Retour au Chapitre Précédent ( Le Yoga comme thérapie ? )
Comme
le remarquait Filliozat
[i]
, le Yoga est plus célèbre que connu. Il apparaît falsifié,
dénaturé, distordu, et dans la représentation qu'on en fait et dans la pratique
qu'on en a. Lacheny2 remarque que l'apparition du Yoga et son implantation
depuis la deuxième guerre mondiale peuvent s'expliquer par l'évolution de
notre société. Vers la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le corps est retrouvé.
Le
rationalisme accordait toute l'importance à la connaissance intellectuelle;
or certains mouvements philosophiques conçoivent petit à petit la nécessité
d'une compréhension corporelle directe : le vitalisme de Bergson; on
retrouve les possibilités du corps : la danse, les sports, le naturisme,
l'expression corporelle.
Après la deuxième guerre mondiale,
la pensée occidentale se trouve ébranlée. Elle devient donc susceptible de
" recevoir " sans juger.
L'éthologie
fait sortir le savant de son laboratoire, l'oblige à aller sur le terrain
et à abandonner son ethnocentrisme. Il doit reconnaître l'altérité de valeurs
propres aux peuples étudiés. L'écologie lui fait reconsidérer ses vues obsolètes,
trop partielles et fragmentées.
La médecine devient psychosomatique et quelques penseurs se
tournent vers l'Orient C.G. Jung, R. Rolland, R. Guenon, etc.
|
Par ailleurs (et cela va assurer très
paradoxalement la diffusion du Yoga) s'amorce un processus d'uniformisation, lequel va engendrer
par réaction un besoin d'individualisation.
Ce besoin se traduira souvent par la
recherche de la promotion sociale : c'est l'heure des méthodes de " réussite " (Pelmanisme, Dynam Institut,
Méthode Borg, Cours Carnegie, etc.), fondées sur le volontarisme.
La civilisation métro-boulot-dodo-porno
ne suffira bientôt plus à l'homme asphyxié par les automobiles et la promiscuité
sans âme des grands ensembles urbains, épuisé par la course à la consommation
et par les cadences de travail
et même de loisir !... Du point de vue religieux, la désaffection
des chrétiens pour leur mystique les laisse en " quête "
d'une voie spirituelle.
L'enquête réalisée par M. Lacheny
[ii]
à propos des motivations
(des enseignants et des élèves) est cohérente avec le substrat historique
résumé ci-dessus. Le
Yoga est un phénomène urbain
[2]
qui a diffusé à partir de quelques intellectuels à toutes
les couches sociales.
PRATIQUE
SELON LA CLASSE SOCIALE
Ouvriers |
4 %
|
Employés,
commerçants, cadres moyens |
34 % |
Professions
libérales et cadres supérieurs |
28 % |
Sans
profession |
34 %
|
Le Yoga est pratiqué comme quête du
sacré, comme traitement psychosomatique et comme méthode de réussite (self actualisation).
Ces diverses motivations comportent
un clivage progressif entre des formes de Yoga davantage axées sur la "
quête " de l'absolu (il s'agit des grandes organisations: Méditation
Transcendantale, Elèves de Muktananda, Raja Yoga de la connaissance, Disciples
de Krishna, etc.) et les adeptes du Hatha-yoga surtout à visée psychosomatique
(Fédération Nationale des Praticiens du Yoga, Fédération Française de Hatha-yoga,
Fédération de Yoga sous contrôle médical, etc.).
Les Professeurs de Yoga, en l'absence
d'une reconnaissance officielle de cette discipline, s'improvisent tels au
gré de leurs besoins ou de leurs désirs : on y trouve des chômeurs intelligents,
des ambitieux hâbleurs, des charlatans de tous poils dont la télévision a
donné quelques exemples. Il existe, heureusement, un certain nombre de gens
sérieux, compétents et soucieux de donner une image du Yoga moins violemment
bizarre! Je regrette pourtant que nombre d'entre eux se livrent à des querelles bien peu en accord avec le principe de non-compétition pourtant
fondamental en la matière. Cela n'est pas sans rappeler les querelles incessantes
au sein du mouvement psychanalytique.
Ces techniques visent à la réalisation
de l'homme, voire à son dépassement. On se demande si leurs protagonistes
n'ont pas pour motivation centrale le dépassement des autres, dans l'affirmation
très puérile de la valeur absolue de leurs doctrines respectives. Il faut
se demander si beaucoup ne sont pas victimes du complexe de " Baal ",
ce faux dieu qui exige le sacrifice du premier-né afin de garantir la puissance
et le succès!
Celui qui vient demander quelque lumière sur lui-même, une aide dans
son angoisse, un sens à sa vie, se comporte comme ces canards naissant
qui suivent le premier objet mouvant intervenu dans leur champ visuel : cane,
poule ou petit tracteur (Lorenz). Le Professeur de Yoga divinisé par ses clients
qui l'identifient à la 'Vérité' elle-même, n'a-t-il pas tendance à se prendre
pour elle, à " y croire "...
Baal sans religion et sans dogmes ne
serait plus Baal; Baal se veut comme Yahvé, au dessus de tous les dieux :
alors il exclut, anathématise, conspue, rejette dans les ténèbres de l'ignorance,
de l'erreur et de la déviation tous les autres faux dieux, les Baal2,
Baal3, Baaln, etc.
Martin
[iii]
insiste sur la multitude actuelle des orientations
et des techniques de la psychothérapie, mais il croit pouvoir énoncer trois
principes qui en constitueraient le plus petit dénominateur commun
1.
accroissement de la " conscience " du malade (" insight
"),
2.
expérience émotionnelle
du changement,
3.
importance fondamentale de la relation soignant-soigné dans laquelle
le soignant doit faire preuve de compréhension
" empathique " et se dégager des attitudes de jugement et des solutions toutes faites.
La Yogathérapie comporte évidemment,
et comme condition nécessaire sinon suffisante, le dernier point.
Par rapport aux deux premiers, la prise
de conscience reste éventuellement informulée, souvent mal formulable, et
concerne autant le vécu corporel
que les relations interpersonnelles;
l'expérience émotionnelle du changement est favorisée au détriment d'une conceptualisation des mécanismes et des conflits
par l'attention constante à l'instant présent et le silence.
Le Yoga en tant que thérapie non verbale diffère dans sa méthodologie
de toutes les formes de psychothérapie verbale.
Quant à ses mécanismes d'action, il
nous paraît s'apparenter de manière analogique à la psychothérapie non-directive de Rogers. Après une mise en évidence
des troubles et des énergies en cause (prise de conscience), après leur décharge
cathartique (exercices d'expression corporelle en fin de séance), elle a une
visée et une action constructive elle ne se contente pas de tendre à mettre
en évidence et à démolir les structures " pathologiques ", elle
aboutit de plus à mettre en place une
structure harmonieuse des énergies présentes. Ceci non au terme de la
cure, mais au fur et à mesure.
Sans attitude moralisatrice, elle incite
l'individu à prendre en main sa propre
thérapeutique et exige pour donner sa pleine mesure que l'ensemble de
l'institution ou l'ensemble de l'équipe soignante comprenne l'intérêt et la
valeur du dialogue au sujet des moyens
de toute nature
[3]
mis en œuvre pour aider le malade : chimiothérapie,
ergothérapie, sociothérapie, psychothérapie verbale et non verbale
[4]
.
D'autre part, l'harmonisation et la régulation biologique neuro-endocrinienne produite
par les postures et le contrôle respiratoire, non seulement débarrassent le
sujet des troubles neuro-végétatifs
et fonctionnels (qui accompagnent souvent sinon toujours le malaise "
psychologique " ou " neuro-psychiatrique "), mais encore favorisent
l'investissement pragmatique de ses énergies.
" La maladie mentale " étant
sous la dépendance de plusieurs facteurs, il est souhaitable de proposer une
thérapeutique comportant plusieurs niveaux
[5]
Nous suggérons, dans tous les cas, d'associer à la psychothérapie
verbale la pratique d'une forme de Yoga (Hatha-yoga et Méditation notamment).
Il faut avoir conscience comme l'écrivait
Desoille
[iv]
que :
" l'essentiel
n'est pas tant de comprendre dans le détail la nature et l'origine de tous
les sentiments du patient, mais bien de permettre que les réflexes mal adaptés
(entendons les schèmes stéréotypés de réaction aux personnes et aux événements)
s'éteignent et que de nouveaux stéréotypes dynamiques se construisent et s'établissent
".
Dans cet esprit, la yogathérapie de
groupe, telle que nous la concevons, ne permet que très imparfaitement (et
ne la recherche pas comme essentielle) l'intelligence de ce qui se passe,
surtout d'un point de vue étiologique. Elle se contente, à partir des possibilités
reconnues par le sujet, d'ouvrir à ce dernier d'autres dimensions vécues,
agies, d'autres " attitudes " à la fois motrices, esthétiques, viscérales,
d'autres voies d'expression que le langage, porteur très souvent de la plus
grande partie des troubles relationnels auxquels il s'agit de trouver une
issue. Il s’agit donc plutôt de favoriser la créativité, la sublimation et
pour tout dire, la résilience.
Cette méthode tend à permettre au client
la création ou l'intégration de " nouveaux stéréotypes dynamiques "
acceptables dans la mesure où ils deviennent sa propriété et ne s'imposent pas à lui de manière coercitive
ou subtile. Elle tend surtout à susciter sa créativité afin qu'il soit, peu
ou prou, capable d'abandonner, lorsqu'il le juge nécessaire, n'importe lequel
des stéréotypes antérieurement acquis, en s'écoutant dans la situation (en
tant que nouvelle), pour se découvrir toujours neuf devant des situations
jamais identiques.
