Recherches sur les latéralités

Louis Bassou

Chapitre II

 

" Functional cérébral lateralisation :

dichotomy or plurality ? "

Fairweather et al. Cortex, 18, 1982.

1. Latéralités et asymétries.

1.1   Prévalences motrices latérales
1.2   Spécialisations cognitives des hémisphères
1.3   Asymétries hémisphériques
1.4   Attention sélective

2       Age et asymétries.

3       Sexe et asymétries.

4       Les gauchers.

5       Tests de latéralités et tests deasymétries motrice et sensorielles.

6       Définition du cadre de recherche.

 

Nous désirons mettre en évidence une relation entre des asymétries de comportement moteur et sensoriel d'une part et des différences dans le comportement cognitif d'autre part.

Nous avons vu, chapitre I, qu'une telle mise en relation pouvait se justifier par l'évolution psychogénétique de l'enfant : ses structures opératoires dérivent du schématisme sensori- moteur par assimilations et accommodations progressives ; ses systèmes de représentation, constituant le versant figuratif de la connaissance, dérivant eux- mêmes des actions par le jeu des imitations, l'image mentale notamment étant une imitation intériorisée.

Les rôles joués par la motricité et les organes sensoriels dans l'élaboration de ces deux systèmes fondamentaux que sont les structures opératoires et les systèmes de représentation montrent l'interaction existant entre processus moteurs et sensoriels, avec prédominance des premiers sur les seconds.

Toute action mentale est une action intériorisée qui porte sur le réel directement observable ou sur des représentations internes. Cette action intériorisée n'est pas obligatoirement une "opération" au sens où l'entend Piaget. Nous préférons, avec Messerli (1980), la considérer comme ayant une fonction instrumentale, moyen par lequel l'acte intellectuel se réalise effectivement.

En cela, l'action se rapproche des systèmes de représentation qui peuvent jouer, aussi, le même rôle d'instrument et que nous ne considérons pas, au niveau psycho- biologique qui nous préoccupe, comme ayant une fonction symbolique.

Cette restriction de sens étant apportée, il n'empêche que l'avènement des systèmes de représentation a placé ceux- ci sur un autre plan que celui des mécanismes sensoriels et moteurs desquels ils dérivent.

En conclusion, si ces derniers sont latéralisés et si leur latéralisation peut être déterminée, en est- il de même pour la latéralisation des systèmes de représentation et des actions intériorisées ? Cette latéralisation est- elle identique à la première ? Est- elle de même nature ? Est- elle de même degré ?

Les recherches sur la latéralité ont toujours intéressé les chercheurs. Le recueil de textes édité par Hecaen sur la "dominance cérébrale" montre bien que cet intérêt ne date pas des trente dernières années, même si c'est durant cette dernière période que l'engouement pour cette question a été le plus grand.

La possibilité d'utilisation de procédures telles que la présentation visuelle tachistoscopique et l'écoute dichotique chez les sujets normaux, les problèmes posés par le diagnostic des lésions et leurs conséquences sur le comportement intellectuel chez les sujets cérébrolésés ont fait évoluer l'expérimentation vers l'approche de la "dominance" hémisphérique alors que les préoccupations initiales portaient essentiellement sur la latéralité manuelle.

Nous établirons donc, d'abord, une différence entre latéralité d'utilisation ou d'usage et asymétries hémisphériques.

Nous nous intéresserons ensuite au processus de latéralisation et au problème des gauchers.

Un point important clôturera ce chapitre : celui des tests actuellement utilisés.

Il ressort clairement de notre présentation que celle- ci est orientée en fonction du cadre de recherche défini sous I. Nous ne prétendons pas à une analyse exhaustive de tous les problèmes concernant la latéralité [1] ,


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1.      Latéralités et asymétries

1.1.    Prévalences motrices latérales

Nous définirons la latéralité comme "une asymétrie fonctionnelle", en cela elle fait référence d'abord aux phénomènes de prévalence [2] motrice latérale : différenciation entre les rôles que jouent les deux côtés, droit et gauche du corps, dans une activité donnée.

De ce point de vue, nous parlerons de prévalence de la main, du pied, de l'oeil.

Les recherches d'Auzias (1975, 1978) ; Zazzo (1958) ; Lerbet (1969) ; Vial (1976) ; Oldfield (1971) sur l'utilisation préférentielle d'une main dans des praxies usuelles coutumières, nous renseignent sur les aspects essentiellement moteurs de l'activité. Elles ont d'ailleurs été menées dans cet esprit- là.

Les tentatives de recherche du degré d'homogénéité des prévalences motrices latérales main, pied, oeil ont abouti, sinon à un constat d'hétérogénéité, du moins à l'existence d'une faible liaison surtout entre prévalences manuelle et oculaire (Hardyck, Petrovitch et Goldman - Etude sur 8000 élèves (1977) ; Lerbet [3] , (1969)

Nous ne nous étonnons pas de cette faible liaison main- oeil. La motricité de la main dans une tâche familière peut- elle être comparée dans sa latéralisation à celle de l'oeil, par exemple, qui regarde au travers du trou d'un carton ?

Déterminant les latéralités de la main, de l'œil, nous notons des effets dont nous ignorons l'origine. L’œil peut rechercher une information ou avoir une action sur le déplacement de la tête; la main, généralement, a une action sur l'environnement. Peut- on rapprocher recherche d'information en vue d'une intériorisation des données et action sur l'environnement essentiellement tournée vers l'extérieur ?

Cette extériorisation asymétrique a d'ailleurs de tout temps, préoccupé les hommes. Le mythe de la latéralité (Corballis, 1980) existe bel et bien.

Cette asymétrie motrice est avant tout périphérique même si ses origines sont centrales. Elle est intéressante à analyser à plus d'un titre. Mais nous pourrons difficilement la mettre en relation avec un comportement cognitif.

Au risque d'en arriver (Burns et Zeamman, 1980) à la conclusion qu'intelligence et latéralité étant intimement reliées, les sujets de collèges et les sujets retardés de même âge se distinguant au plan latéralisation uniquement par la latéralité du pied, intelligence et motricité du pied auraient même origine centrale [4] .

Il faut donc dépasser le problème de "la latéralité manuelle en tant que problème isolé, dont toutes les observations, très utiles doivent être intégrées maintenant dans un schéma tenant compte de la latéralisation cérébrale en une vision développementale de l'être asymétrique" Gaillard (1979, p. 69).

Shankweiler et Studolert- Kennedy (1975) estiment qu'il faut redéfinir les mesures de latéralité de la main et se concentrer sur la représentation cérébrale des processus de langage. Ce dépassement est reconnu

nécessaire par Evarts (1979, p. 121) pour qui les aspects volitifs d'un acte moteur doivent être examinés en fonction de la finalité de l'action.

Pour Dee et Fontenot (1973), l'asymétrie des performances perceptives humaines traduit une asymétrie fonctionnelle hémisphérique plutôt qu'une asymétrie des facteurs périphériques.

1. 2 Les spécialisations cognitives des hémisphères

Longtemps domaine réservé de la neurologie, l'étude des spécialisations cognitives intéresse actuellement les psychophysiologistes et les psychologues, surtout depuis le travail expérimental de D. Kimura (1961) sur l'organisation des voies auditives et leur relation éventuelle avec l'hémisphère linguistique.

Les techniques de tachistoscopie et d'écoute dichotique (ci-dessous) ont permis la mise en évidence d'asymétries comportementales perceptives directement observables. Ces asymétries perceptives ont servi d'indicateurs des faits de spécialisation (Guiard, 1982).

A. Présentation monaurale sur oreille gauche en relation avec l'hémisphère droit par la voie contralatérale et l'hémisphère gauche par la voie ipsilatérale. Le sujet répète la syllabe "ba' avec une grande précision. Même précision et même report de la syllabe "ba' si la présentation monaurale se fait sur oreille droite.

