Recherches sur les latéralités

Asymétries comportementales perceptives

Louis Bassou

Chapitre IV

Le poète se sauve par la succession des images ; le peintre par leur simultanéité

E. Delacroix in P. Huyghe, Dialogue avec le visible

Flammarion, 1955, p. 43

1. Asymétries comportementales visuelles

1.1 Composante motrice de l' acte visuel
1.2 Composante perceptive de l' acte visuel 1.3 lests proposés

2. Asymétries comportementales auditives

2.1 Langage implicite et identification perceptive
2.2 Latéralisation des processus auditifs 2.3 Détermination des asymétries auditives

3. Mémoire sensorielle et systèmes de représentation

3.1 Mémoire sensorielle
3.2 Activités de représentation
3.3 Latéralisation des processus
3.4 Conclusion.

Nous avons insisté, chapitre III, sur le fait que la motricité n' était pas étudiée pour elle- même mais pour une mise en relation avec les processus sensoriels. Ce sont des asymétries comportementales que nous essayons de déterminer et non des prévalences motrices latéralisées. Une meilleure connaissance des processus cognitifs "opératoires" de base ne peut se concevoir qu 'à partir d'une telle approche.

Ces processus cognitifs seront analysés par l'intermédiaire d'une tâche spatiale (d'identification et complètement de formes notamment). C'est une tâche "non verbale" : le système visuel y est privilégié, prise et transport d'information empruntant sans conteste la voie visuelle.

Le traitement de l'information va s'opérer ensuite dans des zones corticales hémisphériques sur la base d'opérations et de représentations imagées ou audio- articulatoires plus ou moins conscientes.

Nous ne cavons rien de ce traitement. La latence de réponse comme indicateur d'une plus ou moins grande rapidité du processus, le dessin, comme terme de ce processus et les réponses déclaratives du sujet comme aboutissement d'une tentative d'introspection sont des indices qu'il faudra confronter à d'autres indices fournis par la technique expérimentale utilisée (présentation tachistoscopique brève) et par les tests d'asymétries comportmentales perceptives.

Chaque asymétrie décelée, à partir des voies visuelles ou des voies auditives, sera un indicateur de fait de spécialisation qui n'aura de valeur que confirmé par d'autres faits, l'ensemble constituant le faisceau d'indices susceptible de mieux éclairer les hypothèses émises.

Les processus engagés dans la résolution des tests destinés aux déterminations d'asymétries devront être assez proches "opératoirerrent" de ceux engagés dans la tâche cognitive.

C'est un point important à prendre en considération pour une comparaison de conduites. Tenant compte des exigences que nous venons de signaler, nous allons maintenant étudier les asymétries comportementales visuelles et audioarticulatoires.


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1. Asymétries comportementales visuelles

Tout processus cognitif, à partir d'une information écrite ou dessinée exige, avant tout, un acte hautement visuel qui associe un mouvement musculaire - mouvement coordonné des deux yeux~,qui dirigent vers la source d'information, suivent le contour ou la direction linéaire du stimulus,- et une décodification du symbole.

Il y a donc deux niveaux à considérer dans l'acte visuel, celui de positionnement de l'oeil qui s'accompagne d'une focalisation précise et permanente et celui du processus d'identification oui s'accompagne d'une binocularisation.

Au plan sensoriel, ce double système existe sous forme de voies spécifiques à projection corticale (analyse de la forme et des qualités des objets) : processus d'identification détecteur de traits pour dire quel est l'objet vu (voie géniculocorticale) ; de systèmes à distribution sous- corticale au service d'un repérage des lieux et des positions : processus d'orientation du regard vers l'objet pour dire où se trouve l'objet - voie rétino- tectale, phylogénétiquement plus ancienne (Paillard, 1974 et sq).

Le premier système de résolution d'identité agira au moyen de fixations successives réalisées en vision focale et sous la dépendance du cortex ; le deuxième dépendant du fonctionnement mésencéphalique donnera une information sur l'espace grâce aux mouvements de la tête, des yeux, du corps dans sa totalité et règlera la coordination visuomotrice (Hecaen, 1972 a).

La perception visuelle complète sera réalisée par interaction des deux systèmes.

Les relations visuo- motrices sont tellement développées que Dubois-Poulsen (1952) a pu écrire que "le but ultime des sensations visuel

les n'est pas la conscience du phénomène mais la réponse motrice. "

Mais il s'agit de sensations, comme traces laissées par la réaction d'un récepteur à une stimulation donnée. Qu'en est- il de la perception ?

La perception a un sens actif de "se saisir de", "recueillir".

Le processus actif est intégré dans l'action même et la dépasse par intériorisation de données qui n'exigent pas obligatoirement de réactions motrices.

Il nous faudra distinguer, dans la détermination des asymétries comportementales visuelles entre les trois composantes : motrice, sensorielle et perceptive.

La composante sensorielle a fait l'objet d'un test (cf. livret annexe : sensibilité rétinienne) dont le but est de déterminer l'ensemble capteur- intégrateur- analyseur le plus apte à recevoir et à traiter l'information lumineuse. Nous le signalons mais nous n'utiliserons pas les résultats obtenus : près de 90% des sujets dans les groupes d'âges seraient classés droitiers aussi bien chez les droitiers que chez les gauchers manuels. Cela paraît excessif. Les modalités d'utilisation de l'appareil ou peut être la conception de l'appareil sont à revoir. Une information nous a été fournie tout de même : quelques sujets apparaissent comme gauchers au plan sensoriel. Nous verrons comment ils se comportent dans les autres tests.

1.1 Composante motrice de l'acte visuel

Il n'est pas possible de séparer l'acte visuel de l'acte moteur qui le dirige ou qui réagit à une des stimulations enregistrées. "La vision est suspendue au mouvement", le corps opérant et actuel étant un "entrelacs de vision et de mouvement". (t:erleau- Ponty, 1964 a, p. 16).

Le cortex visuel est en relation étroite avec le cortex moteur "chez un individu normal, le plan d'interaction devant obéir à un certain nombre de patterns déterminés par des programmations instantanées de l'activité psychomotrice du sujet" (Buser, 1972 b).

Paillard (1974, p. 18) rappelant qu'il existe dans le corps des dispositifs d'ancrage positionnel grâce à des capteurs spécialisés dans l'invariant physique fondamental que constituent les forces de gravité, le maintien de la position de référence fondamentale se réalisant grâce à des dispositifs d'asservissement compensatoires, signale que l'ancrage de direction de l'oeil sur l'objet mobile relève du même principe de stabilisation automatique.

Kinsbourne (1978) cite les travaux de Ogle sur l'aspect moteur de la dominance oculaire qui maintient un espace visuel stable malgré les mouvements des yeux. "Ce sont les directions spatiales, subjectives, égocentriques, associées aux signesîocaux de la rétine de l'oeil dominant et leurs connexions dans le cortex oui fournissent l'orientation spatiale de l'observateur. Il y a donc une dominance directionnelle subjective" (Ogle in Kinsbourne 1978, p. 237).

Au delà de l'ancrage positionnel, les mouvements r.:uscu1aireJautomatiques assurent un déplacement des deux yeux dans la même direction ce sont les mouvements de version, et les mouvements de vergence permettent la focalisation du regard vers un point particulier par une action de convergence plus ou moins réflexe ou volontaire.

Il existe donc une oculomotricité très développée à prendre en considération pour la détermination d'une latéralité oculaire. Maïs nous devrons marquer la différence entre

a) - la latéralité musculaire de l'appareil ocuîo- moteur, responsable de la mobilité latérale de l'oeil dans son orbite, donc dans une certaine mesure de l'étendue du champ visuel ;
b) - la "direction" oculaire qui détermine la direction de l'axe visuel d'un oeil, donc la direction de l'axe optique définie par la capture fovéale du stimulus à atteindre ;
c) - et une prévalence oculaire qui détermine quelle est l'image conserve=e dans la fusion, celle en provenance de l'oeil droit ou celle provenant de l'oeil gauche.

 

Nous ne nous intéressons qu'aux points b et c de direction et pré valence oculaires puisque l'expérimentation prévoit seulement une vision fovéale.

Sous d'autres conditions expérimentales la latéralité musculaire pourrait être analysée par des mesures de campimétrie par exemple.

