Stimuler les harmoniques …

Dr Bernard Auriol

 

 

La fondamentale fantôme

Les stimuli très aigus sont liés aux fréquences de base dont ils sont les harmoniques.  Cette connexion est intégrée à notre fonctionnement auditif de sorte qu’une des plus anciennes illusions sonores connues est celle de la fondamentale absente. Si on fait entendre à un sujet les sons dont la fréquence est un multiple arithmétique d’une note qui, elle, n’est pas jouée, il croit entendre cette dernière qui n’est pourtant que virtuelle. Ainsi, le filtrage  en passe-haut à 8 KHz  de la « Petite Musique de Nuit » ne délivre au sujet que des sons plus aigus que la note la plus aiguë du piano ; cependant c’est Mozart qu’on reconnaît avec toutes ses nuances, avec il est vrai quelque sentiment d’une inquiétante, étrange déformation.

Le très jeune enfant et les mammifères partagent avec nous ce " mystère de la fondamentale absente" ! La saillance de la fondamentale d'un son complexe n'est pas uniquement liée à l'amplitude de cette fondamentale elle-même (Seebeck, 1841) ; par contre elle est d'autant plus importante que le nombre des composantes spectrales est plus élevé. On a montré aussi que nous sommes capables d'entendre le fondamental à l'issue d'un mitraillage par ses harmoniques présentés très rapidement mais sans se chevaucher (Hall, 1981).

Plus encore : en présence d'un son dont la fréquence n'est pas stable, mais qui oscille de peu autour d'une fréquence donnée, notre système d'écoute s'arrange pour en établir la moyenne et nous permet d'y associer une fréquence précise et stable (Iwamiya, 1983). C’est ce type d’adaptation qui explique la tolérance de notre oreille à la gamme « tempérée » ou au vibrato de la chanteuse, du violon ou des autres instruments à corde [1] ou à vent (par exemple la flûte irlandaise ou « tin whistle » [2] )



 

La gym des cils

(plasticité des cellules et voies réceptrices)

Les stimulations sonores ciblées modifient la structure des zones auditives corticales, subcorticales et cochléaires concernées.

De nombreux laboratoires à la suite de N. M. Weinberger, ont montré que le cortex cérébral s’imprègne des sons qu’il reçoit, en mémorise les fréquences, renforce leur contraste avec les sons similaires, apprend aux zones qu’il intègre à viser ces fréquences, etc. Ce phénomène de « mémoire » étend le champ et renforce l’efficacité des zones du cerveau stimulées ; il y a aussi un apprentissage des structures sous-corticales qui mettent la cochlée en condition.

Ainsi la stimulation par les fréquences élevées tire vers elles la fréquence d’accord des cellules sensorielles voisines. Comme le dit N. M. Weinberger (http://www.utdallas.edu/~kilgard/Kilgard_EARSAT.pdf#search=%22%22Weinberger%20NM%22%20frequencies%22) « These results indicate that systematic rules operate in the cerebral cortex to transform sensory experience into changes in receptive field structure ».

Plasticité du champ réceptif engendrée par l’entraînement

Chez l’animal

On a démontré  les effets d’un entraînement sur les champs réceptifs fréquentiels cellulaires (RF) . Il s’agit de la fréquence acoustique (champs réceptifs de fréquence, rf) dans le thalamus et le cortex auditifs avant et après un épisode de learning/training. On observe des décalages d'accord affectant la meilleure fréquence originale (BF)  des cellules cibles. Ces décalages consistent en

On peut observer un entraînement de la fréquence préférentielle de cellules réceptrices en direction de la fréquence corticale stimulée.

On a démontré chez l’animal que stimuler, de manière répétée, la zone cérébrale réceptrice d’une fréquence sonore donnée produit un apprentissage de cette fréquence chez des cellules réceptrices qui jusque là étaient spécialisées pour percevoir une autre fréquence, pas trop différente.

Cette plasticité des Champs Réceptifs a toutes les caractéristiques d’une mise en mémoire : associativité, très haut degré de spécificité, acquisition rapide, consolidation dans les trois jours sans nouvelle intervention et rétention à long terme [3] .

N M Weinberger suggère que la mémoire comporte deux facteurs majeurs, le « contenu » et l’ « importance ». L’entraînement sonique attribue aux stimuli expérimentés (le contenu) un certain degré de valeur pour l’individu.

Ses recherches montrent que nous pouvons donner de l’importance au stimulus en dehors de tout conditionnement standard. Ils ont pu contourner la machinerie motivationnelle pour engendrer une forme de mémoire et d’attention. Il existerait  un code engrammé marquant l’importance acquise des stimuli.

Le degré d’importance d’un stimulus est fonction du nombre des neurones qui gèrent ce stimulus de manière optimale ou qui se sont accordés sur ce stimulus [4] .

Si un grand nombre de cellules s’accordent sur certaines fréquences privilégiées, cela rendrait compte de l’attention sélective [par exemple du musicien à l’égard d’une note fausse dans son système musical].

On a montré que plus un son est important et plus est étendue la zone du cortex où il est représenté.

Chez l’être humain

Rauschecker (1999) résume de nombreux travaux qui démontrent l’énorme plasticité du cortex auditif. Micheyl et al., (2005) confirment ces résultats en montrant qu’une réorganisation massive du cortex auditif peut survenir après simple exposition à des séquences de notes répétées.

Les activations cérébrales évoquées par des stimuli auditifs sont perturbées chez les dyslexiques mais peuvent se normaliser grâce à un entraînement auditif approprié (Temple et al., 2000; Kujala et al., 2001).

