Psychosonique en Pédo-Psychiatrie

Dr Joffrin, Françoise

 

 

14 .- OBSERVATIONS CLINIQUES

           - Courbes chutantes  en aérien sans atteinte organique de l'oreille

B. Laurent et la voix de son père :Laurent a 11 ans et redouble son CM1 . Il a été en gardiennage jusqu'à l'âge de quatre ans. A noter un accouchement qui a été difficile et très pénible pour la maman. Petit, il voit sa gardienne comme sa deuxième maman, mais il sera en conflit avec celle-ci (les "dodos" ont été brûlés). Il dit à ses parents : « Je ne sais pas si vous êtes mes vrais parents ». Jaloux envers le puîné, il veut se faire materner ; il y a de l’agressivité dans la famille : le père, qui hausse souvent le ton, peut lui lancer une chaussure ou le frapper. Lors de notre première rencontre la maman me dit : « il est dans ses songes, distrait, il ne fait plus rien, il veut abandonner le sport et ne garder que les scouts, il s’oppose et se laisse aller »

 Je relate l’évolution  de la dynamique de l’écoute de Laurent au sein d’une  psychothérapie   qui dura trois années, avec entretiens avec les parents qui  étaient  dans une situation sociale instable. Examinons les test d ‘écoute :

Au niveau de l’oreille droite, Le rapport des courbes est inversé dans la zone spectrale allant de  3.000 à 6.000 hertz, avec chute de la courbe aérienne (CA) et ascension de la courbe osseuse (CO). Ces fréquences intéressent comme nous l’avons supposé tout le haut du sujet  à partir de la région thoracique . D’abord le  lieu référé au langage,  et à la voix, (Vishudda, le VI), où il est question de nommer, se nommer, dire non et se distancier vis à vis de l’Autre, à la suite des identifications et de la place assignée au  sujet  dans sa famille.  Le VI est corrélé au VII (AJNA) zone des idéaux et de la loi  paternelle,  instances  avec  lesquelles Laurent  doit composer, et qu’il ne peut s’approprier car il les vit de façon intrusive à travers les paroles paternelles violentes. L’inversion des courbes CA/CO  témoigne d’une  relation au père ou prédomine l’imaginaire  sur le symbolique et nombre  de figures menaçantes sont  relatées dans les dessins ou les rêves de Laurent, le père, trop réel, apparaissant sous la forme du persécuteur ou bien sous la forme du compagnon de jeux corporels toujours  excessifs

 Les deux courbes sont inversées au niveau de l’oreille  gauche au profit de l’osseuse qui est,  au dessus de l’aérienne, sur presque la totalité des fréquences. La corporéité, le monde propre du sujet avec son imaginaire, son narcissisme, son repli sont  au devant de la scène en un état d’instabilité psychomotrice.   

L’analyse tonale est déficiente : Le sujet peut fréquemment, dans de telles circonstances  fermer son oreille, ne pas être à l’écoute de certaines fréquences qui l’importunent, le blessent ou le sidèrent. Il sera plutôt à l’écoute de son monde privé, au contact des histoires qu’il se raconte. Ainsi la capacité d’analyse tonale  ou sélectivité c’est à dire  l’aptitude à différencier des traits distinctifs du  langage est fermée avec confusion des fréquences qui ne font plus qu’un et sont égalisés à la même hauteur.

 




 

 