A. Détermination de la prévalence tutrice oculaire : l'oeil directeur

Nous considérerons, avant toute chose,

- que les sujets n'ont pas de problèmes graves de vision, quelques questions posées aux. enfants (ou aux parents si nécessaire et le seul fait, pour le sujet, de pouvoir travailler normalement suffisent à écarter toute idée de handicap important ;

- que l'acuité visuelle est normale ou corrigée. Ce paramètre est facile à contrôler puisque tous les enfants de 10 et 11 ; 6 ans ont passé la visite médicale scolaire d'usage. Il ne reste qu'à re- vérifier quelques cas litigieux.

Les tests de prévalence motrice oculaire les plus couramment utilisés (Zazzo, 10,58 ; Gur et Gur, 1977) sont
- le test de visée avec un oeil fermé : acuité et motricité des paupières sont en jeu
- le test du trou (fiole test) le sujet rapproche un carton percé en son centre d'un trou l'oeil vers lequel le trou s'est rapproché étant déclaré directeur ;
- le test de pointage : bras tendu, le sujet vise un objet avec son pouce, d'abord en vision binoculaire, puis monoculaire ; l'oeil pour lequel il n'existe pas de modification apparente de position de l'objet étant déclaré "dominant" ;
- le test d'Asher : une carte dans chaque main, le sujet les rapproche l'une de l'autre pour ne plus voir que l'objet désigné par l'expérimentateur ; l'oeil aligné avec la fente restante étant déclaré directeur.

Le plus grand reproche que l'on puisse faire aux trois derniers tests est qu'ils mesurent une latéralité de coordination visuomotrice et non une prévalence oculaire pure. En effet, la main intervient dans les trois tests. Or une direction oculaire n'implique pas toujours une intervention manuelle.

Le test que nous avons mis au point évite cet écueil.

La méthode de H. Jasper a été très critiquée par Loiseau (1974) deux lampes situées sur des plans fronto- parallèles différents sont allumées alternativement ; un mouvement apparent s'installe d'un côté, ce qui détermine la "dominance" de l'oeil. Mais des ajustements incorrects, l'absence de fidélité d'un instant à l'autre rendent la méthode peu fiable.

Ogle (1962) a proposé une série d'items : on y trouve acuité visuelle, déviation hétérophorioue, rivalité binoculaire, alignements de points dans l'espace, inconfort dû à l'occlusion, etc... Kinsbourne (1978, p. 237) considère cet ensemble comme trop disparate pour que les mesures de dominance de l'oeil soient "consistantes".

Nous retiendrons des travaux de Ogle l'important aspect moteur de dominance oculaire qui maintient un espace visuel stable malgré les mouvements des yeux ; en vision binoculaire l'aspect moteur et le facteur de correction sensorielle affectant préférentiellement un seul oeil : l'oeil "dominant".

Nous ne tiendrons pas compte des phories, en particulier de l'hëtérophorie : déviation des axes visuels maintenue latente par la puissance de fusion. Elle ne devrait pas intervenir dans des présentations très brèves. Chez, certains sujets, peut être, le réflexe de fusion compense difficilement la déviation latente, ce qui provoque de la fatigue. Nous ne l'avons pas constaté dans notre échantillon les résultats en fin de test sont identiques à ceux obtenus au début de la passation.

De plus, notre expérience est en vision binoculaire. C'est surtout en vision monoculaire que les phories sont à contrôler, la position de l'oeil occlus pouvant influencer les résultats (Ono et Weber, 1981, p. 945).

B. Détermination de l'oeil "directeur" : un nouveau test

L'appareil que nous proposons est destiné à déterminer l'oeil directeur, en vision de près, sans intervention visuo- motrice manuelle, les deux yeux ouverts, et en même temps, l'importance de l'écart de déviation visuelle pour l'oeil non directeur. (cf. fig. 8 et livret annexe pour modalités de passation).

détermination de l'oeil directeur

Fig. 8 : détermination de l'oeil directeur

Le sujet, les deux yeux ouverts, tête légèrement immobilisée par une mentonnière et un appui- tête, place l'index mobile face au 02 de la graduation fixe (position X1). L'expérimentateur masque l'oeil gauche : .X1 et 02 restent alignés, l'oeil droit est directeur. En masquant l'oeil droit, ce sujet projette X1 erg X2, ce qui confirme la "directivité" droite.
0102 0 représente l'axe de symétrie de l'appareil ici schématisé.

Les mains sont utilisées dans le déplacement de l'index mobile mais leur coordination avec la vision n'intervient pas, ce qui est confirmé par la vision monoculaire avec oeil directeur : nous retrouvons la même direction de visée.

Le test est fiable : c'est toujours le même oeil qui est déterminé comme directeur quelles que soient les conditions de passation.

L'intérêt de l'appareil est qu'il permet de mesurer l'angle visuel de déviation de l'oeil non directeur.

Il est peut être intéressant, dans certains cas, de savoir que deux. sujets à oeil droit directeur peuvent se différencier par cet écart de déviation. En effet, si tous deux. ont, par exemple, un angle de déviation de 88° sur oeil droit directeur, mais respectivement de 60° et 75° sur oeil non directeur, or, peut émettre l'hypothèse que dans certaines circonstances, cet écart puisse être pris en considération.

Nous n'en avons pas tenu compte dans l'analyse des résultats.

Nous venons d'étudier la composante motrice de l'acte visuel. Pour une mise en relation de la vision avec les processus cognitif:>, elle n'est pas l'élément prépondérant, bien que beaucoup de recherche: soient basées sur l'utilisation de tels indices.

1.2 Composante perceptive de l'acte visuel

Si nous délaissons l'aspect moteur pcur analyser l'aspect proprement perceptif, nous devons distinguer deux phases dans l'acte visuel

- celle de l'entrée sensorielle des signaux, - celle de leur traitement.

Nous ne nous intéressons Qu'à la Ire::,i,re auy a fait l'objet de nombreux travaux et qui peut être considérée encore comme un acte visuel - du champ visuel du sujet à ses structures cérébrales- alors que la deuxième relève déja de l'acte hêmisphérique.

Pour mieux étudier cette entrée sensorielle la techniaue de présentation des stimuli dans les hémichamps visuels droit et gauche a été largement employée. Nous allons la critiquer et proposer une autre méthode.

A. Hémichamps visuels ou champ central

Il faut tout d'abord reconnaître que les recherches sur les hémichamps visuels n'ont pas apporté les résultats escomptés.

Pour Beaumont (1982), il reste encore à mieux comprendre la structure cognitive des tâches employées e+, contrôler les stratégies cognitives des sujets ; les recherches ayant été faites beaucoup trop dans le contexte d'une étude de l'organisation cérébrale.

Laissons de côté les contraintes imposées par une telle tâche fixation d'un point central alors que le stimulus apparaîtra à sa droite ou à sa gauche, (cf. Mc Keever, 1971, 1974) ; présentation simultanée de stimulus différents, l'un dans l'hémichamp visuel droit, l'autre dans l'hémichamp visuel gauche, etc... et intéressons nous au type même de présentation qui privilégie un hémichamp visuel.

Or dans l'acte cognitif, c'est le champ central qui est privilégié. Il est important d'en tenir compte pour plusieurs raisons

1. Les deux rétines, périphérique et fovéale ont des fonctions différentes : l'une de repérage et de vigilance, sensible aux mouvements, permet l'alignement réflexe de l'oeil dans le champ central ; l'autre d'observation fine pemet l'analyse. Cette différenciation importante entre messages visuels provenant de la zone centrale ou de la zone périphérique est. citée par Dubois-Poulsen, 15,52 ; Le Grand, 1956 ; Teuber, 1972 ; Jeannerod, 1974, 1975).

2. Il est à noter aussi que la macula occupe près de la moitié de la projection corticale (Hecaen, 1972 a ; Luria, 1978) et que dans le champ de vision binoculaire les champs nasaux se superposent et recouvrent une partie des champs temporaux. (Dubois- Poulsen, 1952). D'après lui , la macula ne serait représentée qu'une fois dans chaque hémisphère.

3. Si les constitutions des deux rétines ne sont pas semblables la liaison des cellules rétiniennes avec le cortex visuel diffère aussi puisqu'en vision centrale certains cônes sont rattachés à une seule fibre du nerf optique envoyant directement l'information à l'hémisphère cérébral concerné alors qu'en vision périphérique il y a sommation de l'information avant même le départ de l'oeil, de larges groupes de bâtonnets fonctionnant comme des unités rattachées à une seule fibre (Pirenne, 1972, p. 35) ;

4. La ligne médiane visuelle représenterait la jonction des deux champs visuels, les fibres calleuses acheminant l'information visuelle complexe mais toujours limitée strictement au méridien vertical du champ visuel (Gazzaniga, 1970,.1976 ; Weulders et Boisacq- Schepens, 1977 ; Young, 1982). C'est important chez l'enfant qui jusqu'à 10 - 11 ans, partage l'espace en deux moitiés droite et gauche par rapport à son plan médian objectif (Vurpillot, 1974, p.127).