" En général dans la thérapeutique
de groupe ", déclare Schindler
[v]
, " on préférera une technique analytique puisque
c'est la seule méthode qui permettra un changement structural ".
C'est tomber dans la maladie sémantique par excellence
[6]
!
Il y a là, comme présupposés :
·
Or, il n'est pas dit qu'on ne puisse
obtenir des changements structuraux en court-circuitant la parole, les concepts,
l'analyse.
·
Il n'est pas dit, non plus, que les modifications " structurales
" décrites par la psychanalyse soient les plus intéressantes, ni les
plus fondamentales, ni même peut-être qu'elles correspondent à une réalité
" organismique " de façon suffisamment adéquate.
Il écrit
[vi]
:
"
Un de mes amis
[7]
qu'une curiosité insatiable a incité aux expériences les
plus extraordinaires et a finalement rendu omniscient, m’a assuré qu'en pratiquant
le Yoga, c'est-à-dire en se détournant du monde extérieur, en fixant son attention
sur certaines fonctions corporelles, et en respirant d'une façon particulière,
on parvient à éveiller en soi des sensations nouvelles et un sentiment d'universalité.
Il considérait ces phénomènes comme l'expression d'un retour à des états originels
et dès longtemps dépassés de la vie de l'âme; il y voyait la preuve pour ainsi
dire physiologique de maints articles de la sagesse mystique. Il serait indiqué
ici de les rapprocher d'autres modifications obscures de l'âme telles que
la transe ou l'extase, mais j'éprouve, quant à moi, le besoin de m'écrier
avec le plongeur de Schiller " se réjouisse qui respire dans la
rose lumière ".
Chez un homme de science comme l'était
Freud, on s'étonne de trouver une exécution aussi sommaire, sans nuances et
sans arguments. D'autant qu'à travers le persiflage (" omniscient ")
il me semble exister une sincère admiration (" expériences les plus extraordinaires
"). D'autant que ce texte ne met aucunement en doute ce que cet ami (Romain
Rolland) déclare. Ce rejet, par une pirouette, d'affirmations aussi grosses
de conséquences éventuelles me laisse rêveur ! Il s'appuie, semble-t-il, uniquement
sur l'opposition entre 1' " obscurité " de " modifications
de l'âme telles que la transe ou l'extase ", et la lumière " rose
" (de la [rationalité positiviste ? ] qui lui paraît plus
réjouissante. Ce refus de s'intéresser au " sentiment d'universalité
" fondement, entre autres, de la capacité d'abstraire, de l'angoisse
existentielle, de tous les problèmes " métaphysiques ", correspond
à mon avis au refus des expériences primordiales, originelles que nous avons
tous éprouvées, je crois!, à un certain moment de notre vie. Peut être vers
l'âge de sept ans, lors de la fameuse " période de latence "
[8]
! Chacun reconnaîtra que ces problèmes métaphysiques sont
liés très rationnellement et très affectivement à la possibilité que connaît
cet âge de concevoir la mort, sa propre mort, l'écoulement
du temps
[vii]
, etc.
Le refus de prise en considération
de ce type d'expérience, que la littérature post-freudienne a tendance à expliquer
selon des schémas aspécifiques et réducteurs, constitue peut-être une première
approche explicative de la tendance " impérialiste " de la psychanalyse
et de la " sacerdotisation " du psychanalyste.
En poursuivant la lecture du même ouvrage
de Freud, ce dernier point de vue semble trouver quelque confirmation. Il
déclare d'abord " bonheur signifie satisfaction des instincts
" et il en tire des conséquences, à propos du Yoga, que nous verrons
plus loin.
Mais examinons d'abord cette définition
du bonheur. Satisfaction des instincts. Bien sûr. Mais quels instincts ? J'aurais
trop peur d'en oublier, tellement je suis conscient de ma propre complexité;
je crains que Freud n'ait cru les connaître tous, et c'est là que le bât blesse!
Peut-on me démontrer que n'existe pas un instinct, notamment un instinct
spécifiquement humain et tendant vers quelque chose de difficile à nommer
sans parler des systèmes religieux ou philosophiques qui sont peut-être destinés
à lui répondre? On m'accordera qu'il y a autant de raison de parler d'un "
instinct du bonheur ", mais que devient un instinct du bonheur qui serait
défini par la satisfaction (le bonheur) des instincts. Définition discutable
dans la conception limitée de Freud, circulaire lorsqu'on l'amende!
Il poursuit ainsi sa démonstration
: " puisque bonheur signifie satisfaction
des instincts, il surgit une nouvelle cause de lourdes souffrances si le monde
extérieur nous laissant dans l'indigence, se refuse à assouvir nos besoins.
On peut donc espérer qu'en agissant sur ces besoins instinctifs eux-mêmes,
on sera libéré d'une partie de cette souffrance. Ce procédé de défense ne
s'attaque plus à l'appareil de la sensibilité, mais aux sources intérieures
des besoins pour tenter de s’ en rendre maître. Poussé à l'extrême il y parvient
en tuant les instincts, comme l'enseigne la sagesse orientale
[9]
, et comme le réalise la pratique du Yoga. Y réussir, c'est
évidemment abandonner du même coup toute activité quelle qu'elle soit, (sacrifier
sa vie), et ne conquérir à nouveau, par une autre voie, que le bonheur de
la quiétude ".
Nulle part à ma connaissance, Freud
n'explique avec son système, où puiser l'énergie suffisante pour " tuer
les instincts ". Où ? Sinon dans un autre instinct plus fondamental,
plus central, plus originel, plus spécifiquement humain que tous ceux qu'il
arrive à détruire
[10]
. Car Freud ne nie pas la possibilité d'un tel carnage des
instincts et en tire même la conséquence " le bonheur de la quiétude!
". Je passe sur des affirmations gratuites, telles que " sacrifier
sa vie " (quelle façon de vie?), "
c'est abandonner du même coup toute activité quelle qu'elle soit "
: Bouddha, le modèle de tous les orientaux ayant quelque parenté avec la démarche
énoncée ici par Freud, fut-il inerte après son illumination? et Gandhi? et
l'ensemble des grands maîtres spirituels du christianisme, du Zen, de l'Islam,
etc. qui ont choisi de " mourir à eux-mêmes " ont-ils abandonné
systématiquement l'action sur le monde? C'est mal connaître l'histoire! Ou
l'interpréter bien rapidement
[11]
. Dire que le Yoga a pour but de tuer les instincts et qu'il
y réussit est une affirmation gratuite et très loin de ce qu'enseignent les
maîtres.
Ecoutons le :
"
vous êtes encore conscient de la conscience
la plus physique; il en est ainsi chez presque tout le monde. Quand on pénètre
en elle pleinement ou exclusivement, on la sent comme celle d'un animal, soit
obscure et agitée, soit inerte et stupide, et dans les deux cas, fermée au
'divin'. C'est seulement en y amenant la force et la conscience supérieures
qu'on peut la changer essentiellement.
Quand ces mouvements se montrent, ne soyez pas bouleversé par leur apparition,
mais comprenez qu'ils se présentent pour
être transformés ".
Le même auteur écrit :
"
On devrait toujours commencer par une
expérience positive, non par une négative, et faire descendre dans les parties
de l'être conscient qui sont à changer, quelque chose de la nature divine;
c'est seulement quand ceci a été fait suffisamment et qu'il y a une ferme
base positive, qu'on peut avec sécurité faire lever les éléments adverses
cachés dans le subconscient, afin de les détruire
et de les éliminer par la puissance de la tranquillité, de la lumière,
de la force et de la connaissance 'divines'
".
Mais il ne faudrait pas croire qu'il
s'agit de détruire les instincts, jusque dans leur racine! Il s'agit
seulement d'éliminer et de détruire certaines spécifications, certaines modalités
précises de ces instincts pour mieux utiliser l'énergie qu'ils véhiculent
[12]
.
Par ailleurs, Sri Aurobindo
[viii]
écrit (un peu rapidement) les lignes suivantes :
" votre
pratique de psychanalyse était une erreur; au moins pour un temps, cela a
rendu le travail de purification moins facile, plus compliqué. La psychanalyse
de Freud est la dernière chose que l'on devrait associer au Yoga
[13]
. Elle se saisit d'une certaine partie de la nature, la
plus sombre, la plus périlleuse, la plus malsaine la région subconsciente
du vital inférieur, isole ses phénomènes les plus morbides et leur attribue
une action hors de toute proportion avec leur vrai rôle dans la nature "
...
J’associe la pratique du Yoga et de la |
Professeurs |
Elèves |
Relaxation médicale (Training Autogène)
|
11% |
7,3
% |
Psychothérapie |
13
% |
6,3
% |
Psychanalyse |
15,5
% |
3,6
% |
" Il est vrai que le subliminal est la partie la plus importante de la nature humaine
et qu'il contient le secret des dynamismes invisibles qui expliquent ses activités
de surface. Mais le subconscient vital inférieur qui est tout ce que la psychanalyse
de Freud semble connaître (et elle ne connaît de cela que quelques coins mal
éclairés) n'est rien de plus qu'une portion bornée et très inférieure de l'ensemble
subliminal. Le moi subliminal se tient en arrière et soutient tout l'homme
superficiel
[14]
; il contient un mental plus large et plus efficace derrière
le mental de surface, un vital plus vaste et plus puissant derrière le vital
de surface, une conscience physique plus subtile et plus libre derrière l'existence
corporelle de surface, etc. ".
