La Relaxation et la Yogathérapie

Dr Bernard Auriol

 

" Dans le monde animal auquel il appartient, l 'homme est la seule créature
capable de maintenir pendant de longs moments son corps dans un état de tension complète.
La contrainte est la véritable source de toutes les fatigues et larmes causées par la vie "

HANS SELYE

 

Schultz (151) dans le but d 'obtenir une meilleure intégration du schéma corporel et une plus grande maîtrise tonico-émotionnelle, préconise chez les "petits névrosés", les " fonctionnels ": les malades " psychosomatiques " sa méthode qu 'il définit : un système d 'exercices physiologiques et rationnels soigneusement étudiés pour provoquer une déconnexion générale de l 'organisme qui, par analogie avec les anciens travaux sur l 'hypnose (34), permettent toutes les réalisations propres aux états authentiquement suggestifs.

 



 

Autrement dit, il s 'agit, tout en utilisant la suggestion de type " hypnotique " et le transfert d 'amener le sujet : à un entraînement à l ' " auto-hypnose ". La méthode d 'obtention de la relaxation est ici, assez éloignée, de notre pratique en yogathérapie. Nous nous sommes le plus souvent défendu d 'utiliser la suggestion et nous avons même découragé l 'imitation quand elle était trop servile il s 'agit de réaliser les exercices chacun à sa façon, d 'où, encore une fois l 'intérêt de fermer les yeux après avoir acquis une familiarité suffisante par rapport à un exercice donné.

Nos malades se sentent, et sont de ce fait (comme le contrôle à l 'improviste du tonus, en cours de séance le prouve) très rapidement relaxés. Cet état de relaxation est variable selon les individus, plus facilement acquis chez les caractériels que chez les psychotiques. Nous avons observé une mise en évidence de zones corporelles particulièrement liées à l 'affectivité, comme il est classique dans le training autogène, mais encore une fois notre méthode est très différente et conserve une vigilance intégrale chez les patients et jamais cet état " autogène " à mi-chemin entre la veille et le sommeil. On sait (1ère partie) que les yogins traditionnels connaissent les états hypnoïdes et cherchaient à les éviter même lorsqu 'ils se livraient à des exercices de convergence oculaire, spécialement hypnoïdogène comme l 'a montré Schultz.

Nous ne pouvons mieux faire ici que citer Maryse Choisy (35)

Entre l 'autogène training de Schultz et le yoga il y a la même différence qu 'entre l 'hypnotisme et la psychanalyse, qu 'entre la dictature et la démocratie. Dans l 'autogène training qui convient à l 'impérialisme des infirmières, un néo-hypnotiseur vous ordonne de relaxer telle ou telle partie du corps. Le yoga dans l 'image du corps ne s 'intéresse qu 'au grand ensemble. Comme la psychanalyse, le yoga respecte les résistances et se garde de substituer par la suggestion ou par tout autre moyen grossier la volonté du maître à la volonté de l 'élève. Comme la psychanalyse, le yoga tente de rétablir l 'autorégulation chez un être dont le développement naturel fut troublé par des exigences sociales ou par quelque péché originel mal défini.

Je préfère parler de " détente " que de " relaxation "

" détente dans son ambiguïté même traduit mieux l 'arrière pensée dynamique du yogin. Détente signifie sans doute relâchement des muscles contractés. Et pourtant n 'appellent-on pas détente la pièce du ressort qui fait partir le fusil ? Détente n 'est ce pas encore l 'expansion d 'un gaz qui fut soumis à une pression ? Ne parle-t-on pas enfin de la détente des reins chez un tigre bondissant ? Tous ces sens dorment dans la notion hindoue.

La détente pour le yogin n 'est qu 'un moment du processus dynamique. C 'est la diastole, l 'expiration, la nuit de Brahma au sein d 'un vaste balancement binaire. Tous les gourous donnent le chat comme le maître et le modèle de la détente. Il dort avec des muscles Si parfaitement détendus, avec une telle confiance que le poids de son abandon creuse une empreinte dans le coussin sur lequel il est couché. Que passe une souris et il n 'est plus qu 'élan efficace. La détente c 'est cela.

