Nous nous sommes intéressé à la perception visuelle et à la reproduction graphique de formes lors d'un travail cherchant à mettre en évidence le rôle joué par la reconnaissance de l'orientation droite - gauche, chez des sujets de 10 et 11 - 6 ans, soit sur les perceptions spatiales, soit sur les transformations spatiales à opérer sur les formes perçues [1] .
Nous utilisions des formes simples à deux éléments (par exemple
ou
)
présentant une structure orientée droite - gauche et haut - bas. La présentation
se faisait au tachistoscope à 25 millisecondes. Nous demandions immédiatement
après au sujet de compléter la forme à un élément présentée en vision normale
(par exemple
ou
) de telle
manière qu'il y ait les mêmes relations entre bâtons horizontaux sur la forme
vue au tachistoscope et sur la forme complétée.
Par exemple le sujet voyant
à 25 ms puis
en vision libre devait compléter par
donnant ainsi :
.
Lorsque la forme présentée était par exemple
et l'élément isolé
, une transformation était à opérer pour obtenir
( bâtons horizontaux de même sens et opposés haut / bas
).
Les sujets étaient groupés en fonction de leur latéralité manuelle, déterminée à partir du test de M. AUZIAS (1975) et de leur latéralité oculaire basée sur un test de convergence (cf. livret annexe).
La main prévalente pour l'écriture était utilisée pour donner la réponse : dessin de l'élément manquant. Nous notions la latence de réponse. La seule verbalisation explicite intervenait à la fin du test lorsque les sujets avaient à expliquer, rétrospectivement, comment ils avaient résolu les items. Deux types de réponses, essentiellement, étaient données : l'une, d'appréhension globale de la forme "j'ai vu l'image", l'autre de saisie plus analytique : "j'ai regardé - en haut en bas - " ("à droite à gauche" pour certains).
Pour étudier le rôle de la mémorisation à très court terme nous avions donné des formes, construites sur le même principe que les items ci - dessus, à observer pendant 5 secondes puis à reproduire graphiquement. A la fin du test nous demandions au sujet comment il avait fait pour retenir en mémoire ce qu'il avait observé. Les deux types de réponses déjà notés pour la présentation tachistoscopique se retrouvaient ici.
L'analyse des résultats, montrait que dès 10 ans, le palier de réussite semblait atteint pour les perceptions et transformations de formes : les jeunes sujets réussissaient aussi bien et aussi vite que leurs camarades plus âgés.
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Concernant la relation avec l'orientation droite - gauche nous notions qu'elle existait nettement dans le groupe d'âges 11 - 6 ans, au niveau des latences, lorsque la différenciation "structurale " de la forme était malaisée et lorsqu'une transformation devait être opérée sur cette forme pour en inférer une nouvelle tout à fait différente. La relation ne paraissait pas exister pour les simples identifications mais une analyse plus poussée des réponses rétrospectives et des latences sur l'identification et la reproduction des formes (sans transformations spatiales), en relation avec les groupes de latéralités main - oeil, avait montré
- que les sujets droitiers manuels à oeil droit convergent qui prétendaient analyser globalement la forme étaient rapides et mettaient moins de 3.30 secondes pour dessiner l'élément manquant et qu'au delà de ce temps, les sujets de ce même groupe prétendaient avoir eu un comportement plus analytique ;
-
que les sujets droitiers manuels,
sans oèil prévalent en convergence, présentaient une configuration de réponses
inverse de celle des sujets à oeil droit prévalent.
Le tableau I résume l'ensemble des résultats.
Temps de latence des réponses |
5 secondes environ |
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analytique |
global |
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3.30 secondes |
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global |
analytique |
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0 |
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sujets droitiers manuels |
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à oeil droit prévalent en convergence |
sans oeil prévalent en convergence |
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TABLEAU I Mode opératoire d'identification des formes des sujets droitiers manuels selon la latéralité oculaire de convergence et d'après leur analyse rétrospective : - global : les sujets disent avoir regardé l'image , - analytique : les sujets disent avoir regardé en haut, en bas, etc. |
Nous avons trouvé le même modèle de réponses, avec les mêmes durées dans les deux groupes d’âge.
- Mais alors que les sujets de 11 - 6 ans se rangeaient dans le tableau en fonction des réponses à l’analyse rétrospective du test tachistoscopique, les sujets de 10 ans le faisaient en fonction des réponses de rétrospection au test de mémorisation, les réponses après le test au tachistoscope se réduisant chez eux à une prétendue analyse globale : « j’ai regardé 1'image ».
Il y avait là deux laite expérimentaux intéressants :
- une relation entre code opératoire et latéralité main - oeil dans les deux groupes d’âges ;
- une prise de conscience du mode opératoire utilisé dans des perceptions très brèves chez les plus âgés seulement.
Deux questions se posaient à nous :
Mais alors puisqu'une relation semblait exister entre mode opératoire et latéralité main - oeil, il fallait affiner les méthodes de détermination des deux latéralités ;
2. la verbalisation explicite n'intervenant pas, quel était le poids de la verbalisation intérieure et quel pouvait être son rôle dans la saisie analytique constatée chez certains sujets ? Mais alors une latéralité auditive (ou audio - articulatoire) devait être déterminée et mise en relation avec la latéralité main - oeil.
La présente recherche tente de répondre à ces questions.
Dans une première partie nous essaierons de montrer pourquoi se justifie à nos yeux une mise en relation entre latéralités motrice et sensorielles et processus cognitifs.
Sous II nous étudierons l'évolution des travaux sur les latéralités, travaux qui s'orientent vers des analyses de plus en plus détaillées abandonnant la traditionnelle dichotomie droite - gauche. Le rôle de la motricité et de ses relations avec les processus figuratifs ou opératifs de la connaissance sera analysé sous III.
La quatrième partie portera, en relation avec leur latéralisation, sur les rôles respectifs de la vision et de certains processus auditifs, dans l'analyse des formes. La procédure expérimentale et les résultats seront exposés sous V.
Enfin, dans une sixième partie, nous risquerons quelques hypothèses explicatives.
Pour ne pas surcharger la présentation nous avons décidé de réunir en un livret séparé l'ensemble des procédures de passation des tests de latéralités, la description des appareils ainsi que l'analyse bibliographique des principaux tests de latéralités utilisés à l'heure actuelle. Cette partie technique découle des analyses réalisées sous III et IV.
Nous remercions bien vivement H. Urgell [2] , acousticien, qui nous a aidé dans la réalisation technique des tests auditifs et de certains tests visuels. Sa collaboration nous a été précieuse par l’attention soutenue qu'il a témoignée à notre recherche, sa disponibilité, sa compétence au plan technique, son écoute toujours critique et ses points de vue théoriques très intéressante et très pertinents sur les problèmes auditifs et visuels liés à la latéralité.
1 Novembre 2007
[1] L. Bassou, Perception visuelle et reproduction graphique de formes ; Transformations spatiales mises en oeuvre dans le passage d'une orientation à une autre ; rôle joué par l'orientation droite - gauche des sujets. Mémoire de D.E.A. Université Toulouse Mirail - 1980.
[2] Centre de correction auditive, UDSM, 3 Rue de Metz, 31000, Toulouse