Je ne peux m'empêcher de penser qu'il
aurait été bien que Sri Aurobindo ait mené à bien une psychanalyse avant de
s’autoriser à être aussi catégorique. C'est revenir à cette idée que celui
que des disciples appellent " maître " finit par croire qu'il possède
la science infuse...
Le Yoga et la psychanalyse sont scientifiques
au même degré et quasiment de la même manière.
Il s'agit d'une pratique intriquée
à une théorie relativement secondaire dans les deux cas. Il existe une même
séquence temporelle : longue confrontation avec le gourou ou l'analyste investis
d'un pouvoir et d'un savoir absolus et dont le savoir et le pouvoir modestes
et réels consistent à faire éclater les illusions aliénantes par rapport,
entre autres, au savoir et au pouvoir en général.
Tous deux parlent d'énergie mais aucun
des deux ne se donne les instruments nécessaires à sa mesure, tous deux ont
une origine aristocratique et individualiste, tous deux font l'objet de sarcasme
et évoquent la magie, l'ésotérisme, l'érotisme, l'inavouable, le subjectif,
etc., aux yeux des sectateurs de la Science positive. Tous deux donnent des
explications potentiellement extensibles à tout le champ humain et font preuve
d'ostracisme et d'impérialisme à l'égard des théories ou disciplines ayant
le même objet tout en se distinguant de leur propre conceptualisation et de
leur propre démarche pratique.
Le Yoga rejette sans justification
la psychanalyse comme la psychanalyse rejette sans justification le Yoga.
Ils s'excluent réciproquement en quelques points qui semblent essentiels à
leurs protagonistes de la même façon que s'excluaient la théorie corpusculaire
et la théorie ondulatoire de la lumière, chacun des deux étant indispensable
à l'explication de certains phénomènes au moment même de leur contradiction.
Tous deux donnent lieu, au point de
vue sociologique, à la création de quasi religions avec leurs dogmes, leur
révélation, leurs interprètes autorisés, leur initiation et leurs excommunications.
On dénonce les hérétiques et on les brûle ou on les admet comme de pauvres
et débiles voisins qui ont tourné le dos à la vraie lumière. Il semble que
oppositions et similitudes ne puissent donner jour à une synthèse avant longtemps.
Je trouve cela très regrettable en raison des progrès inouïs qui résulteraient
d'un tel travail.
ý
ý
ý
De toute façon on doit distinguer,
dans une mesure plus ou moins importante et qui reste à déterminer :
La yogathérapie telle que nous la concevons,
non seulement utilise au minimum la parole, mais encore prétend plus ou moins,
tendre à en débarrasser provisoirement le sujet (cf. silence verbal, idéique
et moteur) pour lui permettre de n'être plus autant soumis aux conditionnements
socio-affectifs et culturels véhiculés par la langue et qui ont tendance à
supplanter l'ensemble des autres systèmes de communication avec les autres
et avec soi-même.
Autrement dit, il s'agit, dans la mesure
ou l'équation verbe-phantasme serait une réalité d'abolir le premier terme,
ou plutôt de le démystifier afin d'enlever au second une partie de sa puissance
quand elle s'avère pathogène.
Major fait remarquer que cette équation
est assez explicitement véhiculée par la pensée freudienne
[ix]
: " Si les fantasmes combinent le vécu, l'entendu
et le vu par le sujet lui-même, c'est à partir des choses entendues
qu'ils sont constitués. Cette valorisation de l'entendu chez Freud n'est
pas imputable aux seuls premiers écrits psychanalytiques. Elle est constante
et se retrouve jusqu'à la fin de son œuvre : (c'est le travail de la fonction
du langage écrit-il dans l'Abrégé
[x]
, d'apporter au moi le matériel en étroite liaison avec
les vestiges mnémoniques des perceptions visuelles, mais plus particulièrement
auditives).
Il ne faudrait pas réduire la problématique
Yoga-Psychanalyse à ces quelques citations et commentaires. Le courant psychanalytique
a produit une littérature considérable et des points de vue très variés.
Le courant Yoga ne le cède en rien,
au point de vue masse (et intérêt) des documents. " Yoga " est un
terme dont les avatars sont multiples, le seul point constant de son utilisation
étant qu'il concerne la " réalisation humaine " et qu'il préconise
diverses voies de concentration mentale, divers exercices ascétiques ou mystiques
prenant en compte la globalité de l'organisme humain et sa solidarité avec
le cosmos. En ce sens la littérature qui le concerne est aussi bien occidentale
qu'orientale, au dire même des auteurs indiens modernes qui rangent parmi
les grands yogis : Jean de la Croix, Thérèse d'Avila, Ignace de Loyola, etc.
[15]
Le Yoga est une voie pratique, auto-expérimentale,
où le théoricien est en même temps l'objet de son étude et le sujet réglant
les conditions de l'expérience. Dans ce sens on peut établir une comparaison
à certaines formes d'auto-analyse. Cette démarche vise à découvrir jusqu'où
s'étendent les zones conditionnées de l'être humain pour voir s'il existe
encore quelque chose au-delà de ces conditionnements
[16]
. C'est pour cette raison que, bien avant la psychologie
des profondeurs, les 'sages' et les ascètes indiens ont été amenés à explorer
les zones obscures de l'inconscient : ils avaient constaté que les conditionnements
physiologiques, sociaux, culturels, religieux, étaient relativement faciles
à délimiter et, par conséquent, à " maîtriser ". Les grands obstacles
surgissaient des " latences
[17]
", ces potentialités inconscientes dont l'actualisation
peut faire le siège de l'homme à la recherche de sa libération.
Il s'agissait dès lors de les "
brûler
[18]
", autrement dit d'en sublimer l'énergie. Tout ce
qui est devenir est non-être en tant que non-permanent, en tant que voué à
la mort ; le Yoga cherche à le dépasser et à sortir du cycle vie-mort
dans un non-temps, une non-durée et un non-espace. Toute souffrance, toute
angoisse, toute maladie prend sa source ontologique dans le caractère éphémère
de tout ce qui est observable en dehors de nous et en nous, à moins que la
manipulation de cet éphémère ne lui enlève sa puissance.
"La
Vie, ce pèlerinage vers la mort !"
Aloysius
Bertrand
(in
"Les fantaisies du Gaspard de la nuit")
Nous pourrions alors, dans la coïncidence
de notre conscience avec le non-mouvant, le silence-plein, le vide-totalité
qui serait au fond de nous, rejoindre le Non-Mouvant, le Silence-plein, le
Vide-totalité qui serait au fond du cosmos. On ne peut réduire ce problème
à celui de la castration, quoique l'analogie soit évidente. Il y a plus dans
le problème de la mort que dans celui de la castration et c'est à une autre
époque de notre évolution infantile que se situe cette question ; à l'âge
où peut être acquise, précisément, cette idée de la mort, de la réversibilité
de la vie qui me permet d'être autre maintenant qu'il y a cinq minutes et
assure ainsi ma possibilité d'être libre; qui me promet pourtant qu'un jour
je ne serai plus, au moins comme élément de ce monde de la perception, monde
qui coïncide avec la totalité (?) de mon connaissable, à moins que les assertions
des mystiques et des prophètes n'aient un rapport avec une expérience réelle
d'une autre nature que celle de tous les jours; à moins que je ne cache à
moi-même cette expérience que peut-être, s'ils ont raison, je pourrais faire
à chaque instant.
Quelle que soit la réponse pensée et
vécue à de telles questions, il semble bien qu'elles doivent être posées,
si l'on ne veut pas scotomiser une étape nécessaire de notre propre développement.
Pas plus que je ne peux sauter à pieds joints le stade oral, anal ou le complexe
d'œdipe, je ne peux m'abstenir de la double prise de conscience liée à la
période de latence : la réversibilité de la vie, le sentiment d'universalité.
Maintenant et ici, si je suis adulte,
et si je ne l'ai jamais pu, il faut que je m'achemine vers la prise de conscience
de la vie qui sera mort et de mes possibilités de concevoir-sentir l'Universel...
Le Yoga prétend m'y préparer pourvu que je le désire, c'est-à-dire que je
désire être libre, réalisé, heureux! Il est possible que la cure analytique
" réussie " soit toujours sous-tendue par un mouvement progrédient
jouant dialectiquement avec la démarche régrédiente induite par la technique
elle-même. Qu'une telle guérison par le projet soit possible expliquerait
l'évolution surprenante de nombre de mystiques dont les structures très définies
et très marquées d'un point de vue psychopathologique ont évolué de manière
inattendue (si on se limite aux concepts psychanalytiques) vers un équilibre,
une énergie, une spontanéité, une liberté qu'on croirait ne pouvoir espérer
chez eux qu'à l'occasion d'une psychothérapie longue et aléatoire...
Schultz lorsqu'il essaie de comprendre le phénomène Yoga, écrit
: " considéré sous l'angle médico-psychologique, on acquiert l'impression
que le Yoga a pris naissance au terme d'une hypochondrie gigantesque, voire même
cosmique, et ceci non seulement parce que les anciens textes promettent à
chaque exercice l'immunité contre maladie, blessures et poisons; mais aussi
parce que les expériences étranges de " retenir le souffle et même de
faire rebrousser chemin au sperme au moment du coït (ou chez la " yogini
" d'opérer de même avec les règles), sont de nature à nous faire soupçonner
qu'il s'agit là de tentatives primitives de retenir " la vie ",
la " force vitale "
[19]
.