La séance de Yogathérapie fait souvent dire aux participants, " maintenant j 'aimerais aller dormir ", c 'est-à-dire que le sommeil est alors ressenti comme très facile à obtenir, mais la " présence " de malades aux exercices de contact corporel, d 'expression non verbale, proposés en fin de séance, cette présence, beaucoup plus grande, beaucoup plus consciente ne s 'expliquerait pas si avait été approché ou atteint un état hypnoïde ou autogène. (L 'obs. 84 est la seule que nous ayons faite en contradiction avec l 'affirmation précédente).

On sait que la méthode de relaxation de Jacobson (83) est longue, difficile et lassante à tel point, qu 'elle est aujourd 'hui pratiquement abandonnée. Certaines des remarques de cet auteur sont pourtant intéressantes car elles rejoignent nos propres observations et la tradition du yoga alors que leur point de départ est uniquement " neurophysiologique " et sans rapport avec une théorie psychologique au sens propre du terme.

Ainsi pour Jacobson les muscles les plus difficiles à relaxer sont ceux de la motilité oculaire et de la phonation : or le contrôle respiratoire correct entraîne une abolition du langage intérieur et par conséquent une détente des muscles phonatoires ; ce contrôle respiratoire est plus difficile à obtenir, au moins chez les psychotiques et les névrosés graves que la relaxation musculaire.

La méthode de Jacobson qui n 'entraîne pas de baisse de la vigilance s 'accompagnerait, (lorsque la relaxation est obtenue) de la disparition de tout mouvement affectif et d 'un état de conscience particulier avec abolition des représentations et de tout contenu conceptuel. On voit immédiatement les analogies avec la yogathérapie, (cf. en particulier " centration-décentration " supra).

Jarreau et Klotz (86 bis) qui adoptent une méthodologie intermédiaire entre Schultz et Jacobson remarquent que si pour certains sujets, la relaxation est obtenue globalement et facilement, chez beaucoup d 'autres, il reste des zones de " tension " que le médecin doit rechercher et qu 'ils appellent des " paratonies cruciales ". Ceci nous semble confirmer et expliquer le fait que certaines postures soient " aimées " et d 'autres " mal aimées " par nos sujets. En effet une posture n 'est aisée, comme nous l 'avons déjà dit que si l 'on s 'abandonne à elle sans contracture parasite, les paratonies cruciales doivent nécessairement rendre certaines postures douloureuses.
 
 
 
 

Nb Ce travail était à l 'impression lorsque nous avons commencé à suivre l 'entraînement de Schultz avec Durand de Bousingen. Cette pratique nous amènerait actuellement (1970) à nuancer ce que nous avons écrit ci dessus (1969).
 
 
 
 

L 'EUTONIE

Alors que nous portions ce travail à l 'imprimeur, un instructeur des CEMEA nous parla de la méthode de Gerda Alexander (1 bis) et simultanément nous reçûmes la mise à jour de l 'EMC relative à cette méthode (48 bis).

Les similitudes entre eutonie et yogathérapie sont frappantes ce dont rend compte l 'influence d 'Anna Herrmann après son voyage aux Indes sur Madame Alexander.

Les analogies concernent " l 'écoute de la perception " précédant celle de la "tonicité ", la différenciation entre " schéma corporel " et conscience du corps propre (ce que nous avons appelé avec Alié C. " champ corporel " ou " vécu corporel "). La recherche de "tensions " musculaires spécifiques chez un sujet donné en fonction de son rapport à lui-même et au monde.

Nous nous étonnons cependant de ne pas voir utiliser de manière systématique les asanas qui ne sont ici considérés que comme des " tests " permettant au sujet d 'explorer sa tonicité, sans aucune référence à leur action d 'équilibration biologique probable ni le contrôle respiratoire dont la valeur s 'affirme chaque jour au long de notre pratique. Nous nous étonnons aussi de certaines affirmations comme celle-ci " L 'enseignant ne fixe aucun modèle et ne se propose pas comme tel à son élève ou patient ". Lorsqu 'on à entendu un élève de la méthode on comprend qu 'il s 'agit là d 'une très noble illusion. En effet, même s 'il n 'y a pas de modèle proposé à un niveau formel, la présence et l 'attitude du moniteur constitue déjà un modèle et le nier serait aussi vain que de conserver la notion de " neutralité bienveillante " en psychothérapie verbale Cf. notre chapitre sur l'eutonie).

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Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

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29 Mai 2001