Le Schéma corporel et la Yogathérapie

Dr Bernard Auriol

 

" Une pratique équilibré des asanas semble avoir une action favorable

sur la représentation du schéma corporel
tandis que 'l'oeuf' favoriserait
une tendance à la régression mentale ou à un état semi-hypnotique".
J.G. Henrotte (77).

 

 



 

Il est à peine besoin de rappeler l 'importance du vécu corporel chez le malade mental, de ses altérations que Pierre Janet (86) soulignait déjà :

" Comme je l 'ai montré à plusieurs reprises, les malades dont les symptômes les plus apparents consistent en phobies, en obsessions, en délires même, et qui semblent ne pas attirer notre attention sur les troubles du mouvement de leurs membres, présentent cependant dans ces mouvements beaucoup de désordres.

J 'ai insisté souvent sur la faiblesse et surtout sur la brusquerie, l 'irrégularité, la maladresse de leurs mouvements qui parfois sont manifestes dès l 'enfance, avant l 'apparition des troubles mentaux caractéristiques. Cette maladresse des mouvements est en rapport avec les troubles de l 'action caractéristiques des névropathies, troubles de l 'action source de tous les accidents ultérieurs. Ne semble-t-il pas vraisemblable qu 'une transformation de ces mouvements par l 'éducation puisse agir sur l 'ensemble de l 'activité et soit capable de prévenir ou de supprimer les troubles mentaux ".

La rééducation corporelle des fonctions mentales de Sivadon (158) et bien d 'autres techniques (l30-2127) ont pour ambition d 'obtenir une meilleure intégration des fonctions végétatives, une reconstruction ou une consolidation de ce qu 'il est courant d 'appeler " le schéma corporel ".

Ce terme est critiquable, comme bien des auteurs l 'ont remarqué avant nous en raison de son caractère trop précis s 'il s 'agit de désigner ainsi toute représentation, tout vécu cérébral ou psychologique de notre corps (1 bis - 2). Nous préférons donc parler avec les " bordelais " de " champ corporel " 2).

Claude Alié (2) écrit dans sa thèse :

" La représentation de soi au niveau du champ corporel tridimensionnel est clairement séparée de la représentation du monde extérieur par une frontière du corps précise qui différencie de l 'extérieur.

L 'objet et le moi sont bien perçus les qualités de l 'objet sont stables et ne dépendent pas des états psychiques du sujet.

Ce champ tridimensionnel est plus ou moins bien structuré, plus ou moins cohérent. Sa solidarité est liée à la richesse des tentatives d 'exploration du monde, aux différentes façons dont le monde a cédé devant la prise du sujet.

Le monde est ici le terme qui résiste à l 'effort.

Notre corps est vécu comme pouvoir, et nos organes s 'intègrent à une structure d 'ensemble qui est la façon dont notre corps se donne à nous, comme une totalité cohérente et pratique. C 'est dans la résistance au monde que se manifeste à nous l 'essence du réel et que toute chose acquiert signification, consistance et valeur. La résistance du monde n 'est pas homogène et cède, en quelque sorte, selon des lignes permanentes qui dessinent des structures fixes. Ce sont nos organes, et le milieu général de cette résistance relative est le corps organique.

Je peux m 'orienter dans ce champ, y trouver des repères, aussi je me sens bien dans ma peau, et mes mouvements sont libres et aisés dans un espace périphérique de sérénité ".

" Mais le calme doit régner également dans l 'espace intérieur de la méditation, de la contemplation, quand le corps suspend son action et se recueille ".

Ce corps passif n 'est pas privé de vie ni d 'intentionnalité. Effort et vouloir étant abandonnés reste la constitution d 'une synthèse passive des modes de l 'affectivité, de la sensibilité, de l 'imagination ".

Ce corps passif est structuré lui aussi, sinon il n 'y aurait pas de sensations à proprement parler, mais une cénesthésie vague et diffuse. Des zones affectives jaillissent hors d 'un fond indifférencié et homogène, et ces zones sont sensibles et se manifestent à nous avec les caractères propres nous permettant de les distinguer et de les opposer à d 'autres. Ces zones affectives sont liées, elles aussi, à la façon dont le monde a cédé à notre effort. Un exemple caricatural, parce que tiré de la pathologie nous est donné par l 'observation n° 16 Laurent évoque à plusieurs reprises lors des postures de relaxation sur le dos, un clou qui lui aurait transpercé la main, autrefois, lorsqu 'il travaillait.