Faut-il suivre Schultz dans cette analyse?
Que signifie tout d'abord ce terme d'hypochondrie? Sivadon, dans le Vocabulaire
de la psychologie, donne cette définition :
"
affection mentale caractérisée par des
préoccupations obsédantes concernant l'état de santé du sujet lui-même. En
proie à des sensations subjectives pénibles, il a tendance à les attribuer
à des troubles organiques inexistant et à solliciter des soins continuels
".
Sans doute le Yoga cherche l'immunité
contre la maladie et surtout contre la mort (que la maladie symbolise et promet),
contre le vieillissement, contre le déterminisme. Est-ce à dire que tout cet
effort vers le non-relatif, le non-temporel, le non-déterminé, le non-mourant
soit d'origine hypochondriaque? Mais alors il faut prendre ce terme dans un
sens très large; il s'agit de la conscience aiguë du caractère limité de ma
liberté, de mon bonheur, de ma prise sur le déroulement temporel de mon existence,
de l'impression que j 'aie de n'être jamais parfaitement heureux quel que
soit le sommet actuel de satisfaction que j'atteigne puisque ce bonheur de
maintenant, aussi grand soit-il, est voué à l'échec que constitue ma mort
(et pour le cosmos que constitue sa fin imaginée comme cataclysmique : la
fin du monde, ou comme extinction progressive le refroidissement du système
solaire).
Entre six et quatorze ans le petit
homme, capable de maîtriser les pulsions orales, anales ou phalliques apprend
vitalement que le temps existe, que hier est autre chose qu'aujourd'hui, que
demain sera autre, que la mort n'est pas une simple absence, qu'il existe
comme sujet permanent d'expériences successives, que ce " je " ne
sait exister que par un " moi " ou pour un " moi "
capable de l'emprisonner s'il s'identifie à lui...
C'est l'époque où il commence à ressentir
l'angoisse des questions sans réponse " pourquoi maintenant c'est maintenant et tout à l'heure c'était maintenant "
, " pourquoi je fais ce que je
ne veux pas et ne fais pas ce que je veux ", " pourquoi faut-il souffrir, pourquoi faut-il
mourir? ", etc.
Angoisse existentielle, questions métaphysiques!
A quoi me sert de maîtriser le monde, de savoir faire (ce que j'ai acquis,
lors des stades antérieurs de ma vie infantile) si je ne sais être, si je
ne sais pourquoi je suis, d'où je viens, où je vais! Faire ici-maintenant,
oui; mais pourquoi faire? La conception psychanalytique de l'homme répond
à la première question et semble oublier la seconde, alors on parle de "
latence ", voire!
Il se peut que ce soit l'angoisse devant
cette question (ces questions) qui soit le plus fondamentalement à la source
du désarroi devant la vie, de l'inadaptation, des conflits individuels, des
guerres, etc. Cela se peut si, faute de donner à chaque instant ma réponse,
je cherche dans mon être phénoménal, mon moi historique et déterminé, des
ressources qu'il ne comporte pas ; ce sera la régression, d'autant plus
visiblement dommageable que la structuration de mon être sera insuffisante
ou distordue ; ce sera la maladie psychosomatique, la psychose, la névrose,
la fuite dans le plaisir sans signification, l'accumulation de pouvoir, d'argent,
d'expériences vides, de territoires, d'influence, de prestige, la société
de consommation, la dictature, la colonisation, l'exploitation, le sous-développement,
la guerre; la pollution et la mort de l'individu et de l'humanité!
J'entends
déjà les 'défenses' que vous m'opposez. Sans doute certains ont même déjà
fermé ce livre (" je croyais
avoir affaire à un ouvrage de psychothérapie et je reçois une leçon métaphysique
").
Pour considérer ces questions sereinement,
peut-être faut-il « la bonne volonté
de devenir semblable à un petit enfant et d'abandonner l'ancien pour le nouveau.
Le bonheur de dépasser les fausses limites et la joie de les voir disparaître
[20]
».
Cela a certainement, plus à voir avec
la dépersonnalisation qu'avec l'hypochondrie et je crois être obligé d'étudier
ici ce point.
En effet, la relaxation en général,
le Yoga aussi, peuvent faire accéder à des états de " dépersonnalisation
"
[21]
: on décrit sous ce terme un état particulier de l'organisme
amenant la personne à s'éprouver comme se transformant et à éprouver le monde
comme changé, artificiel, étrange sinon illusoire.
L'hypothèse souvent rencontrée dans
la pensée hindoue ou bouddhiste est que le monde phénoménal, quoique réel,
ne l'est que parce qu'on s'y accroche, parce qu'on y adhère. La réalisation
de l'être, de l'essentiel, passerait donc par la prise de conscience stable
de son caractère illusoire. ainsi que du caractère illusoire de la pensée,
de l'imagination, des sentiments qui constituent le monde intérieur. Ainsi
la dépersonnalisation semble un des buts recherchés par le Yoga. Si ce rapprochement
a quelque valeur, il convient de préciser autant que possible la notion de
dépersonnalisation et de voir si elle constitue un état nécessairement pathologique.
Dans cette hypothèse, le Yoga ne serait qu'une route royale de la folie!
Amiel déclare " je suis comme n'étant pas ". Cette contradiction est faite d'un sentiment
ineffable d'incomplétude. Angoisse profonde liée à la mise en question de
la réalité de soi-même le sujet se regardant comme objet et se réduisant à
cet objet, croit perdre sa réalité de sujet. Il se vit comme être-néant, Je-NonJe;
en essayant de me saisir dans l'action de tout à l'heure en tant que j'en
étais le sujet, je ne trouve rien, je suis devant mon action comme devant
celle d'un autre. La non coïncidence du je et du moi devant l'échec que le
je, en tant que je, puisse être contemplé, aboutit à l'affirmation qu'il n'est
rien. Par " moi " j'entends ici tout le donné empirique constituant
l'ensemble de ce qui est élément de mon organisme, corporel ou psychique.
Quand " je me regarde ", je regarde, en fait, tout ce qui, en moi,
n'est pas liberté instantanée mais processus constituant de mon être phénoménal.
Sartre parlera de " Pour
Soi "
[xi]
et le concevra comme habité de Néant!
Ce sentiment du néant au creux du plus
essentiel de ma conscience d'être est angoissant, dans la mesure où je ne
veux ni renoncer à la conscience de ma condition, de ma faille, ni au désir
de plénitude, de comblement, de bonheur, de totalité; c'est le mal de celui
qui n'accepte d'être déterminé et libre à la fois et qui ne veut pas se leurrer
au point de croire qu'il est parfaitement libre, ni accepter de ne point l'être
du tout.
Sentiment d'étrangeté et de transformation,
doutes sur l'identité de soi, sentiment de vide intérieur, sentiment d'agir
comme une machine, artificialité et irréalité du vécu imaginaire, sentiments
d'auto- dépréciation,
sentiment de dédoublement, sentiment
du néant, de mort psychique, de vide, de perte d'énergie, sentiment de lourdeur
ou de légèreté excessive du corps, impression de gonflement, rétrécissement,
sentiment de se trouver hors de son corps, sentiment de se déplacer à l'intérieur
d'une enveloppe que serait le corps, sentiment de voir la réalité à partir
d'un autre monde, sentiment de facticité du monde, d'étrangeté, de bizarrerie,
de dégoût des choses, perplexités sur le temps, sentiments de déjà vu, déjà
vécu, besoin constant d'introspection, essai de fixation de la durée intérieure.
En pathologie mentale, Henri Ey remarque que la dépersonnalisation est l'un
des aspects les plus fréquents et phénoménologiquement le point de rassemblement
symptomatique des psychoses délirantes aiguës. Elle apparaît selon Follin
et Azoulay " à tous les moments
critiques marquant les étapes évolutives des psychoses chroniques ".
Si l'on admet que les 'psychoses aiguës'
et les tournants évolutifs des 'psychoses chroniques' sont liés à des événements
" traumatiques ", cela veut dire que je mets en interrogation de
façon durable et angoissante la valeur de ma personnalité face à un réel tout
à coup devenu insupportable. Je me regarde, au sens plein du terme chaque
fois que l'action sur le monde n'ouvrant à aucune solution je m'aperçois que
je dois agir sur la structure même de ce que je suis afin de ne pas préférer
la mort, chaque fois qu'aucune action efficace de moi sur le monde n'est possible
et chaque fois qu'aucun
compromis ne pourrait se dessiner entre
mon désir et ma frustration.
A l'issue de cet examen ultra-schématique
de la dépersonnalisation vue par le regard psychiatrique, il convient de se
demander si le Yoga n'est pas la manifestation de la psychose collective du
peuple indien...
Je pense que tous mes lecteurs ont
fait, au moins une fois, l'expérience de l'un ou l'autre des phénomènes énumérés
plus haut.
Je remarquerai par ailleurs que le
training autogène pratiqué par le sujet le plus 'normal' qui soit, lui permettra
de ressentir, avec angoisse ou non, des phénomènes analogues. En fait, le
caractère fondamentalement humain de ces sentiments s'exprime en cela que
le relâchement de la vigilance ou du tonus musculaire est susceptible de les
reproduire de manière plus ou moins fugace.