5. Il n'y a pas de séparation nette entre utilisation des deux rétines : un prétraitement en vision périphérique permet de raccourcir le temps de fixation pour identifier un mot lorsqu'il parvient en vision fovéale (O'Reagan et Levy- Schoen, 1978) ; la vision périphérique est supprimée en faveur de la vision fovéale dans une étendue plus grande chez l'enfant (8- 9 ans) que chez l'adulte - explicable en termes de développement pour permettre au développement perceptif de prendre place dans l'aire fovéale d'où suppression corticale de l'information périphérique (Lakowki et Aspinall, 1959). Pour Inhoff (19ô2) l'information est obtenue initialement à partir des mots fixés sans considérer si la présentation fovéale des mots précède ou suit la présentation parafovéale. Mais Rayner et al (1981), dans une expérience originale où une fenêtre visuelle est déplacée sur le texte à lire, synchroniquement aux mouvements des yeux du lecteur, montrent que la plupart de l'information nécessaire à la lecture est acquise durant les 50 premières millisecondes de la fixation de l'oeil, l'information de la vision parafovéale étant obtenue après celle de la vision fovéale. Les mouvements oculaires peuvent- ils mieux traduire un effet d'asymétrie ?

 

B - Les mouvements oculaires

Les mouvements oculaires latéraux volontaire., accroissent l'éveil de l'hémisphère contralatéral, mais l'effet n'est observé que chez des droitiers (Gross et al, 1978 ; Tucker et Suib, 1978). Cela est contesté par Gur et Gur (1977), Berg et Harris (1980), Ehrlichman et Weinberger in Corballis (1980), Reisberg et al (1981).

L'activité oculaire peut être étudiée en tant que manifestation mesurable des processus intellectuels tactiques d'exploration (recherches soviétiques sur le jeu d'échecs), comme processus actif actualisant des projets (Levy- Sehoen, 1972 b).

Nais Blanc- Garin 0974 , relatant des analyses de situations des jeux d'échecs, montre que ni les trajets des mouvements oculaires, ni les verbalisations des stratégies ne peuven différencier les débutants des joueurs de haut niveau ; ce qui différencie le mieux les deux populatior5est l'aptitude à extraire rapidement e t à rén;oriser de multiples relations spatiales, à soumettre celles- ci à des opérations mentales ; les activités de ce type ne sont pas transcrites dans les trajets oculomoteurs : elles s'exercent sur des données sensorielles mais sort de nature cognitive et s'effectuent sans dépense motrice.

L'étude de l'exploration oculaire, malgré l'utilisation d'appareils de plus en plus perfectionnés (Baudonnière, Pêcheux, Taranrie, 1978), n'est donc pas un moyen privilégié de connaître l'activité cognitive déployée par le sujet percevant (Mounoud, 1971- 72 ; Noal,1978 ), la focalisation de l'attention n'impliquant pas nécessairement un déplacement du regard (Pynte, 1977 ; Hiscock et Bergstrom, 1901 ).

N ous avons signalé cette possibilité d'analyse de la composante perceptive car nous proposons un test de mémorisation de formes à observer pendant cinq secondes. Il aurait été peut être intéressant de confronter les résultats obtenus au test tachistoscopique avec l'analyse des mouvements oculaires lors du test de mémorisation. Nous avons préféré y renoncer étant donné la durée test (5 secondes) et surtout la lourdeur de mise en place et de réglage de l'appareil dont nous disposons.

Le test de présentation de formes se fera dans le champ central de vision, en vision binoculaire.

La vision binoculaire exige, au niveau fonctionnel, la coordination..volontaire des yeux dans un acte de convergence. Elle est liée aux comportements moteurs : motricité générale, coordination oeil-main, posture, sens de l'équilibre, comportements réflexes visu-oauditifs- tactiles.

La binocularité est une mise en relation de phénomènes essentiellement corticaux. La perception, phénomène psychique, fait un choix. Elle tire parti des images qui lui sont offertes par chacun des deux yeux. "Il y a une faculté de fusion innée susceptible d'être développée" (Bonamour, 1970, p. 807).

Mais décussation optique, frontalisation des yeux, développement de la motricité oculaire vont de pair. "Au cours du développement phylogénétique en même temps que la convergence des yeux installe le champ de vision binoculaire, apparaît le faisceau direct des fibres nerveuses, intimement lié à la vision binoculaire" (Bonamour, 1970, p.806).

Pour  Hubel et Wiesel (10701 p. ï,5) , la propriété de binocularité, le développement des connexions s'effectue après la naissance, le système de dominance oculaire étant apparemment tout à fait indépendant du système d'orientation.

La "fovea centralis" ne serait myélinisée qu'à six mois d'après Koupernik- et une fovéa directrice serait la dernière à se mettre en place.

La fusion. est l'aboutissement de la centration des deux yeux sur l'objet de fixation, de la vision simultanée et des variations de vergence. C'est le "désir de fusion" qui permet de qualifier l'utilisation optimale des mécanismes de convergence.

 

C La convergence oculaire

La convergence a pour fonction dynamique de diriger les axes visuels sur les points fixés afin que les images de ces points se forment exactement au centre de chaque fovéa. Les images alors fusionnent et la vision binoculaire est simple.

Nous ne passerons pas en revue les différents niveaux de convergence. Nous ne considérerons que la convergence volontaire et nous allons tenter de justifier notre choix.

Si la notion d'hémichamp visuel a été très utile et continue de l'être pour comprendre les mécanismes de la vision, son importance est devenue telle qu'il faut bien la considérer comme excessive. Elle a fait de la vision un acte pratiquement monoculaire dans la mesure où les rétines concernées par les hémichamps visuels n'ont pas besoin d'être solidaires Les mouvements de version très souvent automatiques et réflexes dont elles dépendent, les placent dans des positions d'alignement adéquates sans intervention volontaire du sujet "percevant".

Or la frontalisation des orbites, chez les primates et plus particulièrement chez l'homme, rend les deux yeux solidaires l'un de l'autre dans les mouvements de convergence. La vision exige une focalisation précise et permanente pour une visuelle correcte et s'accompagne d'une fovéalisation.

C'est parce que toute prise d'information, à partir d'un texte écrit (ou dessiné) , exige une focalisation, donc utilisation de la rétine fovéale ou périfovéale, que nous avons décidé d'expérimenter en vision binoculaire et de près.

Tous les tests seront passés en vision de près, l'accomodation étant fixée instinctivement à 0,40 m,:, elle ne devrait pas intervenir dans les mécanismes de vision, en particulier ne pas entrer en interférence active avec le phénomène de convergence.

Les travaux de Kimura (1967), Bryden (1969) ont montré l'importance de la compétition de l'input pour découvrir l'asymétrie hémisphérique. Nachshon et Carmon (1975) ne découvrent une supériorité hémisphérique gauche dans la reconnaissance de matériel verbal que lorsque les deux hémisphères sont concernés simultanément.

Si une asymétrie existe, il faudra la déterminer à partir de l'utilisation simultanée des 2 yeux en position de convergence comme nous l'avons fait pour le test d'asymétrie comportementale motrice à partir de l'utilisation simultanée des deux mains, pour une même tâche.

Il reste à mettre cette asymétrie en évidence.

Nous utiliserons pour cela le test classique de convergence permettant de déterminer la position du punctum proximum de convergence (P.P.C). Mais le P.P.C ne nous intéressera qu'accessoirement, c'est l'oeil qui continue la fixation après bris du premier que nous déclarerons prévalent en convergence. (cf. livret annexe).

Comment justifier cette prise de position ?

Pour nous, l'asymétrie de convergence ne serait qu'un effet d'une asymétrie plus centrale, qu'un indicateur de fait de spécialisation, l'attention sélective dévelo~rpée au niveau d'un hérisphère se traduisant par l'émergence de l'asymétrie au plan. de la convergence oculaire.

Ce phénomène d'attention sélective comme fait de nature dynamique dans la vision, a été signalé par Sampson et Horrocks (1978), Larmande et Cambier (1981), Navon (1981 - pour la perception).-

Il est contesté bar Boles (19'70) dont trois expériences n'ont pu répliquer les résuîtats obtenus par d'autres auteurs à partir d'une hypothèse de biais attentionnel. Mais il exige du sujet la fixation centrale d'un point alors que le stimulus est projeté dans l'hémi- champ visuel droit ou gauche et l'utilisation d'un doigt de la main gauche pour appuyer sur une clé gauche et celle d'un doigt. de la main droite pour appuyer sur une clé droite. Peut- on parler dans ce cas de fait attentionnel ou de déplacerent alternant de l'attention ?

