de méditation…L’après-midi était consacré à la pratique du Karaté…J’avais installé des makiwara sur les troncs des arbres et je les frappais pendant plusieurs heures, des poings et des pieds. Je m’exerçais également à la casse jusqu’à ce que l’état de mes mains m’empêche de continuer… Quand l’obscurité tombait sur les montagnes, j’allumais une bougie dans ma pauvre hutte et accrochais au mur une feuille de papier blanc sur laquelle j’avais tracé deux cercles, l’un symbolisait l’action et l’autre l’inaction. En observant ces deux cercles, j’entrais dans une profonde méditation… Ce séjour prolongé, loin de toutes civilisations, me permis d’augmenter de manière considérable mon niveau en Karaté mais surtout, d’atteindre un état mental particulier qui n’avait plus rien à voir avec ce qu’il était auparavant. » Oyama a passé sa vie à se battre, contre des lutteurs, des boxeurs, des taureaux, contre les hommes et les idées de son temps. Son style occupe une place à part dans le monde des arts martiaux. Une place gagnée à la force du mental et du corps de celui qui fut sans conteste un des plus grands maîtres du XX ème siècle.

 

 

 

III. L'image du Karaté : 
qui pratique? et pourquoi?

 


 

1- Vision moderne du Karaté en Occident :

 

            De nos jours le Karaté a perdu sa valeur spirituelle et une grande partie de sa philosophie pour la majorité des gens. Cet art est surtout considéré comme un produit utilisé pour faire des films uniquement à des fins commerciales. La naissance de cette discipline est au départ due à la nécessité de se défendre alors qu’elle présente de nos jours un côté lucratif et qu’elle est victime d’un phénomène de mode. Cette commercialisation a occulté les véritables origines de cet art. L’acteur Jean-Claude Van Damme est l’exemple même du personnage qui se sert du Karaté comme un tremplin pour sa carrière et pour mettre un peu de beurre dans ses épinards ! Dans la grande majorité de ses films d’action il se fait passer pour un  « maître des arts martiaux » mais il ne fait ressortir en rien les valeurs essentielles qui sont le fondement même de ces disciplines (respect de l’autre, humilité…). Même les films de Jackie Chan, qui au début de sa carrière avait pourtant l’esprit original des arts martiaux, ont dû se rabaisser au niveau du « Karatéka-super-héros » afin de plaire à un public avide d’actions pures et non de philosophie. Malheureusement, tous les films « américanisés » sont dans la même optique.

 

            Le seul et unique lieu où l’esprit originel a été le moins « touché » par la commercialisation et la migration vers les pays occidentaux est le dojo , lieu de découverte  de cet art. Les clubs de Karaté accueillent de nouveaux adeptes toujours plus nombreux mais cet intérêt est essentiellement suscité par l’image que leurs montrent les films d’actions. Tous les clubs s’efforcent plus ou moins de conserver les traditions avec par exemple le respect mutuel (saluts répétés), les explications des gestes, les moments de concentration (Mokuso), de « méditation » pour canaliser l’énergie… L’image du sensei, même si elle est moins emblématique garde un aspect paternel : même si le maître est distant ou jeune il reste pour ses élèves une référence et gardera une grande importance dans leur vie. Pourtant, certains éléments des dojo japonais sont pas ou peu appliqués en occident. Le dojo kun par exemple est rarement récité dans les clubs occidentaux, ce qui constitue une perte importante dans l’esprit que doivent avoir tous les pratiquants. En effet, le dojo kun montre le chemin vers le but ultime de l’entraînement, qui est la maîtrise de soi. Finalement, la technique n’a que peu d’importance, c’est l’esprit individuel qui doit être éduqué et discipliné. En suivant sérieusement les techniques inhérentes à ces apparemment simples préceptes, l’étudiant peut commencer à faire des progrès vers la Voie des arts martiaux.