B. En présentation dichotigue les voies ipsilatérales sont supprimées : "ga" est entendu uniquement par l'hémisphère gauche et "bal' uniquement par l'hémisphère droit. Sur plusieurs essais, la syllabe "ga" accessible à l'hémisphère gauche (de la parole) est répétée plus fréquemment et avec plus de précision que la syllabe "ba'.

Fig. 1. modèle d'écoute dichotique chez des sujets normaux
[schéma d'après Springer et Deutsch, 1981 ; G ; D désignent les hémisphères gauche et droit. ]

tachistoscopie

Fig. 2 . Présentation tachistoscopique de stimuli :

Pendant que le sujet fixe le point central C, on projette pendant moins de 150 ms un stimulus en d. Le stimulus d est vu par la rétine temporale de l'oeil gauche ===> hémisphère gauche et la rétine nasale de l'oeil droit ===> hémisphère gauche. En fait tous les stimuli situés dans l'hémichamp visuel droit seront vus par l'hémisphère gauche. De même tous les stimuli situés dans l'hémichamp visuel gauche seront vus par l'hémisphère droit.

L'utilisation de tâches cognitives semblerait mettre en évidence des comportements d'intégration interhémisphérique (Kraft et al, 1980) ou des performances asymétriques hémisphériques (Battro, 1981). Mais les procédures utilisées et la complexité des processus nécessaires à la résolution des épreuves, empruntées à Piaget dans les 2 cas, ne permettent pas, bien que l'idée soit séduisante et originale, de considérer les résultats obtenus comme des indicateurs des faits de latéralisation.

Avant de commencer notre analyse, signalons un fait admis, bien que ce ne soit pas une règle absolue :

Le système nerveux central est tel que chaque hémisphère contrôle de manière privilégiée l'hémichamp sensorimoteur contralatéral.

Les voies auditives controlatérales sont prépondérantes (travaux de Kimura) ; les champs visuels droit et gauche se projettent respectivement sur les hémisphères controlatéraux (Beaumont, 1978) ; certains contrôles moteurs sur la musculature distale pour mouvements fins et précis (notamment émanent de l'hémisphère controlatéral (travaux de Kuypers). Nous verrons chapitre III et IV que la règle de controlatéralité est loin d'être absolue.

1. 2.1 Dichotomies

A la sortie du livre "Cerveau gauche - cerveau droit" de Springer et Deutsch (1981) on pouvait se poser la question de la persistance d'une "dichotomanie". Pas moins de 17 dichotomies sont, en effet

relevées, p. 181, allant du verbal, séquentiel, temporel, logique analytique etc. pour le cerveau gauche au non verbal, visuo- spatial, simultané, synthétique, analogique, intuitif, etc. pour le cerveau droit. Mais il s'agit là, plus d'un relevé de fonctions que d’affirmations concernant leur utilisation tranchée et isolée dans les activités du sujet.

Effectivement des capacités propres à chaque hémisphères peuvent être distinguées.

Le rôle de l'hémisphère gauche dans l'organisation des praxies et le contrôle des séquences motrices de complexité variable (Brayer et Boutemps - Devogel, 1979), dans les performances manuelles séquentielles (Nachshon et Carmon, 1975) sera évoqué dans le chapitre III.

Nous parlerons de l'hémisphère gauche en tant qu'hémisphère linguistique dans le chapitre IV.

L'hémisphère droit serait supérieur pour extraire l'élément invariant d'un même objet présenté sous différents angles (catégorisation par identité physique) alors que le gauche serait plus compétent pour déceler la qualité fonctionnelle (catégorisation par identité fonctionnelle) (Assal et Regli, 1980).

Verof (1978) parle, lui, de traitement de configurations pour l'hémisphère droit et de traitement catégoriel pour le gauche.

Le rôle de l'hémisphère droit dans les activités visuelles spatiales, non verbales a été mis en évidence par de nombreux auteurs.

Tant qu'une reconnaissance visuelle est exigée, c'est l'hémisphère droit qui analyse (tendance primaire) alors que l'hémisphère gauche est dominant pour le traitement auditif et verbal (Kinsbourne 1978, p. 220 ; Mack et Boller 1977 ; Berlin et Languis 1981 ; White 1972 ; Me Guinness et Bartell 1982).

L'hémisphère droit interviendrait pour l'appréhension des relations spatiales alors que le gauche retrouverait une certaine dominance pour un niveau représentatif plus abstrait, celui des opérations logiques, ou pour les activités gestuelles nécessaires à la transformation de l'espace (Pillon 1979, p. 213) et Pillon (1981) concernant la différenciation entre lésions pariéto- occipitales et lésions frontales ; ou pour des réponses d'appariement portant sur des lettres (Edwards et Venables, 1982), ou des mots susceptibles de processus d'imagerie (Lambert et Beaumont, 1981, ) ou portant sur des formes géométriques en présentations successives (Bryden et Rayney, 1963).

Le Doux et al (1977) retrouvent cette supériorité hémisphérique droite dans des épreuves spatiales dépendant d'activités manuelles. La position visuo- spatiale serait mieux reconnue par l'hémisphère droit (Charman, 1979). Les réponses aux stimuli visuels pourraient dépendre de l'hémisphère droit si elles sont motrices (désignation du doigt ou graphie), de l'hémisphère gauche lorsqu'elles sont verbales et conscientes (Le Grand, 1979, p. 264). L'importance de l'hémisphère droit dans l'organisation des données spatiales ne se limiterait pas à la

modalité visuelle et se manifesterait aussi dans d'autres modalités sensorielles et dans la gestualité (Hecaen, 1972, 1977).

Supériorité de l'hémisphère droit dans la reconnaissance des visages (Hay, 1981) ; dans la reconnaissance d'expressions faciales émotionnelles (Bruyer, 1980 p. 637) ; dans la réactivité émotionnelle (Xéron et Wan der Linden, 1979 ; Bear, 1983).

Même si la lecture de mots dépend surtout de l'hémisphère gauche (Klein et al, 1976). De Mendoza, 1980), l'hémisphère droit intervient dans la reconnaissance de mots exprimant une forte émotion (Shankweiler et studdert- Kennedy, 1978 ; Goodglass et al, 1980), dans l'identification du contexte situationnel décrit par des phrases présentées dichotiquement (Duryer et Rinn 1981).

Les habiletés de langage présentes dans l'hémisphère droit sont en général sous- estimées (Beaumont, 1982), l'hémisphère droit possédant un certain niveau de compétence linguistique hors parole et hors analyse et un encodage phonémique et sémantique.

L'aspect mnésique des tâches a été pris en considération. Un stimulus, d'abord codé selon ses traits élémentaires est perdu dans les 200 ms si un encodage plus global n'intervient pas (Bruyer, 1980). La supériorité de l'hémisphère droit pour l'identification de formes complexes serait plus un fait de mémoire qu'un fait perceptif (Dee et Fontenot, 1973 ; Patterson et Bradshaw, 1975). L'encodage spatial des représentations mnésiques aurait lieu dans l'hémisphère droit (Hecaen, 1972 ; Hock et al, 1981), celui- ci étant un espace d'élaboration de l'information : système d'échange et de traitement de l'information mise en oeuvre par la mémoire à court terme et introduisant un temps d'écho dans le traitement de l'information (Gazzanigal 1976).

Les deux hémisphères seraient actifs dans la mémorisation du matériel verbal mais la mémoire serait intentionnelle et active pour l'hémisphère gauche, passive et incidente pour l'hémisphère droit (Luria et Simerwitskaya, 1977).

Pour Beauvois (1973, p. 285) la mémorisation d'un matériel visuel et verbal semble impliquer la participation des deux hémisphéres.

Le traitement interhémisphérique ou bilatéral pendant le rappel de l'information est reconnu par Kraft et al (1980). Mais Kirby et Duda (1981) reconnaissent que le modèle de latéralité verbale dans les tâches bilatérales est un produit de plusieurs facteurs qui incluent l'ordre du mouvement rapporté aussi bien que l'organisation hémisphérique sous- jacente.