On peut noter immédiatement que la yogathérapie permet de mieux structurer le champ corporel tridimensionnel chez le sujet considéré comme normal et qui présente pourtant tels débuts de symptômes névrotiques ou psychosomatiques.

Ainsi les exercices de décentration-centration amènent à une solidification de la frontière entre représentation de soi et représentation du monde extérieur, surtout quand ces exercices se font à propos de la posture elle même. Cette frontière est d 'autant plus précise que les modalités de relation entre le corps et son espace, entre le corps et les objets sont diversifiées dans la précision. L 'expérience des relations corps monde est généralement restreinte à un ensemble de situations qu 'on peut schématiser ainsi corps vertical, corps dressé - plié (position assise ou à genoux) corps couché.

Les postures du yoga introduisent des renversements de la station verticale, des postures dressées, pliées nouvelles, des postures couchées - pliées jamais utilisées dans l 'expérience quotidienne. Ainsi s 'étend la variété des relations corps-monde et les positions déjà expérimentées ou nouvelles sont vécues en pleine conscience parce que poussées à leurs limites et maintenues en durée jusqu 'à seuil de la douleur.

La stabilité de l 'objet est renforcée elle aussi par les exercices de concentration et cette stabilité se voit dégagée des perturbations qu 'y introduisait la variabilité des centrations effectives, grâce à la prise de distance et à la discipline de l 'attention.

Nous pouvons admettre avec Jung (89) que, par le yoga, " les rapports avec l 'objet s 'introvertissent et, privés de leur valeur, plongent dans l 'inconscient où ils peuvent contracter de nouvelles associations avec d 'autres contenus inconscients et, une fois terminé l 'exercice, reparaître dans l 'objet. Le changement de perspective à l 'égard de l 'objet donne à ce dernier un nouvel aspect. Il est comme recréé ".

Le pouvoir spontanément reconnu au corps est notablement fortifié par l 'élimination des tensions parasites qui empêchent le plus souvent une parfaite aisance gestuelle et posturale.

OBSERVATION N0 6

Lydie 62 ans, Schizophrénie.

COMPORTEMENT EN JANVIER 1968 (1 AN AVANT)

La malade est hallucinée (hallucinations visuelles et auditives, insomniaque, angoissée).

COMPORTEMENT EN JANVIER 1969 (DEBUT DU YOGA)

Très améliorée, détendue, sociable, serviable, la malade a acquis une autonomie qui lui permet d 'aller seule au cinéma de la ville et d 'exécuter de nombreuses courses tant pour les malades que pour le personnel.

COMPORTEMENT PENDANT LES SEANCES

N 'attache que peu d 'importance au Yoga qu 'elle pratique " en amateur ". Décontraction facilement acquise, adopte fréquemment la position de décubitus dorsal mais exécute tous les exercices posturaux, respiratoires et de concentration avec une aisance remarquable vu son âge. Parfois regarde les autres participants et esquisse un sourire amusé et indulgent en observant leurs difficultés.

COMPORTEMENT APRES TROIS MOIS DE YOGA

Le mieux observé persiste et s 'accentue, son comportement permet de considérer son. hospitalisation actuelle comme la seule conséquence de sa situation sociale. Elle effectue un long voyage pour rendre visite à des amis et des parents dans la région de Marseille.

Elle désire continuer les séances qui la rendent plus souples, " plus déliée ". Elle accomplit tous les travaux qui lui sont confiée à la perfection et sans aucune aide. Poids stationnaire.

·  Q.I.en 1964 : 105. Traitement inchangé depuis 1968.