Treisman (1982) remarque que l'on peut focaliser l'attention soit vers un item à partir de ses traits distinctifs, soit vers un groupe d'items préalablement réunis.

La projection en champ central étant idéale pour éviter les déplacements d'attention : le sujet s'attend à voir le stimulus toujours au même endroit ; la convergence binoculaire s'effectuant au niveau du cortex cérébral (Meulders et Boisacq- Schepens, 19'7'7 ; Luria, 19715) et étant une acquisition phylogénétique récente parallèle au développement du cortex, nous émettrons l'hypothèse que l'attention sélective développée dans la tâche tachistoscopique pourrait être générée par le même hémisphère qui commande l'acte de convergence dans le test que nous venons de décrire.

Nous considérerons donc que ce test ( test du PPC) passé dans les conditions d'utilisation simultanée des deux yeux reflète une asymétrie comportementale visuelle traduisant une asymétrie de comportement hémisphérique.

L'hypothèse émise ne pourra être confirmée qu' à partir d'autres indices que nous développerons dans le chapitre V.

 

D. La vision binoculaire

Le phénomène de rivalité binoculaire comme réponse corticale n'a pas lieu d'être étudié ici. La performance binoculaire est reconnue supérieure à celle d'une tâche monoculaire (Sampson, 1978 ; Blake-Overton et al, 1981 ; Jones et Lee, 1981), la sensibilité apparaissant affaiblie dans l'oeil inhibé mais cette sensibilité résiduelle de l'oeil étant intégrée à la sensibilité normale de l'oeil dominant (Westendorf et al, 1982),

C'est de l'utilisation normale des deux yeux, ou d'un seul oeil éventuellement, que nous nous occuperons. En effet, un sujet peut très bien présenter un effet de suppression oculaire sans que cela soit évident dans l'acte visuel quotidien. Au plan de l'acte opératoire très simple que constitue notre test tachistoscopique, cela a- t- il. une importance ? C'est la question que nous nous sommes posée.

Pour vérifier si le sujet utilise un oeil ou les deux yeux en vision normale, un test stéréoscopique a été proposé (cf. livret annexe). L'analyse en sera faite dans le chapitre V.

1.3 Les tests proposés : récapitulation

Nous sommes conscients du danger que représente une schématisation excessive lorsqu'on sait combien sont imbriqués les phénomènes. Mais nous avons voulu marquer une séparation nette entre ce que nous considérons, dans l'acte visuel, comme dépendant de la composante motrice et comme dépendant de la composante perceptive. Les tests proposés seront différenciés en fonction de cette distinction.

Nous avons aussi adapté nos tests aux conditions de l'expérimentation, que nous n'avons pas voulues trop éloignées des conditions rencontrées dans toute tâche cognitive : vision de près, binoculaire, en champ fovéal ou périfovéal.

La vision binoculaire convergente nous parait nécessaire pour faire apparaître une asymétrie perceptive : la dominance oculaire est très tardive, la fovéa directrice étant la dernière à se mettre en place ;, avec la convergence se développe le faisceau direct des fibres nerveuses alors qu'elles étaient originellement croisées.

L'hypothèse émise concernant le test de convergence est qu'il pourrait traduire, pour une tâche visuelle, un effet d'attention sélective hémisphérique.

Dans cette optique, la fovéa de l'oeil prévalent se réglerait en fonction de la "demande" hémisphérique qui se traduirait par une attente d'information dans le but, avant tout, d'un traitement, d'une "intériorisation" des données et non dans le but d'une extériorisation réflexe sous forme de réaction musculaire.

Reprenant ce que nous avons noté chapitre II, nous préciserons que les résultats au test peuvent être sujets à variations, l'asymétrie devant être déterminée avant et après toute tâche cognitive.

Pour conclure

a) les tests seront passés

- avec verres correcteurs éventuellement (acuité visuelle contrôlée) ;
- en vision de près (accomodation instinctive à 0,40 m) ;
- en vision binoculaire avec présentation des stimuli dans le champ central ;

b) les tests détermineront

- une prévalence motrice : oeil directeur ;
- une asymétrie comportementale visuelle : oeil prévalent en convergence ;
- un niveau de stéréoscopie : utilisation des deux yeux, ou d'un seul oeil dans certains cas.

A partir du test d'asymétrie, il sera défini des sujets à oeil droit ou gauche prévalent, en convergence ou à ambiocularité de convergence.

Pour Bryden (1973, p. 432), la dominance hémisphérique n'interviendrait pas s'agissant de "dominance " de l'oeil qui se situerait à un niveau plus périphérique (ce que nous appelons "l'oeil directeur") . Mais cette "dominance" oculaire pourrait être en rapport avec la latéralisation hémisphérique : la latéraIité visuelle pourrait refléter un composant de latéralité de la parole différent de l'écoute dichotique, ou une perception asymétrique du cortex visuel qui ne serait pas en rapport avec les processus de la parole.

Ce problème fera l'objet de la deuxième partie du chapitre consacrée aux asymétries comportementales auditives.

 

2. Les asymétries comportementales auditives

 

Il a été signalé, chapitre II, le rôle que pouvait jouer la verbalisation implicite dans la perception de stimuli visuels latéralisés.

En ne demandant une verbalisation explicite qu'à la fin du test, il était possible d'approcher le rôle de la parole intérieure dans la fonction perceptive. En effet, si une verbalisation subvocale a eu lieu, elle a servi uniquement au processus perceptif et les réponses déclaratives du sujet, au moment de la rétrospection, ont plus de chances de correspondre à ce qui a été réellement réalisé que ne le feraient des réponses concernant des processus impliquant la parole.

Il y a donc lieu de noter, dès l'abord cette distinction entre verbalisations implicite et explicite pour la répercuter dans la suite, au plan auditif.

2.1 Langage implicite et identifications perceptives

Verbaliser fait référence a l'utilisation du langage. mais le langage peut être considéré

a) comme un moyen de communication sociale ;
b) comme un réservoir de capacités (complexes d'aptitudes et de résultats d'apprentissage) ;
c) comme un ensemble instrumental utilisable pour organiser et planifier l'activité (motrice, perceptive, intellectuelle) - (champagnol et Duquerray, 1972).

C'est ce dernier aspect oui nous intéresse.

La parole subvocale est capable de médiatiser une réponse cognitive : le complexe stimulus - auditif - proprioceptif est considéré comme le médiateur le plus stable dans l'ensemble arbitraire de symboles que l'organisme rencontre lorsqu'il apprend à lire, lorsqu'il associe un ensemble de symboles visuels à une réponse vocale. Le stimulus visuel suffira ensuite, mais le circuit auditivo-proprioceptif pourra être réactivé lorsqu'une complexité surgira (Hardyck et Petrinovick, 1970). Cette activité orale silencieuse a été étudiée par Mc Guiguan et Rodier, 1968 ; Locke, 1971 ; Leroy- Bovisson, 1964 - intériorisation de la lecture ; Anderson, 1982.

Hardyck, Petrinovich et Ellsworth (1966) ont analysé cette subvocalisation en enregistrant les électromyogrammes des muscles du larynx et l'ont bloquée par l'intermédiaire de feed- backs auditifs.

Le langage intérieur a surtout été étudié par Vv~?ots'ci (i934), (cf. Oléron, 1972 ; Bronckart 1977 ; Herren et Dietrich, 197; ; Luria 1978).

Au début, exclusivement mode de communication avec les adultes le langage est externe dans sa forme et sa fonction. Plus tard, il acouiert, en plus, une fonction interne et personnelle (langage égocentrique de Piaget, 1956), enfin il s'intériorise complètement et devient la pensée.

Nous retiendrons deux modalités dans l'intervention du langage intérieur.

La première renvoie à une utilisation instrumentale, la deuxième a trait à l'appréhension du successif.