 

            Le Karaté, comme tout les autres arts martiaux, est un paradoxe. Seulement la plupart des gens ne le connaissent pas et voient dans cette discipline un sport de combat semblable à la boxe ou à une quelconque activité dans laquelle le seul but est de blesser son adversaire. D’ailleurs, l’expression « philosophie du Karaté » a tendance à faire sourire les gens car ils sont souvent loin de s’imaginer que cette discipline puisse contenir la moindre philosophie. C’est sans aucun doute l’image trop guerrière véhiculée par les films qui amène cette ignorance.

 

 

2-La modernisation dans le style :

 

Après un siècle de modernisation, les sports de combat sont aujourd’hui dans une impasse, du moins c’est ce qu’estime le maître Yoshinori Kono, maître moderne enseignant à Tokyo et auteur de nombreux ouvrages sur les arts martiaux anciens. Pour les réinventer, celui-ci a étudié les techniques anciennes. Il ne se base pas seulement sur la technique moderne occidentale, mais il tente de réutiliser celle des samouraïs, pour surprendre « l’ennemi » en exécutant des mouvements auxquels il ne s’attendait pas.

« Les arts martiaux, comme tous les sports de combats, se fondent sur l’anticipation. Mais prévoir les actions de l’adversaire n’est possible que si les mouvements sont régis par certaines règles.[…] Autrement dit, si une action est exécutée suivant un ordre plus ou moins préétabli, elle fournit des informations qui rendent l’anticipation possible. […] Mes gestes peuvent être imprévisibles car je parviens à « effacer » les appuis des mouvements grâce à la technique qui consiste à déplacer très légèrement certaines parties de mon corps, comme les hanches et le buste. […] J’introduit ainsi des gestes que l’on a pas l’habitude de voir exécuter et qui surprennent l’adversaire. »

Cependant, même si la modernisation des arts martiaux leur à enlevé quelques aspects, cette évolution technique leur a aussi permis de se transmettre jusqu’à aujourd’hui. En effet, si ces disciplines n’avaient pas suivi l’évolution des hommes eux-mêmes et du contexte historique ils auraient probablement disparus. Désormais, nous n’avons pas besoin de survivre à tout prix et donc il ne s’agit de trouver coûte que coûte des techniques de plus en plus performantes. Mais il est toujours intéressant de retourner aux « sources » des arts martiaux en tentant de se mettre à la place des samouraïs ou des habitants d’Okinawa à l’époque féodale pour tenter de retrouver des gestes techniques aujourd’hui plus ou moins disparus.

Il existe également depuis à peine un an ou deux une nouvelle discipline en compétition de Karaté : le Karaté artistique. Il est pour l’instant peu répandu mais a, semble-t-il, un avenir prometteur. Comme son nom l’indique, cette discipline (pour laquelle on est tout de même obligé d’avoir un bon niveau en technique) met l’accent sur le côté esthétique du Karaté et non sur l’efficacité. Elle consiste à faire un enchaînement, un peu comme dans un kata, mais en incluant des acrobaties : saut périlleux, « flips », coups de pieds sautés…Ces enchaînements peuvent également se faire avec les armes du kubu-jistu, par exemple des faucilles, un nuchaku, un bô, ou même avec un sabre. Tout est basé sur le spectaculaire et l’on ne cherche pas à savoir si les défenses ou les attaques utilisées sont efficaces ou non, il s’agit plutôt d’une démonstration de force, de souplesse et d’habileté (il en faut pour faire tourner les armes à toute vitesse !). Ces enchaînements se font d’ailleurs sur une musique rapide, comme la techno, et en kimono noir ce qui donnent un petit air de ninja. On ne peut considérer que le fait de ne pas toujours mettre l’accent sur la nécessité de survie est une perte. Le Karaté artistique est tout simplement un plus pour la discipline, dans lequel la rigidité des kata laisse place à l’imagination pour créer des chorégraphies avec ou sans armes. On pourrait dire que la tradition a été perdue si il y avait seulement ce genre de disciplines, basées sur l’esthétique, or ce n’est pas le cas.

