de JEAN LAPLANCHE (Les empêcheurs de penser en rond, 1993)
critique par Dr Bernard Auriol, parue in
"Etudes Psychothérapiques, Imaginaire et Inconscient", De Boeck Université, N° 14, pp. 165-166, 1997, (c/o Accès, Louvain-la-Neuve, Belgique)
Jean Laplanche nous a dès longtemps habitués à suivre la tradition contestataire de la pulsion de mort proposée par Freud au terme de sa réflexion. Il renouvelle cette contestation dune crypto-métaphysique freudienne qu'il baptise méta - biologie pour s'attaquer à ceux qui en ont fait leur miel, tels Mélanie Klein ou Jacques Lacan.
Ce fourvoiement de Freud serait un avatar de son positivisme (revisité ici comme « biologisme ») qui serait un moyen d'échapper à une véritable appréhension clinique et relogerait la libido sexuelle de Freud dans les cavernes indistinctes de l'énergie psychique indifférenciée voulue par Jung.
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Ce serait remettre en question la notion d'étayage et attribuer à la constitution endogène de l'homme, sa structure pulsionnelle. Mais au fait, pourquoi pas ? Jean Laplanche qui se défend de l'herméneutique en oublie pourtant certains faits d'observation triviale telle que l'idée saugrenue qu'a le ftus de sucer son pouce (mais peut être n'en jouit - il pas ?) bien avant d'avoir à téter un sein dont il n'a, en ce temps, que faire ? Serait - ce la sexualité qui étaye l'auto-conservation ou l'inverse ?
Nous trouvons également quelques piques concernant l'idée selon laquelle tout contenu conscient a d'abord fait partie de l'inconscient. Il est vrai qu'il y a là quelque chose de mal assimilable pour qui prend au sérieux le refoulement. Au juste, à quel moment l'inconscient et le conscient font ils leur entrée dans l'existence ? Avec le coup de foudre des parents ? avec la jouissance et la conception ? avec l'apparition du chordoblaste ? Ne devrait - on pas faire appel à un proto - psychisme avec l'instauration progressive de la fracture conscient / inconscient contemporaine de la psychisation du biologique ? Ceci est sans doute spéculatif mais nous connaissons par les deux bouts : langagier et scientifique. C'est un couple boiteux dont le divorce est impossible et nous ne pouvons interdire leur dialogue.
Une chose qui m'étonne : comment peut - on écrire que les concepts de vie et de mort sont sans utilité pour le biologiste ? Qu'il y ait un sol n'est - il pas utile à la maison ? Même s'il n'est pas aux lèvres du maçon pour chaque coup de truelle ?
Tout compte fait, ce livre est réfléchi, stimulant et il laisse chacun à sa propre réflexion sur un sujet plus important que de scolastique new - look. Il n'est pas long, adopte un style assez didactique (genre « séminaire ») et devrait s'inscrire dans l'effort qui pour n'être pas conjoint n'en est pas moins fil nécessaire d'une tapisserie à venir qui ferait de l'archipel psychanalytique mieux qu'un ensemble d'églises ou de sectes...
Dr Bernard Auriol
critique du livre de Jean Laplanche : Le fourvoiement biologisant de la sexualité chez Freud
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