- Courbes chutantes en aérien sans atteinte organique de l'oreille
B. Laurent et la voix de son père :Laurent
a 11 ans et redouble son CM1 . Il a été en gardiennage jusqu'à l'âge de
quatre ans. A noter un accouchement qui a été difficile et très pénible pour
la maman. Petit, il voit sa gardienne comme sa deuxième maman, mais il sera
en conflit avec celle-ci (les "dodos" ont été brûlés). Il dit à ses
parents : « Je ne sais pas si vous êtes mes vrais parents ». Jaloux envers le
puîné, il veut se faire materner ; il y a de l’agressivité dans la famille :
le père, qui hausse souvent le ton, peut lui lancer une chaussure ou le frapper.
Lors de notre première rencontre la maman me dit : « il est dans ses
songes, distrait, il ne fait plus rien, il veut abandonner le sport et ne garder
que les scouts, il s’oppose et se laisse aller »
Je relate l’évolution de la dynamique de l’écoute de Laurent au sein
d’une psychothérapie qui dura trois années, avec entretiens avec
les parents qui étaient dans une situation sociale instable. Examinons
les test d ‘écoute :
Au niveau de l’oreille droite, Le rapport
des courbes est inversé dans la zone spectrale allant de 3.000 à 6.000 hertz, avec chute de la courbe
aérienne (CA) et ascension de la courbe osseuse (CO). Ces fréquences intéressent
comme nous l’avons supposé tout le haut du sujet à partir de la région thoracique . D’abord
le lieu référé au langage, et à la voix, (Vishudda, le VI), où il est
question de nommer, se nommer, dire non et se distancier vis à vis de l’Autre,
à la suite des identifications et de la place assignée au sujet dans
sa famille. Le VI est corrélé au VII
(AJNA) zone des idéaux et de la loi paternelle, instances
avec lesquelles Laurent doit composer, et qu’il ne peut s’approprier car il les vit de façon
intrusive à travers les paroles paternelles violentes. L’inversion des courbes
CA/CO témoigne d’une relation au père ou prédomine l’imaginaire sur le symbolique et nombre de figures menaçantes sont relatées dans les dessins ou les rêves de Laurent,
le père, trop réel, apparaissant sous la forme du persécuteur ou bien sous la
forme du compagnon de jeux corporels toujours excessifs
Les deux
courbes sont inversées au niveau de l’oreille
gauche au profit de l’osseuse qui est,
au dessus de l’aérienne, sur presque la totalité des fréquences. La corporéité,
le monde propre du sujet avec son imaginaire, son narcissisme, son repli sont au devant de la scène en un état d’instabilité
psychomotrice.
L’analyse tonale est déficiente : Le sujet peut fréquemment, dans de telles circonstances fermer son oreille, ne pas être à l’écoute de certaines fréquences qui l’importunent, le blessent ou le sidèrent. Il sera plutôt à l’écoute de son monde privé, au contact des histoires qu’il se raconte. Ainsi la capacité d’analyse tonale ou sélectivité c’est à dire l’aptitude à différencier des traits distinctifs du langage est fermée avec confusion des fréquences qui ne font plus qu’un et sont égalisés à la même hauteur.