L’organisation et la sélectivité fréquentielle corticales se modifient à la suite d’un entraînement comportemental qui donne de la signification à des stimuli sonores particuliers (Dexter R.F. Irvine, Ramesh Rajan, Mel Brown, 2001, Injury- and Use-Related Plasticity in Adult Auditory Cortex, Audiology & Neuro-Otology  ).

La magnéto-encéphalographie a montré que les musiciens (violoncellistes) présentaient une organisation synaptique corticale plus riche que les non-musiciens.

Pour des musiciens instrumentalistes, la perception des timbres de l’instrument sur lequel ils s’entraînent évoque des activations cérébrales plus fortes que la perception de timbres d’autres instruments (Pantev et al., 2001).

Au delà du théorique : des changements visibles

Tomatis a proposé des stimulations sonores avec des sons nettement plus aigus (>8 KHz) que la note la plus aiguë du piano (» 4 KHz), en fait il s’agit de filtrer en passe-haut des enregistrements standards (par exemple de Mozart) ; il ne reste alors plus que les harmoniques des notes jouées par les musiciens.

Cette stimulation répétée donnerait une amélioration dans

  1. Les dysacousies (hypoacousies, hyperacousies et les acouphènes).
  2. La Dyslexie.
  3. Les dysphonies psychogènes (bégaiement).
  4. Les difficultés vocales du chanteur,
  5. Les troubles de l’attention chez l’enfant.
  6. L’altération du désir de communiquer et de connaître.
  7. L’intégration d’une langue étrangère

Etude Psychométrique

Pour aller au delà d’indications anecdotiques et discutables, Evelyne Deneys (1986) a utilisé le test MMPI avant et après plusieurs mois d’entraînement sous appareil Tomatis.

On a constaté une variation des échelles de ce test indiquant


Etude psychométrique

 

Variations du Test MMPI, avant / après entraînement Tomatis.

(Evelyne Deneys, 1986)

Etude des tests audiométriques

Adulte et Enfant

Nous avons montré qu’on obtient une amélioration de l’écoute par l’entraînement Tomatis, ce que le Pr. Eric Raufaste a confirmé sur une population plus importante et avec une approche statistique différente. En bref,

  1. Plus il y a eu de séances et meilleurs sont les seuils d’écoute.
  2. Plus il y a eu de séances et plus le seuil aérien droit se distingue par rapport au gauche. On ne peut omettre de dire ici que l’entraînement proposé privilégie l’oreille droite.
  3. Les distorsions de l’écoute, visibles dans l’aspect irrégulier de l’audiogramme sont d’autant moins marquées que le sujet est entraîné
  4. L’entraînement produit d’autant plus d’effet qu’il est entrepris tôt dans la vie.

Le bébé prématuré

Par ailleurs, l’ exposition précoce du bébé prématuré aux stimulations sonores, aboutissent aux conclusions suivantes:

Une méta-analyse des publications relatives à l’Audio-Psycho-Phonologie relève chez l’enfant des résultats significatifs dans les domaines suivants:

  1. Compétences Linguistiques
  2. Psychomotricité
  3. Maturité Sociale et Emotionnelle
  4. Compétences Cognitives
  5. Capacité de perception Auditive

Tomatis a été un des premiers à insister sur les compétences auditives du fœtus et du jeune enfant. Après bien des conflits, il s’avère que son intuition était fondée et que l’expérience sonore du fœtus semble déterminante pour le reste de la vie de l’être humain. Ainsi peut-on se demander : Mozart serait-il devenu Boulez si sa mère avait eu à prendre le métro ?

De même la qualité de la voix est accrue par les exercices vocaux de la mère et par le bain sonore général en lequel elle baigne (Cf. travaux de M.L. Aucher ; Thèse en Médecine de Rousteau).

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19 Juin 2007

 



[1] Le vibrato est produit par le mouvement du doigt qui fait varier la longueur de la partie de la corde mise en vibration par l’archet : d’où une modulation de la fréquence du mouvement de la corde. Cette modulation a une fréquence d’environ 6 Hz. Chaque partiel évolue en fréquence comme le fondamental de sorte que le spectre reste harmonique. L’évolution temporelle de l’amplitude d’un harmonique suit une loi compliquée. La densité modale augmente au-dessus de 800 Hz de sorte que chaque harmonique “explore” éventuellement la zone de résonance de plusieurs modes, lors d’une période de vibrato. Ceci complique encore la modulation de l’amplitude d’un harmonique. Enfin, la directivité de chaque mode est variable, et devient très accidentée au-dessus de 0.8-1 kHz. Des effets spatiaux viennent donc s’ajouter aux effets de modulations de la fréquence et de

l’amplitude décrits plus hauts. Ces effets sont évidemment plus notable sur un soliste que sur un ensemble de violons qui moyenne les effets individuels.  (d’après Xavier Boutillon, Laboratoire de Mécanique des Solides, C.N.R.S. – École Polytechnique). On a également proposé des outils pour produire mécaniquement un effet de vibrato, non loin du trémolo sur les guitares électriques.

[2] C’est une flûte à six trous. Comment les irlandais produisent ils le vibrato avec leur flûte ? « Le vibrato peut être produit d'au moins trois façons distinctes :

Avec le diaphragme : c'est la technique utilisée par les flûtistes classiques.

Avec la gorge :  cela donne un son que certains détestent

Avec les doigts : pour les notes jouées avec au moins deux trous ouverts on agite les doigts sur ces trous.

[3] D’après N M Weinberger, Long-term retention of learning-induced receptive-field plasticity in the auditory cortex.

[4] The importance of the memory of a stimulus is a direct increasing function of the number of neurons that optimally process or become tuned to that stimulus.”