Cependant les phénomènes pathologiques peuvent avoir gravement perturbé le champ corporel et il est possible de décrire deux niveaux pathologiques:

LE CHAMP CORPOREL INTERMEDIAIRE :

Il est caractérisé par un désinvestissement régressif du champ corporel tridimensionnel. Il y a prise de conscience morbide des limites du corps qui deviennent flous, d 'où : dépersonnalisation, dédoublement, ou sentiment d 'être influencé par une machine, délire d 'influence.

Ces faits sont très connus au niveau de la pathologie psychiatrique mais peuvent se retrouver chez le sujet convenablement adapté dans certaines situations régressives artificiellement provoquées, par exemple dans le Rêve Eveillé Dirigé (48).

Mr Bernard A. après un an de REDD se voit demander par le thérapeute de plonger dans la mer. Après une descente en pente douce facile, il aboutit au bord d 'un précipice marin au fond duquel il aperçoit un grouillement de crocodiles. Muni par le thérapeute d 'une baguette magique, il se rend au fond de ce précipice. Les animaux ont disparu et le fond apparaît alors comme une mâchoire ouverte pétrifiée. Il pénètre dans cette mâchoire et voit une pieuvre (symbole maternel déjà rencontré antérieurement) très gonflée, globuleuse. Au devant d 'elle se trouvent deux rangées de jeunes filles nues formant une haie et perçues comme minuscules quoique vivantes. Prié d 'interroger la première, celle ci déclare qu 'elle est une des premières années de sa vie puis disparaît. Prié d 'interroger la seconde, celle-ci manifeste sa réticence et sa volonté de rester muette en s 'éloignant. Le sujet déclare alors qu 'il ressent une curieuse impression " assez semblable a celle qu 'on a lorsqu 'on va s 'évanouir " mais sans caractère désagréable, il ne perçoit plus son corps et n 'a plus l 'impression d 'exister corporellement, Le thérapeute pour ne pas favoriser cette trop grande désinsertion de l 'objectif lui demande alors de remonter. La mâchoire est perçue a ce moment comme refermée et ce n 'est qu 'avec l 'aide de la baguette magique que le retour à la surface et la réinsertion au réel sont possibles.

A l 'occasion du yoga la prise de conscience du corps met vite en évidence l 'existence d 'un champ corporel intermédiaire tout en luttant contre elle. Il ne s 'agit en effet jamais d 'aboutir à des positions aussi régressives que celles provoquées par les techniques de relaxation poussée (68) ou de Rêve Eveillé Dirigé, mais cette régression est bien souvent préexistante à la yogathérapie qui se proposera de réunir ce qui était fragmenté , de concilier ce qui paraissait inconciliable. Monsieur Hippolyte (obs. 117) a l 'impression d 'être partagé en deux au niveau de la ceinture. Il voit également " deux espaces " alors que " je ne suis que dans un ". L 'amélioration de ce vécu sera très rapide, mais nous ne savons à quel degré de solidité, sous l 'influence de la chimiothérapie et du yoga pratiqué sporadiquement.

Cette pathologie des frontières du corps abordé surtout au niveau de la dépersonnalisation et du flou des limites devrait être approfondie au niveau de la création iatrogène d 'une solidification, en " statue de sel ", de ce corps en raison de l 'utilisation de thérapeutiques neuroleptiques. Cette prise de conscience est souvent évidente au point que le malade se plaint spontanément des effets secondaires de son traitement ; parfois elle ne se fait qu 'à l 'occasion du yoga (obs. 24) Monsieur Antoine " je suis raide je crois qu 'il faudrait faire du yoga plus souvent. Pourtant, je n 'avait pas envie de venir ".

Il est à ce propos intéressant d 'écouter Claire (Observation N0 86) décrire la transformation qui s 'est opérée en elle sous l 'action conjuguée d 'une cure de Moditen et de la yogathérapie en l 'espace d 'un mois. Lors de son entrée il n 'était question que de " l 'emboîtement des corps " et sa participation au yoga motivée parce qu 'elle y voyait un moyen de favoriser cet emboîtement (lié à des idées érotomaniaques quant au thème).

A la fin de la cure de Moditen oral elle déclare que ce produit a provoqué un " désemboitement des corps '1 et " maintenant mon corps s 'est pris en masse. Parfois je me sens très légère comme si j 'allais flotter ou au contraire très lourde. C 'est ma tête surtout qui est légère, comme vidée alors que mes jambes sont lourdes et fatiguées ".