La cure sonique s’est déroulée parallèlement à la psychothérapie  analytique avec  entretiens avec la mère et le père ; la lignée paternelle a été interrogée. La maman reprend une psychothérapie ; elle me signale quelques éléments phobiques chez Laurent, et la psychothérapie va se poursuivre après l’arrêt de la thérapie sonique. Se pose le problème de l’impact de la parole agressive vis à vis de l’oreille de l’enfant, cette parole est-elle écoutée ou déniée, l’enfant va-t-il se montrer actif  vis à vis de tout discours ou va-t-il se passiviser,  se fermer , en opérant une confusion de tous les traits du langage, avec stagnation au niveau scolaire, désinvestissement dans les relations. En raison des relations  entre la voix ,le surmoi et la culpabilité  je relate les dires de Laurent, essentiellement en suivant les trois types de surmoi décrits au niveau d’AJNA : quelle est, en effet, la qualité des échanges symboliques, au delà de l’imaginaire dont le thérapeute est le témoin , lorsque le JE est confondu avec le ON  et noyé dans le  TOUT LE MONDE comme dans ce rêve où domine la loi archaique :  « La nuit j’ai fait un rêve, je crois que je l’ai déjà subi en vrai… «  On partait, les rues étaient encombrées, Il fallait marcher à pied. On se  trouve tous alignés .Tout le monde se donne une gifle. Après quelqu’un donne un coup de fusil, c’est là que tout le monde se bouscule et les militaires nous tirent dessus. On doit y échapper «  Puis affleure la loi surmoïque : à travers les fictions et les films qu’il relate et sur lesquels il associe : à propos des indiens et des cow-boys, il élabore les sanctions, la culpabilité, l’injustice. De même dans ce rêve “réveillé ”: « Le soir papa avait grondé ; le matin je rêvais qu’il allait me frapper, je me suis mis à pleurer dans mon lit, et ai dit en pleurant : « arrête  de me frapper »

 Au cours de la deuxième année de nos rencontres, j’ai proposé des séances de relaxation à Laurent , en demandant à la famille de ménager un temps de détente  au calme, dans sa chambre. Cela interpelle la famille. Le papa me fait part des angoisses de Laurent. Le petit frère peut l’agresser à ce moment-là. Je note durant cette deuxième année qu’il substitue dans son discours les éléments de la loi symbolique, laquelle sollicite « la justesse d’un bien dire » A.D.Weill., ceci avec le concours du chakra V, ANAHATA :l’affirmation phallique : « Hier j’étais au carnaval déguisé en fantôme, un garçon m’a tiré le déguisement, je lui ai dit qu’il  était jaloux, j’ai compris que je l’avais vexé, je me suis senti mieux. En général il me faisait des réflexions devant tout le monde, et là je  le lui ai dit devant tout le monde. » 

 Laurent  parvient à ne pas se trouver top méchant, …le père instaure des limites structurants, comme l’interdiction de la télé pendant les devoirs.

Laurent a bien évolué sur le plan scolaire, il est en sixième. La sélectivité s ‘est ouverte. Donner la parole à l’enfant est de première importance de façon à engendrer un espace de différenciation et de distanciation. On peut s’interroger sur l’action purement instrumentale de la technique  associée au travail analytique.. Il s’agit précisément d’offrir à l’enfant les moyens de symboliser ses relations en étayant le travail sur tous les paramètres énoncés au cours de ces pages. Les rapports des courbes entre elles ont évolué, avec une courbe osseuse qui témoigne  d’une meilleure utilisation de l’énergie du sujet ( par delà la position de victime ou d’attaquant) et une courbe aérienne témoignant d’une meilleure acceptation de la loi et de la castration symboliques. Le travail avec les paramètres  de la chaîne auditivo-langagière a donné la possibilité  à Laurent de faire des différences effectives dans le réel  grâce à un  langage plus précis qui  lui a permis  de sortir de ses confusions entre le monde propre et le monde commun, l’intérieur et l’extérieur, le proche et le lointain, le sujet dans  résonance et l’Autre.

Après quinze années de recul et de multiples formations, avec une écoute minutieuse des inflexions vocales chez les parents anxieux, je puis m’adresser à ce père ou cette mère qui ne contrôle pas sa voix. Je l’aide à découvrir comment moduler les vibrations de sa voix en les accordant à son but, geste à l’appui concernant les niveaux résonantiels.