La différenciation hémisphérique n'est pas admise par Bagnara et al. (1982), Sergent (1982), Fairweather et al. (1982) ; pour eux, pas de différenciation dans le processus analytique- holistique de comparaison visuelle. Mais ils déterminent la latéralité de leurs sujets à l'aide du questionnaire d'Oldfield (1971) et ne prennent pas en compte la latéralité auditive.

Aussi faut- il rester prudent quant aux hypothèses émises à partir de leurs expérimentations. Pour White et White (1975) les deux hémisphères traiteraient les stimuli spatiaux et verbaux en parallèle. Certaines habiletés pourraient être bilatéralisées. Katz (1980) montre par exemple que l'ordre spatial dans une soustraction est effectif dans l'hémisphère droit alors que l'hémisphère gauche est lui- même impliqué dans cette tâche arithmétique.

La spécialisation hémisphérique est jugée à partir d'asymétries comportementales, elles mêmes dépendantes des tâches destinées à les mettre en évidence.

Pour Berent (1977), ce sont les exigences fonctionnelles exposées par la tâche qui déterminent l'importance relative de l'hémisphère droit ou gauche pour l'accomplissement de l'épreuve.

Gazzaniga (1979) estime que la spécialisation dépend plus de la sphère d'exécution motrice que des composantes sensori- perceptives de la performance. Un point de vue intéressant est apporté par Hecaen (1978, p. 347) : la spécialisation hémisphérique ne dépend pas de la nature du matériel à traiter mais bien d'un mode de traitement de l'information propre à chaque hémisphère, l'hémisphère droit effectuant un traitement synthétique et global, le gauche un traitement analytique et sériel conférant une étiquette verbale aux éléments ainsi appréhendés.

1. 2. 2 Pluralité d'action

Nous n'allons retenir ici qu'un des aspects du problème des modalités d'action : celui du rôle éventuel joué par l'hémisphère gauche dans une tâche spatiale, "non verbale", qui devrait donc, logiquement, être réalisée par l'hémisphère droit.

Franco et Sperry (1977, p. 112) estiment que les performances de l'hémisphère Gauche en corrélation avec nombre de contraintes qui définissent la géométrie peuvent suggérer le rôle de la verbalisation dans cette tâche apparemment non verbale : des propriétés géométriques appréhendées d'abord en tant que telles peuvent devenir susceptibles de verbalisation. Voilà le problème posé.

Ce sont surtout les recherches sur les différences dans les champs visuels qui ont fait avancer la question. Nous savons que tout ce qui est présenté à droite du point de fixation (champ visuel droit) est projeté sur l'hémisphère gauche (h. G) et ce qui est présenté à gauche est projeté sur l'hémisphère droit (h. D).

Les couleurs sont mieux reconnues dans le champ visuel droit (h. G). Malone et Rannay 1978, soupçonnant une possible verbalisation présentent des couleurs plus complexes et les différences de champ visuel disparaissent. Nous pouvons émettre l'hypothèse que la verbalisation étant trop difficile, la réussite a été moins élevée dans le champ visuel droit, rejoignant aussi le niveau de réussite sur l'autre champ visuel.

Birkett (1980, p. 12) admet une mise en code verbal lors de la reconnaissance de formes pour expliquer la supériorité de l'h. G et de mauvais résultats lorsque les stratégies verbales sont mal adaptées.

Bruyer (1982, p. 272) le retrouve pour le traitement perceptif des visages. Pour lui les mécanismes seraient plus spécifiques aux modalités d'encodage et de réponse qu'aux modalités perceptives.

Kinsbourne (1978, p. 1783 explique certaines différences de champ visuel par une verbalisation possible. La supériorité du champ visuel gauche (h. D) pour des formes visuelles à haute- complexité peut être renversée par acquisition et utilisation de "labels" verbaux, la familiarité des stimuli visuels atténuant la différence entre les champs mais ne la renversant pas. (Dee et Hannay 1981).

Bertelson (1982 p. 180) recommande de se méfier du non- verbal, qui peut l'être (verbal), entraînant ainsi un étiquetage verbal.

Si la tâche n'exige qu'une reconnaissance visuelle l'encodage visuel est médiatisé par l'h. D. et fondé sur les propriétés formelles du stimulus, en tant que telles, plutôt que sur l'analyse en traits séparés. Si la tâche exige encodage verbal l'h. G. prend le relais et tente une reconnaissance visuelle fondée sur les traits analytiques verbalisables du stimulus (Kimura, 19786 p. 350).

Ce qui expliquerait l'avantage de l'hémisphère gauche pour le matériel verbal (mieux reconnu dans le champ visuel droit) et aucun avantage de l'hémisphère droit pour le matériel visuo- spatial reconnu aussi bien dans les champs visuels droit et gauche (White et White, 1975 ; Mayes, 1982) ; ce matériel étant parfois susceptible de description par traits distinctifs plutôt que saisi comme globalité (Milner, 1978, p. 338).

La médiation phonétique des enfants pourrait provenir en partie (Locke, 1971) de leur habileté à former des images acoustiques.

Nous avons insisté sur ce point pour 2 raisons :

a) bien que les auteurs cités aient reconnu le rôle possible d'une verbalisation dans l'analyse d'une forme complexe, à notre connaissance, aucune recherche n'a pris en considération cette dimension. Le matériel étant spatial, la présentation visuelle, il n'a été tenu compte que du rôle de l'hémisphère droit, en relation avec la vision.
b) dans la tâche qui nous préoccupe nous devons différencier deux niveaux. Le premier correspond à l'arrivée de l'information dans un hémisphère par l'intermédiaire des voies visuelles, la deuxième au traitement de cette information puisque la présentation tachistoscopique trop brève empêche un traitement immédiat.

Nous ignorons si ce traitement se fera de manière globale (dans ce cas l'hémisphère Droit pourrait jouer son rôle), ou plus analytique, par découverte de traits distinctifs verbalisés implicitement (dans ce cas l'h. G. pourrait intervenir).

Nous allons donc tenir compte de cette possibilité de verbalisation intérieure dans l'analyse d'une forme spatiale et chercher les tests s'adaptant le mieux à la détermination de la latéralité d'une telle verbalisation.

1. 3. Les asymétries hémisphériques

Les modèles d'organisation cérébrale sont basés sur des différences hémisphériques dans les stratégies ou les modes de traitement plutôt que basés sur l'indépendance des systèmes fonctionnels hémisphériques.

Sergent (1982) ; Bradshaw et Sherlock (1982) ; Beaumont (1982) ; Berrini et al (1982 ) ; Delis et al (1983) estiment que l'asymétrie se situe au niveau du traitement et non à celui de la prise d'information.

Nous citerons deux conceptions des asymétries hémisphériques (d'après Bryden, 1978), 1'une dérivant des travaux de Kimura : approche structurale ; l'autre des recherches de Kinsbourne : approche attentionnelle.

Pour la première un hémisphère est plus efficace pour certain matériel et certains processus. Exemple : l'hémisphère gauche est en relation privilégiée avec la main droite, l'oreille droite, le champ visuel droit.

L'oreille droite lors d'une écoute dichotique présentera des performances supérieures à celles de l'oreille gauche lors de cette même écoute.

Pour la deuxième, l'activité conditionne l'attention (effets automatiques). Lorsqu'une personne est engagée dans une pensée verbale, l'hémisphère gauche est activé et l'hémisphère droit inhibé. Cette activité conduit à porter l'attention vers le côté droit de l'espace, à tourner la tête (et l’œil) vers la droite, entraînant une sensibilité plus grande sur l'hémisphère gauche.

Les deux conceptions ne s'excluent pas mutuellement, Par exemple si la supériorité de l'oreille droite lors d'une écoute dichotique est indépendante de la direction attentionnelle, il ne fait aucun doute que cette direction attentionnelle a une influence très profonde sur les effets constatés (Kinsbourne, 1978, p. 141).

D'une manière générale, tous les effets de latéralité sont déterminés par la manière avec laquelle le sujet déploie son attention. Ils mesurent quelque chose de plus que la latéralisation cérébrale : les résultats sont affectés par la façon avec laquelle le sujet approche la tâche (ibid, p. 142).