Le phénomène de dépersonnalisation
paraît faire la charnière au niveau du vécu entre la réalité et le rêve. Pour
être plus précis, entre le fonctionnement unifié de l'organisme concrétisé
par la possibilité d'agir son action en tant que personne distincte du monde
et se concevant par rapport à sa durée et par rapport à ses éléments spatiaux
(les parties du corps) comme une unité dynamique et structurée (état de veille),
et un autre fonctionnement où je ne suis plus maître de mes pensées qui s'agencent
d'elles-mêmes, où mon imaginaire s'émancipe de ma tutelle (le sommeil). (On
évoque aussi l'expérience psychédélique, mais dans celle-ci la barrière entre
le rêve et l'état de veille est abolie).
Il s'agit d'une prise de distance à
l'égard de la réalité sur laquelle je renonce à agir, laquelle je décide de
moins percevoir, il s'agit aussi d'un abandon provisoire de ma capacité d'unifier
le multiple qui me constitue selon un projet d'existence. Abandon, renoncements
provisoires et incomplets, en voie de se constituer lorsque je m'endors, en
voie de disparaître lorsque je me réveille. Etat entre la veille et le sommeil.
En dehors d'une stabilisation du phénomène (névrose de dépersonnalisation),
deux solutions s'offrent au sujet victime d'un tel état de dépersonnalisation
1.
s'éveiller totalement ou s'endormir tout à fait en réintégrant par conséquent,
des états habituels;
2.
basculer dans un vécu et un fonctionnement indifférencié plus encore, où rêve,
sommeil et veille ont perdu leur spécificité : l'E.E.G. est mal différencié,
le vécu mêle rêve et réalité sous forme d’onirisme, d'hallucinations, de délire,
d'interprétations.
Le Training Autogène nous a appris
qu'un tel phénomène est maîtrisable : je peux décider que je vais me
« dépersonnaliser »; je peux décider de retourner à un fonctionnement
'normal' puisque je peux décider de faire les exercices du Training Autogène
et de ne les faire que pour une durée que je fixe au préalable. Il existerait
donc une dépersonnalisation 'pathologique' : celle qui s'impose à moi; une
dépersonnalisation saine et même bienfaisante, celle que je me permets
[22]
!
Mais comment expliquer l'angoisse si
souvent rencontrée dans un tel état ? Il s'agit, je crois, de l'angoisse de
mourir. En effet cet état est hautement suggestif, hautement analogue à ce
que nous pouvons imaginer de la mort. Il s'agit d'un moment où une personne
se réduit à l'état de cadavre, c'est-à-dire un être qui n'en est plus un,
qui est multitude, poussière, fragmentation, morcellement. Si la dépersonnalisation
correspond à une " analogie de la mort ", il n'est pas surprenant
qu'elle soit recherchée systématiquement par ceux qui veulent en triompher
ou la comprendre. Triompher de la mort et la comprendre, n'est-ce pas le projet
dernier de tous les systèmes
religieux et de bon nombre de systèmes philosophiques?
Il conviendrait de distinguer
1.
l'état entre la veille et le sommeil est abandon de l'attitude
active ou retour à cette attitude. C’est un état généralement très bref mais
qui peut se prolonger plus ou moins dans certains cas :
·
pour des raisons biochimiques (tranquillisants),
·
'pathologiques' (impossibilité vécue
d'affronter le monde réel traumatisant et, simultanément, crainte de le quitter
par la mort),
·
thérapeutique (Training Autogène, Rêve
Eveillé Dirigé, etc.)
·
ou " spirituelles " (méditation,
prise de distance à l'égard du perçu et de ce qui, en moi, perçoit et réagit.
Cet
état intermédiaire ouvrirait sur un quatrième état de conscience stable qui
aurait certaines des caractéristiques du sommeil (repos) et certaines de la
veille (conscience vigile). Cet état pourrait donner lieu à des moments de
conscience sans contenu, conscience de la conscience. Cet état est de tous
les âges
[23]
potentiellement.
2.
la faculté d'introspection (qui n'apparaît généralement que
vers la septième année) permet au sujet qui vit cet état d’en prendre une
connaissance réflexive s'il se prolonge suffisamment.
3.
cet état, pouvant être symbolique de la mort, s'accompagnera
de plus ou moins d'angoisse (la peur de mourir), de plus ou moins de jouissance,
de plus ou moins d'enseignement (si cette " petite mort " est réellement
analogue à la mort, puisque je reviens de cette petite mort, c'est que je
suis immortel par rapport à la grande mort; ou encore en maîtrisant mon angoisse
devant l'analogon de la mort, j'apprends à maîtriser mon angoisse devant la
mort et devant tout ce qui lui est fondamentalement lié : la durée, la vieillesse,
la maladie, la souffrance, les privations, les frustrations, les impuissances,
etc.).
Enseignement
qui pourrait n'être que suprême illusion. La renaissance à une autre vie étant
objet de croyance, postulat optimiste indémontrable. De toute façon, ainsi
apparaît l'inconnu de la mort, son mystère
nous ne pouvons nous représenter l'état
d'être-mort que par rapport à la vie même, comme un au-delà repéré encore
dans les catégories de vie
[xii]
" .
En rapprochant le Yoga de la dépersonnalisation
plutôt que de l'hypochondrie, j'ai été amené à parler de la mort. Il eut été
aussi opératoire de parler de la vie, de l'immortalité, de la liberté tant
vie et mort sont liées et aussi indissolubles que droite-gauche, haut-bas,
avant-arrière, dedans-dehors, etc. mort-immortalité, autrement dit mort-non-mort,
conditionnement-liberté, mécanique-je
[24]
.
Je pense qu'il est tout à fait possible
d'analyser cela et d'y découvrir des racines plus anciennes, plus primitives
du type phallus-castration, rétention-expulsion ou même fusion-autonomie.
J'admets qu'il y a là continuité; qu'en
effet la mort n’est pas sans lien avec la séparation de la mère, avec le stade
anal, avec le phénomène œdipien; mais la problématique de la réversibilité
de la vie, de la différenciation du " moi " et du " je"
(au sens déjà indiqué), de la dépersonnalisation (vécue comme telle et dans
l'angoisse) ne se laissent pas réduire à ces phénomènes; ils les prolongent
et sont colorés par eux mais ils les dépassent. La période de latence est,
plutôt qu'un sommeil mâturant, le moment de la découverte de la condition
humaine en tant que telle. C’est alors
qu'on vit la nécessité où l'on est de mourir, c'est à cet âge qu'on peut le
savoir! Au moins, les possibilités sont-elles réunies! Encore faut-il qu'elles
soient mises en œuvre : si bien que la conception de la mort n'est bien
établie qu'à l'âge de neuf ans
[xiii]
. L'idée de se donner la mort reste exceptionnelle au-dessous
de quinze ans (4 suicides pour un million d'habitants entre 10 et 14 ans chez
le garçon, 1 suicide pour un million chez la fille) alors qu’au-delà de 16
ans les taux sont multipliés par dix ou trente.
D'autres auteurs, spécialement E. Milner,
pensent que la mort n'est pleinement envisagée qu'au moment de l'adolescence
(à mon avis, il s'agit d'une forte réactualisation) :
"
dans le cadre de ce qu'il est convenu
d'appeler travail de l'adolescence, se fait la confrontation individuelle
de chacun avec ce qui est la Loi des Hommes, c'est-à-dire la nécessité de
la mort, dont un des aspects est l'interdit
de l’inceste ou, en d'autres termes, la possibilité de la limitation à
son propre désir. C'est le véritable moment où se pose le problème de son
identité, du rapport à son propre corps, à son nom, et à sa place dans la
famille, et aussi, à la différence des sexes, dans cette perspective œdipienne
qui est celle de notre société... "
[xiv]
Aussi bien la mort redoutée dans l'état
de dépersonnalisation n'est-elle peut-être que celle des illusions, des défenses,
de l'écroulement de ce que Reich appelait la " cuirasse musculaire ". Un tel effondrement
étant d'ailleurs réellement à craindre pour celui qui est dépourvu d'un axe
suffisant, d'une colonne vertébrale.
Dans notre expérience de yogathérapie,
nous avons évité de provoquer ou de permettre la prolongation d'états de dépersonnalisation
chez les 'malades' qui nous étaient confiés. Actuellement, je me demande si
une telle précaution se justifie et si cette pratique ne pourrait être bénéfique.
Un des arguments serait celui-ci : dans bien des cas, ces 'malades' le sont
pour avoir, par trop, craint la mort (pour quelque raison fantasmatique ou
non que ce soit); une technique qui leur permettrait d'en revivre l'analogon dans une ambiance sécurisante
ne serait-elle pas salutaire? Cette technique de se voir mort (exercice de
yoga nommé posture de la mort ou
" shavasana ") pratiquée
en groupe pourrait avoir d'aussi bons effets que d'autres plus agressives,
largement utilisées. En effet, n'est-ce pas se servir du même procédé (de
manière plus technique, à plus grands frais, sans toujours savoir ce qu'on
fait, en faisant plus au niveau métabolique par exemple) que de prescrire
des comas thérapeutiques à l'insuline, des électrochocs sous curare, des narcoses,
des necs, des sismos, etc. Affronter réellement la mort, comme dans la cure
d'insuline, la tentative de suicide ou des bombardements (bien des 'schizophrènes'
ont guéri à cette occasion paraît-il!) peut être salvateur. Je crois qu'à
un moindre degré sans doute, mais à un moindre danger aussi, une cure de shavasana pourrait avoir le même effet
[25]
!