Il ne faut pas tout attribuer aux neuroleptiques, il existe aussi une hypertonie liée à l 'anxiété.

Mademoiselle Christine (obs. N° 30) s 'exclame " ce n 'est pas croyable ce que je me sens contracté ".

Un deuxième niveau pathologique du champ corporel est représenté par le

CHAMP CORPOREL VISCERAL

Il est caractérisé par une désinvestissement des structures précédentes et un surinvestissement des organes viscéraux, entraînant tous les phénomènes cliniques de l 'angoisse : palpitations, dyspnée, etc.....

Ces phénomènes peuvent se voir dans la schizophrénie avec surinvestissement viscéral, désinvestissement des sens, perte même du sentiment de l 'existence. Ces sujets n 'ont plus d 'aisance vitale leur gestualité est bloquée, leur attitude renfermée correspondant à une prédominance de la flexion sur l 'extension, de la pronation sur la supination avec perturbations de la latéralisation des mimiques ou gestes expressifs. Au lieu d 'entrer dans le monde qui représente l 'inconnu, au lieu de se " livrer " à l 'expérience , de s 'adonner à l 'action, d 'aller à la rencontre de l 'autre, le schizophrène réduit au maximum sa zone de contact en avant, il se recroqueville, se tasse se ferme afin d 'être le moins possible envahi par des stimuli qu 'il ressent comme nécessairement nocifs. De même ses yeux sont baissés et son plan frontal fuit le parallélisme avec le plan frontal du vis à vis, au moins au niveau céphalique.

De nombreuses observations pourraient étayer remarques, contentons nous de citer l 'obs. N° 21, Mr. Martinien.

Ce malade s 'est figé dans une attitude cyphotique telle que lorsqu 'on lui demande de se coucher sur le dos, celui-ci reste arrondi et il ne peut reposer sa tête sur le sol. S 'il essaye on assiste à des nausées, de la pâleur, des sueurs. Pour lui permettre de réaliser les exercices " sur le dos ", on a été contraint de lui fournir un coussin qu 'il place sous sa tête et qui, progressivement est devenu de moins en moins épais (au fur et à mesure que la cyphose s 'amende).

Une des visées majeures de la yogathérapie et son résultat constant, à deux exceptions près (J. Fay et Gui André) est d 'obtenir un renversement de la tendance à la déstructuration du champ corporel intermédiaire, ou encore un progrès dans le sens du passage du champ corporel viscéral et intermédiaire au champ corporel tridimensionnel.

OBSERVATION N° 32

Monsieur Alphonse. schizophrène de 21 ans participe au yoga dès son admission dans le Service, fin Novembre 1969. D 'aspect évoquant la catatonie : son visage, son dos, ses mains sont perpétuellement le siège d 'une tension exagérée. On note par ailleurs une attitude asymétrique invariable avec affaissement du côté gauche par rapport au côté droit.

Massages et Yoga associés viennent rapidement à bout de ce déséquilibre postural. Sa démarche reste encore raide mais il parvient lors des temps de relaxation à une bonne décontraction musculaire. Son regard est devenu moins pathétique et le changement global du maniement corporel est frappant.

Simultanément, des permissions de plus en plus longues lui sont accordées et son évolution fait augurer d 'un bon pronostic, deux mois après son admission.

Il est évident qu 'on ne saurait attribuer au yoga seul l 'amélioration de ce malade. Cette observation est pourtant intéressante en montrant le parallélisme de l 'amélioration du maniement corporel et de l 'évolution clinique. Nous pensons également que la chimiothérapie seule n 'aurait pas suffit à assurer le bénéfice que nous constatons.

La mesure de ce progrès constitue un reflet qui nous a toujours semblé fidèle du progrès clinique constaté par d 'autres observateurs et en dehors de la séance. Son existence prouve la valeur de la yogathérapie de groupe dans toutes les altérations du champ corporel tridimensionnel et en indique l 'emploi dans la schizophrénie, les troubles hypochondriaques et les manifestations psychosomatiques, ainsi que dans tous les troubles névrotiques s 'accompagnant, et c 'est la quasi totalité des cas, d 'altérations de ce vécu corporel.