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La cure
sonique s’est déroulée parallèlement à la psychothérapie analytique avec entretiens avec la mère et le père ; la
lignée paternelle a été interrogée. La maman reprend une psychothérapie ;
elle me signale quelques éléments phobiques chez Laurent, et la psychothérapie
va se poursuivre après l’arrêt de la thérapie sonique. Se pose le problème de
l’impact de la parole agressive vis à vis de l’oreille de l’enfant, cette parole
est-elle écoutée ou déniée, l’enfant va-t-il se montrer actif
vis à vis de tout discours ou va-t-il se passiviser,
se fermer , en opérant une confusion de tous les traits du langage,
avec stagnation au niveau scolaire, désinvestissement dans les relations. En
raison des relations entre la voix ,le
surmoi et la culpabilité je relate les
dires de Laurent, essentiellement en suivant les trois types de surmoi décrits
au niveau d’AJNA : quelle est, en effet, la qualité des échanges symboliques,
au delà de l’imaginaire dont le thérapeute est le témoin , lorsque le JE
est confondu avec le ON et noyé dans le TOUT LE MONDE
comme dans ce rêve où domine la loi archaique : « La nuit j’ai fait un rêve, je crois
que je l’ai déjà subi en vrai… « On partait, les rues étaient encombrées,
Il fallait marcher à pied. On se trouve
tous alignés .Tout le monde se donne une gifle. Après quelqu’un donne un coup
de fusil, c’est là que tout le monde se bouscule et les militaires nous tirent
dessus. On doit y échapper « Puis affleure la loi surmoïque :
à travers les fictions et les films qu’il relate et sur lesquels il associe :
à propos des indiens et des cow-boys, il élabore les sanctions, la culpabilité,
l’injustice. De même dans ce rêve “réveillé ”: « Le soir papa
avait grondé ; le matin je rêvais qu’il allait me frapper, je me suis mis
à pleurer dans mon lit, et ai dit en pleurant : « arrête
de me frapper »
Au cours de la deuxième année de nos rencontres,
j’ai proposé des séances de relaxation à Laurent , en demandant à la famille
de ménager un temps de détente au calme,
dans sa chambre. Cela interpelle la famille. Le papa me fait part des angoisses
de Laurent. Le petit frère peut l’agresser à ce moment-là. Je note durant cette
deuxième année qu’il substitue dans son discours les éléments de la loi symbolique,
laquelle sollicite « la justesse d’un bien dire » A.D.Weill., ceci
avec le concours du chakra V, ANAHATA :l’affirmation phallique : « Hier
j’étais au carnaval déguisé en fantôme, un garçon m’a tiré le déguisement, je
lui ai dit qu’il était jaloux, j’ai compris que je l’avais vexé,
je me suis senti mieux. En général il me faisait des réflexions devant tout
le monde, et là je le lui ai dit devant
tout le monde. »
Laurent parvient
à ne pas se trouver top méchant, …le père instaure des limites structurants,
comme l’interdiction de la télé pendant les devoirs.
Laurent
a bien évolué sur le plan scolaire, il est en sixième. La sélectivité s ‘est
ouverte. Donner la parole à l’enfant est de première importance de façon à engendrer
un espace de différenciation et de distanciation. On peut s’interroger sur l’action
purement instrumentale de la technique associée au travail analytique.. Il s’agit
précisément d’offrir à l’enfant les moyens de symboliser ses relations en étayant
le travail sur tous les paramètres énoncés au cours de ces pages. Les rapports
des courbes entre elles ont évolué, avec une courbe osseuse qui témoigne
d’une meilleure utilisation de l’énergie du sujet ( par delà la position
de victime ou d’attaquant) et une courbe aérienne témoignant d’une meilleure
acceptation de la loi et de la castration symboliques. Le travail avec les paramètres
de la chaîne auditivo-langagière a donné la possibilité à Laurent de faire des différences effectives
dans le réel grâce à un langage plus précis qui lui a permis de sortir de ses confusions entre le monde propre et le monde commun,
l’intérieur et l’extérieur, le proche et le lointain, le sujet dans
résonance et l’Autre.
Après
quinze années de recul et de multiples formations, avec une écoute minutieuse
des inflexions vocales chez les parents anxieux, je puis m’adresser à ce père
ou cette mère qui ne contrôle pas sa voix. Je l’aide à découvrir comment moduler
les vibrations de sa voix en les accordant à son but, geste à l’appui concernant
les niveaux résonantiels.
Michel M., 10 ans et demi, est
en classe de perfectionnement ; c’est un déficient intellectuel . Enfant
adopté, il eut une souffrance néonatale (est
né prématurément d’une mère diabétique). Après deux ans en pouponnière, il est
reçu par une famille d’accueil pendant un an, puis il est adopté par sa famille
définitive. Il a marché à 3 ans et à cet âge il n ‘a qu’un mot ou deux
pour désigner toute situation.