Le langage est système de représentation de la pensée (Stréri, 1981). Le rôle des "étiquettes verbales" dans la discrimination et l'assimilation, pour produire ou modeler une certaine connaissance ou une certaine représentation a été souligné par Oléron (1972) qui fait un large tour d'horizon de la question, par Herren et Dietrich, 1977, p. 204, qui le nomment codage lexical ou taxinomique ; Luria, 1978 ; Noizet, 1980. Tout Usage du langage qui décrit une situation perçue ou vécue est un codage (Oléron, 1972) "Ce codage a valeur instrumentale puisque la forme verbale plus maniable, discriminante ou catégorisante, plus facile à mémoriser et à évoquer permet de surmonter les ambiguités ou les complexités de certaines situations" (p. 140). Les types de codage analysés par Haber (in Kail, 1972- 73) correspondent à un codage d'objet (description du stimulus) ou de ses dimensions (description en termes d'opposition binaire.)

Pour Noizet (1980, p. 48). la dénomination implicite intervient lors du traitement du stimulus qui semble davantage modifié par cette dénomination que ne l'est la programmation de la réponse. Le langage en tant que système représentatif pour les schématisations d'origine perceptive est moins lié aux configurations perceptives que les autres systèmes (imitation, Jeu symbolique, image mentale) Deleau (1978). Le verbal implicite joue le rôle de médiateur (Piaget, 1976, p. 72) mais demeure beaucoup plus socialisé, quoique intérieur, que l'image. Il conserve toujours une tendance à s'extérioriser, il reste toujours l'esquisse d'une parole extérieure possible. Cléron (1972) note l'aspect instrumental comme moyen mis en oeuvre à partir des possibilités développées par le sujet notamment quand l'infrastructure perceptivo- motrice est sinon insuffisante, du moins déficiente. "Cette intervention instrumentale est une possibilité ouverte par la capacité de langage et la maîtrise d'une langue (Noizet, 1980).

2 - Il est difficile, à nos yeux, de distinguer dans l'identification perceptive ce qui revient au codage (recherche d'indices) de ce qui revient à une analyse de la forme (recherche de relation intra.- figurales). Et dans cette analyse, ce qui revient au "successif" dans la construction d'un modèle intériorisé disponible où prévalent "des inductions réciproques entre l'organisation des informations recueillies" (Yerren et Dietrich, 10,77, p. 207). Le rôle du schématisme sensori- moteur y est prépondérant par le jeu des énumérations verbales intériorisées et celui des processus rétroactifs et anticipateurs dans l'effort particulier d'abstraction (Piaget, 1976, p. 246).

Wallon soulignait déjà la fonction du langage de distribuer dans le temps ce qui se présente comme une simple intuition momentanée, d'organiser la durée et distribuer devant soi non seulement les choses mais encore les moments de la pensée (1970, p. 195 et sq). Luria (1978, p. 246 et sq) reconnaît au langage intérieur le pouvoir de prendre part au mouvement de flux et de reflux de la pensée pour parvenir à la totalité de ce qu'il faut dire, puis le contracter en un schéma significatif bref. Déroulement d'un projet, "contraction" des structures verbales sont des processus dynamiques de la parole intérieure.

Dès 1923, Vars Woerkom (Puel et al, 1982) soulignait "la nécessité d'un processus d'organisation spatiale et temporelle qui devance l'usage des symboles et peut être atteint primitivement par la maladie (notions d'espace et de temps considérées comme atteintes dans l'aphasie".

Cette succession, ce découpage temporels se retrouvent dans les gestes, y compris dans le langage gestuel des sourds. Klima et Bellugi, (1978) expliquent les lapsus gestuels (dans 66% des cas) par la substitution d'une seule valeur paramétrique preuve que le signe utilisé par le sourd n'est pas un tout indivisible mais qu'il possède une structure interne.

Oléron (1972, p. 115) note les performances inférieures des enfants sourds par rapport aux entendants même avec des matériels non significatifs et non dénommables et cela d'autant plus que les figures sont difficiles à analyser. "On ne peut dans ces cas exclure des aspects d'organisation relativement primaires. On pourrait être tenté de les rattacher à l'organisation du champ auditif ou de la parole, en pensant à des effets de transfert soit intersensoriels (de l'audition à la vue) soit concernant le passage du plan de l'expression (qui intervient lorsqu'on construit un mot ou une phrase à partir de ses éléments) au plan de l'appréhension de la combinaison d'éléments offerts à la vue". Nous retrouverons ce point de vue lors de la recherche de détermination des asymétries comportementales auditives mais auparavant posons la question de l'existence de ces asymétries.

2.2 Latéralisation des processus auditifs

Chez l'homme, les voies auditives croisées sont plus puissantes ou plus nombreuses que les voies directes et le lobe temporal gauche joue un rôle plus important que le droit dans la perception du matériel verbal articulé. La préférence manuelle n'intervient pas, l'oreille opposée à l'hémisphère dominant a une meilleure performance. L'avantage peut être constaté en présentation monaurale et même lors de l'écoute normale (Kimura, 1978).

L'avantage de l'oreille droite (langage latéralisé à gauche test d'écoute dichotique) a été souvent signalé : Perl et Haggard (1974) ; Axelrod et al (1977, pour le traitement des mots en tant qu'unités mais non en tant que fragments) ; Allen et Hagard (1978, pour les consonnes), Geffen et Traub (1980) ; Milberg et al (1981, l'activité subvocale contribuant à l'avantage en affectant le biais attentionnel) ; Aman et al (1981, pour le Kanji, écriture idéographique empruntée au chinois, mieux perçue dans l'hémichamp visuel gauche, donc par l'hémisphère droit) ; Soares (1982, qui constate un égal degré de dominance chez les sujets bilingues et chez ceux qui ne parlent qu'une seule langue).

Tzavaras, Eanrinis et Gatzayas (191) notent un avantage oreille droite chez des sujets analphabètes supérieurà celui des sujets contrôle (éducation normale).

Pour eux, "l'acquisition de 1a lecture et de l'écriture a pour résultat une représentation bihémisphérique des stratégies pour la solution de quelques problèmes du langage".

L'hémisphère droit possède des capacités linguistiques. Ce ne sont pas les mêmes aspects du comportement linguistique que gouverneraient respectivement l'hémisphère gauche et l'hémisphére droit (Lecours, 1980). Searleman (1977) estime que l'hémisphére droit pourrait intervenir dans la compréhension de la parole alors que la production orale et l'expression écrite dépendraient de l'hémisphère gauche. Un individu pourrait ne pas être fort dominant hémisphère gauche pour le langage dans tous les ensembles possibles de stimulus (Friedman et Campbell Polson, 1982).

Pour un grand nombre d'aphasiques le langage persistant est sous la dépendance de l'hémisphère droit mais son expression n'a jamais la valeur d'un langage propositionnel : elle reste stéréotypée, répétitive, écholalique (Cambier et al, 1980, 1983).

L'avantage de l'oreille gauche => hémisphère droit pour des tâches verbale et non verbale est constatée chez des patients avec agénésie du corps calleux (Lassonde et al, 1981). Hecaen (1977) le relève aussi dans la description du comportement de "l'enfant- loup" de Los Angeles.

Le test d'écoute dichotique non verbal met les deux hémisphères cérébraux en situation d'égalité (Larmande et al, 1983), l'hémisphère droit s'avérant légèrement supérieur lorsque l'hémisphère gauche est engagé dans une tâche concomittante telle que la verbalisation interne (Rizzolati et al., 1978).

Le système auditif est médiocrement développé chez les primates mais le cortex auditif a pris une grande extension, notamment chez l'homme, avec l'apparition du langage.

L'homme peut développer une attention hémisphérique qui améliore ainsi la performance de la voie auditive priviIégiée (Botte, 1979 ; Bentin, 1981 ; Sprincer, 1981, p. 74 ; Dean et :al., 1982).

L'effet de caractéristiques temporelles différentes a été peu étudié. Seuls Wright et al, 1974 ; Leek et Brandt, 1983, font référence.

Le test d'écoute dichotique se révèle fidèle, Eling et al (1981) l'ont vérifié sur une population d'adultes et d'enfants et relativement juste, puisque Geffen et Caudrey (1981) n'ont trouvé que 4% de désaccord et 16 % de bilatéralisation à partir d'un contrôle effectué avec d'autres tests (test de Wada, injection intra- carotidienne unilatérale d'amobarbital) ou test de dysphasie à la suite d'un électrochoc unilatéral.

C'est par rapport aux aptitudes linguistiques que se situe le relevé qui vient d'être fait, même lorsqu'il concerne des tâches non verbales.

Un autre point de vue peut être envisagé : celui du mode de traitement particulier à chaque hémisphère, global et synthétique pour l'hémisphère droit, séquentiel et analytique pour l'hémisphère gauche.

C'est une autre approche des asymétries auditives qui sera ainsi tentée.