Affronter la mort, en échapper cependant
peut susciter l'angoisse ou/et guérir de " qui suis-je? ". Certains
qui ont échappé à une mort en la traversant (les " ressuscités de la
réanimation cardio-respiratoire, les rescapés d'Hiroshima, etc.) restent longtemps
choqués, en proie à une angoisse permanente avec cauchemars; ils ont la sensation
de ne plus être comme les autres car ils sont " revenus du séjour des morts
[xv]
"
La mort est ce qui donne ou qui ôte
son sens à une vie et parler de la mort c'est philosopher. Expérimenter la
mort (d'une façon ou d'une autre), c'est expérimenter sa propre philosophie,
se confronter à la signification de sa propre existence
[xvi]
.
Cette philosophie est tellement évidemment
vécue par chacun qu'on ne saurait l'oublier même quand on parle de "
thérapeutique ", voire d'astronomie, de chimie ou d'épistémologie!
*
*
*
La voie que propose Patanjali est expliquée
en grande partie par la conception anthropologique qui est la sienne ou si
l'on veut par sa conception de l'expérience psychique qu'il découpe en trois
classes
[xvii]
1.
les erreurs et les illusions (rêve, délire, illusions perceptives,
etc.)
2.
la totalité des expériences psychologiques 'normales' et 'objectives'
(tout ce qui est pensé, perçu, senti, éprouvé, imaginé avec conscience d'imaginer,
etc. par l'homme éveillé 'normal')
3.
les expériences " supra-conscientes " : contemplation,
expériences parapsychologiques, enstase, etc.
Pour lui, il s'agit d'abandonner les
deux premières catégories d'expériences pour atteindre à la troisième. Cette
dernière catégorie serait probablement rangée dans la catégorie de 1' "
illusion " par bien des psychologues ou psychiatres à prétentions "
scientifiques ". Il convient donc d'ouvrir ici une parenthèse à propos
de ces phénomènes " supra-conscients ".
Il s'agirait pour l'adepte de "
se joindre " à soi-même et cela ne va pas sans évoquer le " soi
" de Jung, le processus d'individuation, c'est-à-dire l'unification
en une synthèse parfaite de la totalité du psychisme conscient et inconscient.
Jung parle à ce propos de fonction " transcendante "
[xviii]
. Schiller, cité par Jung, parle d’"
état esthétique ", à propos de cette unification contemporaine d'une
" déterminabilité infinie " du psychisme. Jung lui-même insiste
sur la valeur du Yoga par rapport à cette recherche de la réalisation humaine
à travers l'assimilation des opposés, en particulier par l'ouverture aux symboles
inconscients. Masson-Oursel
[xix]
symbolise cet état
d'unification par une roue bien faite dont les rayons convergent tous excellemment
dans le moyeu...
Le Bouddhisme parle de libéré vivant
", d'éveil. Thérèse d'Avila parle de la " vie d'union "
[xx]
"Heureuse
l'âme qui y est parvenue" dit-elle, "elle goûtera la paix en cette vie et en l'autre ". N.K. Gupta
déclare " au niveau du supramental,
on voit (...) l'unité amasser en elle toutes les diversités sans les détruire,
mais annuler et repousser la conscience séparative qui est le commencement
de l'ignorance. "
Les états surconscients demanderaient
des livres et des livres pour être explorés un tant soit peu ; et combien
de recherches avant d'entrer dans le domaine de la " Science "!
Il est d'ailleurs inutile de décrire
une planète inconnue tant que les hommes croient que les voyages interplanétaires
sont des fables, des rêves, des illusions répondant à un ensemble de troubles
" pathologiques ".
Le groupe a un rôle de " garde-fou
" propre à éviter les aberrations ou l'anarchie d'une pratique individuelle.
Cette dernière en effet, dans la mesure où le sujet insisterait sur la nécessaire
" écoute de soi-même ", pourrait voir cette écoute s'exagérer et
devenir unilatérale au point que l'individu s'entraînerait à renforcer ses
propres tendances somato-psychiques, qu'il s'agisse de respiration, de posture
ou de concentration, au lieu d'en assurer l'équilibration progressive. Ces
remarques montrent de toute façon que le Yoga ne doit généralement pas être
pratiqué seul. Il est préférable qu'il y ait un contrôle, par un moniteur,
un médecin ou un groupe et, mieux, par les trois réunis...
On sait que les techniques de groupe
verbal ont adopté la disposition circulaire comme plus favorable aux interactions
sur un mode non hiérarchisé. Dans une technique où l'on conseille de fermer
les yeux et dans laquelle les échanges verbaux sont inexistants, cette possibilité
d'échanges multiples n'est pas exploitée et dès lors la disposition circulaire
paraît injustifiée.
En fait elle favorise tout d'abord
la dé-hiérarchisation du groupe et nous paraît utile au moins à ce titre.
D'autre part elle réalise une unification
formelle, symbolique, du groupe suffisamment évidente au niveau du vécu pour
qu'un membre qui refuse sa solidarité avec les autres, sorte de ce cercle
ou adopte une position décalée. Elle symbolise aussi la mise en commun d'une
portion de l'espace. Elle permet, dans les phases d'attente mutuelle, la prise
de conscience de l'interdépendance ou mieux de la fonction du groupe qui est
d'être ordonné à l'épanouissement de chacun.
La disposition en rangs évoque celle
d'une salle de cours et indiquerait plutôt la volonté pédagogique dans le
cadre d’un rapport de connaisseur à ignorants.
**
Le Yoga implique et accentue une certaine
séparation du monde environnant et d'autrui. Le fait pour un sujet, mal lié
aux autres, de pratiquer cette discipline en référence à d'autres qui la pratiquent
simultanément, précise la signification de cette séparation et lui donne toute
sa valeur.
"
Je suis moi-même, différent des autres,
avec mon propre rythme et mes propres modalités de réalisation personnelle,
je me retire en moi-même avec d'autres qui en font autant; je les accepte
retirés en
eux-mêmes,
n'intervenant pas à mon endroit et je suis accepté par eux, retiré en moi-même
n'intervenant pas à leur endroit
".
Ce retrait en soi est d'autant plus
précieux et nécessaire que l'on s'adresse à des personnes souffrant (pour
quelque raison que ce soit) d'un excès de stimulation.
Justement Goldstein et Sugerman
[xxi]
ont montré par l'analyse sur ordinateur de l'électro-encéphalogramme
de schizophrènes " que ceux-ci souffrent d'un état d'hyper-activation
ou d'une saturation d'entrée d'information.
Tout récemment ces travaux ont été
confirmés par la méthode d'idéographie cérébrale (intensité de la circulation
dans les zones corticales de perception).
Il en va de l'introverti comme de l'escargot
: retranché dans sa coquille, il n'en sortira pas tant qu'avec une épingle
on l'excitera à le faire (et telle est la " psychothérapie de soutien
" trop souvent pratiquée à l'égard des 'indifférents', des 'passifs',
des 'athymormiques', etc.). Au contraire si une ambiance convenable le laisse
agir à sa guise, il aventurera une corne puis l'autre, acceptant alors le
dialogue avec l'ambiance quitte à rentrer à nouveau si ce dialogue se fait
trop intense, pour ressortir encore et s'extérioriser au maximum jusqu'à s'aguerrir
au point de se demander à quoi lui sert sa coquille.
Le groupe rond, le groupe cocon, permet
à ses membres de réparer ce que leur relation avait de trop proximal, de parfaitement
insupportable et désocialisé.
Les psychanalystes ont montré que l'image
du corps s'établit essentiellement entre six mois et six ans comme mouvement
dialectique entre un pôle de " fusion ", de pleine réalisation,
et un pôle d'arrachement, d'insécurité. La conséquence thérapeutique, que
le Yoga préconisait d'ailleurs avant cette conceptualisation, sera d'établir
la rééducation au moyen d'une alternance
d'insécurité dynamique et de repos sécurisant.
La réalisation de postures identiques
(fusion) que l'on peut ou non, prendre, garder plus ou moins longtemps, réaliser
avec plus ou moins de perfection apparente (autonomie) permet une identification
de l'image du corps propre comme unique et autonome dans la similitude.
Il faut également remarquer que cette
dialectique fusion-arrachement rejoint à un certain niveau ce que nous appelons
la "dialectique posturale ". On ne peut aider quelqu'un à réviser
ses positions " fusionnelles" qu'en
partant d'elles. C'est, par exemple, ce qu'on observe dans les groupes de
psychodrame de type Bour (par opposition aux psychodrames de type triadique)
d'une grande valeur dans le traitement de tous ceux (c'est-à-dire de tous)
qui ont avantage à revivre leur relation première à l'utérus. C'est également
à partir de cette notion que s'explique la grande efficacité de l'audition
de la " voix maternelle " filtrée à 8000 Hertz et de 1' " accouchement sonique
[xxii]
".
La yogathérapie, grâce au groupe circulaire-maternel,
grâce aux débuts de la cure où le moniteur et la monitrice sont " aux
petits soins ", grâce aux postures régressives immédiatement compensées
par les postures antagonistes, grâce au soutien, à la chaleur, à l'unanimité
du groupe; enfin et peut-être surtout, grâce aux modes respiratoires régressifs
contrôlés, aux relations nouées uniquement sur le plan non-verbal, la yogathérapie
constitue une rééducation de type " anaclitique
[26]
de ce soubassement pré-verbal sur lequel s'est bâtie la
personnalité du 'malade'.
Ce problème se pose surtout lorsqu'on
hypostasie les " Diagnostics ".
Selon Newcomb
[xxiii]
, deux conditions de base doivent être remplies pour qu'un
groupe humain quel qu'il soit puisse se structurer et fonctionner normalement.
1.
une adhésion librement consentie par les participants à un
certain nombre de règles et de lois, en vue d'un but commun à atteindre;
2.
l'existence de possibilités d'identifications réciproques minima
entre les participants du groupe.