Pour Kimura (1967) ; Seamon et Gazzaniga (1973), les différences latérales sont dues à la projection directe sur l'hémisphère compétent (notion d'accès direct - Bertelson, 1982, p. 188).

Si les opérations critiques sont accomplies dans un hémisphère, (localisation stricte), les données projetées à l'hémisphère non spécialisé peuvent être traitées après transfert commissural. Ce transfert prendra du temps : 30 à 40 ms d'après Gazzaniga (1976). C'est le modèle de relais calleux.

Si le traitement, compatible avec la demande de la tâche, peut être accompli dans les deux hémisphère, bien que plus efficacement dans un (localisation relative), le transfert calleux n'est plus nécessaire et les différentes performances peuvent refléter les compétences inégales des hémisphères. C'est le modèle de l'efficience.

Le modèle de la localisation fonctionnelle prévoit une inhibition exercée par l'hémisphère spécialisé sur celui qui ne l'est pas. "Quand deux systèmes de décision sont actifs et travaillent en parallèle, le comportement final est ralenti et troublé par la compétition qui en résulte au niveau de la réponse, d'où nécessité d'une dominance d'un hémisphère pour les fonctions mentales les plus élevées". (Gazzaniga 1974). Nous rejoignons là l'approche structurale déjà décrite.

Les notions d'accès direct, modèle de relais calleux et modèle d'efficience, associés aux mesures chronométriques, seront analysés à la lumière des résultats de notre expérimentation (chapitre V). Une autre notion sera utilisée à cette occasion : celle d'attention sélective.

1. 4 L'Attention sélective

Bresson (1958, p. 187) reconnaissait déjà le rôle facilitateur ou inhibiteur des facteurs centraux sur les réceptions sensorielles. Sa théorie de la perception en termes de "décision inductive" et non en termes de constatation pure faisait une large place au concept d'attention.

Depuis, les recherches utilisant la tachistoscopie ou l'écoute dichotique ont largement mis en évidence le rôle de ce facteur.

Par exemple, en écoute dichotique les effets de latéralité sont déterminés par la manière avec laquelle le sujet déploie son attention (Bryden 1978, p. 141).

C'est le contrôle de l'attention dirigée s'améliorant avec le développement (expérimentation avec des sujets de 6 ; 8 ; 10 ans) qui fait apparaître un degré d'asymétrie latérale dans la spécialisation du traitement de la parole (Geffen, 1978).

En faisant répéter subvocalement une courte liste de mots pendant l'observation de stimuli visuels présentés latéralement, Kinsbourne note une attention focalisée sur l'hémisphère gauche. Pour lui (voir modèle attentionnel déjà cité) l'attention se déplace vers l'hémisphère spécialisé suivant les tâches, le matériel approprié et vers les centres contrôlant le côté opposé de l'espace (1978, p. 289 et sq).

Il estime ce déploiement automatique. Ce n'est pas l'avis de tous les chercheurs (Bryden, 1978, p. 123). Gazzaniga (1978, p. 313) estime qu'il y a fluctuation de l'attention entre les deux hémisphères. Si les tests impliquent des rapports spatiaux alors l'hémisphère droit intervient.

Les études sur les différences de champs visuels n'ont pas manqué de faire apparaître ce rôle de l'attention notamment dans la localisation primaire du stimulus (Cohen, 1982, p. 105 ; Jones et Santi, 1978).

Le processus d'attention peut être conditionné à se concentrer sur un seul hémisphère (Gazzaniga, 1976), facilitant ainsi les opérations qui s'y accomplissent (Klein et al, 1976), mais il faut tenir compte, en même temps de l'accès direct de l'information (Bertelson, 1982), comme le suggère aussi Moscovitch (Springer, 1981, p. 77) "priming one hemisphere serves to facilitate the processing of stimuli that are presented directly to it". Ces effets attentionnels ne sont pas toujours reconnus.

Les expériences de latéralisation cérébrale pourraient ne détecter que des processus de mémoire, en particulier lorsque de nouveaux stimuli sont présentés à chaque essai (Hardyck et al, 1978). De même, Allard et Bryden (1979) pensent que la manipulation de la charge de mémoire n'est peut- être pas la voie appropriée pour tester les biais attentionnels.

Les nombreux travaux neurophysiologiques récents qui introduisent la notion de distibution de l'attention montrent qu'il existe des unités visuokinétiques dans les régions frontales (travaux de Kubota et al), des unités de projection et manipulation dans les régions pariétales (Mountcastle et al), des unités visuelles dans les régions superficielles du colliculus (Wurtz et Mehler) dont l'activité semble dépendre de l'orientation de l'intérêt de l'animal pour la cible visuelle repérée (Paillard et Beaubaton, 1978, p. 255).

Chez l'homme aussi l'attention peut se diriger de manière plus sélective sur une modalité sensorielle particulière. Changeux (1983, p. 208) cite les travaux de Hillyard et collaborateurs, qui remarquent de notables changements de forme de l'onde enregistrée (méthode des potentiels évoqués) lorsqu'ils demandent au sujet de fixer son attention sur une oreille ou un oeil particulier, droit ou gauche, au moment où ils stimulent l'oreille avec "clic" ou l’œil avec un flash lumineux. Ainsi "la fixation de l'attention augmente l'amplitude des ondes majeures et lentes de manière très significative. Elle crée un hyper- éveil sélectif de l'aire du cortex choisie par le sujet".

Kanderhaeghen (1980, p. 485) parle de mécanisme d'aiguillage (gating mechanism) avant toute réception du signal et a fortiori avant toute analyse. La formation réticulée intervient comme "régulateur" notamment du canal visuel (Changeux, 1983, p. 211). Ce rôle de la formation réticulaire est aussi reconnu par Blom (1974).

.

Pour changeux (ibid, p. 211) "des neurones encore mal identifiés interviennent dans la focalisation "interne" de l'attention vers une image de mémoire ou un concept. On s'attend à ce qu'ils imposent leurs règles, leur "grammaire" aux opérations effectuées sur les objets mentaux, à leur enchaînement et bien entendu à leur échange avec l'extérieur".

Le rôle de l'attention est d'autant plus important que la présentation visuelle ou sonore du stimulus est brève. Pynte (1980) reprend à son compte la distinction introduite par Hebb en 1949 entre

mécanismes "sensoriels" qui impliqueraient l'appréhension simultanée de la totalité du champ visuel

et mécanismes "perceptifs" qui, au contraire, impliqueraient une focalisation de l'attention sur une partie délimitée du champ.

Les commissures, reliant les deux hémisphères cérébraux, interviennent pour un système attentionnel unique dans des tâches exigeant les décisions des deux hémisphères. (Ellenberg et Sperry, 1980 - tâche à base tactile).

Pour terminer, nous distinguerons avec Bowers et Heilman, (1980), et Vanderhaeghen, (1982) trois composantes dans l'attention : l'éveil (arousal), l'attention sélective dont nous venons de parler et l'activation ou préparation pour l'action. Nous réserverons ce terme d'activation ou "préparation spécifique" à toute organisation motrice.

Cette activation semble intervenir chaque fois que des signaux d'avertissement (S. A) sont donnés avant le début de l'épreuve. Les S. A réduisent ainsi les temps de réaction de la main concernée (Bowers et Heilman, 1976, 1980) mais de manière telle que l'hémisphère droit apparaît dominant pour l'activation (Heilman et Van den Abell, 1979 ; Heilman et al, 1983).

Pour ces derniers auteurs, l'hémisphère droit, détectant les stimuli inconnus ou significatifs des deux côtés du corps, serait responsable de la médiation des réponses d'éveil, - donc de la préparation à l'action- libérant ainsi l'hémisphère gauche des tâches d'attention intentionnelle ce qui lui permet d'exécuter une activité cognitive de façon plus continue (Heilman et al, 1983, p. 17).