METHODES DE RESTRUCTURATION DU SCHEMA CORPOREL ET YOGATHERAPIE.

LA METHODE DE WOODBURY (181)

Woodbury propose une restructuration du vécu somatique au moyen de groupes de contact physique, de gymnastique imitative, en considérant que l 'imitation est le premier pas vers l 'identification et la resocialisation ; de thérapie perceptive pour aider le malade à reconstruire une représentation solide et structurée du monde extérieur. Simultanément, il utilise la verbalisation selon les méthodes de la dynamique des groupes.

On voit que tous les éléments utilisés ici se retrouvent dans la yogathérapie de groupe telle que nous la préconisons, l 'assimilation de la technique de Woodbury et de la nôtre serait même possible dans la mesure ou cet auteur utiliserait les postures du yoga et s 'il se servait systématiquement du contrôle respiratoire, de la technique centration-décentration ainsi que l 'utilisation de symboles privilégiés et de rythmes personnels ou de groupes mieux élaborés.
 
 

LA STRUCTURATION DYNAMIQUE DE L 'IMAGE DU CORPS DE G. PANKOW (130) est plus éloignée de notre technique. L 'utilisation d 'une thérapie simultanée des parents qu 'elle préconise et qui nous parait effectivement très importante, sinon indispensable pour obtenir un résultat complet, n 'est pas souvent réalisable et nous est demeurée interdite dans le contexte administratif et socioculturel qui est le nôtre.
 
 

LA REEDUCATION CORPORELLE DES FONCTIONS MENTALES de Sivadon (158) se recoupe très étroitement avec notre technique. Notons que nous ne connaissions pas son Suvre lorsque nous avons réalisé notre expérience. Nous avons trouvé toutes sortes de confirmations dans ses écrits et la yogathérapie apparaît comme une spécification de ses méthodes. Nous pensons que l 'utilisation des postures du yoga a des effets propres intéressants du point de vue biologique, psycho-somatique et mental.

Il insiste sur le caractère symbolique des liens que doit créer la thérapie des schizophrènes : il faut que ces liens soient à la fois un élément de séparation favorisant l 'autonomie et un facteur d 'union préservant la sécurité.

La constitution de ces liens symboliques est une évidence de notre pratique. Ces liens se créent d 'abord entre patients et thérapeute, puis très vite entre patient et " groupe ", enfin entre patient et patient. D 'abord ils apparaissent comme très étroits et impliquent une intense dépendance de chacun des membres du groupe à l 'un ou l 'autre des moniteurs ou parfois aux deux moniteurs. Très rapidement la dépendance se manifeste davantage à l 'égard d 'une certaine " moyenne " informelle du groupe et dans les meilleurs cas, on aboutit à une parfaite autonomie de chaque membre, autonomie tenant pourtant compte de la vie actuelle du groupe ou de tel de ses membres.

Sivadon, après les massages et la kinébalnéothérapie, tendant à reproduire symboliquement la relation mère-enfant, utilise des méthodes rééducatives variées qui visent à produire divers niveaux de régression fonctionnelle, en proposant dans une atmosphère sécurisante des activités de plus en plus complexes. Nous n 'élèverons aucune objection à l 'endroit de cette progression. Cependant, même dans les cas où elle n 'est pas réalisable , la yogathérapie en intègre l 'essence symbolique. En effet au cours des exercices de relaxation les suggestions aquatiques sont souvent utilisées pour symboliser l 'attitude mentale à adopter en début de séance ; nous demandons par exemple aux participants de laisser leur corps se défaire comme s 'il était dans l 'eau, comme s 'il était lui-même de l 'eau qui coulerait.

Sivadon (158) écrit " Face à son moniteur, le malade, en imitant ses mouvements, confronte ses sensations proprioceptives, ce qu 'il ressent en lui avec l 'image du geste accompli par l 'autre. Un mode de communication essentiel, l'identification, s 'établit ainsi. Le sujet prête à l 'autre ses propres sensations internes tandis qu 'il croit reconnaître son image dans celle de l 'autre. C 'est dans l 'autre d 'abord qu 'il se reconnaît ".