Ajoutons
que les potentiels évoqués objectivent un retard de latence important dans les
fonctions d’intégration (latences augmentées notamment l’onde N2), en raison
de sa souffrance néonatale.
Quand
je le reçois, la parole est faible,
le débit est lent ; Michel est
parfois morose et « cafardeux » selon les siens ; il est par
ailleurs très curieux, s’intéressant à la technique, aux inventions ainsi qu’aux
voyages ; Michel a effectué un long cursus
d’écoute au casque en musique puis en voix maternelle filtrée, suivi
de la pratique vocale, c’est à dire
de la répétition de sons en cabine au micro et en s’écoutant. Il a même été
invité en fin de cure à chanter en improvisant,
au micro toujours. Je ne commente que le premier
bilan ainsi que celui effectué
au bout de 45 séances.
Il y eut aussi
une précieuse coopération de la famille vis à vis de sa situation d'enfant adopté : Mme
M. constatant la déficience de l’enfant
s’est toujours associée aux divers praticiens qui recevaient Michel. Elle en
fait de même, avec son instinct dit-elle, sur le mode ludique, donc avec une
certaine distance, par rapport aux techniques que j’ai proposées. Elle a donc tenu le rôle
d’éducatrice spécialisée, alors que le papa
gardait la fonction de soutien de l’idéal et de position tierce Que nous
apprend le bilan de son écoute ?
Au départ :
la sélectivité est fermée et le restera longtemps, le
sens de l’aigu et du grave ne s’ébauchant qu’en fin de cursus : la lecture
et l’écriture sont rudimentaires, Michel confond les phonèmes et les inverse.
Michel est dans son monde et ses monologues.
On note des troubles importants de
la spatialisation, c’est à dire
de la localisation des sons entre une oreille et l’autre. Ainsi,
lorsque l’on demande à Michel de localiser un son adressé à l’oreille
droite ou à l’oreille gauche, il répond par exemple : au milieu,
en haut, il descend, au ciel., la confusion au niveau de l’espace témoignant d’une identité de base mal assurée. Ce repérage,
ignoré des ORL, peut nous donner une idée de l’aide que peut apporter cette
méthode au niveau de la structuration de la lettre dans ses aspects élémentaires,
c’est à dire dans sa configuration droite/gauche, point en général rapidement
acquis par la méthode. Au niveau des
courbes il existe des distorsions CA /CO, dont nous donnons les traits
les plus saillants :
Au niveau
de l’oreille droite : il y a une inversion des courbes dans les
fréquences graves 125 g 750 HZ donc surélévation
de la courbe osseuse par rapport à la
courbe aérienne. Nous avons dit que cette zone correspondait aux besoins de
sécurité liés aux premiers moments de la vie, (chakras II et III) : Michel
a une déficience réelle due à une détresse
néonatale et sa famille ignore la qualité des soins de base des premières années.
Il n’a pas confiance en lui, il a sans cesse besoin d’être rassuré, et au niveau
moteur outre un retard à la marche, ce fut la psychomotricité fine, c’est à
dire l’écriture qui en pâtit.
Au niveau
de l’oreille gauche : la distorsion intéresse les fréquences aiguës
au niveau de 2000 à 8000 HZ avec ascension de la courbe osseuse et
chute de la courbe aérienne, précédées d’un pic à 2000Hz, lieu nommé « le
purifié » Vishudda, le VI, en relation avec la zone thoracique haute, et
la gorge référée au souffle et
à la parole : il s’agit de nommer les choses, ce qui représente parfois
une difficulté pour notre sujet, mais aussi lieu de l’ombre focalisant les
conflits du sujet entre des pulsions opposées (nous savons que
ce lieu négocie le haut et le bas dans leur composante conflictuelle) et il
n’est pas impossible que le côté “cafardeux” de Michel soit le reflet
de tensions qu’il n’arrive pas à traduire.