Nous avons insisté sur cette notion d'attention sélective car elle nous parait fondamentale lorsque sont utilisées des procédures de présentation très brève des stimuli. Pour 3 raisons :

a) alors que nous recherchions des effets de fatigue sur les derniers items de la série lors de notre première expérimentation (cf. introduction) nous avons constaté un abaissement du seuil des latences de réponses auquel nous ne nous attendions pas. Comme les items étaient de nature différente quant aux opérations à effectuer, nous ne pouvions attribuer cet effet à l'apprentissage. Nous avons retenu un effet d'attention sélective. Cet effet était constaté aussi, mais de manière empirique, par observation de l'attitude des sujets en fin de test : grande concentration pour la majorité des sujets, accentuée à notre avis par le fait que les sujets n'avaient pas à verbaliser explicitement la réponse.

Prenant en considération ce constat, nous avons inclus dans la procédure huit items de familiarisation, dans un double objectif : celui de familiarisation, bien sûr, mais surtout de préparation du sujet.

b) par préparation du sujet, nous entendons éveil de l'attention sélective sachant "que l'activation [5] d'un hémisphère peut faciliter toutes les opérations accomplies dans cet hémisphère" et qu'il faut plusieurs essais successifs pour créer cette activation (Klein et al, 1976).

De plus, pour une même passation, nous avons constitué un ensemble d'items tel que les traitements à effectuer soient différenciés et distribués au hasard dans l'expérience. Par exemple nous aurons, avec certains items, des identifications et complètement de formes mais avec d'autres items des transformations spatiales exigeant une action mentale différente de celle engagée avec les premiers.

Nous rappelons (cf. chap. 1) que nous avons pris la précaution méthodologique nécessaire d'avoir des opérations spatiales de même nature que les images qui leur donnent naissance ; la différence entre les deux types d'activité étant plus une différence de degré que de nature.

En choisissant cette procédure

b1) Nous marquons notre distance à l'égard d'expérimentations qui n'engagent qu'un seul type d'opérations sur une seule passation : nous pensons que le sujet peut procéder de manière plus automatisée, moins volontaire, les différences latérales subissent un effet de masquage et n'apparaissent pas ou sont minimes, ou peuvent être le fait d'une relation avec d'autres structures, sous- corticales notamment ;

b2) Nous marquons notre distance à l'égard de procédures prévoyant un apprentissage antérieur : les différences latérales, si elles existent, peuvent ne pas être celles du sujet mais celles induites par l'expérimentateur ;

b3) Nous différencions la composante intentionnelle et la composante perceptive en considérant le phénomène d'attention comme "un fait de nature dynamique" ce qui ne signifie pas que nous le considérons comme un fait entièrement conscient.

c) En contrepartie, il nous faudra accepter des déplacements d'attention sélective chez certains sujets et rassembler alors un faisceau d'indices permettant d'émettre des hypothèses sur la relation entre asymétrie fonctionnelle inter-hémisphérique et asymétrie comportementale directement observée. Cette fluctuation ne nous étonnera pas chez de jeunes sujets. Mais elle nous obligera à multiplier les précautions méthodologiques et à baser notre réflexion non sur un observable mais sur la concomitance de plusieurs. Nous reprendrons cette question dans le chapitre V ; elle sera déjà évoquée sous III et IV.

Chapitre I, nous avons justifié notre choix des 2 groupes d'âges, 10 ans et 11 ans 6 mois. Comment ces deux groupes se situent - ils dans le procès de latéralisation ?

2. Age et Asymétries

Nous avons différencié en (1) asymétries motrices latérales et asymétries fonctionnelles hémisphériques. Nous ne revenons pas sur le premier point : les études ont été nombreuses et assez convergentes quant aux résultats. Elle sont utiles et continueront à l'être, mais dans une optique bien précise : celle de la motricité d'action, de la prise d'information, de la communication, celle de 1"'être au monde" diraient les phénoménologues.

Par contre, l'extrapolation des résultats obtenus à partir de leurs déterminations, pour expliquer des faits cognitifs particuliers, nous parait prêter à controverse.

On pourrait expliquer l'exagération de l'importance qui leur est accordée par le fait que cette dominance est survenue à un stade relativement tardif de l'évolution et aussi à cause de son rapport avec le domaine du langage (Geschwind, 1983, p. 12). Mais la dominance de l'hémisphère droit pour l'espace, l'émotion, l'attention est survenue tôt dans l'évolution des animaux et date donc de millions d'années. Il a été constaté par exemple qu'une dominance s'installe chez des rats enlevés de leurs cages pendant leur enfance et manipulés : or ce genre d'activités comporte des fonctions spatiales, des réponses émotionnelles et d'attention.

Pour Gaillard (1979, p. 62) "l'homme hériterait d'un gradient maturationnel gauche- droite favorisant un développement plus précoce et plus rapide à gauche qu'à droite. De plus le côté favorisé exercerait une influence dominatrice ou inhibitrice sur le côté défavorisé".

"L'effet du gradient d'asymétrie pourrait être cyclique l'hémisphère gauche se développerait généralement en tête et l'hémisphère droit rattraperait périodiquement le gauche" (ibid p. 69).

Nous savons (Lecours, 1980) que c'est vers 6- 7 ans que les lésions droites n'entraînent plus d'aphasie et que l'hémisphère cérébral droit garde, advenant une grande lésion aphasiogène gauche ne déterminant pas de détérioration intellectuelle importante, un potentiel de prise en charge tel qu'une récupération totale ou à peu près constitue la règle plutôt que l'exception. Alajouanine et Lhermithe situent jusqu'à 9- 12 ans cette possibilité de récupération spontanée des effets d'une grande lésion aphasiogène (Lecours 1980 p. 293) c'est donc pendant cette période que le processus de maturation biologique des hémisphères cérébraux assure le passage d'une relative bilatéralisation des fonctions vers une latéralisation qui tend vers le modèle adulte.

Puberté, adolescence : moments critiques cités par Hecaen (1977), Lenneberg (1967), Cohen (1982), Lecours (1980), Gaillard (1979), Geschwind (1983), Glees (non daté, p. 35), Reynolds et Jewes (1978, pour la reconnaissance des figures).

Les résultats obtenus sur les déterminations de prévalences motrices latérales montrent aussi une diminution de la prévalence vers 11 ans (Auzias, 1975 p. 99).

Latéralité faible entre 8 et 10 ans d'après Birkett (1977) ; Ruoff et al (1981) ; Messina (1981) ; Coren et al (1981) ; Entre 2 et 10 ans pour le langage d'après Gaillard (1979).

Les tentatives de détermination d'asymétries chez de jeunes enfants donnent des résultats contradictoires : pas de différences entre oreilles dans une épreuve d'écoute dichotique (Vargha Khadem et Corballis, 1979), asymétrie dans ses réponses à des stimuli auditifs chez l'enfant de deux ans (Turkewirtz in Harnad, 1977). L'enfant, à la naissance, aurait deux hémisphères droits, c'est pendant les deux premières années que les deux hémisphères se distinguent l'un de l'autre pour se partager ensuite les sphères d'influences (Deglin, 1977).

Les enfants droitiers auraient une supériorité de l'hémisphère droit (tâche tactile) qui se réduit chez les personnes âgées (Riege et al 1980).

Teng et al (1979) à partir du questionnaire d'Oldfield (1971) trouvent les mêmes caractéristiques de latéralisation chez les chinois de Formose et chez les occidentaux, les populations de 11 ans et de 20 ans (étude sur 2000 sujets dans chaque groupe d'âges) ne se différenciant pas entre elles.

Pour Gaillard (1978) "vitesse de maturation et degré de spécialisation hémisphériques sont à prendre en considération pour expliquer les différences sexuelles observées avec les batteries de tests psychologiques diversifiées".

Pendant l'enfance, d'autres facteurs, indépendants de l'organisation cérébrale et non encore identifiés, pourraient influencer la latéralisation progressive (Cohen, 1982) ; des "supériorités" de l'hémisphère gauche pourraient dépendre du milieu socio- économique dans lequel évoluent les enfants (Kimura, 1967 : asymétrie gauche plus marquée chez des enfants "culturellement riches") ou de la précocité du développement (Gaillard, 1979 : langage mieux latéralisé chez adolescents à maturation lente).