 

 

3-Enseignement du Karaté aux jeunes enfants :

 

Du côté de l’enseignant :

L’attitude des jeunes face aux arts martiaux qui, grâce à une publicité faite par les films essentiellement, ont fini par faire partie de leur environnement quotidien, qui les ont séduit, tenté, voire enthousiasmé, pose un problème en ce qui concerne l’enseignement. Ces jeunes, et même souvent ces très jeunes, voient dans les disciplines martiales une manière de rejoindre les adultes. Il est certes vrai que pour certains sports de combat tel le judo dont les effectifs sont aux trois quarts composés de jeunes l’enseignement se passe très bien. Mais le judo est de par son essence même un moyen d’éducation plus qu’une méthode de combat alors que le karaté n’a jamais été autre chose, jusqu’à des temps très récents, qu’une technique de guerre. Même si la vision moderne de voir les choses encourage l’apprentissage à des enfants de plus en plus jeunes dans le but de former de futurs champions, il ne faut pas oublier que, sur le plan mental et moral, les bases sur lesquelles on pousse ces enfants les marqueront à jamais (d’où l’importance du sensei).  Vouloir enseigner trop tôt un geste technique d’adulte n’est rien d’autre qu’un dressage ; et, paradoxalement, non seulement on aboutit à l’acquisition d’automatismes rigides et d’ailleurs techniquement peu satisfaisants, mais une telle orientation serait une entrave aux progrès futurs. Si l’on veut apprendre à l’enfant le respect et un certain nombre de bases, aussi bien technique que mentales, et qui font la spécificité du Karaté, sa liberté d’action est très vite entravée. Il n’est pas facile de ramener un sport de combat à l’échelle enfantine. L’adaptation doit-elle le réduire à un simple jeu ? Ou en faire un banal exercice d’habileté et de coordination motrice ? Il existe alors tant d’autre sports moins sujets à des déviations ultérieures dangereuses et irréversibles. Tomber, être immobilisé, être frappé (même avec contrôle), voire touché par manque de contrôle du partenaire, ne vont pas sans profonde résonance affective. Alors quels justificatifs avancer à l’enfant ? Comment l’aider à surmonter l’apparent contraste entre le message de paix contenu dans tout Budo et son extériorisation parfois si brutale, alors que la très grande majorité des pratiquants adultes n’arrive pas à sortir de cette contradiction ? Comment lui faire admettre à temps que la véritable efficacité ne va pas sans maîtrise mentale ? Il appartient au sensei de trouver un juste milieu entre le jeu, nécessaire à l’enfant et l’apprentissage pour lequel il s’est déplacé au dojo. Cela demande un travail en profondeur, une création continue et souple, évolutive en fonction du public et des problèmes posés, non une progression empirique débouchant sur un acquis spectaculaire mais fragile.

 

En créant une session pour les enfants ou les adolescents, il s’agit bien sûr de faire une initiation à un sport dont les véritables dimensions ne pourront être perçues qu’à l’âge adulte. Mais indépendamment de ce travail de défrichage, il y a d’autres objectifs, à plus court terme. Pour le jeune élève découvrir le Karaté peut également être (en fonction de la qualité du sensei) une découverte de soi et des autres, un moyen de communication à travers l’échange de techniques. C’est aussi lui donner un moyen, qu’il à choisi et dont par conséquent il disposera plus facilement, de connaître le monde et la société dans laquelle il vit et dont le dojo est une sorte de reflet ; c’est donc lui faire découvrir et admettre un système de valeurs, comme le sens de l’effort, la volonté, l’entraide, etc. C’est à l’adulte de lui donner les repères indispensables, de lui proposer dès le départ une « voie » à son échelle.