Les distorsions intéressent donc les fréquences de 2KH g 8KH, correspondant à des instances que nous
supposons référées à la loi, à l’autorité, bref à l’instance médiatrice paternelle,
que notre sujet rencontre réellement à partir de l’âge de trois ans (étages
VI et VII).
Au cours
de la première année de nos rencontres, la maman reconstitue l’histoire de Michel
et la lui commente « en plusieurs étapes » à partir de sa naissance et même avant-- en usant
de coupures de journaux --, en passant par la fabrication de la pouponnière
représentée avec les multiples lits, ainsi que la sortie de celle-ci dans les
bras d’une gardienne. Sur le document réalisé avec Michel, Madame M écrit :
…« passé cette porte ce fut la plus grande insécurité pour lui, plongé
dans le bruit, les magasins, les animaux dont il avait très peur. Les mots ne
veulent rien dire : toutes les femmes sont des mamans, et tous les hommes
sont des papas ». Si Madame M. se situe au niveau de l’histoire réelle
de Michel en greffant des traces de mémoire, je me situe au niveau
de son désir et de son activité fantasmatique relatés dans ses rêves ou ses
dessins
Un jour
Michel veut me raconter une histoire, « son histoire » avec la fiction
qu’il en a recréée : « une fois mon père et ma mère se sont
mariés. Le soir ma mère s’est échappée. Après… les grands FERS… ils se rencontraient
tous les soirs au bal. J’étais en vacances avec mon père, ma mère et moi… A
trois ans j’étais à Istres, une dame au ventre… elle est partie… après la pouponnière…
Après je suis venu chez moi, je pleurais… je jouais à la piscine ». Je
retiens « Fers » qui est le signifiant par lequel il désigne le métier
de son père, la sidérurgie, à laquelle il s’intéresse beaucoup, plus particulièrement
la fonderie, le Fer étant le produit, la métonymie de l’industrie .
Au cours
de la deuxième année, Michel va répéter les consonnes sifflantes dont nous avons
dit qu’elles avaient une affinité avec les structures de base et de sécurisation
du sujet. Michel a des troubles articulatoires, notamment au niveau des palatales
(chakra V) ; il travaillera aussi au niveau du chakra VI et VII.
La curiosité de Michel est réactivée et celui-ci
me demande beaucoup de renseignements sur moi, mon endroit de naissance, mon
mariage. Puis il dessine le mariage de Michel et de Christelle, sa copine, avec
l’enfant Antoine, ainsi que l’église pour le mariage, reélaborant en
les télescopant les étapes de sa vie, mais aussi en les anticipant. Au
cours de la cure il se socialise, il est dans une équipe de basket, il chante,
articule mieux, est plus dynamique. Son père déclare : « avant,
il perdait le fil de la conversation, il monologuait, maintenant le dialogue
commence à venir » . Il poursuit sa scolarité en classe de S.E.S,
actuellement une CLISS
Sa mère
le dit plus autonome par rapport à son travail, « il lit seul le soir »dans
sa chambre. Il peut faire la différence entre lui et l'autre, il a plus confiance,
mais il a des difficultés à nommer les choses.
A la suite
de ce cursus de deux ans, la courbe aérienne s'est relevée , au niveau des zones logico-symboliques,
celle de l’écoute référée au langage articulé et adressé à l’Autre. Outre cette dynamisation
générale sur le plan instrumental : écriture, calcul, motricité fine, la
cure sonique a eu un impact sur la voix qui est moins nasonnée et comporte plus
d’aigus : nous constatons donc l’action sur la prosodie, l’intonation,
ce qui lui permet de mieux s’exprimer ; après la classe de SES, à 15 ans il ira en
IM Pro.
Ce sujet,
maintenant adulte, travaille actuellement dans un CAT et tente de passer le
permis de conduire (que possède sa copine).
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