Un fait paraît certain : le processus de latéralisation (spécialisation et asymétries hémisphériques) est en phase d'achèvement chez la plupart de²s sujets de notre échantillon. Nous devrons en tenir compte.

3. Sexe et asymétries

Les fonctions spatiales ne sont peut être pas aussi latéralisées chez la femme que chez l'homme pour Kimura (1969)) Bradshaw et Gates (1978), Springer (191) Kinsbourne (1978).

Par contre pour Young et Ellis (1976) les garçons auraient une représentation plus bilatérale des fonctions spatiales que les filles du même âge.

Les femmes font moins d'erreurs que les hommes à une épreuve d'écoute dichotique. (Briggs et Nebes, 1976). La spécialisation de l'hémisphère gauche pour le traitement de l'information verbale semblerait être plus grand chez l'homme que chez la femme pour Kail et Siegel (1978) et Springer (1981) qui note une supériorité de la femme dans les habiletés de langage.

La spécialisation hémisphérique droite se développerait plus tard que la spécialisation gauche et se développerait beaucoup plus tard chez la fille que chez le garçon (Witelson, 1976).

Les déterminants de latéralité opéreraient de manière différente chez l'homme et chez la femme d'après Gur (1977). Environnement, apprentissage interviennent dans ce cas autant que les facteurs génétiques hormonaux eux- mêmes, comme le souligne Kinsbourne (1978, p. 481).

Nous avons constaté, nous - même, une ambidextrie très marquée chez une fille de dix ans dont la mère nous a signalé qu'elle passait la plupart de ses loisirs à tricoter. Bien que dans la plupart des opérations de tricotage un bras et une main servent de soutien alors que l'autre bras et main sont actifs, nous pouvons suspecter un effet d'apprentissage dans l'apparition de l'ambidextrie ou du moins dans la traduction qui en est faite par le comportement au test manuel.

Fleminger et Dallon (1979) ne trouvent pas de différence significative. entre les groupes contrastés garçons - filles mais ils font intervenir la latéralité de la main dans la réponse à donner, ce qui peut provoquer un effet de masquage. Dans un travail très minutieux portant sur l'analyse de 111 recherches sur les différences de champs visuels, Fairweather (1982) relève que 87 expériences ont finalement échoué à mettre en évidence des différences significatives dues au sexe dans le degré de latéralisation cérébrale.

Nous resterons donc très prudent. On ne peut comparer que ce qui est comparable. Or les procédures expérimentales et le matériel utilisé sont tellement variables d'une expérimentation à l'autre que nous ne nous hasarderons pas à en tirer des conclusions. Tout au plus signalerons - nous quelques "tendances" apparues dans notre échantillon.

4. Les gauchers

". . . Nous parlons avec l'hémisphère gauche. C'est une habitude que nous prenons dès notre première enfance" (Broca, 1865). Chez les droitiers de la main, fonctions du langage et fonctions motrices manuelles droites seraient dans la majorité des cas sous contrôle hémisphérique gauche.

Qu'en est - il des gauchers ?

Chez eux la représentation du langage serait plus bilatérale (Lomas et Kimura, 1976, à partir de l'écoute dichotique ; Hardyck et Petrinovich [6] , 1977 ; Milner, 1978 ; Gregory, A11ey et Morris, 1980 ; Geschwind, 1983 ; Danchin, 1983) ou plus atypique selon les antécédents de gaucherie familiale ou le degré de latéralisation de la main gauche (Me Keever et Van Deventer, 1977).

Mais certains auteurs pensent qu'il pourrait y avoir deux groupes de gauchers : l'un (plus de 50 % des gauchers) avec les fonctions du langage assurées par l'hémisphère gauche (comme pour les droitiers), l'autre avec les fonctions linguistiques assurées par l'hémisphère droit (Springer 1981 ; Levy, 1974 ; Delis et al, 1983). Margolin (1980) signale le cas d'une gauchère avec hémisphère gauche dominant pour la parole et droit dominant pour le contrôle des praxies incluant l'écriture. Ici les mécanismes de contrôle langage et praxies ne seraient pas groupés mais seraient fonctionnellement distincts.

Les déficits visuo - spatiaux ou non verbaux ne sont pas plus importants dans le groupe de gauchers que de droitiers (Gilbert, 1977 ; Fennel et al, 1978).

Hardyck (1976) après un large tour d'horizon portant sur près de 8000 recherches conclut à l'absence de différences dans les performances intellectuelles et cognitives entre droitiers et gauchers. Annett (1982) arrive à la même conclusion.

Guiard (1982), au plan des prévalences latérales, note la haute représentativité des gauchers dans l'élite sportive et présente des tentatives d'explications psychobiologiques.

Mais les cas rapportés de dysfonctionnement moteur ne manquent pas. Liederman et Coryell (1982) et Bakan (1977) entre autres, les mettent en relation avec des complications périnatales susceptibles de retarder l'établissement volontaire d'utilisation de la main.

Ce qui frappe avant tout, c'est la grande hétérogénéité de ce groupe.

Le long d'un continuum de latéralisation, nous pourrions placer à un bout de l'échelle des gauchers à haute performance cognitive et apparemment sans problème d'aucun ordre, à l'autre extrême, des sujets présentant de gros déficits.

C'est parmi ces derniers que l'on rencontre le plus grand nombre de cas de troubles du développement émotionnel, surtout avant la puberté et beaucoup plus souvent chez les garçons que chez les filles (Geschwind, 1983 ; Danchin, 1983).

Il a même été vérifié si l'asymétrie inversée pouvait être considérée comme facteur d'autisme : réponse négative (D'angelo, 1981). Une dominance croisée œil - main associée à une augmentation de la représentation bilatérale du langage serait plus importante dans le groupe de sujets schizophrènes comparé au groupe de sujets normaux (Krynicki et Nahas, 1979).

Le problème n'est pas éclairé par l'étude des antécédents familiaux de gaucherie (Birkett, 1981 ; Kraft, 1983) d'autant plus que l'enquête est réalisée pratiquement toujours à l'aide de questionnaires.

Devant la disparité des mesures techniques d'analyse ou de contrôle, il est difficile de se faire une opinion. Nous ne pensons pas, en tout cas, que l'on puisse échafauder des théories sur les asymétries fonctionnelles interhémisphériques à partir de résultats obtenus par réponse à des questionnaires ou même de résultats traduisant essentiellement un comportement moteur.

Nous allons maintenant passer rapidement en revue les tests de latéralité disponibles et préciser notre point de vue à ce sujet.

 

5. Tests de latéralités ou tests d'asymétries comportementales ?

La distinction entre prévalences motrices latérales et asymétries comportementales perceptives nous oblige à considérer deux sortes de tests répondant chacune au type de déséquilibre latéral que l'on cherche à mettre en évidence.

Pour éviter toute confusion nous appellerons tests de latéralité ceux dont le rôle est de déterminer des prévalences motrices latérales et tests d'asymétries comportementales ceux dont le rôle est de mettre en évidence ces mêmes asymétries, qu'elles soient perceptives ou motrices.

Cette distinction n'est pas purement formelle.

Les tests de latéralité ont à voir avec une latéralité extériorisée traduisant la relation du sujet au monde, soit par action ou réaction ou bien par recherche de communication ou d'information. Cette latéralité est lourde de tout un passé d'expériences, d'apprentissages mais aussi d'automatismes et d'interdits parfois.

Les tests d'asymétries comportementales ont à voir avec une latéralité intériorisée traduisant la relation d'intériorisation (arrivée et traitement de l'information) par le sujet, des données extérieures du monde environnant. Cette latéralité est lourde de tout un passé d'expériences cognitives basées sur les liens étroits unissant actions et données perceptives dans leur projection au plan supérieur de la représentation.