 

Du côté de l’enfant :

 

Expérience personnelle de l’auteur du livre  « Les Secrets des Arts Martiaux » :

 

            En 1972, je m’était depuis quelques mois, engagé sur la voie fabuleuse des arts martiaux. Dans la grande salle des sports communale, je faisais mes premiers pas incertains, dans une discipline qui, m’avait-on dit, permettait « au faible de battre le fort », forgeant le corps et l’esprit dans la pratique d’un art qui s’est transmis de siècle en siècles depuis l’époque des guerrier féodaux japonais. Je portais mon premier kimono qui avait deux tailles de trop pour moi, et qui était serré à la taille par une ceinture encore trop raide et totalement blanche. Comme mes camarades, tout aussi raides et engoncés que moi, je rêvait que, bientôt, cette ceinture deviendrait noire. J’étais convaincu que ce grade me transformerait en un combattant invincible. Je ne savais rien des arts martiaux ni de leur monde.

 

            Depuis ce jour, j’ai entamé une aventure merveilleuse et fascinante. Peu à peu s’est ouvert à moi un univers extrêmement varié. J’y est rencontré des instructeurs compétents et des pseudo-maître, intéressés uniquement par les cotisations de leurs élèves, des champions incapables d’affronter la réalité de la vie et d’honnêtes pratiquants, qui ne sont certes jamais devenus invincibles, mais qui ont compris le sens profond de la discipline. Concrètement, j’ai appris à connaître la réalité des arts martiaux. J’ai compris que les techniques de combat orientales n’ont rien de magiques et surtout qu’elles ne peuvent pas transformer un pratiquant en un surhomme. Mais j’ai constaté aussi que l’exercice régulier et la passion peuvent aider à développer des dons particuliers et contribuer à l’épanouissement d’une personne meilleure.

 

            Je me souviens d’une occasion où, avec un camarade d’entraînement, j’était en train d’essayer une technique d’étranglement au sol. En judo, lorsqu’un combattant subit ce mouvement, et qu’il s’aperçoit qu’il ne peut pas s’y soustraire, il donne des petits coups répétés de la main sur le tapis de sol ou sur le corps de son adversaire, pour se rendre et interrompre l’étranglement. Mais, bien que mon exécution de cette technique fût correcte et que mon ami fût devenu couleur pivoine, je ne parvenais pas à l’obliger à se rendre. Je lui en demandai la raison et reçus une réponse laconique : « un véritable samouraï ne se rend jamais ! » me souffla-t-il, à moitié étouffé, avant que le maître ne lui passe un « savon » en le mettant en garde contre la stupidité et le danger représenté par une attitude semblable. Nous avions tous deux reçu notre première « véritable » leçon d’arts martiaux. Pourtant, au plus profond de nous-mêmes, nous restions persuadés qu’un samouraï authentique ne se serait jamais rendu. Je considère que cet épisode est significatif : en effet, il s’agit de l’une des idées les plus erronées et les plus répandues parmi les non-pratiquants (mais aussi, hélas, parmi un grand nombre de ceux qui s’adonnent à ces arts). J’étais face à un dilemme : d’une part mon imagination me suggérait des images de guerrier invincibles, qu’aucune blessure ne pouvait atteindre. D’autre part, le bon sens et les règles imposées par ce sport pratiqué d’une manière moderne m’indiquaient que la réalité était beaucoup moins héroïque que les rêves suscités par les romans ou par les films. Mais je suis parvenu à la conviction que, pour comprendre aujourd’hui les arts martiaux et leur esprit, il est nécessaire de connaître et d’évaluer ces deux aspects.

           

4-Pourquoi vouloir pratiquer un art martial ?

            La première chose à constater est que grâce au contrôle des coups et à l’élimination des techniques mortelles, les arts martiaux sont devenus accessibles à tous. C’est peut-être en cela que réside la raison de leur succès dans le monde. N’importe qui peut devenir un bon karatéka, sans pour autant être obligé de se fracturer le nez ou de combattre véritablement, en donnant ou en recevant des coups. En outre, cette discipline peut être pratiquée jusqu’à un âge avancé, ce qui présente des avantages bénéfiques évidents pour le physique et pour l’esprit.