 

2.3 Détermination des asymétries auditives

La présentation des stimuli pendant 25 ms empêche tout franchissement du corps calleux par l'information durant cette présentation. L'accès direct à un hémisphère est un processus sensoriel. Une identification doit suivre qui appréhendera la forme soit de manière globale, soit de manière plus analytique. C'est là qu'intervient le langage intérieur.

L'analyse du rôle de la verbalisation implicite développée paragraphe A insistait :

1. Sur l'aspect instrumental de codage et
2. Sur l'aspect temporel de succession, qu'introduit tout langage dans les processus cognitifs.

La tentative de détermination des asymétries prendra en considération ces deux points de vue. Il sera encore répété, ce que nous avons écrit chapitre II : adapter les tests et la tâche proposée aux particularités des processus oue l'on veut mettre en évidence est un point méthodologique fondamental.

Qu'allons- nous proposer comme tests ?

Comme pour les tests manuels et visuels nous distinguerons deux niveaux : l'un de "direction", l'autre de traitement.

 

A. Test de discrimination séquentielle

Nous commençons par l'étude du deuxième en reprenant les. points 1 et 2 signalés plus haut.

a. Aspect instrumental

Les indices que le sujet doit relever sont simples1 ou le codage se fait globalement ou il fait appel à des traits distinctifs (haut, bas, droite, gauche) ou à des positions relatives (de même côté; etc ...). En aucun cas il ne s'agit d'une fonction linguistique éminer;r.ent développée. Nous éviterons donc tout test linguistique porteur de sens, car un hémisphère activé par une activitF, linguistique peut ne pas l'être avec une activité exigeant une verbalisation implicite sur du matériel neutre (bruit par exemple).

 

b. Aspect successif temporel

Deux points sont à envisager : le mode de traitement spécifique à chaque hémisphère et l'attention sélective.

Celle- ci paraît être une composante fondamentale du fonctionnement cérébral. Nous la mettrons à l'épreuve en fournissant l'information aux deux voies auditives mais en privilégiant un canal (cf. livret annexe).

L'information apportée à une oreille peut être entendue par l'autre. On se rapproche ainsi des conditions normales de réception des messages alors que la mise en compétition simultanée des deux voies auditives est quelque chose d'artificiel ou du moins d'exceptionnel dans la vie quotidienne.

Le mode de traitement spécifique à chaque hémisphère a conditionné la mise au point du test que nous avons appelé de "discrimination séquentielle" 2 . Il est partiellement inspiré du test TFT de Leipp.

L'auditif est par essence temporel. Pour nous rapprocher du test spatial, saisi aussi bien - localement qu'analytiquement, nous avons demandé à un acousticien un test, auditif à base de clics (test non linguistique, cf. supra) qui pourrait, lui aussi, être traité soit globalement, soit séquentiellement selon les sujets.

Notre hypothèse :

le traitement spécifique à un hémisphère cérébral sera utilisé aussi bien pour les données spatiales visuelles que pour les données temporelles auditives, dans les conditions très précises de passation qui ont déjà été fixées

Le test proposé est un test de comptage : il est envoyé à une oreille des bouffées de clics comprenant chacune 2 ; 3 ; 4 ; 5 clics. L'intervalle de temps entre les clics, nul au départ, s'accroît de 15 millisecondes2 à chaque bouffée. Le sujet doit donner le nombre de clics que contient chaque bouffée, le nombre restant constant pour une passation. Il n'a pas la possibilité de verbaliser à haute voix.

Le nombre d'intervalles égaux à 15 ms qui ont été nécessaires pour la découverte du résultat à partir d'une oreille est comparé à celui obtenu sur l'autre oreille.

Est déclarée prévalente la voie auditive 1a plus rapide.

Nous émettons l'hypothèse que cette voie auditive privilégiée met en relation la structure sonore avec l'hémisphère cérébral le plus apte à assurer le traitement de l'information.

Le résultat a valeur de constat. Il ne nous est pas possible de dire si le nombre de clics à l'intérieur d'une bouffée a été saisi globalement ou si une tentative de comptage a été faite. Les latences enregistrées n'ont pas pu nous renseigner: tel sujet appréhendant globalement peut être lent, tel autre rapide en saisie séquentielle.

Nous nous contenterons de noter, pour chaque sujet particulier, la prévalence comme indiquant une direction d'asymétrie.

Par exemple, tel sujet plus rapide sur la voie auditive droite sera déclaré à prévalence droite au test de discrimination séquentielle. C'est une prévalence fonctionnelle, spécifique à ce test et susceptible de variations chez certains sujets. C'est la raison pour laquelle ce test a été passé deux fois : avant et après le test tachistoscopique.

Les résultats obtenus (cf. chapitre V) sont encourageants, la voie controlatérale paraissant privilégiée, comme pour le test d'écoute dichotique.

 

B. Test de discrimination sensorielle

C'est le premier niveau, celui de prévalence motrice, auquel nous nous référons. Mais ici il n'est plus question de motricité, les aspects moteurs et auditifs s'étant différenciés au cours de la phylogenèse (Gribenski, 1979).

Peut-on parler d'oreille directrice comme on parle d'oeil directeur Il est bien difficile de répondre. On tend bien l'oreille. Mais c'est la tête ou le corps qui bougent.

Pourtant il existe une oreille directrice et nous sommes d'accord avec Tomatis (1978, p. 152) quand il écrit qu' "avoir une oreille directrice, c'est donc disposer en soi d'une oreille fonctionnellement dominante, c'est reconnaitre à cet organe perceptif une adaptation spéciale qui exige de tout son comportement physiologique des qualités plus spécifiques".

Cette oreille préférentielle est toute désignée pour exécuter des fonctions de contrôle plus particulieres et plus précises.

Comment la mettre en évidence sans utiliser de test linguistique ?

L'acousticien concerné a proposé un test de mesure du seuil différentiel de discrimination pour déterminer laquelle des deux voies auditives4 était la plus fonctionnelle.

(4) "voie auditive" est préféré à "oreille", le processus de différenciation. se situant très probablement au- delà du capteur.

Pour cela, on fait entendre au sujet coiffé d'un casque à écouteurs "ouverts" deux clics, confondus au départ et séparés ensuite par 2 millisecondes toutes les deux secondes.

Il lui est demandé de percevoir la différence par allongement du son (généralement, la différence est perçue avant que les deux clics ne soient nettement distingués).

Il est donc procédé à une analyse du pouvoir séparateur que possèdent les voies auditives, chez un individu donné.

La voie pour laquelle la discrimination a été la plus rapide est déclarée prévalente. Là encore, c'est une direction d'asymétrie que nous mesurons.

Nous émettons l'hypothèse que cette voie préférentielle est celle qui est le glus couramment utilisée par le sujet lorsqu'il est dans les conditions d'attention sélective.

 

Pour conclure :

 

Les asymétries comportementales auditives sont déterminées à deux niveaux

- l'un de "direction" - test de discrimination sensorielle,
- l'autre, beaucoup plus central - test de discrimination séquentielle, avec un matériel neutre, non linguistique, non porteur de sens, les deux oreilles ayant accès à l'information mais l'une des deux étant privilégiée par accès direct.

La direction d'asymétrie décelée au test de discrimination séquentielle sera mise en relation avec l'asymétrie visuelle décelée au test de convergence.

C'est par rapport à ces deux asymétries que l'on comparera les processus cognitifs, mis en oeuvre par les sujets, dans la tâche spatiale proposée.

3. Mémoire sensorielle et systèmes de représentation

La mémoire est une forme d'organisation surtout figurative mais appuyée sur le schématisme entier de l'intelligence (Piaget et lnhelder, 1968 p. 442). Pour Bergson (1953, p. 169) la mémoire du corps, constituée par l'ensemble des systèmes sensori- moteurs que l'habitude a organisés, est une mémoire quasi- instantanée à laquelle la véritable mémoire du passé sert de base. Pour Cléron (1972 p. 161) la mémorisation est un fait primaire qui repose sur des propriétés fondamentales de la matière vivante et du système nerveux.

Pour Lieury (1975, p. 185) les registres sensoriels et la mémoire à court terme précatégorielle sort des systèmes de schèmes sensorimoteurs spécialisés visuels ou auditifs et la "mémoire n'existe pas en réalité et ne représente que 1e temps pendant lequel l'information est codée, programmée par un ensemble de circuits" (p.120).

Dans notre expérimentation, le traitement (identification et complètement de la forme spatiale) se fait à partir de représentations sensorielles ou mentales.

