Introduction aux Méthodes de Relaxation
Dr Bernard Auriol
CHAPITRE X
Il s'agit d'une branche du bouddhisme japonais (qui prend sa source dans le Tchan chinois). Je ne tenterai pas de résumer sa philosophie qui d'ailleurs, pour une part, échappe au discours. La pratique la plus connue en Europe est celle de Zazen : c'est une façon de méditer simple et austère qui s'apprend en quelques heures ; il s'agit essentiellement d'adopter une posture assise, en tailleur ou en lotus, favorisant la rectitude de la colonne vertébrale combinée avec une bascule en arrière du bassin (anti-reichienne ?), un effacement de la courbure du cou (menton rentré) et une position particulière des mains telle que les pouces sont étendus l'un vers l'autre sans crispation ni mollesse (fig. 1).
figure 1
Le méditant dont les fesses reposent sur un coussin assez épais (« le zafu ») laisse les yeux entrouverts, l'axe du regard établi sur un point convenable du sol, son esprit simplement occupé de la respiration ; celle-ci se régularise et se ralentit (on passe, par exemple, de 14 à 4 cycles par minute) tandis que le pouls se calme.
Le zéniste se garde tout autant de l'excitation ou de la contention que de la mollesse ou du laisser aller somnolent. Tout contenu de la conscience est observé sans attachement ni lutte, même s'il s'agit d'angoisse ou, au contraire, s'il revêt la forme d'une lumière ou d'un « satori ». Vivre une heure de Zazen peut être, déjà, enrichissant, mais comme toutes les autres voies, on ne peut attendre d'effet important que d'une pratique assidue, quotidienne, régulière. Il est convenable de s'y adonner chez soi tous les jours et de se rendre au « dojo » au moins une fois par semaine, afin d'y faire corriger ses erreurs (posture défectueuse, attitude trop ou trop peu énergique, etc.).
Ikémi estime que le Hatha-yoga est mieux adapté aux cas pathologiques que le Zen ou la Méditation Transcendantale. Comme je l'ai déjà indiqué, je pense ces pratiques pleinement disponibles, y compris chez les sujets psychiquement souffrants, pourvu qu'ils puissent s'entretenir de leurs expériences avec un psychothérapeute compétent en ce domaine. Cette façon de travailler a été systématiquement développée par le Japonais Morita qui traite, avec un bon succès, les obsessionnels en combinant la pratique du Zazen et une thérapie analytique brève, comportant des sessions de groupe et des entretiens en face à face.
Effets physiologiques : ils ont été moins bien recensés que ceux du Training Autogène ou de la Méditation Transcendantale cependant ils enrichissent considérablement la connaissance de l'état de méditation par ce fait que le sujet ne ferme pas les yeux, contrairement à ce qui a lieu dans les autres méthodes. Il est d'autant plus surprenant de voir s'établir et se renforcer (diminution de fréquence et augmentation d'amplitude) le rythme alpha de l'E.E.G. qui est classiquement lié à leur fermeture ; on observe même des rythmes encore plus lents normalement contemporains du sommeil et quoique le méditant continue à maîtriser sa posture, se rendre conscient de sa respiration ou contempler un point devant lui[1]. Il ne s'agit pas d'un amoindrissement de l'éveil ou de l'attention, mais plutôt de son élicitation paisible ! La réponse à des clics, par exemple, est plus rapide que chez le profane...
Au niveau musculaire, le méditant expérimenté en Zazen se contracte moins et maintient plus efficacement la posture que le débutant. Le sujet expérimenté utilise plutôt la musculature tonique (posturale), le débutant la musculature phasique (mouvements).
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2. LE TAI CHI CHUAN
Le Tai Chi Chuan se situe historiquement et géographiquement entre le Yoga indien (et tibétain) et le Zen japonais avec son application dans les techniques de combat. Apparemment, il s'agit d'une danse (très satisfaisante pour la vue, très esthétique) mais la profondeur de la source en éloigne toute superficialité, toute « mondanité ». Action centrée sur le vide incommensurable du Non-Agir de l'Etre dans son essence selon la philosophie du Tao. Cela est aussi peu de la gymnastique que le Hatha-Yoga réel ou la méthode Mézières. Cependant la nécessité s'impose ici de répondre à une perfection, de laisser cadrer le mouvement, la respiration, l'énergie et le poids. Paradoxalement cette méthode de relaxation en mouvement implique des efforts, des tensions en début de pratique ; ou plutôt la conscience de la mise en jeu pour obtenir la perfection, de tensions et d'efforts qui lui sont contraires.
modifié à partir de
http://www.egwald.ca/nonlineardynamics/bifurcations.php#hopfbifurcation
Le projet est d'harmoniser les trois mondes :
On cherche donc à unifier ces trois secteurs et, par là, à trouver un meilleur équilibre psychosomatique, une certaine joie de vivre, une libre circulation de l'énergie[2] dans un corps détendu. Il s'agit[3] à la fois d'une self défense, d'une méditation en mouvement, d'une technique très précise du souffle et de son intégration à l'action. Cette dernière se joue en toute solidité autour du véritable centre de gravité du corps au niveau de ce que les Chinois appellent « tan-tien » et les Japonais Hara[4], un peu au-dessous du nombril.