Il ne faut pas, à mon avis, exagérer
le deuxième point jusqu'à constituer des groupes de schizophrènes, d'éthyliques,
de maniaco-dépressifs, etc. D'abord parce que cette identification entre les
membres n'est pas évidente par le seul fait d'une étiquette psychiatrique
commune. Le diagnostic est une abstraction jugeant de l'identification réciproque
possible au seul niveau " pathologique" . Par cela même le groupe
pourrait se structurer sur un mode pathogène et non thérapeutique, les participants
ne parvenant, à la limite, à communiquer qu'à l'intérieur du " champ
morbide ". On trouvera plus d'entraide dans un groupe composé d'aveugles
et de paralytiques. Mais, s'il n'y a que des aveugles, comment le groupe y
verra-t-il clair? S'il n'y a que des paralytiques quel sera son dynamisme?
Il y a là une question de bon sens, de nuances et finalement d'expérience.
Une trop grande homogénéité de symptomatologie,
de structure et d'âge ferait encourir de graves dangers de 'résistance de
groupe’ et d'immobilisme.
L'alternance, pour le même groupe,
des exercices de Yoga et d'expression corporelle ou verbale semble être très
intéressante. Schwenn
[xxiv]
a déjà montré, chez des toxicomanes, que cette
alternance (relaxation/groupe verbal) favorisait l'expression et engendrait
un approfondissement affectif de la vie du groupe.
Par rapport aux dimensions sociologiques
de la problématique des névroses, on peut se poser deux problèmes :
1.
Les conditions sociales peuvent-elles provoquer des
névroses?
Hollingshead
et Redlich ont montré que plus la classe sociale est basse plus la proportion
de psychoses est forte, et inversement plus la classe est élevée, plus la
proportion de névroses est grande.
E.
Fromm décrit dans " la révolution de l'espoir" l'homme de notre
civilisation livré au cauchemar d'une société totalement mécanisée, dont la
morale est fondée sur l'évolution technique, l'efficacité et la productivité.
Cette organisation crée " l'homme consommateur " purement passif,
impuissant, isolé et plein d'angoisse. Il ne peut préserver ou construire
son intégrité et son identité parce qu'il ne peut échapper quoiqu'il se sente
condamné à vivre sans espoir. C'est la société bureaucratisée qui engendre
ce désespoir, ce vide intérieur, cette confusion et une tension permanente.
La
dépression n'est que cette tristesse qui vient au jour, l'agressivité "
névrotique " exprime seulement la rage face à des conditions de vie implacables.
2.
Ces remarques posent un deuxième problème : la mentalité
sociale peut-elle être considérée comme pathologique?
K.
Horney le pense et Fromm le suggère. De cet avis également W. Reich. Freud
lui-même (dans Une névrose démoniaque) et Jung ont montré que des phénomènes
collectifs peuvent être compris sous l'angle de la psychologie des névroses.
De même G. Mendel et H. Marcuse montrent que la guérison radicale des névroses
ne peut se concevoir sans un profond bouleversement socioculturel et politique
qui permettrait de désacraliser le principe d'efficacité.
D'autant la thérapie se penche sur
les causes, d'autant elle passe de l'individu (psychologie), au sociologique
et au politique d'une part, au biologique et au chimique d'autre part (dans
la perspective déjà tracée par Auguste Comte
[xxv]
).
Il convient de remarquer que la dimension
proprement individuelle et psychologique ne devrait pas ressortir appauvrie
de ces recherches et extensions. De même qu'il n'y a pas à supprimer le concept
d'atome au nom de la physique des particules ou de la chimie des molécules
[27]
La yogathérapie cherchera à agir au
niveau psychosomatique individuel en tenant compte des limites imposées par
le milieu de vie du client. Cette action aura nécessairement d'heureuses conséquences
biologiques (biochimiques, immunologiques, etc.).
Cette constatation ne doit pas, à mon
avis, freiner l'engagement socio-politique,
ni du thérapeute, ni du client. Cet engagement pourra trouver, éventuellement,
sa motivation et son point d'impact, dans l'analyse des causes sociopolitiques
de la maladie ou du symptôme et dans l'action contre les structures pathogènes.
De fait, si la démarche Yoga constitue
souvent une mesure purement individuelle de défense contre les aspects les
moins défendables de notre culture elle n'implique pas nécessairement un " désengagement " du contexte socio-économico-politique
malgré ce que soupçonnent certains
[xxvi]
et comme on pourrait l'attendre d'une démarche proche du
phénomène religieux. L'adepte dirait alors comme la sœur de Gribouille
[xxvii]
" ma pauvre
mère s'est toujours remontée en priant; je ferai comme elle, et comme elle
j'aurai le calme et la paix du cœur " .
La critique de Karl Marx à ce sujet
est loin d'être vaine comme chacun peut le vérifier dans l'Histoire et dans
l'Actualité. Mais la formulation réitérée de cette critique tend à modifier
le phénomène et, depuis Marx, des chrétiens, des musulmans et la plupart des
courants spiritualistes se sont efforcés de montrer un intérêt nouveau pour
un nouvel état de l'organisation sociopolitique
[xxviii]
Michèle Lacheny trouve que parmi les
Professeurs de Yoga, 1/3 s'intéresse à la politique et se déclare " de
gauche " ou " plutôt de gauche ". On n'en trouve pas plus de 6 % pour se déclarer
du centre ou de droite. Parmi les élèves des cours de Yoga la proportion de
ceux qui s'intéressent à la politique est des 2/3 avec 31 % se déclarant à
gauche et 18 % du centre ou de droite.
On voit que 2/3 des professeurs de
Yoga et 1/3 des élèves se désintéressent apparemment des événements politiques
mais cette proportion n'est pas nettement différente de ce qu'on rencontre
dans le reste de la population.
[1]
Chapitre II de "Yoga et Psychothérapie" du Dr Bernard Auriol, republié par la Fédération Francophone de Yoga in
"Yoga, Thérapeutique Appliquée" ,
sous la direction de Swami Saï Shivananda, PhD
[2]
Il existe
des exceptions : par exemple Mme COUDERC à La Française (82) et de nombreuses
communautés rurales composées le plus souvent d'émigrés en provenance des
villes.
[3]
Que le client doit pouvoir refuser comme le prévoit la
" charte des Internés " sauf cas très précis définis très clairement.
(Delirium tremens par exemple qui met directement la vie du patient en danger).
[5]
Cf. P. Sivadon et F. Gantheret, La rééducation
corporelle des fonctions mentales, E.S.F.. Cette position est la nôtre à
condition de ne pas la comprendre comme une sorte de siège volontariste de la
maladie qu'on traque chez le malade. Dans ce cas s'instaurerait une compétition
entre le malade qui, pour préserver son existence. préserverait sa maladie et ferait
en sorte de mettre en échec le thérapeute. (J'ai connu trois cas de cet ordre
issus de La Verrière). " Je vous mets au défi de me guérir , répète
ensuite avec tous les thérapeutes ce malade "vacciné".
[6]
"Allness Disease" , Maladie sémantique décrite par
Alfred Korzybski. Elle consiste à croire tout
savoir d'un objet de connaissance...
[7] On sait qu’il s’agit de Romain Rolland
[8] cf. Piaget stade d'apparition de la réversibilité des opérations portant sur des objets concrets. On sait par ailleurs que l’aspect « latent » est ici très superficiel, comme le montre par exemple le modeste travail de Jules Celma.
[9] En fait, surtout le bouddhisme.
[10] Faire appel à l'instinct de mort serait s'arrêter à la superficie sauf à reconnaître qu'il s'agit d'une mort pour une vie.
[11]
C’est assurément simplificateur : les mystiques en général, et les yogis
en particulier, peuvent se montrer très actifs, très créatifs que ce soit au
point de vue artistique, littéraire ou même architectural et social ; je
fais ici allusion aussi bien aux grands fondateurs de religions (Bouddha,
Moïse, Jésus, Patanjali, Mohamed, etc.) qu’à leurs disciples : Thérèse d’Avila Patanjali, Aurobindo, Gandhi, etc.
[12] On aperçoit ici qu’il s’agit avant tout, non de refoulement mais de sublimation.
[13]
La pratique simultanée du Yoga et d'une psychothérapie
médicale existe sans être fréquente (enquête Lacheny, 1968) comme l’indique la
statistique ci-dessous.
[14] Il semble qu’Aurobindo fasse ici allusion à ce que C.G. Jung ou C. Baudoin ont appelé le « Soi » ou le « Principe d’individuation ».
[15]
On nous excusera de notre négligence au niveau historique.
Ce qui nous importe est de tirer du trésor indien, par sa confrontation aux
démarches thérapeutiques occidentales, ce qu'il renferme d'utile à notre
réflexion et à notre action. Cela sans prétention à l'exhaustivité bien
d'autres nous ont devancé et nous suivront dans cette voie et découvriront
combien d'aspects essentiels nous avons négligés. Souhaitons pourtant que notre
effort porte des fruits, sans regret exagéré pour toutes nos omissions.