Si la mémoire constitue la traduction ou l'aspect figuratif du schématisme (Piaget et Inhelder, 1968, p. 26), elle forme le lien essentiel qui unit ce schématisme sensori- moteur aux opérations plus élaborées des processus cognitifs. Elle assure donc une transition qui devrait nous éclairer sur le mode opératoire du sujet (défini dans le chapitre 1) en indiquant ce que le sujet conserve de l'information perçue et comment le mécanisme de traitement s'adapte au mécanisme d'encodage.

C'est la raison pour laquelle nous avons intégré cette étude dans ce chapitre sur les asymétries comportementales perceptives.

3.1 Mémoire sensorielle

La présentation des stimuli à 25 ms est trop brève pour qu'il y ait traitement direct. De plus il est exigé du sujet, une réponse rapide. C'est à partir de la trace visuelle que s'effectuera le processus d'identification.

Cette trace est une persistance sensorielle iconique (Di Lollo et Wilson, 1978).

Coltheart (1980) fait la distinction entre "persistances, neurologiques, visibles et d'information". Le terme de mémoire iconique est utilisé pour désigner la persistance d'information. Cette mémoire serait post- catéorielle, arraraissant post- consécutivement à l'identification du stimulus, considérée, elle, comme traitement automatique rapide qui n'exige pas de stockage.

Pour Dick (1974 in Denis, 1079, p. 55) l' icon est le reflet d'un évènement cortical situé au delà du niveau rétinien. mais en deçà des processus de codage impliqués dans l'activité perceptive.

Blanc Garin (1974) estime que lorsq'une réponse rapide est exigée, il n'y a pas de représentation, le sujet utilise l'icone, sauf pour la représentation graphique, alors qu'avec une réponse lente, se forme, comme variable intermédiaire, une représentation figurative, une image spatiale que l'organisme doit élaborer et conserver.

Peut- être certains sujets utilisent- ils une image eidétique - image liée à l'espace visuel - "vue" après retrait du stimulus et persistant après ce retrait, mais dans la majorité descas il s' agit plutôt d'une image sensorielle.L'image consécutive de mémoire est liée au champ rétinien (Denis, 1979). Icone et image consécutive ne peuvent que suivre une stimulation : elles ne peuvent être suscitées ou modifiées par l'attitude ou l'intention du surjet. (Blanc- Garin, 1974, p. 537)

Cette mémoire sensorielle est éphémère : 300 ms d'après Richard (1980). L'information stockée provisoirement est ensuite identifiée ou encodée et le résultat de l'opération transféré en mémoire à court terme, ce qui ne va pas sans poser parfois quelques problèmes (Dick, 1969 ; Philipps, 1971 ; Steinheiser, 1971; Beauvois, 1973 ; Lieury, 1975).

Les opérations d'encodage et les traces mnésiques qui en résultent sont fonction de la procédure d'interrogation de la mémoire à laquelle s'attend le sujet (Tiberghien, 1980, p. 508 ; Lecoutre, 1980).

Bisseret (1970, p. 41), différencie la tâche de mémoire pure du traitement de l'information qui utilise la mémoire. Il émet l'hypothése d'une mémoire opérationnelle : mémoire temporaire de données actuelles, organisée et structurée par les processus de travail. Cette mémoire fait partie intégrante de la tâche.

Certains auteurs (Pollack et al, 1959) ont développé la notion de mémoire "circulante" (running memory) : les items récurrents mémorisés remplaçant en mémoire les items anciens.

Nous retiendrons de ces mémoires sensorielles ou opérationnelles ou "circulantes", l'isomorphisme qui existe entre ce qui est mémorisé et ce qui est traité.

C'est au niveau du registre sensoriel et après le codagre iconique, et avant toute réponse, qu'interviendra un codage soit visuel, soit linguistique (Hautekeete, 1978, ; Fraisse, 1980).

3.2 Activités de représentation.

Le stimulus est soit identifié rapidement (registre sensoriel) soit encodé sous forme de représentation imagée ou verbale.

Pour Blanc- Garin (1974), la représentation est un système de traduction, de codage, ce que l'organisme a conservé de l'information après le retrait du stimulus et qu'il pourra utiliser lors d'un contact ultérieur avec un stimulus similaire. C'est un processus qui traduit les éléments du monde extérieur en états internes, pouvant être conservés par l'organisme, évoqués par 1e sujet en l'absence de stimulations, utilisés lors du traitement de nouvelles données.

a) la représentation imagée

L'image est définie par Vurpillot (1972, p. 279) comme un code qui conserve la distribution spatio- temporelle des caractères de l'objet source de stimulation. "C'est au niveau du système central, des analyseurs corticaux,que s'opèrent divers recodages qui transforment ces simples signaux-codés en signaux- images dont la structure est congruente à celle de l'objet".

Mais "la représentation mentale que constitue l'image visuelle n'est plus conçue comme une sorte d'analogue cognitif total du stimulus. Elle correspondrait plutôt à une entité cognitive composite (présentant les caractères structuraux d'une représentation sensorielle) qui serait actualisée dans une construction progressive par la mobilisation successive d'unités de representation plus élémentaires, et qui ne seraient peut-être jamais simultanément présentes dans l'image" (Denis, 1982, p. 143).

Cette construction est primordiale pour Piaget et Inhelder (1966, p. 458) pour qui "l' image constitue l'auxiliaire indispensable au fonctionnement de la pensée en son dynamisme méme mais à condition de demeurer subordonnée à ce mécanisme opératoire qu'elIe ne saurait remplacer et dont elle n'est jamais en fait, que l'expression symbolique plus ou moins déformante ou fidéle". Pour eux, l'image spatiale est la seule dont la forme symbolisante tende à l'isomorphisme réel avec le contenu symbolisé (ibid p. 408).

C'est parce que forme et contenu des images sont homogènes que nous avons choisi pour notre test du matériel spatial à identifier ou transformer.

Une autre raison, non moins importante, est que "l'imagerie mentale et la perception, lorsqu'elles relèvent de la même modalité sensorielle ont bien en commun certains mécanismes cérébraux (*)
(*) cf. effet Perky (1910) in Denis (1979, p. 116) : situation critique quand perception et imagerie concernent la même modalité sensorielle.

Kosslyn, (1980, p. 159), Podgorny et Shepard (1978), Finke et Kurtzman (1981), Bruyer (1982) le reconnaissent aussi.

Si la perception visuelle porte sur des faits élémentaires facilement identifiables et peu nombreux, on peut penser que les images visuelles comporteront les mêmes traits et solliciteront les mêmes circuits, les mêmes mécanismes et le même système. Au delà de la simple analogie fonctionnelle entre processus perceptifs et imaginatifs, hypothèse d'une parenté directe entre deux ensembles de processus susceptibles d'être "servis" par un même système cognitif (voire d'emprunter les mêmes circuits du système nerveux.)" (Denis, 1979, p. 123).

 

Comme conséquences :

1) un même système ne peut "traiter" de façon efficace à la fois une information perceptive et une évocation imagée. "Les images mentales de type visuel ne peuvent occuper dans le cerveau que la place dévolue au traitement de l'information visuelle" (Kosslyn, 1980, p. 152).

- Ce qui oblige à choisir une réponse graphique (ou verbale) plutôt qu'une réponse de choix à faire parmi un ensemble de figures dessinées. Dans ce dernier cas, il n'est plus possible de différencier ce qui, dans les erreurs ou les latences de réponses, concerne le traitement lui- même ou les interférences entre perception et imagerie.

- Ce qui provoquera de nombreuses erreur: de réponses aux items exigeant une transformation opératoire le suiet qui assure une opération spatiale à partir de l'image visuelle "oublie" les traits du stimulus sur lesquels i1 devrait opérer (Goldstein et Fink, 1981).

Ce que Leplat traduit par "le cerveau qui identifie ne peut prendre de décision" (postulat de la voie unique).

2) les travaux de Kosslyn (1980) montrent que le temps nécessaire pour vérifier au cours d'une activité d'imagerie une certaine propriété du stimulus est fonction de la distance physique qui sépare cette propriété du point où le sujet concentrait son attention juste avant de répondre : nous émettons l'hypothèse qu'à partir d'un même stimulus, la différence de latences de réponses, constatée entre une simple identification et une transformation opératoire, rend compte de la difficulté à opérer cette transformation. Nous analyserons ces différences dans le chapitre V.

L'hypothèse de représentation propositionnelle, reprise par Denis (1979, p. 232) ; Mani et Johnson- Laird (1982), a été développée par Kosslyn et Pomerantz (1977).