Dans le Tai Chi Chuan, il n'y a jamais d'immobilité du corps pas plus que dans la nature il n'y a de gel du changemen[5]. Cette référence à la « Nature » n'est pas de type rousseauiste, elle renvoie à l'analogie entre le microcosme (l'organisme humain) et le macrocosme (l'Univers) et cette analogie est prétendue fondée dans la réalité. Notre adage « comparaison n'est pas raison surgit pour écarter cette conception en tant qu'elle se donne pour adéquate scientifiquement. Il me paraît nécessaire d'y regarder de plus près et peut-être faudrait-il convenir que, au moins du côté du connaissant, cette analogie est agissante de manière non consciente. Autrement dit, elle serait fondée au plan épistémologique mais non au plan de l'objet de connaissance. Dès lors harmoniser les trois plans de notre être, l'énergie et la gravité n'aurait pas de conséquence cosmique, mais pourrait être opérant quant à notre connaissance individuelle du cosmos.
Les effets du Tai Chi Chuan sont, en gros, comparables à ceux du Hatha-Yoga Ch. Antoni[6] cite la sensation de bien-être corporel, la détente musculaire complète, une grande souplesse articulaire, un meilleur fonctionnement endocrinien et neurovégétatif (donc une meilleure santé de tout le corps), une certaine tranquillisation et une plus grande concentration mentale. L'ensemble des maladies mettant en jeu à la fois le corps et l'esprit pourrait être influencé.
Par ailleurs le Tai Chi (comme le Yoga correct), écartant (rendant impossible) le flottement de la consciente (en imposant une constante attention à l'exercice), est une excellente école de centration-décentration[7]. Par là, il permet d'éviter le dérapage vers l'angoisse à type de dépersonnalisation ou même vers les hallucinations et le délire.
Le Tai Chi comporte une conscience de chaque mouvement du corps dans un « ici-maintenant » total. Il écarte pourtant la fixation rigide sur l'acte à réaliser, mais c'est une chose qu ' « il faut expérimenter ». En parler davantage serait une plaisanterie.
3.L'AI KI DO[8]
Cet art martial relativement moderne est proche du Tai Chi pour l'essentiel et bien des détails. Il me paraît cependant moins dépouillé », moins austère au niveau de la finalité.
Cependant cette moindre austérité constitue un avantage massif quand il s'agit de découvrir la technique propre à aider certaines personnes marquées par des stresses d'impatiences, d'irritabilité et de refus contemplatif...
L'AI KI DO comme tous les autres sports orientaux inspirés du Bouddhisme a un soubassement méditatif et s'apparente, de plus ou moins loin, à notre propos, spécialement lorsque l'atmosphère du Dojo tend vers la profondeur de la sérénité au plus fort des échanges.
La déclinaison diversifiée des Arts Martiaux ouvre un large champ de possibilités. Voir par exemple l'école tokitsu.
[1] Cf. T.
DESHIMARU et P. CHAUCHARD, Zen et Cerveau, Le Courrier du Livre, 1976 Psychology of zen (2 vol.), edited by Y. AKISHIGE,
published by Komazawa University, 1977 Y. AKISHIGE, Body-regulation, breath-regulation
and mind-regulation, Froc. first Convention of jps, 1-2, 1963
T. HIRAT, Electroencephalographic study of Zen meditation (Zazen)
: E.E.G. changes during the concentrated relaxation, Psychiatria et Neurologia
Japonica, 16, 76-105, 1960 T. KAMBE et coll., Training of personality
by Zazen and seizaan analysis of experience and an electroencephalographic
study of beginners, Froc. 24 th Convention of SPA, 221, 1960 Medical and
psychological studies on Zen - electroencephalogram and electromyogram during
zen practice, Froc. 26 th Convention of SPA, 289,1962 A. KASAMATSU, Psychosomatic
studies on the healing process of neurosis. The physiology of Zen experiences,
Froc. 15 th Convention of SMC, 5,530-536, 1959 Medical and psychological
study on zen -an electroencephalographic study on zen, Froc. 27 th Convention
of SPA, 347, 1963 M. CAZENAVE, Sciences et Symboles, Colloque de Tsukuba,
p. 291-317, Albin Michel, 1986.
[2] En Inde, on l'appelle « Prana », en Chine « Chi », au Japon Ki » . Reich utilise le mot «Orgone »
[3] Collectif Tai Chi Chuan, Maloine, 1974
[4] K. Von DURKHEIM, Hara, centre vital de l'Homme, La Colombe, Paris, 1964.
[5] YI-KING, Le livre des transformations, Médicis. 1974
[6] Ch. ANTONI, Tai Chi Chuan, Epi, 1977.
[7] AURIOL, Yoga et Psychothérapie, Privat, 1977.
[8] Créé par Morihei Ueshiba (vers 1900).