5. 1 Les tests de latéralité

a) les questionnaires

Le plus couramment utilisé "the Edinbourgh inventory" d'Oldfield (1971) renseigne sur la perception qu'a le sujet de sa propre latéralité. Très bien étalonné, assez bien corrélé avec les mesures de performances, il a le mérite d'une passation rapide.

b) les mesures de performances

La "batterie de dominance latérale", de N. Galifret- Granjon (Zazzo, 1958), l'épreuve de latéralité usuelle de Auzias (1975), présentent un grand intérêt. Luria (1978, p. 376 et 55) propose aussi quelques items dans le but de compléter le tableau diagnostique des sujets cérébro-lésés. Nous y ajouterons le test de Harris (1961) parce qu'il comporte une épreuve d'écriture simultanée avec les deux mains. Nous verrons, chapitre III, en quoi cela peut être utile.

Des quantifications ont été tentées obligeant à calculer des corrélations entre mesures - cf le "phi- coefficient" (Bryden et Sprott, 1981) -, indice qui serait applicable à la plupart des techniques utilisées pour déterminer la latéralité perceptive et l'asymétrie hémisphérique. Mais les corrélations sont faibles entre certaines mesures, ce

qui amène Stone ('1980) à prôner la prudence d'utilisation de tels tests surtout dans les recherches neuropsychologiques.

La prévalence manuelle renvoie à quelque chose de précis : l'utilisation préférentielle d'un organe dans une tâche motrice, mais les mesures de latéralité de la main échouent à être liées aux mesures de latéralité des processus cérébraux (Mc Keever et Van Deventer, 1977), aux habiletés spatiales (Sanders et al, 1982) surtout quand elles sont déterminées par les réponses à un questionnaire (Dee, 1971).

La prévalence oculaire à toujours posé problème.

L’œil est abusivement considéré comme 1e prolongement du cerveau alors que seule la rétine en est une "excroissance". Cela pourrait peut-être expliquer les confusions fréquentes entre prévalence motrice de l’œil et asymétries dans la réception de l'information par les rétines.

Il ne fait aucun doute que la plupart des sujets ont un oeil "directeur". La motricité du globe oculaire et des paupières est bien développée. Nous pouvons imaginer une prévalence motrice du globe oculaire. Les tests de sighting, de visée, etc., permettent de la déterminer avec une assez grande précision.

Mais c'est une prévalence motrice de "direction" et l'usage de tels tests ne permet pas de préjuger d'une éventuelle asymétrie perceptive en relation avec une asymétrie fonctionnelle interhémisphérique.

L'oreille, par son absence de mobilité, - bien que la tête puisse diriger un des deux organes vers la source d'information - a échappé à cette confusion entre prévalence motrice et asymétrie comportementale perceptive.

5. 2 Les tests d'asymétries comportementales

Ils n'existent que pour mettre en évidence des asymétries perceptives. Chapitre III, nous décrirons un test qui tentera une approche de l'asymétrie comportementale motrice.

Les tests d'écoute dichotique ont permis à Kimura (1961) (cliquez Fig. l ) de montrer que l'oreille controlatérale à l'hémisphère linguistique était plus efficiente dans l'identification et le rappel des stimuli que l'oreille homolatérale. Cette supériorité des voies controlatérales a été largement confirmée depuis.

Les présentations tachistoscopiques de stimuli (cliquez Fig. 2) dans les hémichamps visuels, droit ou gauche, prêtent beaucoup plus à controverse.

L'analyse de près de mille recherches par Beaumont (1982) dans son livre "divided visual field studies of cerebral organisation" montre que les espérances en une possibilité de trouver une relation univoque entre champs visuels et hémisphères cérébraux sont loin d'être satisfaites.

D'autres problèmes apparaissent avec ces types de tests : celui de la variabilité des mesures prises chez un même sujet à des moments différents et celui des corrélations éventuelles entre les différentes épreuves.

Satz (1977, p. 208) à partir des résultats obtenus en écoute dichotique dans une tâche spatiale "non verbale" pose la question : peut - on parler de groupes de sujets à problèmes particuliers d'apprentissage parce qu'ils échouent à ce type de test alors que 30 à 40 % de sujets du groupe des "normaux" y échouent à montrer la relation attendue ? " Les erreurs d'induction y sont d'autant plus grandes que les inférences sont faites sur des constructions à faible probabilité d'occurrence dans la population (e. g. parole sur cerveau droit)" (ibid, p. 211).

Birkett (1977 - test sur les hémichamps visuels) constate des résultats légèrement différents sur plusieurs tâches pour un même sujet et conclut "qu'on devrait construire des mesures de latéralité sur la base de théories dynamiques des processus cérébraux impliqués dans une tâche particulière" nous ajoutons : pour un individu particulier, à un moment particulier.

Marshall et al (1975) analysant les différents coefficients de latéralité proposés insistent sur le problème de construction de mesures de latéralité (différences de préférence oreille et champ visuel) qui soient indépendantes du fait que les sujets différent considérablement dans la précision générale de leur performance (un même sujet testé plus d'une fois ayant un niveau d'exactitude différent mais conservant un même coefficient de latéralité).

Levy (1983) reconnaît que la différence de compétence entre hémisphères cérébraux n'est pas statique et constante pour un sujet individuel mais varie d'un moment à l'autre.

Chaque hémisphère possèderait sa propre gamme d'instruments - théorie des ressources multiples, Friedman et Campbell- Polson, 1981 - et ses propres appareils d'inhibition (Deglin, 1977) et serait soumis à l'activité inhibitrice des noyaux sous - corticaux et aux actions inhibitrices de l'autre hémisphère mais l'interaction ferait que l'inhibition porterait sur l'un ou l'autre suivant les circonstances (coopération complémentaire ou compétition). Notre point de vue sur ces variations est le suivant :

a) les asymétries perceptives constatées sont le fruit d'un traitement particulier adapté à une tâche particulière effectuée à un moment particulier de la vie du sujet. Les variations ne nous étonnent pas chez certains sujets, surtout chez les plus jeunes. L'utilisation préférentielle de la même main, quotidiennement, se situe à un niveau tout autre. Il y a loin d'une réaction motrice à l'apparition d'un comportement cognitif. Nous pouvons même nous demander si une trop grande stéréotypie ne serait pas dangereuse en soi par l'absence de réactivité qu'elle pourrait procurer lors de changements dans 1e milieu ;

b) nous devons accepter ces variations. Ce qui signifie aussi tenter de les maîtriser. Tous nos sujets passeront les tests visuel et auditif immédiatement avant l'épreuve spatiale et immédiatement après. Nous aurons ainsi pour oeil et oreille, deux indications qui nous renseigneront sur la relative stabilité comportementale perceptive des sujets ou sur leurs éventuelles fluctuations. Nous en tiendrons compte dans l'analyse des résultats

c) il est important de rappeler ici combien il faut être prudent dans le choix des procédures ou celui des tâches. Si des stratégies sont sollicitées, les asymétries constatées peuvent être le fruit de plusieurs traitements. Donc au départ, c'est le code opératoire du sujet que nous devons approcher en espérant un seul processus traduisible par une asymétrie perceptive dont l'origine prêtera moins à suspicion.

d) les mesures de direction d'asymétrie exigeront des procédures de courte durée : le sujet ne doit pas mettre en place des mécanismes de compensation ou de détour (2 à 3 mn nous parait être un temps raisonnable pour une passation). C'est uniquement avec les premières réponses que Larmande et al (1983) obtiennent un avantage de l'oreille droite dans un test d'écoute dichotique non verbal où il était exigé, en même temps des sujets, une déviation volontaire du regard. Une deuxième passation, de courte durée, à quelques heures ou à quelques jours d'intervalle renseignera mieux qu'une longue passation. C'est la stabilité des processus en jeu plus que la fatigue des sujets qui préoccupe ici l'expérimentateur.

e) les tests doivent permettre une approche individualisée au double sens du terme : meilleure connaissance du sujet et adaptation du matériel et des procédures à l'individu testé. Pour une population "tout venant" d'enfants de 10 ans et 11 ans 6 mois les expériences seront simples. Pour un échantillon d'adultes, d'autres modalités pourraient être envisagées. Il ne doit pas y avoir de modèle prédéterminé, immuable. Cette simplicité d'expérimentation se traduira par la construction d'appareils relativement peu contraignants pour le sujet, du moins dans son positionnement. Dans le même esprit, les appareils, transportables, sont mis en service sur le lieu même de travail de l'enfant. Le caractère artificiel de l'expérimentation apparaît ainsi beaucoup moins exceptionnel aux veux du jeune sujet.