 

Michel M., 10 ans et demi, est en classe de perfectionnement ; c’est un déficient intellectuel . Enfant adopté, il  eut une souffrance néonatale (est né prématurément d’une mère diabétique). Après deux ans en pouponnière, il est reçu par une famille d’accueil pendant un an, puis il est adopté par sa famille définitive. Il a marché à 3 ans et à cet âge il n ‘a qu’un mot ou deux pour désigner toute situation.

Ajoutons que les potentiels évoqués objectivent un retard de latence important dans les fonctions d’intégration (latences augmentées notamment l’onde N2), en raison de sa souffrance néonatale.

Quand je le reçois,  la parole est faible, le débit est lent ;  Michel est  parfois morose et « cafardeux » selon les siens ; il est par ailleurs très curieux, s’intéressant à la technique, aux inventions ainsi qu’aux voyages ; Michel a effectué un long cursus  d’écoute au casque en musique puis en voix maternelle filtrée, suivi de la pratique vocale,  c’est à dire de la répétition de sons en cabine au micro et en s’écoutant. Il a même été invité en fin de cure  à chanter en improvisant, au micro toujours.  Je ne commente que  le premier  bilan  ainsi que celui effectué  au bout de 45 séances.

 Il y eut  aussi une  précieuse  coopération  de la famille vis à vis de sa situation d'enfant adopté : Mme M.  constatant la déficience de l’enfant s’est toujours associée aux divers praticiens qui recevaient Michel. Elle en fait de même, avec son instinct dit-elle, sur le mode ludique, donc avec une certaine distance, par rapport aux techniques  que j’ai proposées. Elle a donc tenu le rôle d’éducatrice spécialisée, alors que le papa  gardait la fonction de soutien de l’idéal et de position tierce Que nous apprend le  bilan  de son écoute ?

Au départ : la  sélectivité  est fermée et le restera longtemps, le sens de l’aigu et du grave ne s’ébauchant qu’en fin de cursus : la lecture et l’écriture sont rudimentaires, Michel confond les phonèmes et les inverse. Michel est dans son monde et ses monologues.  On note des troubles importants  de la spatialisation, c’est à dire  de la localisation des sons  entre une oreille et l’autre. Ainsi, lorsque l’on demande  à Michel de localiser un son adressé à l’oreille droite ou à l’oreille gauche, il répond  par exemple : au milieu, en haut, il descend, au ciel., la confusion au niveau  de l’espace témoignant  d’une identité de base mal assurée. Ce repérage, ignoré des ORL, peut nous donner une idée de l’aide que peut apporter cette méthode au niveau de la structuration de la lettre dans ses aspects élémentaires, c’est à dire dans sa configuration droite/gauche, point en général rapidement acquis par la méthode. Au niveau des courbes il existe des distorsions CA /CO, dont nous donnons les traits les plus saillants :

Au niveau de l’oreille droite : il y a une inversion des courbes dans les fréquences  graves 125 g 750 HZ donc surélévation de la courbe osseuse par rapport à  la courbe aérienne. Nous avons dit que cette zone correspondait aux besoins de sécurité liés aux premiers moments de la vie, (chakras II et III) : Michel a une déficience réelle  due à une détresse néonatale et sa famille ignore la qualité des soins de base des premières années. Il n’a pas confiance en lui, il a sans cesse besoin d’être rassuré, et au niveau moteur outre un retard à la marche, ce fut la psychomotricité fine, c’est à dire l’écriture qui en pâtit.

Au niveau de l’oreille gauche : la distorsion intéresse les fréquences aiguës au niveau de 2000 à 8000 HZ avec ascension  de la courbe  osseuse et chute de la courbe aérienne, précédées d’un pic à 2000Hz, lieu nommé « le purifié » Vishudda, le VI, en relation avec la zone thoracique haute, et la gorge  référée au souffle  et à la parole : il s’agit de nommer les choses, ce qui représente parfois une difficulté pour notre sujet, mais aussi lieu de l’ombre focalisant les  conflits du sujet  entre des pulsions opposées (nous savons que ce lieu négocie le haut et le bas dans leur composante conflictuelle) et il n’est pas impossible que le côté  “cafardeux” de Michel soit le reflet de tensions qu’il  n’arrive pas à traduire. Les distorsions intéressent donc les fréquences  de 2KH  g  8KH, correspondant à des instances que nous supposons référées à la loi, à l’autorité, bref à l’instance médiatrice paternelle, que notre sujet  rencontre  réellement à partir de l’âge de trois ans (étages VI et VII).