Lorsque l'encodage ou les capacités de mémoire sont limités, les images visuelles sont représentées par des propositions qui incorporent des relations spatiales variées (e.g. à gauche de, au dessous de, etc ...). A partir de ces représentations abstraites, il est possible de construire ou reconstruire d'autres images. Si le modèle propositionnel est correct, on pourrait établir verbalement des représentations semblables à des perceptions. C'est ce qui a été tenté avec les expèriences de rotation mentale.

Il y aurait deux codes visuels, l'un conservant les informations physiques bidimensionnelles (code de description du stimulus), l'autre dérivant du premier, tridimensionnel (code du "concept" visuel facilement traduisible en code sémantique ou en code nominal) (Hautekeete, 1978).

b) intervention du langage

Si les codes de mémoire verbale et imagée sont indépendants et additifs dans leurs effets sur le rappel (Faivio et Csano, 1973), on ne peut jamais attribuer les effets observés à la seule intervention du langage : la part du visuel y est difficile à déterminer.

La mémoire pour les formes simples implique une représentation visuelle même lorsque les formes sont décrites verbalement (Murphy and Hutchinson, 1982), le traitement des traits sensoriels précédant l'analyse sémantique (Cermak et Craik, 1979 ; Pynte, 1979 ; Kershner et al, 1979),

L'activité subvocale facilite la perception, la séquence des actes perceptifs correspondant structurellement à la séquence articulatoire (Pynte, 1977).

Ce sont les stockages successifs dans des mémoires de plus en plus abstraites, qui accentuent le rôle de la verbalisation (Noizet, 1980, p. 34 et sq). "Dans la dénomination implicite la correspondance s'établit entre un mot (étiquette verbale) et un modèle au sens de forme canonique .... Par l'intermédiaire des étiquettes verbales, la langue agit comme un systéme de réponse et cette action se décrit comme une action en retour sur le processus perceptif lui- même".

C'est à l'âge où les mécanismes formels de la pensée se dégagent du concret qu' il y a utilisation au plus haut point de l'aspect dénotatif et classificatoire de la langue (ibid, p. 82).

Mais l'aide apportée est limitée aux conditions qui réclament un bref emmagasinement (Cremonini et al, 1980). Parfois les formes visuelles sont difficilement codables verbalement (Cléron, 1976), parfois c'est le manque de maitrite de langage intérieur qui est en cause, la représentation imagée servant alors de tremplin pour 1a déduction (Wallon, 1970).

L'enfant peut avoir des difficultés à insérer ses activités verbales implicites dans ses stratégies sensori- motrices : c'est le cas pour les dénominations droite- gauche bien moins souvent employées que haut- bas.

Certains sujets, ayant des difficultés de représentation iconique ou symbolique utilisent une représentation "énactive" [ distinction de Bruner (1967) in Archamband (1975) entre représentation "énactive" (correspondant aux schèmes d'action moteurs), iconique (imagerie mentale), symbolique (conceptualisation et langage)]:

Le doigt se promène dans le vide devant eux et dessine la forme.

Il y a formation d'une image motrice, une imitation de l'objet par l'action sensori- motrice. C'est l'action assimilatrice elle- même qui construit les rapports dont l'image n'est que le symbole. Notre échantillon comprend quelques sujets qui utilisent ce mode de représentation.

Nous allons maintenant étudier s'il existe une latéralisation de ces processus.

 

3.3 Latéralisation des processus de mémorisation

 

L'hypothèse d'une représentation unimodale au niveau du stock mnésique : mémoire verbale en hémisphère gauche et visuelle en hémisphère droit, est avancée par Klatzky et Atkinson (1971), Hecaen (1972b), Deglin 197'7), De Renzi et al (1977), Whitehouse (1981), Bruyer, (1982), Signoret (1983).

Pour Berrini et al (1982) , les asymétries constatées dans les tâches de mémoire tachistoscopique dépendent du stade initial d'encodage du stimulus, de l'hémisphère qui reçoit les entrées.

Nous n' insisterons pas sur ces aspects partticuliers, ils ont été analysés chapitre II.

3.4 Conclusion

Les exigences de la tâche proposée, (temps de présentation très bref, rapidité de réponse), situent les processus, plus ou moins conscients, de représentation et de mémorisation à un niveau sensoriel, pour la plupart des sujets. La détermination de la réponse intervient parallèlement ou immédiatement après.

Pour Changeux (1983 p. 208 et sq), l'image mentale est un objet de mémoire (il existe une parenté neurale, une congruence matérielle entre le percept et l'image de mémoire), la focalisation "interne" de l'attention pouvant se diriger vers cette image de mémoire.

Les processus relèvent du schématisme sensori- moteur.

En cela, la mémoire sensorielle utilise des schémes, lors de la fixation, qui peuvent donner lieu à des reconstructions de la même manière qu'ils ont assuré la structuration lors de cette fixation (Piaget et Inhelder, 1968).

Cette parenté d'action est intéressante lorsqu'on cherche à analyser comment une mémoire sensorielle peut se prolonger en mémoire immédiate à court terme "extériorisable". Si l'introspection porte sur des indices simples, il doitêtre possible d'approcher les processus qui ont déterminé la réponse, à condition de rester dans des limites de temps assez courtes (cinq secondes).

Ajoutons à cela l'importance accordée à l'attention sélective, à la focalisation interne, et nous avons les raisons du choix des deux modalités expérimentales concernant ces processus mémoriels .

1. L' élément isolé [e.g. ( élément isolé ) ] présenté au sujet pour être complété à partir de la forme à deux éléments perçus au tachistoscope, est présenté avant la vision de cette forme.

En donnant à voir cet élément avant, nous avons voulu créer un effet d'ancrage [ "ancre" , relation privilégiée entre un objet à juger et une échelle de réponse (Noizet, 1980, p. 52).] pour que le sujet "dispose préalablement à l'expérience d'un modèle de référence inscrit dans ses structures perceptives et cognitives (Noizet, 1980, p.53). Il élabore ainsi une hypothèse perceptive qui agira en retour sur les premières phases du traitenent perceptif. C'est un choix délibéré que nous avons fait et qui, en focalisant l'attention, introduit, par la procédure particulière engagée, des modalités de traitement - donc certaines conditions de réponse- qui ne seraient peut- être pas les mêmes si la tâche n'exigeait pas cet encodage préalable.

Cette façon. de procéder ne nous paraît pas artificielle. Dans de nombreuses tâches cognitives, une hypothèse perceptive est engagée, la lecture par exemple, grâce à la vision périphérique qui anticipe, pourrait en constituer un excellent exemple.

Comment une mérmoire sensorielle peut- elle s'extêrioriser en mémoire immédiate à court- terme ?

Quel rôle peuvent jouer les prévalences latérales dans cette mémorisation, oeil directeur notamment, puisque dans ce cas des déplacements du regard seront possibles pour la prise d'information ?

Pour que le schématisme sensori-moteur puisse intervenir dans le même sens, pour que l'introspection concernant cette mémorisation puisse faire appel aux mêmes indices que ceux enregistrés pour le test au tachistoscope, il fallait trouver des formes présentant des similitudes assez poussées avec les formes utilisées dans ce dernier test et surtout proposant les mêmes structurations droite- gauche et haut- bas.

Ces formes ne devaient pes être trop simples puisque cinq secondes d'observation permettent une analyse assez poussée, même chez de jeunes sujets.

Nous nous sommes inspiré du test VRT de Benton (1963- 1965) pour créer huit ensembles d'items que le sujet doit reproduire immédiatement après l'observation (cf. fig. 9 et annexe) [une étude sur la signification diagnostique de certaines erreurs de reproduction à ce test a été faite par Poitrenaud et Barrère (1972). ]

exemple d'item proposé en mémorisation.

Certains sujets appréhendent l'ensemble sous forme de représentation visuelle globale, d'autres introduisent des relkations propositionnelles (e.g. en bas, à droite, du même côté).

Il sera noté l'exactitude de la réponse mais aussi et surtout le temps de latence des réponses qui nous paraît être un critère très pertinent de la qualité des processus de mémorisation.

 

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Psychosonique Yogathérapie Psychanalyse & Psychothérapie Dynamique des groupes Eléments Personnels

© Copyright Bernard AURIOL (email : )

16 Novembre 2007

 

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1) Exemple de forme proposée : - test tachistoscopique

(2) le terme "séquentiel" est peut- être mal choisi. I1 se réfère ici au mode de présentation des données sonores mais peut être interprété comme mode d'approche de ces données. Or la saisie peut- être globale chez certains sujets.

(3) temps choisi pour l'expérimentation, mais il peut varier (cf. livret annexe).