            Mais une question se pose : pourquoi pratiquer des arts martiaux alors qu’aujourd’hui la nécessité de se défendre à mains nues ou avec une arme blanche a quasiment disparu de notre existence ? Bien sûr, la réponse à cette question varie suivant les gens, mais il est intéressant d’essayer de comprendre ce qui les encourage d’une manière générale à s’inscrire dans un dojo. Aujourd’hui, la défense, objectif originel des arts martiaux, est devenue peut-être la moins importante de toutes les raisons qui nous poussent à endosser des tenues d’entraînement. Ce sont les valeurs modernes du sport, à savoir la conscience de ses propres capacités et le divertissement, qui ont pris le dessus en faisant des anciens arts de combats des disciplines éducatives, grâce auxquelles on peut apprendre quelque chose sur soi-même, se mettre à l’épreuve et mener une certaine socialisation. La nécessité d’une amélioration personnelle à travers l’entraînement n’a pas disparue mais elle se manifeste d’une manière différente ce qui est tout à fait logique puisque le contexte d’aujourd’hui est totalement différent de celui du Japon féodal. Il est sûrement juste qu’il en soit ainsi. Les arts martiaux ont évolués, les méthodes d’enseignements et les finalités ont changé, mais leur essence subsiste : ce sont des systèmes permettant d’obtenir une amélioration du pratiquant, au niveau physique (grâce à une activité intensive) et spirituel, par exemple par l’enseignement de la maîtrise de soi ou, pourquoi pas, à travers la divertissement. Les arts martiaux constituent, en effet, des activités où chacun peut trouver un motif de divertissement. Au travers de ces disciplines, chacun peut améliorer sa santé physique et mentale, et, surtout, éprouver jour après jour, grâce à un enseignement continu mais ne nécessitant pas forcement beaucoup de temps.

            C’est là que réside la magie unique et inestimable des arts martiaux.

 

CONCLUSION


A partir de nos recherches et documentations il nous est désormais possible de répondre à la question portant sur le paradoxe du « combattant pacifiste ». Nous pouvons constater que les arts martiaux évoluent avec l’esprit des Hommes et le contexte historique. En effet, en temps de guerre au Japon féodal, les samouraïs se servaient de leurs techniques de combats uniquement pour se battre sans chercher un développement spirituel personnel. Comme tout guerrier, le samouraï était un combattant sanguinaire.

 

Cependant, c’est en temps de paix, lorsque la nécessité de se défendre n’avait plus lieu d’être, que le samouraï désira se servir de ses techniques de guerre  à des fins plus spirituelles. Et ainsi naquit la philosophie des samouraïs reposant sur le zen.

 

Dès lors, les arts martiaux constituèrent un paradoxe puisque les techniques de combat continuaient d’être enseignées en vue d’une guerre éventuelle, mais elles avaient désormais un aspect spirituel, qui de nos jours est d’autant plus important que nous n’avons pas la nécessité de nous battre. Il en est de même pour le karaté qui avant de devenir un sport de combat était une technique de défense voire même de survie. Mais avec le temps, cette discipline se codifia en entrant dans les écoles et en s’adressant à un public plus jeune. Aujourd’hui il est un discipline sportive à part entière, mais celle-ci a un passé beaucoup plus chargé que les autres qui, malgré toutes les évolutions, laisse des traces.

 

C’est ainsi que l’expression « sport de combat » ou « art martial » gardent leur connotation guerrière tout en désignant une discipline sportive qui permet peut-être plus que toute autre un développement spirituel de l’individu.

 

Malgré l’image parfois très péjorative donnée dans les films, les arts martiaux reposent sur un esprit qui s’efforce de rester proche de celui des maîtres japonais. Mais le meilleur moyen de le comprendre est sans doute de découvrir ce monde à part, dépaysant, en pratiquant un art martial.

 

 

 

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6 Mars 2006