Cinq points restent encore à préciser concernant les tests d'asymétries comportementales.

1. Nous ne pensons pas qu'il faille quantifier à tout prix. Pour un sujet donné, c'est une direction d'asymétrie que nous déterminons pour la mettre en relation avec la tâche sur laquelle elle apparaît. Le constat qualitatif peut être suffisant. Nous pensons tout particulièrement aux tests visuels et auditifs.

2. Etudiant l'interaction fonctionnelle hémisphérique nous devons maîtriser dans la réponse donnée par le sujet ce qui provient de l'initiation de la réponse proprement dite, des effets de l'analyse et du traitement de l'information. Nous n'utiliserons pas de réponse vocale, suivant en cela White (1972) qui la rend responsable de l'ambiguïté des résultats obtenus en présentation tachistoscopique. Nous utilisons une réponse motrice (graphique), car dans ce cas, les deux hémisphères ont accès à la réponse ipsi et controlatérale sans recourir au corps calleux tandis qu'avec une réponse vocale, seul l'hémisphère gauche a accès à la réponse. Gazzaniga (1976, p. 236) souligne ce fait important. Nous ajouterons qu'avec la réponse verbale, s'il est en plus exigé du sujet une introspection, soit en cours, soit en fin de passation, il n'est guère possible de différencier ce qui relève du processus de traitement de ce qui relève de l'initiation de la réponse ou de la justification introspective. De plus, avec une réponse graphique nous avons la possibilité de séparer le temps de réflexion (durée d'attente entre la présentation du stimulus et le début du dessin) du temps correspondant à la réponse elle- même (dessin). Cette différenciation ne serait pas possible, ou du moins pas aussi nette, avec une réponse vocale.

3. Pour juger des réponses du sujet nous prendrons en considération la fréquence des bonnes réponses et le temps de latence des réponses (T. R) nécessaire à leur élaboration. Nous pensons que le T. R est un indice pertinent dans ce type d'expérimentation.

Il a, d'après Springer (1977, p. 329), apporté une importante contribution à une meilleure compréhension des mécanismes cérébraux. Nous le pensons aussi, en particulier si l'on accepte les modèles d'accès direct, de relais calleux et d'efficience. Mais le T. R ne peut être utilisé seul : des T. R identiques n'ont pas besoin d'être le résultat de processus identiques (Haun, 1981), le T. R peut être lié à la programmation de la réponse et non au traitement perceptif du stimulus (Pynthe, 1979), autant de problèmes liés aux T. R.

Pour Cambon (1978), Denis (1982) les mesures chronométriques sont un indice pertinent à condition de les

rendre opérationnelles en les reliant à d'autres indices (complexité des algorithmes utilisés, réponses déclaratives du sujet). C'est la consistance des relations qui donnera à l'ensemble une cohérence, seule susceptible de constituer un des éléments du faisceau d'indices nécessaire à l'approche d'hypothèses explicatives.

4. Le test d'écoute dichotique met en compétition les deux hémisphères cérébraux. Dans toute tâche cognitive les deux hémisphères sont informés et travaillent complémentairement ou en opposition. Les tests d'asymétries comportementales visuelle et motrice devront tenir compte de cette dualité. C'est la prévalence fonctionnelle d'un organe par rapport à l'autre qui nous intéresse, les performances de l'un et de l'autre dans le rapport de l'un à l'autre. Dans nos tests les deux mains, les deux yeux, les deux oreilles seront utilisés ou informés. Une asymétrie comportementale perceptive ou motrice doit être le reflet de la prévalence fonctionnelle d'une voie motrice ou sensorielle active dans son rapport avec l'autre voie, active elle aussi, potentiellement du moins.

5. Les tests d'asymétries comportementales seront complétés par des tests de latéralité. Reconnaître la prépondérance des uns ne revient pas à nier l'utilité des autres. Ces derniers nous renseigneront sur le comportement extériorisé du sujet dans son rapport latéralisé au monde. Il y aura donc dans chaque série de tests (manuel, visuel, auditif) deux niveaux d'étude (correspondant aux deux types de tests déjà cités). Les chapitres III et IV traiteront de ce problème. Le livret annexe comprendra la description des procédures de passation et des types d'appareils utilisés. Nous allons, pour conclure ce chapitre, reprendre tous les points importants qui ont un rapport avec les préoccupations théoriques et méthodologiques exprimées dans le chapitre I.

6. Définition du cadre de recherche

deux niveaux dans le traitement de l'information

arrivée du stimulus

traitement proprement dit

modèle d'accès direct

modèle de relais calleux et

modèle d'efficience

le traitement de l'information prime sur le type de matériel utilisé

    traitement essentiellement

global h.D

séquentiel  hG

une tâche spatiale, non verbale, peut faire appel à une verbalisation implicite

relation avec l'asymétrie auditive

un hémisphère peut étre activé préférentiellement

attention sélective

pour créer et maintenir cet éveil sélectif

- pas d'apprentissage préliminaire

- familiarisation sur 8 items

- présentation successives d'items exigeant des opérations différentes

réponses graphiques avec différenciation entre temps de réflexion et temps de dessin

T. R (associés aux fréquences de B. R) comme indice pertinent des processus cognitifs.

déséquilibres latéraux (main, oeil, oreille) déterminés par

tests de prévalences motrices latérales

latéralité extériorisée

tests d'asymétries comportementales

latéralité intériorisée

tests d'asymétries comportementales (T. A. C) déterminant les sous- groupes de l'échantillon

. T. A. C

-        adaptés aux sujets,

-        à la tâche,

-        de courte durée

. T. A. C

- concernant les deux organes symétriques (les deux yeux simultanément, etc. . . )

- déterminant une direction d'asymétrie

- passés avant et après toute tâche cognitive

asymétries de comportement pouvant être instables chez des sujets dont les processus de latéralisation sont en voie d'achèvement.

pas de différenciation de sous- groupes selon le sexe des sujets (trop faibles effectifs)

étude du comportement des gauchers par rapport aux droitiers (latéralité manuelle) en fonction des résultats aux T. A. C.

Nous allons à l'aide des tests d'asymétries comportementales déterminer des sous- groupes de sujets caractérisés par leur comportement perceptif et moteur.

Notre hypothèse devient

Les sous- groupes de population caractérisés par les asymétries comportementales perceptives et motrices, déterminées à l’aide des tests d'asymétries comportementales, se différencieront dans le comportement cognitif des sujets soumis à une tâche spatiale par la présence de temps différents dans les latences de réponses.

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1 Novembre 2007



[1] En particulier, nous n'étudierons pas la latéralité des membres inférieurs, ni la latéralité somesthésique.

[2] prévaloir => prendre l'avantage ; dominer => exercer l'autorité sur l'autre. Nous utiliserons le terme de prévalence qui a une connotation de relativité et de fonctionnalité alors que le deuxième terme renvoie plutôt à absolu et à structural

[3] Pour toute citation, nous pourrions ajouter "entre autres" tant est important le nombre de recherches relatives à ces problèmes.

[4] Les auteurs reconnaissent un biais expérimental. Mais ils l'attribuent au fait que le test Berman ICD (1971) utilisé comprend 27 mesures pour la détermination de la latéralité de la main et seulement 12 mesures pour celle du pied, 8 pour l’œil, 5 pour l'oreille. Effectivement les résultats auraient pu être autres en équilibrant le nombre de mesures. Mais le véritable problème n'est pas là.

[5] il s'agit plutôt d'attention sélective

[6] importante bibliographie.