L'hindouisme (référant à un ensemble de doctrines et de pratiques qui pour
vaste qu'il soit ne représente qu'un sous-ensemble de l'Indianité) connaît
trois voies de réalisation Karma-marga ou voie de l'action, Bhakti-marga ou
voie de la dévotion et Gnana-marga ou voie de la connaissance; cette dernière
utilise trois systèmes Samkhya, Yoga et Vedanta. Le Yoga est alors celui de Patanjali, théiste et qu'on appellera dualiste ou non-dualiste selon
qu'on s'intéresse à certains aspects de la doctrine ou qu'au contraire on
s'attache au vécu phénoménal. Par ailleurs le Yoga comme le remarque Eliade ne
peut être évacué d'aucunes voies (Karma-marga, Bahkti-marga), ni même d'aucun
des autres systèmes philosophico-religieux de l'indianité l Cet aperçu fera
comprendre à quel point nous aurions dû alourdir ce travail pour rester dans le
champ des références historiques précises. Voir L'hindouisme de la
collection Que sais-je? ", 1951.
[16]
Le résultat le plus net de la démarche psychologique est que
la Conscience apparaît comme déterminée, produite, fondée, secondée enfin par
rapport à la Nature dont elle constitue en même temps un aspect, d'ailleurs le
plus évolué. La phénoménologie, elle, " en vient à conclure que c'est
l'acte de conscience par lequel le monde m'apparaît qui est originel et
donateur de sens et que le fondement absolu du savoir est la conscience plus
exactement, le JE Transcendantal. La conscience n'est alors plus fondée, mais
fondante, le JE n'est plus un personnage historiquement constitué mais la
source inconditionnée de son propre savoir, le lieu unique et intégrant de tous
les sens. (H. CHAMBRON, art. cit.). La démarche de la psychologie scientifique
apparaît comme une tentative d'étendre le déterminisme physico-chimique à la
conscience, la démarche du Yoga, et en occident celle de Husserl apparaît comme
une tentative qui pour beaucoup sera estimée tentation de se dégager du
déterminisme scientifique. Teilhard de Chardin en arrivera, par des voies
différentes à supposer la " conscience " jusque dans l'état le plus
inorganisé de la matière...
[17] vâsana
[18] Cela peut sembler impossible à un premier coup d’œil ; pourtant la pratique de méthodes telles que le « rebirth » ou l’ « EMDR » comme l’ancien usage des électronarcoses ou le simple emploi des benzodiazépines montre que certains effets du stress, certaines « inscriptions » ineffaçables par les approchez verbales classiques, peuvent se dépasser et perdre leur venin par ces moyens physiques, psycho-physiologiques ou chimiques.
[19]
SCHULTZ, Le Training Autogène, 4°, éd., P.U.F.,
Paris, p. 189, Fse. La suite du texte montre à quel point Schultz voit
dans le " Training une expression moderne du Yoga " nous
pouvons nous étonner à juste titre du fait que l'esprit indien créa
depuis plus de quatre millénaires à partir de ces pratiques curieuses ce qui ne
devint facilement accessible à l'investigation qu'au début d'une époque d'essor
scientifique, d'orientation pourtant bien différente.
[20] Mary Baker EDDY, in Science and Health, éd. par
Christian Science, éd. autorisée par The First Church of Christ, Scientist,
Boston, U.S.A. éd. Anglais-français 1917 et 1964.
[21]
Pour l'étude de la dépersonnalisation présentée ici, je
m'inspire essentiellement du travail de Follin sur cette question. Cf.
notamment E.M.C. Psy., 37 125 A 30.
[22] Cette réflexion rabat sans doute trop l’état très courant et souhaitable qu’on pourra qualifier d’éveil au repos ou d’état de veille paradoxale. J’ai tenté d’être plus détaillé et précis ultérieurement à la rédaction du présent ouvrage : Les états de conscience modifiée ou Etats modifiés de Conscience. Cf. http://auriol.free.fr/yogathera/4consc.htm
[23]
Cf. Desoille, op. cit., p. 10. Le R.E.D., état
intermédiaire et nuancé entre l'état de veille et l'état de sommeil, entre le physiologique
et le psychique est, par essence,
le reflet de ce réservoir inépuisable où le sujet a accumulé depuis sa
naissance ses angoisses, ses craintes, ses désirs, ses espérances ".
[24] " Le bonheur consistant à s'unifier, il peut sembler contradictoire que la simplification de l'être doive se faire par la souffrance. Rien n'est plus vrai, pourtant, ni mieux confirmé par l'expérience religieuse des siècles, ni plus en accord avec l'explication du Monde par la multitude. Jésus nous en avertît, nous l'éprouvons chaque jour; le mécanisme de la création l'exige la même douleur qui tue et décompose est nécessaire à l'être afin qu'il vive et qu'il devienne esprit (...). Ceux-là en effet seront sauvés qui, transportant audacieusement hors d'eux-mêmes le centre de leur être, oseront aimer un autre plus que soi, deviendront cet autre en quelque manière, c'est-à-dire traverseront la mort pour chercher la vie ". (Teilhard de Chardin, in Ecrits du temps de la guerre, la lutte contre la multitude, Grasset, Paris, 1917, 22).
[25] Il en va peut-être de même du suicide manqué lorsque ont été utilisés des moyens assurant une " mort dont on revient " : barbituriques, noyade suivie de réanimation, dépendus in extremis après perte de conscience, etc. Nous mettons donc en doute le bien fondé de l'affirmation de ROELANDTS : " c'est que la Mort lorsqu'on en revient, ne change rien, ne soulage de rien, n'enrichit en rien l'expérience de l'homme ". (ROELANDTS, art. cit.).
[26] plus qu'une thérapie analytique
[27]
La causalité socio-politique est surtout reconnue dans des
structures en pleine effervescence ou capables de fortes remises en question (cf.
La Chine de la " Révolution culturelle "). La foi en une
éradication de la maladie mentale par une meilleure structuration sociale est
aussi celle de Maîtres spirituels modernes comme Maharishi, Guru Maharaji, etc.
qui proposent des " plans mondiaux , destinés à la guérison de la
structure sociale par l'action sur un certain pourcentage d'individus de la
structure (effet 1 % ; effet 5 %).
[i] J. Filliozat, La nature du Yoga dans sa tradition, Ecole Française d'Extrême Orient, LII, 1963.
[ii] M. Lacheny, 2. Op. cit.
[iii] Martin, Aventure en psychiatrie, Ed. Scarabée, C.E.M.E.A., p. 151.
[iv] R. Desoille, Théorie et pratique du R.E.D., p. 83, éd. Mont Blanc, Genève, 1962.
[v] Schindler, in Pratique de la psychothérapie de groupe, ouvrage collectif sous la direction de P.B. SCHNEIDER, P.U.F., l%5, pp. 60 et sq.
[vi]
S. Freud, Das Unbehagen in der Kultur, Vienne,
1929, passim. rééd. p.u.p., 1971.
[vii] Voir à ce sujet R. GENTIS, Guérir la vie, Maspéro, 1972.
[viii]
Sri Aurobindo, Le guide du Yoga, Albin Michel,
1970, pp. 106 sq.
[ix] R. Major, L'économie de la représentation, Revue française de psychanalyse, XXXIII, 1969, n° 1, Janv.), pp. 79 sq.
[x] S. Freud, Abrégé de Psychanalyse
[xi] Jean-Paul Sartre, l’Etre et le Néant, Gallimard, 1943
[xii] Roelandts, in Sandorama, n" 21, 1971, p. 15.
[xiii]
D'après M. QUIDU, " Sémiologie de la
conduite suicidaire ", E.M.C. Psy., 1, 37140G, oct. 1964 (4).
[xiv] Cité par C. Ricard d'Esposito, " Le suicide simple proposition de l'adolescent ", Sandorama, n°, 2122, 1971, pp. 7 sq.
[xv] " Le complexe de Lazare ", in Inst. Med., 3, 81, 1972.
[xvi] R. GENTIS, Guérir la vie, Maspéro, 1972, pp. 65 sq. Ph. RooUn'LO, Foi d'un malcroyant, Cerf, l969.
[xvii] D'après M. ELIADE, in Techniques du yoga , Paris, Gallimard, « Les Essais », Paris, 1959 ; nouvelle édition revue et augmentée, « Idées », 1975. (ISBN 2-07-035328-1) et 1994, « folio/essais ».
[xviii]
C.G. JUNG, Les types psychologiques, 2, éd. Fse,
Librairie de l'Université Georg et Cie, Genève, 1958, 2' éd. Fse, p. 113.
[xix] MASSON OURSEL, Le Yoga, P.U.F., 1967.
[xx]
Thérèse d'Avila, Château de l'âme, 5° demeure, cap.
3. ; Dom MARMION, Le Christ, idéal du moine, chap. xvi, p.
526 ; Dom André : La Vie Surnaturelle, Salvador, 1934, p. 207.
[xxi]
Goldstein et Sugerman, " Electrocerebral activity in
schizophrenics and nonpsychotic subjects : quantitative E.E.G. Amplitude
analysis ", E.E.G. Clin. Neurophysiol., 1965, 19.
[xxii]
A. Tomatis in
La Nuit Utérine. Paris, Stock, 1981
[xxiii] Newcomb, in Pratique de la psychothérapie de groupe, op. cit., p. 43.
[xxiv] P.13. Schneider, in ibid., p. 127.
[xxvi]
P. Séay, " Le Yoga en France ,, in Le Monde
du 244, l970, p. 19.
[xxvii] D’après la Comtesse de Ségur, née Rospotchine, 1862 La Sœur de Gribouille, prépublié en feuilleton in La Semaine des Enfants (LSDE) à partir du 22 mars 1862 ; disponible en ligne. Chapitre XVIII : « Le Combat de Gribouille ». Edition papier in Bibliothèque Rose, p.232.
[xxviii]
Ce courant est bien représenté par R. GARAUDY,
in Parole d'homme, Laffont, 1975.