Il faut dire que tout cela se retrouve dans la yogathérapie, à ceci près, que le miroir est multiplié par le nombre de participants au groupe et que si l 'identification au moniteur est privilégiée, elle ne va pas sans une identification à l 'ensemble du groupe. D 'autre part chacun réalisant la posture pendant le temps qui lui convient et selon des modalités qu 'on lui conseille de personnaliser, en étant attentif à ses propres possibilités du moment, l 'identification réalisée ne met aucun obstacle à la construction simultanée de l 'autonomie.

D 'autre part, la monitrice passe de sujet à sujet, dans les premiers temps pour contrôler le niveau de relaxation, vérifier le type de respiration, son amplitude. De même au cours de la réalisation des postures mal aimées, le moniteur ou la monitrice, ou plus tard un autre membre du groupe, aide la malade en difficulté, lui offre son appui, ses encouragements, etc

Au fur et à mesure que le sujet en a moins besoin, cette aide devient plus rare et ne se manifeste qu 'aux moments de perte de vitesse.

Comme il n 'est jamais question d 'évaluer la réussite formelle d 'un exercice, un sentiment de sécurité et des possibilités d 'autonomie insoupçonnée par le malade s 'ouvrent à lui.

C 'est Charlotte (obs. N° 5) qui nous à le mieux fait sentir la nécessité d 'accepter dans une première étape certaines attitudes " régressives " même au niveau postural.

Elle se faisait remarquer dans le groupe (comme d 'ailleurs la quasi totalité des schizophrènes) pour sa difficulté et sa réticence à exécuter les postures extensives, qui dégagent l 'avant du corps, l 'ouvrent à l 'environnement, alors qu 'elle exécutait avec plaisir et pendant un temps inaccoutumé les postures inverses. Nous fûmes amenés, au cours d 'une séance à déclarer au groupe qu 'il fallait attendre pour continuer car Charlotte n 'avait pas terminé sa posture; elle s 'arrêta et regarda alors en souriant. Chacun eut l 'impression, à ce moment, qu 'elle s 'était sentie comprise et admise.

Les séances de yoga ont suscité la critique dans l 'équipe soignante, en ce sens qu 'elles admettent et semblent favoriser des attitudes posturales et mentales qui peuvent se voir dans les formes les plus spectaculaires de catatonie (ex l 'Suf sur le dos).

Favoriser ces postures n 'était-ce pas aggraver le symptôme ? Les résultats que nous présentons prouvent le contraire. Dans le cadre d 'un entraînement où sont intégrées les postures psycho-physiologiquement inverses et dans la mesure où le groupe exerce sa régulation par rapport aux penchants individuels, il faut croire que non. Notre expérience tend même à prouver, que la tolérance à cet égard est la condition " sine qua non " du succès de la cure, dans la mesure où elle facilite et conditionne l 'acquisition ultérieure de schémas posturaux et comportements relationnels plus ouverts.

L 'EDUCATION GESTUELLE DE Mme ORLIC (127)

se présente comme une méthode de rééducation psychomotrice très proche de notre propre pratique. Elle insiste sur le contrôle respiratoire, le contrôle de 1 ' " harmonie " du geste c 'est-à-dire de son " eutonie " (1 bis), elle montre que sa méthode permet d 'équilibrer " désir d 'individualité et instinct grégaire ", elle insiste sur le fait que les malades ne sont pas amenés à se " distinguer par une suite de performances et de victoires ". Elle remarque que l 'éducation gestuelle incite " à se recentrer sur soi aux moments opportuns, à retrouver le sens apaisant de l 'univers et, le moment venu, à participer à sa communauté "

Remarquons cependant que cette technique de rééducation si elle intègre 1 ' " esprit " du yoga se prive comme toutes les techniques dont nous avons ou dont nous allons parler, du bénéfice de rééquilibration psycho-somatique lié à l 'utilisation de la " dialectique posturale ".


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29 Mai 2001