Au cours de la première année de nos rencontres, la maman reconstitue l’histoire de Michel et la lui commente « en plusieurs étapes » à  partir de sa naissance et même avant-- en usant de coupures de journaux --, en passant par la fabrication de la pouponnière représentée avec les multiples lits, ainsi que la sortie de celle-ci dans les bras d’une gardienne. Sur le document réalisé avec Michel, Madame M écrit : …« passé cette porte ce fut la plus grande insécurité pour lui, plongé dans le bruit, les magasins, les animaux dont il avait très peur. Les mots ne veulent rien dire : toutes les femmes sont des mamans, et tous les hommes sont des papas ». Si Madame M. se situe au niveau de l’histoire réelle de Michel  en greffant  des traces de mémoire, je me situe au niveau de son désir et de son activité fantasmatique relatés dans ses rêves ou ses dessins

Un jour Michel veut me raconter une histoire, « son histoire » avec la fiction qu’il en a recréée  : « une fois mon père et ma mère se sont mariés. Le soir ma mère s’est échappée. Après… les grands FERS… ils se rencontraient tous les soirs au bal. J’étais en vacances avec mon père, ma mère et moi… A trois ans j’étais à Istres, une dame au ventre… elle est partie… après la pouponnière… Après je suis venu chez moi, je pleurais… je jouais à la piscine ». Je retiens «  Fers » qui est le signifiant par lequel il désigne le métier de son père, la sidérurgie, à laquelle il s’intéresse beaucoup, plus particulièrement la fonderie,  le Fer étant le produit, la  métonymie de l’industrie .

Au cours de la deuxième année, Michel va répéter les consonnes sifflantes dont nous avons dit qu’elles avaient une affinité avec les structures de base et de sécurisation du sujet. Michel a des troubles articulatoires, notamment au niveau des palatales (chakra V) ; il travaillera aussi au niveau du chakra VI et VII.

 La curiosité de Michel est réactivée et celui-ci me demande beaucoup de renseignements sur moi, mon endroit de naissance, mon mariage. Puis il dessine le mariage de Michel et de Christelle, sa copine, avec l’enfant Antoine, ainsi que l’église pour le mariage, reélaborant en  les télescopant les étapes de sa vie, mais aussi en les anticipant. Au cours de la cure il se socialise, il est dans une équipe de basket, il chante, articule mieux, est plus dynamique. Son père déclare : « avant, il perdait le fil de la conversation, il monologuait, maintenant le dialogue commence à venir » . Il poursuit sa scolarité en classe de S.E.S, actuellement une CLISS

Sa mère le dit plus autonome par rapport à son travail, « il lit seul le soir »dans sa chambre. Il peut faire la différence entre lui et l'autre, il a plus confiance, mais il a des difficultés à nommer les choses.

A la suite de ce cursus de deux ans, la courbe aérienne s'est  relevée , au niveau des zones logico-symboliques, celle de l’écoute référée au langage articulé  et adressé à l’Autre. Outre cette dynamisation générale sur le plan instrumental : écriture, calcul, motricité fine, la cure sonique a eu un impact sur la voix qui est moins nasonnée et comporte plus d’aigus : nous constatons donc l’action sur la prosodie, l’intonation, ce qui lui permet de mieux s’exprimer ;  après la classe de SES, à 15 ans il ira en IM Pro.

Ce sujet, maintenant adulte, travaille actuellement dans un CAT et tente de passer le permis de conduire (que  possède sa copine).

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